A quoi pouvait bien servir une terrasse, quand on ne projetait ni de s'en jeter, ni de fumer une clope ? Et bien, peut être à réfléchir, mais également à profiter de la vue, du calme des alentours et de l'air frais mais agréable que l'on pouvait y sentir. C'était très précisément pour ces raisons que Jackson s'était rendu sur la terrasse en ce début de soirée. Parce qu'il avait souhaité passer un peu de temps au frais, sans pour autant se fatiguer à marcher dans le parc. Ainsi donc, la terrasse semblait être l'endroit parfait pour trouver le calme auquel il aspirait. Et normalement, à une telle heure, personne n'était censé s'y trouver. Après tout, les gens normaux étaient probablement en train de finir de prendre leur repas. Bon, pas Jackson, puisqu'il n'était pas normal, à la base. Mais ses camarades, si. Ainsi, il y avait de fortes chances pour que le grand blond s'y retrouve seul, ce qui ne serait bien évidemment par pour lui déplaire. Mais en arrivant sur place, il constata bien vite que quelqu'un s'y trouvait déjà. Syssoï. Hm, ça aurait pu être pire, n'est-ce pas ? Ainsi donc, il ne fit pas marche arrière, et alla même se poser aux cotés du candidat, qui se trouvait accouder au rebord de la terrasse. Okay, et maintenant, il lui fallait sans doute dire quelque chose. « Salut » fit-il alors. Oh la vache, quelle surprise. Jackson qui ouvrait la bouche, et Jackson qui saluait son camarade. Mais bon sang, qu'était-il arrivé à ce grand blond ? « Je te cherchais. » reprit-il, en regardant droit devant lui. « Non, en fait, je ne te cherchais pas. Mais disons que tu tombes bien » corrigea-t-il rapidement. Ouais, c'était déjà un peu plus honnête comme déclaration. Bon, après, encore fallait-il comprendre pourquoi Jackson se réjouissait finalement, et d'une certaine manière, de la présence de Syssoï. Mais ça, vous le saurez bien assez tôt.

Une cigarette entre mes lèvres, les yeux rivés sur le parc, le visage qui prend le frais, je laissais la bride large à mes pensées. D’ordinaire j’essaye de les canaliser, de les réduire en nombre pour ne pas suffoquer sous un flot d’informations que je ne souhaite pas, mais de temps en temps, il m’est nécessaire de relâcher la pression, et de vidanger tout ça. Surtout maintenant, surtout quand je prends conscience, finalement, du jeu et de ses enjeux, de tout ce que cela signifie, et la pression qui va avec. C’est éreintant, psychologiquement, émotionnellement, physiquement même. J’ai l’impression de ne pas avoir prit le temps de danser depuis trop de semaine. Ça n’aide pas mon instabilité. Et puis il y a Franckie aussi, qui m’inquiète depuis le départ d’Elvis. Et puis, il y a Gabrielle, que dire de Gabrielle ? J’sais pas. Je préfère pas y penser en fait. J’occulte, donc. Faut que je danse. Oui, c’est décidé, après cette cigarette, j’irais rattraper mes quelques 80h de danse de retard... En attendant, je m’accoude un peu plus au balcon, et laisse mon regard se perdre dans un paysage qu’il ne voit pas vraiment. Derrière moi, un bruit, la porte qui s’ouvre. Je tourne la tête et jette un regard par-dessus mon épaule. Jacko. J’esquisse un sourire fin, avant de retourner à ma contemplation silencieuse. Il s’avance, je le sens à côté de moi, imiter ma position, et opter pour la contemplation silencieuse, lui aussi. Un silence de courte durée, qu’il rompt d’un “salut” qui lui ressemble tellement peu qu’il me fait sourire. Et son “je te cherchais” me tire carrément une expression de surprise. Je tourne un regard perplexe dans sa direction, l’imaginant difficilement arpenter les couloirs et les salles à ma recherche. Il rectifie son affirmation, et alors je comprends. Oui, je comprends qu’il ne me cherchait pas réellement, et je comprends son besoin de me parler. C’est évident non ? Bon, je vais devoir tirer un trait sur ma danse et sur ma tentative de ne pas me pencher sur le cas Gabrielle. « Je suppose que c’est le moment où je suis censé poser une main paternaliste sur ton épaule et t’affirmer solennellement que tu as ma bénédiction, non ? » Je tente un peu d’humour, mais je suis pas sûr que ça ait l’effet escompté. « Je ne suis pas doué pour ce genre de choses. En fait, je suis pas doué pour grand chose socialement parlant, mais t’as pas besoin de mon autorisation, tu sais... » A moins qu’il soit là pour autre chose, enfin qu’il veuille me parler pour autre chose... Je sais pas.

Non, Jackson ne cherchait pas Syssoï. Ce serait mentir que de le prétendre, et techniquement, c'est ce qu'il venait de faire. Pour autant, il ne fallut pas longtemps au grand blond pour se corriger, reprenant en disant plutôt que son camarade tombait bien. Ouais voilà, il tombait bien. Il n'était pas partie à sa recherche, mais était malgré tout tombé sur lui. Pour une fois, le hasard faisait donc bien les choses. Une fois n'est pas coutume, parait-il. Quoi qu'il en soit, à l'instant où Jackson s'était posé aux cotés de son camarade, il avait espéré que celui-ci ne verrait aucun inconvénient à ce qu'il reste ici quelques instants. Après tout, peut être bien que sa présence dérangerait Syssoï. De nombreuses fois, Jackson avait souhaité rester seul, n'être dérangé sous aucun prétexte. Ainsi, il pourrait comprendre qu'il en soit cette fois-ci de même pour son camarade. Ainsi donc, l'anglais s'était préparé à l'éventualité que Syssoï le prie de le laisser tranquille. Mais non, il ne le fit pas. Et même, il s'adressa à son tour à lui. Bon, ça n'était pas plus mal après tout. Mais alors que la réplique du grand brun aurait pu faire sourire n'importe qui, ce ne fut pas le cas de Jackson. En fait, celui-ci était présentement plus mal à l'aise qu'autre chose. Et ça, ça lui arrivait bien souvent ces temps-ci. « En fait, heu ... » Ouais ouais, en gros, il ne savait pas quoi lui répondre. Et pour cause : les mots ne venaient pas. Ou disons qu'ils venaient, mais en désordre. Pas cool pour quelqu'un qui appréciait d'être clair dans ce qu'il pouvait dire. Là, en somme, il ne l'était absolument pas. Syssoï insinua alors que Jackson n'avait pas besoin de son autorisation. Heu, techniquement, c'était bien vrai. Déjà parce qu'aux yeux de Jackson, personne n'appartenait à personne. Mais aussi parce que le grand blond se fichait pas mal de l'opinion des autres, et des interdictions qu'on pouvait lui fixer. La plupart du temps, il s'employait même à les contourner. Mais ici, c'était différent. Pas seulement parce qu'il s'agissait de Gabrielle. Non. Aussi parce qu'il s'agissait de Syssoï. Et croyez bien que Jackson se surprenait lui même à raisonner de cette manière. « Je sais » répondit alors Jackson. Il marqua ensuite une courte pause, avant de reprendre. « Mais je n'ai pas tellement envie de foutre la merde ... pour une fois. » Notez le « pour une fois », qui n'était aucunement anodin de la part de Jackson. Tout simplement parce que c'était Jackson, justement.

Ce qui est compliqué pour un mec qui n’a jamais été amoureux de sa vie, c’est de gérer les relations et émotions qui gravitent autour de ça. J’ai aucune expérience dans le domaine de l’amour, je sais rien de ces sentiments étranges qui m’assaillent, pas plus de la réaction à adopter face à ça. J’ai fait de mon mieux, je pense avoir opté pour la meilleure solution, mais comment savoir ? Rien n’est clair, mais repoussé à plus tard, et ce plus tard me convient parfaitement, parce que, pour l’instant, je ne suis pas prêt, clairement pas. C’est pas pour autant que la situation actuelle s’en trouve simplifiée, loin de là, mais elle est ce qu’il existe de mieux pour tous le monde. Je ferme les yeux, je la met en veilleuse, et le tour est joué. Sauf que c’est difficile de détourner le regard lorsque Jacko se pointe devant moi, clairement détermine à obtenir mon avis. Parce que je ne suis ni con, ni naïf, si je “tombe bien” c’est pas parce qu’il a besoin de mes connaissances en matière de plomberie. Son rapprochement significatif envers Gabrielle, rapprochement que j’ai moi-même initié, et moi-même cautionné, en est la cause. Et c’est justement parce que je l’ai instigué et cautionné, que j’estime qu’il n’a pas à se sentir obligé d’obtenir mon autorisation. Je pense que ça coule déjà de source, non ? Alors je tente de le lui faire comprendre, sans me montrer très clair dans mes paroles, parce que, tout simplement, je ne sais pas faire. Je pense tout de même avoir dit ce qu’il fallait dire, dans le mesure du possible, aussi, je suis surpris lorsqu’il prend la parole à son tour en hésitant, avant de laisser sa phrase en suspens... Heu... Ok. Le silence se distille, et j’imagine presque qu’il va en demeurer ainsi, entre nous, que tout a été dit, et qu’il n’y a rien à ajouter. Sauf que Jacko brise le silence, finalement, avec un «je sais» que je n’espérais plus. Rapidement suivit d’un « Mais je n'ai pas tellement envie de foutre la merde ... pour une fois. » Encore une fois je suis surpris, non pas qu’il soit décidé à ne pas foutre la merde, mais qu’il puisse estimer être apte à la foutre. C’est à mon tour de marquer une pause, tirant allègrement sur ma cigarette, avant de reporter mon attention sur lui. « Tu fous pas la merde, Jacko... » C’est étrange d’utiliser à voix haute le surnom que je lui donne dans ma tête depuis très longtemps... « Ce qu’il existe entre Gabrielle et moi est... Je ne saurais pas comment le décrire, mais disons que ce n’est pas d’actualité. Je ne suis pas celui qu’il lui faut... Pas maintenant. Elle a besoin de toi, tu as besoin d’elle, en quoi est-ce foutre la merde ? » Non, vraiment, je ne vois pas, et je suis sincère. « Je t’ai cédé la place, je t’ai même poussé à t’en ouvrir à elle. J’agis rarement sans réfléchir, tu sais ? Alors je regrette rarement mes décisions. » J’hausse les épaules et lui offre un sourire spontané, bien qu’assez fin encore. Je vais bien, j’vous assure.

Dites vous bien qu'en ce moment, Jackson avait tendance à se surprendre lui même. Et pour cause : nombreuses étaient les choses qu'il faisait alors qu'il n'était tout bonnement pas habitué à les faire d'habitude. A croire que tout ce merdier - cette aventure, si vous préférez - commençait à avoir un drôle d'impact sur lui, sa personnalité, ses faits et gestes. Il ne se reconnaissait plus tellement, et n'était même pas sûr de savoir si cela était une bonne, ou bien une mauvaise chose. Car le Jackson qu'il connaissait, et que les habitants de Londres connaissaient, avait tout du type détestable par excellence. Nous n'irons pas jusqu'à dire qu'il avait une sale réputation là où il vivait mais ... si, en fait, c'était bien le cas. Car cela n'avait échappé à personne que le grand blond se fichait pas mal des autres et ne s'intéressait qu'à sa propre personne. Il était ainsi. Ou du moins, il l'avait été. Car ici, c'était légèrement différent. Jackson avait fait des rencontres. Des rencontres qui l'avaient en partie changé. Et pourtant, il avait été le premier à clamer haut et fort qu'on ne l'y prendrait pas. Au début du jeu, il avait effectivement annoncé qu'il ne se lierait à personne, qu'il ne se prendrait d'affection pour aucun de ces crétins. Et voilà le résultat. A ce jour, il y avait pourtant bel et bien certaines personnes chères à son cœur en ces lieux. Peut être même plus que lui même pouvait s'en douter. Et parmi ces personnes, il y avait bien évidemment Gabrielle. La rousse qui l'avait subjugué le soir du premier prime - bien qu'elle l'ait foutu à l'eau - et qu'il avait apprécié d'avantage au fur et à mesure que les semaines s'étaient écoulées. Et aujourd'hui, il parvenait encore difficilement à s'avouer à lui même ce qu'il pouvait ressentir pour elle. Il le lui avait pourtant avoué, à elle, dans cette fameuse chambre. Mais son esprit à lui avait encore un peu de mal à s'y faire, visiblement. Mais alors, pourquoi se réjouir de trouver Syssoï ce soir ? Pourquoi vouloir en quelques sortes sa bénédiction dans cette histoire pour le moins compliquée ? Il n'en était pas sûr, à vrai dire. Encore une fois, Jackson était amené à agir différemment de d'habitude. Comme il le disait lui même, il ne voulait pas foutre la merde. Car Jackson n'était en rien naïf, et probablement pas idiot non plus. Ainsi, il savait pertinemment que Syssoï et Gabrielle partageaient eux aussi une certaine relation. Et il ne voulait aucunement s'interposer. Parce qu'il ne voulait pas leur faire ça, à tous les deux. Mais tout cela lui faisait mal, en quelques sortes. Mal, parce qu'il en venait petit à petit à penser que, quoi qu'il fasse et quoi qu'il ressente pour la jeune femme, il ne parviendrait jamais à la conquérir entièrement. « Pas maintenant, comme tu dis. Mais un jour sans doute. » C'était en tout cas de la sorte qu'il voyait les choses. Un jour prochain, probablement que Syssoï et Gabrielle vivraient quelque fois de fort. Et lui n'aura finalement été qu'une passade, il le savait pertinemment. Est-ce qu'il en souffrait ? Juste un peu. Juste un peu beaucoup, plutôt. « J'ai besoin d'elle, oui. Mais je doute qu'elle ait vraiment besoin de moi. Je ... Je pourrais lui convenir un certain temps, mais rien de plus. Parce qu'elle n'envisagera jamais quelque chose de véritablement sérieux avec moi, je le sais. Elle espèrera plutôt le vivre avec toi. » La gorge de Jackson s'était tout à coup serrée. Admettre la vérité, ça pouvait faire mal. Et il avait mal, là. Oh oui, très mal. Mais sa dignité le forçait à reprendre. Il le fallait. Il n'était pas faible. Ou si, il l'était. Mais rien ne l'obligeait à le montrer. Alors il ne le montrerait pas. Non. « Je ne la mérite pas. » Ca n'était pas tellement un scoop, à vrai dire. Parce qu'il était certain, et depuis quelques temps déjà, que Gabrielle valait bien mieux que lui. Mais là encore, admettre la vérité pouvait faire mal.

Je me suis montré sincère et honnête, parce qu’il ne peut en être face à Jackson. J’ai du respect pour lui, énormément de respect pour lui, aussi je ne me vois pas lui mentir allégrement en prétendant que je ne ressens absolument rien pour Gabrielle, ou m’inventer une relation proche née d’un quelconque sentiment fraternel. Ce serait idiot et impensable, parce que ce que je ressens pour Gabrielle n’a rien de fraternel, c’est quelque chose de typiquement masculin teinté d’un quelque chose d’autre qui n’a pas de nom, enfin qui n’en a pas pour moi. Alors non, je ne vais pas prétendre un truc aussi débile juste pour faciliter les choses, parce que Jacko mérite qu’on ne le traite pas comme un débile incapable d’agir quand les choses ne sont pas toutes tracées. J’estime qu’il vaut mieux que ça, qu’il mérite d’avoir toutes les cartes en main et de faire son jeu comme il l’entend, sans que je tente d’influencer sa décision finale. A mes yeux, Gaby et lui ont toutes les raisons du monde de s’être rapprochés et de continuer à le faire, mais ce n’est pas à moi d’en décider. C’est à Jackson. Et afin qu’il se décide au mieux pour lui, en son âme et conscient, je lui donne toutes les informations que je possède, le peu d’information -je dois bien l’avouer- puisque je suis assez néophyte dans ce domaine. Lorsqu’il prend la parole, c’est avec une pointe d’amertume que je dénote très clairement dans ses propos. « Pas maintenant, comme tu dis. Mais un jour sans doute. » J’aurais peut être mieux fait de ne pas lâcher ce «pas maintenant», mais j’ai cherché à me montrer honnête, pour une fois. Je parviens tout de même à laisser entendre un « Peut être. » nuançant son “sans doute” qui sonne trop inéluctable à mon oreille, avant qu’il n’ouvre la bouche à nouveau, pour me faire part de son point de vue. Il confirme le fait d’avoir besoin d’elle, mais il doute de ce besoin que Gaby aurait de lui. Pourtant il est là, il existe, et je peux en témoigner. Il prétend n’être qu’une passade dans la vie de la rousse, et ça, je ne peux le contredire, parce qu’à mon sens, c’est ce qu’on est tous, une passade dans la vie des autres. Mais il insiste, rajoutant une couche en prétendant que l’histoire sérieuse qu’elle espère et qu’elle mérite, c’est avec moi qu’elle la veut. Sur ça non plus, je ne peux pas le contredire, tout simplement parce que je ne suis pas dans la tête de Gabrielle, et que j’ai d’ailleurs bien souvent du mal à anticiper ses réactions. Cela dit, ce n’est pas vraiment le propos, ni même ce qu’il devrait retenir de tout ça. Parce qu’aujourd’hui, ce n’est pas avec moi qu’elle est, mais avec lui. Je me dois de lui dire tout ça, de formuler mes idées et mes convictions à voix hautes, mais pour ça, je dois prendre quelques secondes pour moi afin de tout remettre en ordre dans ma tête. Lorsque c’est fait, ou à peu près, je me retrouve coupé par un « Je ne la mérite pas. » qui me reste sur l’estomac. « Dis pas de conneries, s’il te plait. » Ma voix fuse, comme mon propos, simplement parce qu’à mes yeux, il vient de sortir la plus grosse connerie qu’il avait en stock. « Je ne sais pas qui tu étais à l’extérieur, mais je sais qui tu es ici, maintenant. C’est le seul avantage de cette émission, ne pas juger un livre à sa couverture. Tu es arrivés sans couverture, j’ai du lire à l’intérieur pour apprendre à te connaître, et, en ce sens, j’estime te connaître certainement mieux que tout ceux qui ont croisé ta route à l’extérieur. Et crois-moi... Personne ne la mérite, et personne ne la méritera jamais. Mais tu la mérites cent fois plus que moi. Si ce n’était pas le cas, jamais je ne t’aurais laissé approcher d’elle. » Et c’est un fait. J’ai joué les chiens de garde, après avoir joué les propriétaires avec Gabrielle, et personne n’a pu s’approcher d’elle, s’approcher réellement d’elle, sans que je valide au préalable. Alors que dire de ma volonté de le pousser vers Gabrielle ? Il la mérite autant que possible. Evidemment qu’il la mérite. « Peu importe le temps que ça durera, Jackson... Elle peut finir sous un bus demain, rencontrer un autre mec à l’extérieur et en tomber éperdument amoureux, elle peut souffrir d’une maladie altérant sa mémoire et ne plus se souvenir de toi dans un an. Le fait est que vous avez quelque chose à vivre ensemble, et tu peux me croire, elle a autant besoin de toi que tu as besoin d’elle. Je ne suis pas celui qu’il lui faut, ni celui qu’elle veut, sinon elle ne serait pas avec toi. Je suis son partenaire, Cupidon nous a imposé l’un à l’autre... Alors que toi... Qu’est-ce qui l’a poussé vers toi si ce n’est le besoin d’être avec toi ? » Je tire une dernière latte sur mon mégo, et m’apprête à le jeter par-dessus la balustrade avant d’entendre une voix dans ma tête me rabâcher un monologue sur l’écologie et mère nature. Alors je frotte le tout contre la pierre, avant de ranger le mégot froid dans ma poche. Puis je me tourne vers Jacko. « Arrête de te poser tant de question. Fonce. Prends ce qui est à prendre, et profite, qu’importe le temps que ça durera. Si tu es sûr de toi, fonce. » J’en reviens pas que ce soit moi qui dise ça.

Jackson n'en avait pas tellement l'air, mais dites-vous bien qu'il appréciait ce que faisait Syssoï, à cet instant précis. Son camarade semblait vouloir le rassurer, lui faire prendre conscience de certaines choses, alors que Jackson en avait justement terriblement besoin. Parce qu'il doutait beaucoup en ce moment, et au sujet de beaucoup de choses. Et parmi ces choses, il y avait bien évidemment sa relation avec Gabrielle qui, cela n'aura échappé à personne, était devenue particulièrement compliquée. Pour tout vous dire, Jackson n'était même plus certain de pouvoir nommer la dite relation, de savoir ce qu'ils représentaient l'un comme l'autre. Vraiment trop compliquée, oui. Quoi qu'il en soit, Syssoï semblait avoir pour intention d'aider Jackson à y voir plus clair, à se poser moins de questions, à faire face à la vérité. Mais tout cela avait un prix. Car Jackson était désormais persuadé que Gabrielle ne lui appartiendrait jamais complètement, mais qu'elle appartiendrait toujours à Syssoï. Peut être était-ce pessimiste, paranoïaque ou tout simplement idiot de sa part de penser une telle chose, mais c'était plus fort que lui. Car derrière cette force de caractère que Jackson se plaisait à mettre en avant le plus souvent possible, se cachait en vérité quelqu'un d'assez peu sûr de lui, comme ici. A ses yeux, Gabrielle ne l'aimerait jamais autant qu'il pourrait l'aimer, comme il était très probable qu'elle ne l'aime jamais tout court, d'ailleurs. Oui, c'était véritablement ce que pensait Jackson. Ainsi donc, peut être bien qu'un jour Syssoï et Gabrielle seraient amenés à vivre quelque chose. D'après Jackson, c'était presque une évidence, et dites-vous bien que ça ne l'enchantait pas particulièrement. Il appréciait Syssoï, et bien évidemment Gabrielle, et aurait envie de se réjouir pour eux dans le cas de figure ci dessus. Mais, égoïstement, il n'y parviendrait pas. Sans doute parce que ce serait trop dur, trop douloureux, de se réjouir d'une telle chose. Pour lui, oui, ça le serait. Par la suite, Syssoï insinua que ça n'était que connerie de prétendre que Jackson ne méritait pas Gabrielle. Pourtant, c'était bel et bien comme cela que le blond voyait les choses. Non, il ne la méritait pas. Parce qu'elle était trop pure pour lui, trop agréable, trop tout en fait. Et que lui, pauvre petit con qu'il était, ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne pourrait jamais la mériter. Jackson écouta attentivement Syssoï, tout en baissant légèrement la tête. Il ignorait comment était le Jackson de l'extérieur, et c'était tant mieux. Aussi, il était certain de le connaitre désormais. Sans doute avait-il raison. Enfin, prsonne ne méritait Gabrielle. Oui, c'était probable. Mais qu'il estime que Jackson la méritait plus que lui, c'était pour le moins étonnant. Syssoï reprit ensuite, en insistant sur le fait que Gabrielle et Jackson avaient bel et bien quelque chose à vivre ensemble. Là, le grand blond releva doucement la tête, cherchant le regard de son camarade. « J'ai peur. Peur qu'elle se soit rapprochée de moi par dépit, ou pire, par pitié. J'aimerais me persuader qu'elle l'a fait sincèrement, parce qu'elle tient véritablement à moi. Mais j'ai du mal. Parce qu'il y a bien longtemps que personne n'a plus été sincère avec moi de ce coté-là. » Jackson détourna son regard de son camarade pour le placer sur l'horizon. De multiples questions fusaient dans sa tête, à cet instant précis. Car tout cela était d'une complexité étourdissante. Et lui, il n'était pas - ou plus - habitué à vivre ce genre de choses. Syssoï lui conseilla de foncer. De foncer s'il était sûr de lui. « Je suis sûr de moi, mais je ne veux pas souffrir. Elle sait que je ne peux plus me passer d'elle, que j'y tiens énormément ... » Jackson marqua une courte pause, puis reprit. « ... que je l'aime. Je veux être avec elle. Je ne veux pas souffrir, mais je veux être avec elle. Parce que maintenant qu'elle est entrée dans ma vie, je ne veux plus qu'elle en ressorte ... C'est idiot. » En d'autres termes, Jackson était possédé par l'esprit d'un bisounours. Flippant.

Je ne sais pas trop ce que je fous là, pas plus que je ne comprends la décision de Jackson de venir me parler pour finalement obtenir des conseils. C’est comme si j’étais devenu le conseiller conjugal du nid. Risible à souhait. Encore plus lorsqu’il s’agit de conseiller le blond pour aller gagner un coeur que j’estime m’appartenir. On ne va pas se mentir, Gabrielle est à moi depuis le premier soir, depuis ce mouton qu’il a tenté de faire sortir de sa cage. Ou alors est-ce moi qui suis à elle ? Qu’importe. Je suis sincère lorsque je pousse Jackson à s’en ouvrir à Gabrielle, à se laisser aller avec elle, sans se poser de question parce que... Finalement, combien de temps avons nous a passer avec les gens qu’on aime ? Trop peu. Autant en profiter à fond. Je sais que je ne suis pas celui qu’il faut à Gaby, et j’estime, à juste titre, je l’espère, que Jackson est cet homme. Il paraît qu’au cours de notre vie, nos diverses relations amoureuses sont autant d’exercices pratiques qui nous mèneront, une fois prêt, à la personne avec laquelle on passera la fin de nos jours. J’ai rencontré Gabrielle trop tôt. Par contre, Jackson est pile à l’heure, synchro avec ce que d’autres appelleront “Destin”. Sauf que Jacko ne semble pas partager ma théorie. Il a peur, peur que Gaby se soit rapprochée de lui par dépit, par pitié, il a peur qu’elle ne soit pas sincère avec lui. J’ai envie de lâcher un rire. Gaby ? Pas sincère ? Ha ! Il doute même qu’elle tienne à lui. J’aimerais en placer une, mais il ne m’en laisse pas le temps, enchaînant sur une série d'aveux dont je n’ai jamais douté, mais qui font quand même bizarre à entendre. Il tient à elle, il ne peut plus se passer d’elle, il l’aime... Mais il a peur de souffrir. Elle est dans sa vie, il ne veut pas qu’elle en ressorte. Je m’attends presque à ce qu’il me sorte le fameux “je l’ai dans la peau” mais il n’en fait rien, il retourne à son silence et à la contemplation de l’horizon et des falaises au loin. Moi aussi je garde le silence, j’essaye d’analyser ce qu’il vient de dire, de trouver comment y répondre de manière directe et analytique. Sauf que ce n’est pas possible. Aussi, je me décide à lui parler avec mon coeur. « Je ne connais rien à l’amour, tu n’es pas sans le savoir, je suppose que l’histoire a fait le tour du nid. » Rien ne reste jamais secret très longtemps, ici, pas même les fameux secrets, justement. « Je ressens des choses nouvelles ici, et certains éclaircissements m’ont été apportés par une candidate, blonde et survoltée, qui aime comme elle respire. Alors j’ai compris... J’ai compris que l’amour c’est cesser d’avoir peur pour soi et commencer à avoir peur pour l’autre, c’est fouiller une salle du regard et ne reprendre sa respiration qu’en la voyant, c’est ne se voir qu’au travers de son regard et se foutre de tout le reste, c’est cesser de comprendre le monde pour ne comprendre que le sien, c’est devenir aveugle au reste et ne conserver que son image imprégnée sous ses paupières, c’est donner sans rien attendre en retour, donner et ne rien demander en retour... » Je ferme ma gueule, parce que, merde, je ne m’attendais pas à en dire autant, je ne m’attendais pas à lui en offrir autant. Je n’aime pas. C’est comme m’ouvrir le thorax au couteau de cuisine et écarter les chairs et les côtes pour le laisser observer mon coeur. Une véritable torture. Pourtant je prends sur moi, et reprends. « Si tu l’aimes, Jackson, si tu l’aimes vraiment, cesse de douter, surtout de sa sincérité. Si tu l’aimes, fonce, offre-lui ce qu’elle mérite. Et surtout... Surtout, ne la fais pas souffrir. » ça sonne comme une menace, ça ressemble à une menace, ça sent comme une menace ? Normal, c’en est une. Une toute petite, parce que je pense pas qu’il puisse la faire souffrir, pas après tout ce qu’il vient de me dire.

On le sait, à force, que Jackson était du genre à cacher ses ressentis, à les masquer derrière une expression des plus neutres, tout à fait impassible, comme si il ne ressentait rien, comme si rien ne pouvait l'atteindre. Alors qu'en fait, et heureusement d'ailleurs, le grand blond était tout à fait capable de ressentir des émotions, tout comme il était capable de se sentir gêné. Et justement, il était plutôt gêné à cet instant précis. Parce qu'il se retrouvait à conserver avec Syssoï au sujet de Gabrielle, un sujet qui n'avait pas toujours rapproché les deux jeunes hommes, si ses souvenirs étaient exactes. En effet, au début du jeu, tous deux n'étaient pas extrêmement proches. Jackson avait notamment en mémoire le fameux épisode de la salle de bain qui, décidément, était plutôt tenace. Le dit épisode qu'il avait d'ailleurs promis de ne plus évoquer en présence de Gabrielle. Remarquez, l'évoquer en présence de Syssoï n'était guère mieux, alors mieux valait encore l'oublier pour de bon, ou en tout cas, essayer. Ici, par contre, on était bien loin du climat tendu qui s'était, le temps de quelques semaines, tapé l'incruste dans la relation que ces deux jeunes hommes partageaient. Là, Jackson recevait les conseils de son camarade, une chose qui lui faisait bien plus de bien qu'il osait le montrer. Et pour cause, comme dit ci-dessus, il montrait très rarement ses ressentis. Quoi qu'il en soit, et merci de ne pas en douter, tout cela le rassurait légèrement. Okay, cela l'avait également fait douter, quelques instants plus tôt, mais sans doute cela avait-il était nécessaire, au fond. En tout cas, Jackson écoutait présentement attentivement son camarade. C'était d'ailleurs étrange, puisqu'il avait comme l'impression d'être un élève à l'écoute de son professeur. Troublant. Syssoï évoqua alors le fait qu'il ne connaissait rien à l'amour. Ça n'était pas tellement un scoop car, comme il le disait lui même, pas mal de personnes s'en doutaient ici. « Tout se sait par ici » répondit alors Jackson, dans un haussement d'épaules. Effectivement, pas mal de bruits se baladaient dans les sombres couloirs du châteaux. Parait-il que les murs ont même des oreilles. Si, si. Syssoï reprit ensuite la parole, tandis que Jackson reporta toute son attention sur lui. Il évoqua une candidate blonde et survoltée. Hm, sans doute s'agissait-il de Sixtine. Il se lança alors dans un monologue porté sur l'amour. Visiblement, il était vachement mieux renseigné sur le sujet que Jackson, désormais. « La blonde survoltée dont tu parles ... » commença Jackson, sans trop oser poursuivre. Okay, tout cela ne le regardait pas. Pas du tout, même. Pour autant, si il se risquait à poser une question à Syssoï, celui-ci serait tout à fait en droit de ne pas lui répondre. « ... tu penses l'aimer ? » fit-il alors, d'une petite voix. Encore une fois, ça ne le regardait pas. Alors, si Syssoï refusait bel et bien de lui apporter une réponse, il le comprendrait parfaitement. Par la suite, Syssoï s'adressa à nouveau à Jackson, reprenant cette discussion au sujet de Gabrielle. « Je fais souffrir ceux qui m'entourent » avoua doucement le grand blond, d'une voix presque inaudible. En fait, il aurait dû ajouter qu'il tâcherait de changer, pour Gabrielle notamment, mais n'étant même pas sûr de pouvoir y parvenir, il préféra encore s'arrêter là. Oui, c'était sans doute mieux.

« La blonde survoltée dont tu parles ... » Oui, Sixtine, au cas où il n’aurait pas encore reconnu ma description relativement parfaite, je dois bien l’avouer. Je me tourne vers lui, attendant la fin de cette question -car je suppose qu’il s’agit d’une question- qui tarde à venir. Il a même l’air mal à l’aise, ce que je ne comprends pas vraiment, comme s’il s’apprêtait à faire preuve d’indiscrétion... « ... tu penses l'aimer ? » finit-il par lâcher. « Evidemment ! » Je réponds avec surprise, les sourcils froncés. Enfin, je veux dire, c’est l’évidence même, non ? Ça n’a pas pu lui échapper, comme ça n’a pu échapper à personne ici. Je ne vois pas trop où il veut en venir, puisque ce n’était pas vraiment le propos de mon soliloque. A moins que... Oh... Est-ce qu’il s’imagine que... ? Mais non ! Je secoue les mains frénétiquement, comme si je cherchais à effacer quelque chose, puis je reprends immédiatement. « Quand je dis que certains éclaircissements m’ont été apporté par Sixtine, il ne s’agit pas d’une métaphore. On a réellement eu une discussion à ce sujet durant laquelle elle m’a expliqué que ce que je ressentais envers certaines personnes était de l’amour... » Je me sens con à lui confier tout ça, parce que c’est con, à 25 ans, de devoir apprendre ce qu’est l’amour. Ne sont-ce pas des choses qu’on est censé connaître dès le plus jeune âge ? Moi je n’y connaissais rien, pourtant, et Sixtine s’est fait un devoir de m’expliquer tout ça, avec sa patience légendaire. « Mais ce n’était pas d’elle dont je parlais dans ma description de... de l’amour. Parce qu’il y a une différence entre aimer et être amoureux... » Oui, c’est très bizarre, n’est-ce pas ? Même pour moi. Surtout pour moi. J’ai encore tendance à confondre les choses, tant aimer est nouveau pour moi. Mais s’il est vrai que certaines de mes descriptions peuvent correspondre à ma relation avec Sixtine, et même à celle que j’entretiens avec Moore, ce n’était pas à ces deux femmes que je faisais référence. En fait, je n’avais même pas vraiment conscience d’avoir fait référence à quelqu’un avant qu’il me pose la question, détournée, de savoir si je pensais à Sixtine. Non. Pourtant, j’aurais du... Ou pas... Pour le bien être de Jackson, il aurait mieux valu que je fasse référence à Sixtine. Et pour celui de Connor, c’est le contraire. Quel bordel dans ma tête... Raison de plus de pousser Jackson vers Gaby, lui il n’hésite pas, n’est-ce pas ? Il doute d’elle, pas de lui. Et c’est déjà bien mieux que tout ce que je pourrais lui offrir. « Cesse de te subir, Jackson. Prends le dessus sur toi, parce que quand on veut, on peut. Ta piètre estime de toi est un cercle vicieux dans lequel tu choisis la facilité en subissant. Il faut du courage pour lutter contre soi et ses habitudes... » Je ne sais pas ce qu’il était dans l’avant FL, mais son comportement actuel a été profondément conditionné par tout ça. « Tu ne crois pas trop en la vision du couple, je me trompe ? Encore moins en celle de la fidélité faite femme, n’est-ce pas ? » Et pourtant, il ne devrait pas douter de Gabrielle, il n’a pas le droit de douter d’elle. Je sais, moi, qu’elle est sincère dans ses sentiments envers Jackson, je sais que ça la dépasse et que ça lui fait peur... Et lui ? Lui, la seule chose qu’il devrait craindre, c’est moi. Enfin, moi, si jamais il la fait souffrir intentionnellement ou non. Parce qu’en dehors de ça, j’ai déjà suffisamment prouvé que je n'interférais jamais entre eux deux, ou alors seulement en les poussant l’un vers l’autre.