Jackson

Ce que le temps pouvait passer vite alors... c'était de la folie ! Cela faisait combien de temps déjà que j'étais revenu à la vie normale, et avais quitté le star system ? Mine de rien, une semaine tout juste. Une semaine durant laquelle, fort heureusement, je n'avais pas brutalement rompu tout contact avec mes anciens camarades puisque j'avais eu l'occasion d'en avoir certains au téléphone. Moore était même venue chez moi, mercredi dernier. Bref, je n'étais pas prêt de faire une croix sur tous les moments vécus et les personnes rencontrées au cours de mon aventure. Non, cela représentait trop de bons souvenirs, et pour la première fois de ma vie j'avais enfin l'impression d'avoir des amis et une vie sociale, comme les gens normaux. La vie de vieux trentenaire style chaud lapin et solitaire, c'était du passé. Bel et bien terminé. Aujourd'hui ma vie avait changé, et c'était bien sur grâce à Fake Lover. Je m'en étais pas mal foutu jusque lors du casting, mais je n'avais vraiment aucune raison de cracher dessus. Au contraire, jamais je n'aurais pu changé de la sorte sans cette émission. Il y avait tout de même certains candidats que je souhaitais revoir en dehors, à commencer par ceux avec qui j'avais noué les liens les plus forts... et pas forcément les meilleurs. Car je n'avais oublié personne moi, eh non ! Des amis, aux vagues connaissances, en passant par celles et ceux avec qui tout n'avait pas franchement été très rose. Là, pour ceux qui n'auraient pas encore saisi l'image, je faisais référence à Jackson. Le blond et moi... aaaaah... on en avait passé de formidables moments ensemble. Notre expérience avec les menottes, la tasse de café renversée en pleine figure, son visage essuyé sur mon t-shirt Mr Bubble ou encore toutes nos magnifiques querelles ; non, je n'avais rien oublié du lien si fort qui nous avais unis Jackson et moi. Malgré tout je l'appréciais bien le gamin, et je savais que c'était réciproque même si je pouvais toujours aller me brosser pour le lui entendre dire. On parlait de Jackson, tout de même. Les aveux, ça n'était vraiment pas son truc. J'étais bien placé pour le dire d'ailleurs... Le grand blond, qui habitait en Angleterre, comptait rester quelques temps en Irlande avec Franckie, dans un hôtel cinq étoiles il me semble. Ces deux-là formaient un parfait petit couple, et vraiment ils faisaient plaisir à voir. Je savais que leur histoire ne plaisait pas à tout le monde, que certains les voyaient déjà séparés dans un mois ; Pfff, ces crevards, tous des jaloux. Moi j'y croyais, et eux aussi. Après avoir eu Jackson plusieurs fois au téléphone depuis notre sortie, j'avais convié le jeune homme à passer une soirée chez moi, car après tout il me manquait le bonhomme. J'avais hâte de lui présenter mon chat, d'en savoir un peu plus sur sa vie depuis la fin de l'émission. Ce soir, Jackson dinerait donc à la maison et pour l'occasion, attention... j'avais commandé chinois. Bah oui, je n'avais jamais vraiment brillé par mes talents culinaires. Et puis c'était l'intention qui comptait, non ? 19H05 ; On toqua à la porte. Alors déjà, Jackson la sonnette il ne connaissait pas. De plus il avait cinq minutes de retard ! De toute évidence la ponctualité non plus il ne connaissait pas. Après avoir ouvert la porte et l'avoir invité à entrer, je pris son veston et le fis s'assoir dans le salon. « Bon alors Jacko... le livreur n'est pas encore arrivé mais de toute manière il est un peu tôt pour manger, non ? » fis-je, avant de poursuivre « Parce que je te cache pas que j'ai commandé la bouffe, hein. Tu croyais pas que j'allais passer derrière les fourneaux rien que pour te faire plaisir ? J'aurais pu cela dit... Mais ici c'est un trou paumé, alors l'ambulance aurait mis une plombe avant d'arriver et au final, tu serais sans doute mort. » C'était ce qui l'attendait d'ailleurs, d'après ce que j'avais retenu de son secret et des soucis de santé que Jackson rencontrait... Mais la mort aussi me guettait. Moi aussi j'avais pas mal de soucis de santé, mine de rien. « Mais je parle, je parle... en attendant je manque à tous mes devoirs ! Je te sers à boire pour patienter ? Tu veux une bière, une... petite blonde ? » Je me mis à rire d'un coup, comme un gros gamin. Bah ouais, fallait trop que je la sorte celle-là. C'était le moment propice pour ça alors je n'avais pas hésité et avais sauté sur l'occaz'. « Blague à part... comment ça se passe depuis ta sortie ? Tu m'en as pas tellement parlé au téléphone... » Nos échanges téléphoniques se résumaient plus à beaucoup de blabla, mais nous n'entrions jamais vraiment dans les détails. Par exemple, je ne lui avais pas tellement parlé de ma relation avec Moore. Le connaissant, il ne serait pas étonnant qu'ils nous croient séparés. Et bien non, nous étions loin de l'être mais ne sachant pas exactement où il en était avec Franckie, je préférais attendre qu'il se confie avant de lui balancer tout mon bonheur à la figure. Si, bien sur, il désirait se confier.

C'était quoi cette grosse blague ? Est-ce que Ruben avait véritablement invité Jackson à le visiter dans son humble demeure ? Non, impossible, cela semblait si improbable. Et pourtant, c'était l'absolue vérité. Pour comprendre une telle chose, il était utile de savoir que nos deux protagonistes étaient étrangement restés en contact à l'issue de l'émission Fake Lover, qu'ils avaient pour cela échangé leurs numéros de téléphone et s'étaient appelés quelques fois. Dites vous bien que Jackson n'aurait jamais filé son numéro à Ruben s'il avait su que celui-ci en profiterait pour lui glisser des sous-entendus salaces, qui ne trompaient personne. Bon d'accord, c'était bidon. Mais tout de même. Bref. Lors d'une conversation par téléphone, le grande singe avait alors invité Jackson - qui séjournait temporairement dans un hôtel sur Dublin - à venir lui rendre une petite visite dans son trou paumé. D'abord très hésitant, Jackson accepta. Probablement qu'il était dans un état second ce soir-là.Car le jour J, l'anglais ne put s'empêcher de regretter légèrement la réponse affirmative qu'il avait précédemment donnée à son ancien camarade. Mais c'était trop tard désormais. Ce qui était fait était fait, ou plutôt, ce qui était dit était dit, et plus moyen de revenir en arrière désormais. Ainsi donc, il se devait maintenant de se rendre dans la bourgade de Ruben afin de lui rendre une petite visite. Pffiou, voilà qui serait éprouvant. Et pas seulement le voyage hein - quoi que. Il faut dire que tout n'avait pas toujours été extrêmement rose entre les deux anciens candidats. On pouvait même aisément dire que tout avait (très) mal commencé. Pourtant, au fil du temps, Jackson avait eu l'impression que les choses s'étaient plus ou moins améliorées. Bon d'accord, ils s'étaient réciproquement fait quelques coups tordus, mais rien de bien méchants hein. Rien de traumatisant, en tout cas. En ce jour, Jackson partit donc visiter ce bon vieux Ruben, non sans avoir l'impression de faire quelque chose d'absolument absurde. Mais tant pis, il devait maintenant assumer d'avoir accepté son invitation. Et en moins de temps qu'il en faut pour le dire, le grand blond quitta la capitale irlandaise et se rendit dans la ville habitée par Ruben, une ville qui ne ressemblait pas à grand chose, m'enfin. Restait maintenant à trouver l'adresse, sachant que, mine de rien, le temps s'écoulait. Ah, c'était probablement ici. Jackson vérifia ... Ouais ouais, c'était bien là. Ainsi donc, Jackson frappa à la porte. Comment ça, y'avait une sonnette ? Rien à foutre. Comment ça il était en retard ? Rien à foutre non plus. Non mais oh, il était déjà bien bon de se trainer le cul jusqu'à Pouilleuxville, alors merde. Ruben ouvrit alors la porte. Il n'avait pas changé d'un pouce, ça alors. Ah mais oui, ça ne faisait que quelques jours qu'ils ne s'étaient vu. Ça devait être pour ça. Le grand singe l'invita à entrer - encore heureux - et l'accompagna jusque dans le salon. Jackson inspecta les lieux. Mouais, c'était à l'image de Ruben tout ça : très moyen. Bref. « Ah parce que tu manges, toi ? Je dis ça parce que t'es maigre comme un coucou, alors ça tient du scoop ça. » Chassez le naturel, il revient au galop. « Et après on dit que les anglais sont à chier niveau cuisine ... » Alors comme ça, Ruben l'aurait tout bonnement empoisonné si il avait pris la peine de cuisiner pour lui ? Bah dites donc, c'était vachement rassurant ça. Par la suite, le grand singe s'improvisa comique d'un soir et nous pondit une blague dont lui seul avait le secret et qui, bien entendu, ne fit rire que lui. « Bière sans alcool, si tu as ... Sinon, de l'eau, ça devrait faire l'affaire » répondit alors Jackson, les yeux rivés vers le jeune homme avant de reprendre « Ravi de voir que ton humour à deux balles est intact, en tout cas. » Ne vous y trompez pas, cette remarque n'avait rien d'une critique. Quoi que. Bon, maintenant, Ruben cherchait à prendre des nouvelles de Jackson. Qu'était-il devenu ? Oh, tellement de choses. Si il savait ... « Y'a pas grand chose à dire, tu sais » fit-il calmement. Effectivement, sa vie n'était pas plus intéressante que trois mois plus tôt. « Je songe à m'exiler en Australie, là où la blondeur ne choque personne et où on évite aisément les blagues pourries ... » Toute ressemblance avec un fait réel ne serait que pure coïncidence, bien entendu. « Plus sérieusement, ça va. Je m'habitue à ce que j'entends à mon sujet, à ce qui se dit, tout ça ... » Mais de quoi parlait-il ? Cela paraissait évident, non ? « Et toi, alors ? Quoi de nouveau, quoi de beau ? » Est-ce que ça l'intéressait véritablement ? Pas sûr. Mais tant qu'il pouvait satisfaire sa curiosité, hein ...

On ne pouvait tout de même pas m'en vouloir d'avoir commandé chinois pour ce soir. J'avais évité à Jackson une intoxication alimentaire car s'il avait été amené à déguster ma cuisine, je vous assure que c'était tout ce qui l'attendait à l'arrivée. Alors bon, feignant et en faisant le minimum, d'accord, mais prévoyant et privilégiant la santé d'autrui, avant tout. Que Jackson se rassure, à priori le livreur arriverait d'un instant à l'autre sauf si, comme le grand blond, celui-ci aussi allait se mettre en retard. Quand le premier l'est, le second aussi en général. Bref. « Ah parce que tu manges, toi ? Je dis ça parce que t'es maigre comme un coucou, alors ça tient du scoop ça. » fit-il, avant de poursuivre « Et après on dit que les anglais sont à chier niveau cuisine ... » Son insinuation sur mon poids suivie d'une remarque très moyenne sur mes talents culinaires me firent froncer les sourcils. Cependant je n'avais pas à m'étonner de ce genre de critiques de la part de Jackson ; il ne vivait que de ça, et nous en avait quand même offert des belles au cours de l'aventure. De belles perles toujours assaisonnées d'une pointe d'ironie. Un régale pour les oreilles, je vous dis. « Si je suis aussi "maigre", c'est peut-être aussi parce que je me tue pas au sport comme toi tu le fais. Et s'il te plait, je t'ai pas vu cuisiner une seule fois dans le nid, alors hein... » Non mais vous le croyez, ça ? Il était à peine arrivé que déjà il commençait à me mettre en rogne. Ce Jackson, ce qu'il pouvait être fort... ou pénible, à vous de juger. « Oh non, on va encore réussir à se quereller... Pour de la bouffe chinoise, t'abuse franchement Jacko. » C'était tout lui ça, quand y'avait pas matière à s'engueuler il trouvait toujours une occasion pour. Sacré Jackson. Je lui avais par ailleurs proposé une bière tout en le charriant sur cette couleur de cheveux, qu'on avait jamais vu que sur lui, et qui avait fait les beaux jours des plus belles vannes de Fake Lover, principalement au début de l'aventure. Mais pouvait-on réellement me reprocher de m'en prendre au physique de quelqu'un qui n'avait pas manqué de s'en prendre au mien ? « Bière sans alcool, si tu as ... Sinon, de l'eau, ça devrait faire l'affaire » répondit-il, avant d'enchainer « Ravi de voir que ton humour à deux balles est intact, en tout cas. » Ravi, ravi... tout ceci sentait l'ironie Jacksonienne à plein nez mais qui en aurait douté... Il se sentait obligé d'en mettre un peu partout. « Oui bah ce sera de l'eau alors. » fis-je donc, avant de poursuivre « Toi non plus t'as pas changé Jackson. On prend les mêmes et on recommence, hein. » Je partis ensuite en direction de la cuisine qui se voulait ouverte sur le salon, ce qui me permettait d'aller chercher un verre d'eau à Jackson tout en ne manquant rien des paroles du jeune homme. Tenez, justement, quoi de neuf le concernant ? Que faisait-il de sa vie depuis la fin de l'émission ? « Y'a pas grand chose à dire, tu sais » Bah dites donc, tout ceci promettait un récit des plus passionnants. Je ne dis rien et me contentai de l'écouter. « Je songe à m'exiler en Australie, là où la blondeur ne choque personne et où on évite aisément les blagues pourries ... » Je me sentis tout de suite très visé par les fameuses "blagues pourries" que Jackson dénonçait. Mince alors, si il reconnaissait que mon humour était intact, le sien en revanche s'était barré depuis belle lurette. Je revins au salon puis lui tendis le verre d'eau dont le blond se saisit aussitôt, avant de rétorquer « Ah ouais bonne idée l'Australie ! Tu m'enverras une carte postale surtout. » Bon allez, on avait bien rigolé mais désormais Jackson en redevint on ne peut plus sérieux. Je préférais ça tout de même, car il me tardait sérieusement de savoir de quoi était faite la vie du grand blond depuis une semaine. « Plus sérieusement, ça va. Je m'habitue à ce que j'entends à mon sujet, à ce qui se dit, tout ça ... » J'avais moi même droit à pas mal de reproches, que ce soit par courrier, sur le net... Bref, je n'avais pas franchement fait l'unanimité au cours de l'aventure et je me rendais compte que cela allait au delà de mes camarades de jeu. Je n'avais pas non plus toutes les faveurs du public. Pfff, m'en fous. Qui avait terminé deuxième en attendant ? Qui, à dix pour-cents près, remportait l'aventure ? Bibi. Donc bon, les critiques et autres... « Et toi, alors ? Quoi de nouveau, quoi de beau ? » Moi ? Que dire... Ma foi je trouvai là une nouvelle occasion de faire un peu d'humour. Voyons si Jackson était apte à prendre mes paroles autrement qu'au sérieux. « Et bien moi, heu... C'est la folie ! Je ne sais plus où donner de la tête. J'ai demandé Moore en mariage, elle est enceinte, j'ai appris que j'avais un enfant caché et je vais quitter mon travail pour vendre de la menthe à l'eau. La routine, quoi. Une vie tout à fait banale. » Oui bon, tout de suite je ne devais pas paraitre très crédible mais que voulez-vous, l'occasion avait été trop belle. Mais connaissant Jackson, celui-ci n'allait sans doute pas croire un seul mot de tout ça. Il y avait peut-être plus malin, mais il y avait aussi plus con. Et ça, ça changeait tout. « Non, je... tout va bien, j'ai vu Moore mercredi... j'ai retrouvé mon boulot, et je vais voir ma mère demain pour lui donner le chèque de 13 000€ remporté lors de la finale. » Quand il s'agissait de parler de ma mère, je ne pouvais que retrouver mon sérieux légendaire (hum). Avec cet argent, celle-ci pourrait se faire enfin plaisir. C'était pour moi le principal à l'heure d'aujourd'hui. « DING DONG. » Je fus pris d'un sursaut, car pour le coup je ne l'attendais plus le livreur de bouffe chinoise. « Je vais ouvrir, tu bouges pas hein. De toute manière la fenêtre est fermée donc si tu voulais t'enfuir, c'est rappé. » Je fis donc quelques pas jusqu'à me retrouver devant la porte d'entrée de l'appartement. Là, un monsieur franchement sympathique me remit en main propre tout ce que j'avais commandé il y a de ça une petite heure au téléphone. Je revins finalement dans le salon avant de poser le tout sur la table basse, avant de reporter mon attention sur Jackson, intrigué. « Je t'ai pas demandé car c'était pour moi une évidence... Mais comme t'es compliqué je préfère m'en assurer : t'aimes la bouffe chinoise, dis ? » Non parce que si à mes yeux tout le monde aimait les sushis, il fallait savoir que Jackson n'était pas comme tout le monde. De plus c'était un chieur de premier ordre, alors il ne serait pas étonnant que maintenant que le diner était arrivé, celui-ci me révèle qu'en fin de compte bouffer chinois n'était pas son truc. Dans ce cas là, il n'aurait d'autre choix que de se contenter des gâteaux apéritifs surement périmés qui trainaient dans mes placards et que j'avais achetés avant de faire l'émission. En gros, mieux valait pour Jackson que celui-ci soit un adapte des sushis. Parce qu'en fait, l'intoxication alimentaire... il pouvait encore y avoir droit.

Il n'en avait peut être pas l'air comme ça avec ses répliques peu sympathiques et son ton pour le moins sec, mais Jackson appréciait Ruben. S'il est vrai que tout n'avait pas toujours été très rose entre eux - beaucoup devaient encore s'en souvenir, d'ailleurs - il osait penser qu'aujourd'hui, tout était arrangé. Okay, ils n'en étaient pas au stade de l'accolade tout à fait amicale, mais leur relation s'était tout de même améliorée. Aurait-ce pu être pire, de toute manière ? Probablement pas. Et puis, il était flagrant que l'un comme l'autre faisait de gros efforts. D'accord, là tout de suite, ça n'était peut être pas très flagrant du coté de Jackson, et pourtant, c'était bien le cas. Le simple fait qu'il se soit trainé le cul jusque chez Ruben en était d'ailleurs la preuve : il y mettait du sien. Parce qu'il aurait très bien pu rester sur Dublin, puisqu'il y séjournait temporairement le temps de voir ce qu'il en serait ensuite, mais il avait bel et bien pris la peine de répondre positivement à l'invitation à diner de son ancien camarade. Si ça n'était pas un effort considérable, ça ! Visiblement, la petite allusion au poids de Ruben n'avait pas tellement amusé ce dernier. En même temps, qui dit que ça avait été le but ? « Ah non, ça n'est certainement pas le sport qui va me tuer » fit alors Jackson, en réponse à la réplique de son camarade. Il le voyait visiblement comme un accro au sport, celui-là. D'un coté, il n'avait pas tellement tort. Mais il fallait bien comprendre que le sport aidait, dans son cas. Mais ça, ça passait de toute manière au dessus de la tête de bien des personnes. « Effectivement, je me suis bien souvent abstenu de cuisiner là-bas. Et pourtant, je suis un as de l'ouverture et du réchauffage des boites de conserves. Vous n'auriez pas été déçus. » Autant dire que la cuisine et lui, ça fait trente-six. Ça, c'était même un fait avéré. Sa sœur avait beau avoir cherché à lui apprendre quelques recettes, c'était toujours rentré par une oreille et ressorti par l'autre. Comme beaucoup de choses, en fait. « Qui parle de querelle ? Tu sais très bien que ça n'est qu'un peu de taquinerie » reprit-il, dans un sourire plutôt sincère. Au moins autant que ses paroles, en tout cas. Par la suite, Ruben lui proposa de boire une bière. Hum, mouais. Disons que ça n'était pas tellement son truc. D'autant plus que la petite vanne qui accompagna cette proposition se voulait plutôt minable. Jackson, en tout cas, chercha à obtenir ou bien de la bière sans alcool - bah oui - ou bien de l'eau. Ce fut finalement l'eau qui l'emporta. « Si j'avais changé, mon charmant caractère t'aurait terriblement manqué, je le sais » fit-il, sur un ton des plus sérieux. Bien sûr que Ruben aurait regretté le dit caractère si Jackson s'était d'un seul coup transformé en un type adorable. Bon sang, rien que de s'imaginer version bisounours, il en avait la nausée. Ah non, c'était ses cachets qui lui donnaient cette désagréable sensation. Ruben partit alors en direction de la cuisine - ou d'une fontaine, à voir - et lui rapporta un verre d'eau. « Merci bien » fit le grand blond, qui venait juste d'évoquer l'Australie, bien évidemment pour "plaisanter". Bien sûr que non, il n'irait certainement pas s'y installer. Quoi que, quelques fois, ça le tentait bien. « Bien évidemment » soupira-t-il, suite à la remarque de Ruben à propos d'une carte postale. Jackson reprit finalement la parole, expliquant que tout allait bien, qu'il s'était habitué à ce qu'il entendait dire à son sujet, etc. Finalement, il demanda à Ruben de lui parler un peu de lui, de ce qui était nouveau dans sa vie. Et, bien entendu, il eut droit à une tentative d'humour désespérée de la part de son ancien camarade. As usual. Mais plutôt que de soupirer une nouvelle fois, Jackson préféra rentrer momentanément dans le jeu du jeune homme. Il n'allait pas être déçu, celui-là. « Enceinte, tu dis. De combien de semaines ? Parce qu'au cas où tu l'aurais oublié, j'ai pu gouter à la tarte avant qu'on t'en ait ne serait-ce que coupé une part » fit alors Jackson, sur un ton suffisant. Une façon ô combien subtile de lui rappeler qu'il avait couché avec Moore avant lui. Non pas que ce soit une fierté ou quoi, mais bon, c'était Jackson. « Imagine un peu qu'elle nous ponde un joli petit blondinet. Tu l'aurais mauvaise, avoue-le. » Okay, c'était de la provocation facile. Tout simplement parce que Moore restait un sujet où il était aisé d'attaquer Ruben, quoi que pour de faux. Bah oui, Jackson avait très bien compris que rien de tout ce que venait de lui dire Ruben n'était véridique. Il était peut être blond, mais ça s'arrêtait à sa couleur de cheveux. Et puis, finalement, Ruben reprit son sérieux et évoqua même sa mère, à qui il donnerait visiblement l'argent qu'il a remporté lors de l'émission. Quelle générosité. « Ça me fait penser que je ne sais toujours pas quoi foutre de mon fric, moi » fit Jackson, pensif. Du fric dont il n'avait pas besoin, et qui ne lui serait en fin de compte d'aucune utilité. Ça n'était pas pour ça qu'il avait participé à ce jeu, de toute manière. Un jeu où il s'était imaginé être éliminé au bout de trois semaines mais dont il repartait avec pas moins de vingt mille euros. Surprenant. La sonnette retentit. Sans doute était-ce le livreur de nourriture chinoise. « Oh merde, moi qui avait tout prévu » s'exclama Jackson, sur un ton bien évidemment ironique. Sauter par la fenêtre ? Hum, non. Précipiter sa fin ne lui semblait pas très utile, là tout de suite. Ruben partit alors ouvrir, puis revint quelques instants plus tard avec de quoi diner. Jackson arqua un sourcil, et son camarade lui demanda s'il aimait la bouffe chinoise. Un sourire amusé prit alors place sur les lèvres du grand blond, qui soutint le regard du jeune homme. « Non, j'ai horreur de ça » déclara-t-il très sincèrement. Et effectivement, la nourriture chinoise, ça n'était pas du tout son truc. « Mais j'ai tout autant horreur de la vie en communauté, pourtant, ça ne m'a pas empêché de tous vous supporter pendant de nombreuses semaines ... » Encore un fait des plus véridiques. Jackson ne l'avait jamais caché : il détestait vivre entouré de nombreux individus, voilà pourquoi tout ne fut pas toujours facile pour lui durant son aventure. « Je devrais pouvoir survivre à ça » reprit-il finalement. Bien sûr qu'il survivrait à ce diner placé sous le signe de la nourriture chinoise. Il avait de la ressource sachez-le. « Mais dis-moi, pourquoi m'avoir invité alors que tu aurais très bien pu passer cette soirée en compagnie d'un des nombreux amis que tu as du te faire à l'intérieur du jeu ? » demanda-t-il, après s'être secrètement interrogé durant de longues minutes. Voilà une question pour le moins légitime, non ?

Alors certes, je n'étais pas bien épais, mais je n'avais pas que la peau sur les os non plus. Je veux dire, y'avait quand même plus maigre que moi. Et puis, entre nous, j'aurais peut-être été un peu moins chétif et frêle si j'avais été, à l'image de Jackson, accro au sport. Seulement j'évitais de faire souffrir ce corps qui avait déjà vécu tant de choses... Jackson, quant à lui, était du genre à passer des heures dans une salle de sport pour parfaire ces adbos de béton qui, franchement, avaient déjà une ampleur tout à fait raisonnable pour ne pas en plus en rajouter. « Ah non, ça n'est certainement pas le sport qui va me tuer » Ah oui, je l'oubliais sa maladie. Bah, qu'il se rassure le grand blond, je n'allais certainement pas faire de vieux os moi non plus. Sinon, à part ça, que retenir de l'aventure de Jackson au sein du nid de Cupidon ? Et bien, déjà, il fallait savoir que je ne l'avais pas vu cuisiner ne serait-ce qu'une fois en l'espace de plusieurs semaines. « Effectivement, je me suis bien souvent abstenu de cuisiner là-bas. Et pourtant, je suis un as de l'ouverture et du réchauffage des boites de conserves. Vous n'auriez pas été déçus. » Souvent abstenu ? Il ne s'en est même jamais donné la peine mais bon, je n'étais certainement pas le mieux placer pour émettre quelque autre jugement que ce soit. « Alala, vraiment quel dommage... J'aurais tellement voulu voir ça. Bah si, pour le coup j'suis déçu là. » Mais oui, quelle déception alors. J'étais clairement passé à côté de mon aventure là, c'était évident. Jackson ouvrant une boite de conserve, mais on en rêvait tous ! « Qui parle de querelle ? Tu sais très bien que ça n'est qu'un peu de taquinerie » Mais c'est qu'il paraissait sincère en plus, le grand blond. Bon, et bien j'allais désormais tâcher de prendre ça pour de la taquinerie. C'était un peu son fort, après tout, à Jackson de taquiner les autres. Je faisais ainsi la constatation suivante : depuis sa sortie de l'émission, il n'avait vraiment pas changé. « Si j'avais changé, mon charmant caractère t'aurait terriblement manqué, je le sais » Mais tellement ! Et puis quel caractère franchement ! Non vraiment, Jackson était resté lui-même et au fond c'était une bonne chose. « Je dis pas le contraire, c'est vrai. » Après tant de semaines passées à ses côtés et durant lesquelles Jackson s'était montré absolument exécrable avec moi comme avec beaucoup de monde, cela aurait été dommage de ne plus avoir le même Jackson à l'arrivée. Le grand blond me remercia pour le verre d'eau, tandis que je lui avais clairement signifié qu'en cas de voyage en Australie, il devrait impérativement m'envoyer une carte postale. « Bien évidemment » Bon, sur ce point on s'était bien compris. Aucun voyage n'était prévu bien sur, Jackson n'avait fait que dire n'importe quoi et feinter un maximum. Justement, j'étais moi aussi pas mal doué dans le genre. Le récit que je venais de lui faire de ma vie à l'heure d'aujourd'hui était des plus erronés, et comme je m'y attendais Jackson ne manqua pas de faire de l'humour. « Enceinte, tu dis. De combien de semaines ? Parce qu'au cas où tu l'aurais oublié, j'ai pu gouter à la tarte avant qu'on t'en ait ne serait-ce que coupé une part » Ce Jackson, aucune décence. Moore et moi étions en couple, il le savait, mais ça ne l'empêchait pas de remettre leur petite coucherie dans la piscine sur la table. Classe, vraiment très classe. « Imagine un peu qu'elle nous ponde un joli petit blondinet. Tu l'aurais mauvaise, avoue-le. » Et bien heureusement que Moore n'était pas réellement enceinte. Car il en viendrait presque à me foutre des doutes à l'esprit, le con. « Mon dieu Jackson... si tu n'existais pas, il faudrait t'inventer. Tu viens de battre ton propre record, à savoir celui du plus grand nombre de conneries débitées en une seule réplique. Bravo. » Maintenant la plaisanterie avait assez duré, et j'avais par la suite exprimé mon souhait de faire don de la somme remportée grâce à l'émission à ma mère. Je lui devais bien ça, tout de même, après tout ce que je lui avais fait vivre ces dernières années. « Ça me fait penser que je ne sais toujours pas quoi foutre de mon fric, moi » J'avais bien une petite idée, moi... mais Jackson était-il assez bienveillant pour réellement en prendre compte ? Bah, qui ne tente rien n'a rien alors je me permis de lui donner conseil. Et pour une fois, j'étais on ne peut plus sérieux. « Hum... Pourquoi est-ce que tu ne ferais pas un don à une association, du style... les enfants malades ? Je pense que... c'est une bonne cause à défendre. Peut-être que pour une fois tu pourrais agir pour les autres et non seulement pour toi. Enfin si, remarque... t'es malade toi aussi, alors quelque part tu pourrais presque faire ça pour toi. » Je ne voulais pas jouer les gros lourds, mais tout ce fric il n'en avait pas réellement besoin. Il était pété de tune, et il y avait quelque part dans notre pays ou dans le sien des enfants malades dont les soins médicaux avaient besoin d'être pris en charge. Bref, peut-être qu'exceptionnellement Jackson pourrait aider son prochain. Chose qu'il ne faisait jamais, du moins ce devait être rare. C'est alors que le livreur de bouffe chinoise décida de nous interrompre, en sonnant à la porte. L'occasion de rappeler à Jackson que la fenêtre était fermée et que, par conséquent, aucune évasion n'était possible ni même envisageable en ces lieux. « Oh merde, moi qui avait tout prévu » Je revins finalement avec ma commande, posait celle-ci sur la table avant de me souvenir d'un léger détail : je n'avais pas demandé à Jackson si il aimait la nourriture chinoise. Ni une ni deux, je m'en chargeai et sa répondre ne se fit pas attendre. « Non, j'ai horreur de ça » fit-il, avant de poursuivre « Mais j'ai tout autant horreur de la vie en communauté, pourtant, ça ne m'a pas empêché de tous vous supporter pendant de nombreuses semaines ... » Ah, je pouvais en dire autant de mon côté. Moi aussi je m'étais fait violence pour supporter une bande de jeunes immatures durant des semaines. « Je devrais pouvoir survivre à ça » Heureux de savoir que Jackson allait faire un effort. La bouffe chinoise, franchement ça se mangeait tout seul. « Ça m'aurait étonné aussi que tu aimes ça. Mais oui, je suis moi aussi convaincu que ton estomac tiendra le coup. Et puis au pire, j'ai des toilettes hein. » On ne savait pas quels effets les sushis pourraient avoir sur le système digestif du grand blond... Alors que j'entrepris de déballer le tout sur la table pour que nous puissions attaquer d'un instant à l'autre, Jackson me paru soudainement bien septique. Cet air interrogateur chez le grand blond laissa très vite place à une nouvelle question. « Mais dis-moi, pourquoi m'avoir invité alors que tu aurais très bien pu passer cette soirée en compagnie d'un des nombreux amis que tu as du te faire à l'intérieur du jeu ? » Il me semblait tout à fait normal que Jackson en vienne à se demander cela. Seulement... je n'avais pas de réponse toute prête car j'avais pensé que le fait que je l'eut invité ce soir l'aurait ravi. Au lieu de ça, il se questionnait. Soit. J'arrêtai un instant de foutre mes doigts dans la bouffe pour lui répondre, en ne le quittant pas des yeux. « Tu sais... t'es loin d'être la plus mauvaise rencontre que j'ai été amené de faire au cours de l'aventure. J'vais même te dire, j't'aime bien Jacko. De toute façon si j'avais réellement quelque chose contre toi, t'aurais même pas posé un pied ne serait-ce qu'à Celbridge. Oui parce que je connais le maire, et... Bref. T'es un peu comme un pote à mes yeux. Alors bien sur j'aurais pu inviter les si nombreux amis que tu prétends que je me suis fait dans l'émission, mais c'est bel et bien toi avec qui j'ai décidé de manger chinois ce soir. Faut croire que t'es pas juste un mec avec qui je me suis embrouillé pendant des semaines... Faut croire aussi que ta compagnie ne m'est pas qu'insupportable... » Libre à lui de me croire, ou non. « Et toi... pourquoi t'as accepté ? T'as fait de la route de Dublin à ici, t'avais peut-être mieux à faire et pourtant tu es là. Alors, qu'est ce qui t'as poussé à accepter mon invitation Jackson ? » Eh, chacun son tour de répondre à une question embarrassante hein. Par ailleurs je commençait à avoir vraiment faim moi. Ce plateau de sushis me faisait carrément de l'œil, là. Limite du rentre-dedans.

Allez allez, on arrête de blaguer et on fait face à la vérité : Jackson était un grand con franchement désagréable qui n'inspirait aucune sympathie. C'était ce qu'il était au quotidien, et ce, depuis de nombreuses années maintenant, et c'était sous ce jour - son véritable jour, donc - qu'il s'était présenté aux castings de Fake Lover. Pour le coup, il se demandait encore quelle mouche avait bien pu le piquer ce jour là, m'enfin. Quoi qu'il en soit, Jackson n'avait jamais cherché à paraitre plus sympathique qu'il l'était en réalité. D'ailleurs, il avait très vite annoncé les choses : il ne ferait de cadeau à personne. Et, comme pouvaient en témoigner quelques individus, il tint promesse. Ruben par exemple, avait maintes fois subis le caractère exécrable du grand blond qui, il est vrai, l'avait rapidement considéré comme son bouc émissaire. Il faut dire que ce rôle lui allait à merveille. Même Saint Jean avait mois la gueule d'un martyr que ce pauvre Ruben. Comprenez donc qu'il fut plus que tentant pour Jackson de lui en faire voir de toutes les couleurs. Et encore, il n'avait pas donné son maximum, encore heureux. Tout ça pour dire que Ruben savait à quoi s'attendre avec Jackson. Il le connaissait probablement mieux que les trois quarts de leurs anciens camarades, et n'ignorait quasiment rien de lui à ce jour. Il savait par exemple que Jackson était un être abjecte et profondément insociable qui prenait un malin plaisir à faire de la vie des autres un enfer dès que l'occasion lui en était donnée et qui jouissait perpétuellement de son statut de salopard de première qui n'aimait personne et que personne n'aimait en retour. Pour autant, Jackson osait affirmer que Ruben appréciait cette personnalité qu'il avait sans nul doute appris à supporter. Tout ne fut pas évident entre eux au départ, et pourtant, Jackson semblait persuadé qu'en étant devenu quelqu'un d'autre, quelqu'un de beaucoup plus sympathique, il aurait privé Ruben d'une chose à laquelle il était aujourd'hui habitué. Son sale caractère lui aurait manqué, c'était à ses yeux une évidence. Quelle chance alors qu'il soit resté le même. Ruben le lui confirma lui même : un quelconque changement aurait été un immense drame dans son existence. Bon d'accord, ça n'était peut être pas exactement de cette manière que Ruben avait formulé les choses, mais c'était tout comme, hein. Par la suite, et alors que Ruben avait crut bon de lui faire une petite plaisanterie en prétendant que sa dulcinée à gros nibards était en cloque, Jackson s'était lui aussi permis un peu d'humour ... à sa sauce, disons. Et c'est ainsi qu'il revint sur le délicieux moment qu'il avait partagé avec Moore - à l'époque où il n'avait pas encore "changé de bord", n'est-ce pas - en ne se privant pas pour laisser parler sa légendaire subtilité. « Okay, et donc, tu vas m'offrir une médaille en chocolat, c'est ça ? » Un record = une récompense, c'est tout. Ou alors qu'il se la ferme, c'était encore mieux. Voilà maintenant qu'ils en venaient à parler pognon, ou plutôt, de l'argent qu'ils avaient respectivement remporté durant leur aventure. Ruben venait de déclarer qu'il ferait cadeau de ses treize mille euros à sa maman. Un beau geste, non ? Jackson, quant à lui, ne savait que faire des vingt mille euros qu'il avait remporté. C'est alors que Ruben se permit de le conseiller. « Tu crois que je peux prendre ce risque ? Imagine un peu que cette bonne action me vaille, contre toute attente, un aller simple pour le paradis ?! Ce serait la grosse merde, quand même. » Jackson savait bien qu'on le prenait pour quelqu'un de monstrueux, chez qui l'idée de faire un don à une association ne viendrait pas. Quelque part, c'est lui qui avait cherché à ce qu'on le voit de la sorte. Mais il fallait bien avouer que, quelques fois, il aimerait qu'on prenne en considération le fait qu'il était comme tout le monde un être humain, avec un cœur, et que - bien sûr - les enfants malades avaient tendance à l'attendrir, lui aussi. « J'irai faire un don à une association pour enfants autistes, et ça sera parfait » reprit-il froidement, l'expression de son visage ne laissant transparaitre aucune expression. Puis, tandis qu'on venait d'apporter la commande de nourriture chinoise, Ruben chercha à savoir si Jackson appréciait ce genre de cuisine. Fidèle à lui même et toujours d'une honnêteté sans faille, Jackson lui répondit qu'il en avait horreur, mais qu'il tâcherait d'y survivre. C'était encore le mieux qu'il pouvait faire. « Il faut croire que je suis terriblement prévisible » fit-il, dans un bref haussement d'épaules, avant de reprendre : « S'il me vient l'envie de dégueuler, je ferai avec ce que j'ai sous la main ... et par miracle, tu te trouves justement assis face à moi. » Une manière comme une autre de lui dire qu'à lui faire manger ce genre de saloperies, il ne faudrait pas qu'il s'étonne de se recevoir un peu de vomis en pleine tronche. Au moins, il avait la décence de le prévenir, ce que beaucoup ne feraient pas. Quel cadeau ce Jackson. Place désormais aux confidences. Pourquoi diable Ruben avait-il invité Jackson plutôt qu'un autre de ses anciens camarades ? Pourquoi pas Cooper, Céleste, Baptiste ou encore Syssoï ? En voilà une excellente question. Une question à laquelle Ruben prit la peine de répondre - encore heureux - ce qui valut à Jackson une petite grimace liée à sa surprise. « Whaou, je dois dire que je suis tout ému ... au moins autant que lorsque j'ai vu Philadelphia. Oh purée, ça c'était dur ... Et donc, je suppose qu'on doit se prendre dans nos bras ? » Oula, pas sûr que ce soit une bonne idée, ça. « Je plaisante, évidemment. Je suis pas encore complètement timbré, heureusement. » Que Ruben dise l'apprécier étant une chose, mais qu'ils partagent une accolade amicale, il ne fallait quand même pas rêver. Et puis quoi encore ? « J'ai accepté ton invitation après avoir pensé à un piège, genre une mascarade créée afin de procéder à mon assassinat. Puis je me suis dit que si tu avais voulu te débarrasser de moi, tu l'aurais déjà fait, vu toutes les occasions que tu as eu par le passé ... » Jackson ou l'art de parler pour ne rien dire, ou plutôt, de parler pour en dire trop. « Je crois que j'avais surtout envie de te voir, en fait. » Ah, voilà qui était déjà beaucoup plus honnête. Après s'être laissé tenter par l'une des petites saloperies qui se trouvaient devant lui - et avoir résisté à l'envie de la recracher si tôt mise dans sa bouche - Jackson plongea son regard dans celui de Ruben, l'air plus sérieux que s'il s'apprêtait à lui apprendre la mort d'un proche. « Bon, arrêtons de tourner autour du pot. Toi et moi, on est fait l'un pour l'autre, c'est une évidence. On a beau essayer de se voiler la face, rien n'y fait. Je crois qu'il y a toujours eu cette folle attirance entre nous ... Une attirance pas juste physique, heureusement pour toi, mais bel et bien présente. » Vous le trouvez fou ? Attendez la suite. « Largue Moore, elle n'en vaut pas la peine. Je suis le seul à pouvoir te combler ... dans tous les sens du terme. » Regard de gros pervers, on. « T'as rien à perdre à tenter ta chance avec moi, hein. » Le pire avec Jackson, c'est qu'il était capable de débiter tout un tas de conneries pures sans jamais se mettre à rire ou prendre une expression qui pourrait laisser penser qu'il blaguait. Donc soit il ne blaguait absolument pas, soit il était juste très fort. On prend les paris.

Jackson espérait-il de moi que je perde mon sang-froid après qu'il ait eu évoqué sa petite coucherie avec Moore, bien avant que Moore et moi ne nous soyons déclarés comme étant en couple ? Et bien il avait totalement foiré alors, car même si je préférais toujours qu'on évite d'évoquer cette histoire, je savais à l'heure d'aujourd'hui pour qui le cœur de Moore battait, et ça n'était assurément pas pour Jackson. Il n'avait pas été le seul à avoir des ébats avec la demoiselle au cours de l'aventure, et je m'en étais finalement accommodé. Alors au pire, il pouvait prétendre je-ne-sais-trop quelle connerie, moi je m'en balançais. En tout cas, il avait une fois encore battu le record du nombre d'âneries débitées en une seule phrase, un record précédemment tenu par... et bien par lui, également. « Okay, et donc, tu vas m'offrir une médaille en chocolat, c'est ça ? » me demanda-t-il. Franchement, est-ce que cela valait la peine que je lui répondre ? Mmm, j'en doute. Alors je fis un geste de la tête comme pour lui signifier que sa médaille, il pouvait toujours rêver pour l'avoir. Et puis les médailles en chocolat, c'était pour les gamins, non ? Par ailleurs Jackson m'avait confié ne pas savoir quoi faire de l'argent gagné durant l'émission. J'avais ainsi proposé au grand blond de reverser cette somme à une association, aux enfants malades par exemple. « Tu crois que je peux prendre ce risque ? Imagine un peu que cette bonne action me vaille, contre toute attente, un aller simple pour le paradis ?! Ce serait la grosse merde, quand même. » Mon dieu, le sujet était des plus sérieux et Jackson trouvait encore là une occasion de faire le mariole. Mon regard en disait maintenant long sur ce que je pensais de ses dernières paroles. Heureusement, il se reprit presque aussitôt. « J'irai faire un don à une association pour enfants autistes, et ça sera parfait » Cela me sembla être une bonne idée même si je ne compris pas franchement d'où pouvait venir cette idée du blond, lui qui me semblait si peu attaché aux enfants. Ma curiosité allait peut-être à nouveau me jouer des tours, mais qui ne tente rien n'a rien. « Les... les enfants autistes ? C'est une cause qui te tient à cœur ou ?... » Comprenez tout de même ma surprise : un instant plus tôt il se foutait de ma gueule et semblait également se foutre royalement des enfants malades, et désormais il proposait de venir en aide aux enfants autistes. C'était très précis tout de même ; tous les enfants malades n'étaient pas autistes, alors j'avais forcément cru que cette cause-ci était importante à ses yeux. Nous en étions ensuite venus à parler bouffe chinoise, et j'avais ainsi appris que Jackson n'en était pas fanatique. Franchement, le contraire m'aurait étonné à vrai dire. « Il faut croire que je suis terriblement prévisible » fit-il, pour finalement poursuivre « S'il me vient l'envie de dégueuler, je ferai avec ce que j'ai sous la main ... et par miracle, tu te trouves justement assis face à moi. » Ah d'accord, donc en gros il me menaçait carrément de me vomir dessus ? Ça n'était jamais que quelques sushis. Je restais convaincu que l'estomac du blond était assez solide pour supporter ce genre de nourriture. Déjà, il pouvait s'estimer heureux de ne pas manger Indien ce soir. Parce que là, son estomac aurait littéralement dégusté et le mien en prime. « Non, j'pense vraiment que ton estomac tiendra le coup. Si il peut supporter toutes les merdes que tu ingurgites sans doute pour ressembler à Musclor, du genre stéroïdes et tout le tralala, les sushis passeront tous seuls. » Eh oh, il était accro au sport je vous dis. Et qu'il ne me contredise pas surtout... sa masse musculaire était bien trop impressionnante pour être honnête. On me la faisait pas, à moi. Le fait que j'eus invité le grand blond l'avait pas mal surpris visiblement, lui qui pensait que j'aurais pu inviter n'importe quel autre candidat à la place pour partager un agréable moment. L'occasion m'avait donc été donnée de lui avouer que je n'avais rien contre lui, et que sa compagnie ne m'était pas particulièrement désagréable. Au contraire, y'avait quelque chose de sympathique chez lui même si ça ne se voyait pas au premier abord. « Whaou, je dois dire que je suis tout ému ... au moins autant que lorsque j'ai vu Philadelphia. Oh purée, ça c'était dur ... Et donc, je suppose qu'on doit se prendre dans nos bras ? » J'entrepris alors un mouvement de recul. Les aveux, d'accord, mais bon fallait pas pousser non plus. Si c'était pour me faire passer pour ridicule, je préférais éviter. « Je plaisante, évidemment. Je suis pas encore complètement timbré, heureusement. » Cela restait cependant à prouver, mais j'avais déjà éviter une étreinte avec Jackson et ça, c'était sans doute une bonne chose. Une accolade aurait été parfaitement hypocrite je pense, vu qu'il ne semblait pas me considérer comme un ami. Moi je le voyais comme un ami par contre. C'est bien simple, seuls mes amis avaient le droit de pénétrer dans ma demeure. Mais au fait, pourquoi avait-il accepté mon invitation ? « J'ai accepté ton invitation après avoir pensé à un piège, genre une mascarade créée afin de procéder à mon assassinat. Puis je me suis dit que si tu avais voulu te débarrasser de moi, tu l'aurais déjà fait, vu toutes les occasions que tu as eu par le passé ... » Ce qu'il ne fallait pas entendre, franchement. Un assassinat, une mascarade... Et pourquoi pas un complot pendant qu'on y est ? « Je crois que j'avais surtout envie de te voir, en fait. » J'esquissais un sourire et ce pour deux raisons : la première, parce que Jackson m'avait enfin semblé honnête et ça faisait plaisir. La seconde, parce qu'il venait de gober un sushi et qu'il était parvenu à l'avaler sans me claquer entre les doigts. Donc à priori, la bouffe chinoise, ça passait. D'un coup, il en devint on ne peut plus sérieux tandis que je pris un air intrigué. « Bon, arrêtons de tourner autour du pot. Toi et moi, on est fait l'un pour l'autre, c'est une évidence. On a beau essayer de se voiler la face, rien n'y fait. Je crois qu'il y a toujours eu cette folle attirance entre nous ... Une attirance pas juste physique, heureusement pour toi, mais bel et bien présente. » Ah. Cet air sérieux n'avait été qu'une feinte, en fin de compte. Alors que je pensais qu'il avait atteint le nombre limite de conneries sorties pour ce soir, il en remit une petite couche histoire de me rappeler qui de nous deux était le plus con. Et ça n'était pas moi, je vous pris de bien vouloir me croire. « Largue Moore, elle n'en vaut pas la peine. Je suis le seul à pouvoir te combler ... dans tous les sens du terme. » Là, il porta son coup de grâce. « T'as rien à perdre à tenter ta chance avec moi, hein. » Il voulait une trempe, que je l'étrangle ? Les deux peut-être. Toujours était-il que Jackson n'avait plus toute sa tête, cela me paraissait évident. J'hésitai alors entre me lever précipitamment pour me saisir du téléphone et composer le numéro de l'hôpital psychiatrique... ou répondre à la provocation du grand blond avec tout le sérieux qui était le mien. Contre toute attente, j'optai pour la seconde option mais si j'allais sans doute être amené à le regretter une minute plus tard. « Jackson, je... ça me flatte beaucoup tout ça mais j'aime Moore tandis que... je n'éprouve rien pour toi. Non ! Ne pleure pas ! Tu seras bien plus heureux sans moi, je t'assure. J'suis trop vieux, je râle pour un rien, et t'aimes pas mes t-shirts. Non, je regrette, on est clairement pas faits pour être ensemble toi et moi. » Un peu plus et je lui prenais la main. Je venais probablement de briser son petit cœur mais la vérité avait finalement éclaté au grand jour. Je ne désirais aucune ambiguïté dans nos sentiments, il fallait que tout soit bien clair entre nous. « Alors si tu veux on peut passer une nuit ensemble, ou deux, ou trois... mais il n'y aura rien de plus. Je veux pas que tu te fasses de faux espoirs. Dis-toi bien qu'il n'y aura jamais rien entre nous, sur le plan sentimental j'entends. T'es mignon, hein, mais t'es pas trop mon genre quoi. » Oui j'étais cru, mais comment pouvais-je réussir à me faire comprendre si j'y allais avec des pincettes ? Non non non, je devais y aller cash, ne pas mâcher mes mots même si il me paraissait certain que ceux-là allaient le faire beaucoup souffrir. Après avoir frotté mes yeux avec ma main gauche, je reportai à nouveau mon regard sur le grand blond avant d'afficher un sourire amusé. Pas moqueur, hein, amusé réellement. « Bon on a bien ri, tu m'as fait comprendre que tu ne pouvais te passer de moi. Le message est passé. Mais on pourrait peut-être parler comme des gens normaux, c'est-à-dire tout à fait sérieusement et sans user de l'humour ou de tout autre artifice. Alors, on fait ça ? » Je me tournai ensuite totalement vers lui, avant de poursuivre sans même l'avoir laissé répondre quoi que ce soit. « Tout à l'heure t'es resté bien évasif sur ta vie depuis la fin de l'émission... Avec Franckie, ça... ça se passe comment ? Je veux dire, mis à part le fait que tu m'en ai vaguement parlé au téléphone, vous en êtes où actuellement ? » Jackson et Franckie, au même titre que Moore et moi, Gabrielle et Syssoi, Esther et Connor, Oona et Artie, Evey et Cooper, étaient repartis ensemble et formaient par conséquent l'un des nombreux couples formés par l'émission. Il me tardait donc de savoir comment ces deux-là voyaient l'avenir ensemble, si bien sur ils croyaient en l'avenir de leur couple. J'étais d'ors et déjà là pour y croire, moi. Car ils étaient tout à fait mignons ensemble. J'ignorais si Jackson était un garçon apte à s'investir dans une relation. Je l'espérais en tout cas, car la chance avait été avec lui tout au long de l'aventure, et lui avais permis de trouver l'amour. Je pouvais en dire autant par ailleurs. En attendant sa réponse, je repris un énième sushi. Je pouvais bien me le permettre, non ?

Soyons sérieux, même le type le plus exécrable au monde possédait un cœur. Il n'était donc pas si surprenant que cela que ce soit le cas de Jackson. Oui, il avait un cœur ... et une âme aussi. Et même s'il n'en donnait pas tellement l'impression derrière ses airs de petit con qui s'assume comme il est, le jeune homme était doté de la même sensibilité que ses contemporains. Ainsi donc, il lui arrivait quelques fois, à lui aussi, de s'émouvoir pour certaines causes. Et celle des enfants malades en était justement la preuve. Sans aller jusqu'à dire qu'il donnerait tout son temps pour les aider - il n'était tout de même pas un ange, loin de là - l'on pouvait dire que Jackson n'était pas contre l'idée de leur faire don d'un peu d'argent, ou plutôt, de l'argent qu'il avait remporté suite à Fake Lover, de l'argent dont il n'avait ni envie ni besoin. Comme si l'argent avait une réelle importance à ses yeux aujourd'hui, alors que ça ne l'aiderait pas ni ne l'apaiserait. Donc, Jackson se voyait bien en faire don à une association, comme venait de le lui conseiller Ruben. Mais laquelle ? Car ces associations étaient - à l'image des nombreux maux existants - fort nombreuses. Pour autant, Jackson ne mit pas longtemps avant d'opter pour celle des enfants autistes. Allez savoir pourquoi. Et comme il s'y était plus ou moins attendu, Ruben trouva bon de le questionner à ce sujet. Pourquoi celle-ci ? Pourquoi pas une autre ? Était-ce une cause qui lui tenait à cœur, comme il le lui demandait ? Allez savoir. « Oui » répondit-il simplement, comme si cette réponse pouvait à elle seule résumer tout ce qu'il ne pouvait ni ne voulait dire. Comme si ce simple mot suffirait à Ruben. Comme si il allait s'en contenter. Non mais, en fait, il allait s'en contenter. Car s'il ne s'en contentait pas, et bien, tant pis pour lui. Jackson n'avait simplement aucune envie de s'étendre là dessus. Il donnerait son fric à une association pour enfants autistes, point à la ligne. Revenons-en pour le moment au menu de la soirée : la bouffe chinoise. Que Ruben ait voulu la jouer flemmard en s'abstenant de cuisiner était une chose, mais qu'il force Jackson à ingurgiter ce genre de saloperies, tout de même ... Pour autant, Jackson pensait pouvoir supporter cette nourriture, quoi que ses habituelles nausées ne l'aideraient peut être pas à faire passer tout ça. Alors, il était probable qu'il soit amené à dégueuler, et ce, sur ce qui se trouvait face à lui, à savoir Ruben. Et visiblement, ce dernier semblait persuadé que Jackson rêvait secrètement de ressembler à Ken. Remarquez, il avait un peu l'habitude à force. « T'as raison. D'ailleurs, je me gonfle même les bras à l'aide d'une pompe à vélo. C'est douloureux, mais le résultat est là. » Bah oui, c'était même évident. Et puis, autant rester dans l'absurde, hein. Bon, pourquoi Ruben l'avait invité lui, et pas quelqu'un d'autre ? Visiblement parce qu'il l'appréciait, tout compte fait. Voilà qui était à la fois plaisant et embarrassant, pour Jackson du moins. Mais soit, puisqu'il le disait ... En tout cas, et bien que ses paroles soient pour le moins touchantes, aucune accolade ne semblait être prévue. Quel dommage. Mais, Jackson le disait lui même, il n'était pas encore totalement timbré, du moins, pas au point de vouloir serrer Ruben dans ses bras. Peut être que ce dernier en mourrait d'envie - comme tout le monde, hein - mais pas Jackson. Si certains contacts physiques ne lui déplaisaient pas - et comment ! - ce genre de choses n'étaient pas tellement son truc. Bon, et pourquoi avait-il accepté l'invitation de son ancien camarade, au juste ? Pour pouvoir critiquer l'intérieur de son appartement ? Certainement pas. Quoi que ... Non, apparemment, c'était d'avantage pour le voir. A croire que, finalement, Jackson l'appréciait réciproquement ce type. Curieux. Mais bon, connaissant Jackson, vous vous doutez bien qu'il n'avait pu s'empêcher de faire un peu d'humour - enfin, de l'humour jacksonnienne, disons - en faisant plus ou moins des avances à Ruben. Soyons clairs, rien de tout ce qu'il avait pu lui dire n'était réel. Il était peut être un brin nymphomane, mais n'irait tout de même pas jusque là. En attendant, Ruben semblait vouloir entrer dans son jeu et lui foutre un bon gros râteau. Et là, ce fut le drame. Notez qu'il lui proposait quand même un plan cul, voir plusieurs. Intéressant. Ou écœurant. A voir. « Monstre ! Tu estimes que mon petit cœur a besoin de ça, peut être ? » Jackson serait presque crédible. Presque. Un peu plus et il verserait une petite larme sur commande. Comédien dans l'âme, si vous voulez savoir. Heureusement, leur petit jeu prit vite fin et ils purent sans tarder reprendre leur sérieux. Ainsi donc, Ruben souhaitait qu'ils conservent comme des gens normaux. « O... » ... kay. A peine Jackson eut-il eu le temps de formuler cette approbation que, déjà, Ruben revenait à la charge. Même pas le temps d'en placer une. Quelle folie. Alors comme ça, Ruben voulait savoir comment se passait les choses avec Franckie ? Quel petit curieux. Jackson laissa apparaitre un fin sourire amusé sur ses lèvres. Est-ce qu'il avait dans l'idée de lui en parler ? Pas vraiment. Pourquoi ? Et bien, peut être parce que cela ne le regardait pas ... Mais bon, vu toutes les fois où il s'était permis de se mêler de la vie de ce bon vieux Ruben, peut être pouvait-il faire un effort cette fois. Dans la limite du possible, disons. « Je ne sais pas tellement où on en est, lui et moi » avoua-t-il tout d'abord, les yeux rivés vers ceux de son camarade. « J'aime passer du temps avec lui, comme j'aime l'influence qu'il a sur moi ... une bonne influence ... » reprit-il, peinant légèrement à trouver ses mots, pour le coup. « ... Je veux dire que j'ai l'impression de changer grâce à lui ... en bien s'entend. » C'était un fait : Jackson ne se comportait pas avec Franckie de la même manière qu'avec les autres. Et donc, il était probable que le jeune homme soit parvenu à changer partiellement la personne qu'il était. Okay, ça n'était peut être pas très flagrant depuis quelques minutes, mais Jackson avait un peu tendance à provoquer Ruben, et ça, ça n'était pas nouveau. « J'aime Franckie, sincèrement. Je l'aime et je sais qu'il m'aime aussi. Ça me fait du bien. Il y a longtemps que mes sentiments n'avaient plus été réciproques, tu sais ... » Sans blague. Inutile, sans doute, de s'amuser à remonter le temps pour compter les années. A quoi bon se faire du mal, hein ? « D'un coté, j'espère qu'il restera avec moi. Mais d'un autre ... j'ai peur. Peur qu'il en vienne à souffrir, non pas parce que j'aurais déconné, chose que je m'interdis formellement de faire, mais à cause de ... enfin, tu sais quoi ... » Ruben parvenant à lire dans les pensées, il le savait bien évidemment. Plus sérieusement, Jackson avait un peu de mal à terminer sa phrase. Il n'était pas ému, hein, soyons clairs. Pas du tout, du tout, du tout, du tout ... du tout.

J'étais vraisemblablement disposé à en apprendre d'avantage sur Jackson ce soir. Par exemple, je venais d'apprendre que le grand blond n'était pas bien friand de nourriture asiatique, même si il venait d'en ingurgiter et que celle-ci ne l'avait pas tué, fort heureusement. Mais il y avait aussi cette cause à laquelle Jackson semblait décidé à faire un don. Il avait gagné pas mal de fric grâce à l'émission, et ma foi j'étais étonné de voir qu'il était finalement capable de penser aux autres et non seulement à lui. Car les enfants autistes semblaient être une cause qui lui tenait à cœur. En fait je n'en savais trop rien, je l'avais juste supposé. Jackson ne tarda cependant pas à me le confirmer. « Oui » Euh ouais d'accord. Voilà une réponse bien évasive qui ne m'apprenait pas grand chose sur ce qui le poussait véritablement à se tourner vers cette cause et non une autre. Alors vous me connaissez, curieux comme j'étais, je ne tardai pas à creuser un peu plus quitte à me montrer profondément lourd et insistant. Tout moi, quoi. « Oui... mais encore ? » Cela ne me regardait pas, j'en étais pleinement conscient, seulement Jackson me cachait quelque chose ou alors il prenait juste plaisir à en dire le minimum, ce dont je doutais quand même. Ce garçon était pudique et révéler ses sentiments était quasiment mission impossible pour lui. Heureusement que Ruben était là pour tenter d'en savoir plus... Par ailleurs Jackson venait de m'avouer - avec tout l'humour dont il pouvait faire preuve - tout ce qu'il ressentait pour moi à ce jour, à savoir un amour infini né au fil de longues semaines d'aventure et camouflé par une haine partagée et mutuelle qui n'avait pour seul et unique but de dissimuler ses sentiments si forts qui nous unissaient, le grand blond et moi. Seulement il se faisait pas mal de films le Jackson, car ses sentiments n'étaient aucunement réciproques. Voilà comment, en quelques instants, il se prit le plus gros râteau jamais foutu à l'homme depuis son arrivée sur cette terre. « Monstre ! Tu estimes que mon petit cœur a besoin de ça, peut être ? » Comme je le craignais, Jackson était effondré et cela pouvait se concevoir. Être éconduit de la sorte ne pouvait que le plonger dans un profond désespoir dont, à coup sur, il peinerait à se sortir. J'avais ensuite convié le jeune homme à avoir une discussion dite "normale", ce qui sembla l'étonner sur le coup. « O... » Un mot qui ne serait probablement jamais prononcé entièrement mais ça n'avait pas d'importance. Alors, où le grand blond en était-il avec Franckie ? Comment allait leur couple ? C'est ce que j'avais cherché à savoir et c'était désormais sur ce sujet que Jackson allait maintenant se confier à moi. « Je ne sais pas tellement où on en est, lui et moi » dit-il premièrement, son regard planté dans le mien, avant de poursuivre « J'aime passer du temps avec lui, comme j'aime l'influence qu'il a sur moi ... une bonne influence ... » fit-il ensuite pour finalement conclure « ... Je veux dire que j'ai l'impression de changer grâce à lui ... en bien s'entend. » Je partageais le même point de vue. Selon moi Franckie avait une bonne influence sur Jackson, et il était aujourd'hui le seul qui pouvait véritablement le faire sortir de ce trou dans lequel il s'était réfugié, un trou qui le forçait à refouler ses sentiments, à porter ce fameux masque que j'avais tenté de lui faire enlever au cours de l'aventure et qui m'avait valu pas mal d'insultes. Je restais assis, à l'écouter, tandis qu'il se mit à poursuivre de plus belle. « J'aime Franckie, sincèrement. Je l'aime et je sais qu'il m'aime aussi. Ça me fait du bien. Il y a longtemps que mes sentiments n'avaient plus été réciproques, tu sais ... » Un sourire bienfaisant prit alors place au coin de mes lèvres. Je préférais attendre qu'il eut terminé de parler pour reprendre la parole, question de politesse mais aussi de logique. « D'un coté, j'espère qu'il restera avec moi. Mais d'un autre ... j'ai peur. Peur qu'il en vienne à souffrir, non pas parce que j'aurais déconné, chose que je m'interdis formellement de faire, mais à cause de ... enfin, tu sais quoi ... » Hm, même si une fois encore les mots de Jackson ne se voulaient pas très explicites, je crus comprendre où le blond voulait ne venir. « ... à cause de ta maladie ? Tu as peur qu'il s'attache trop à toi et que tu en viennes à le faire souffrir parce que... celle-ci va te tuer, c'est ça ? » Là, j'essayai de me remémorer la description que Jackson avait faite de son secret lors des demi-finales. Cela remontait à plusieurs semaines, mais un tel discours ne s'oubliait pas. « Car si tu fais réellement allusion à ta maladie, laisse-moi te dire quelques mots Jackson... » J'entrepris alors de me redresser histoire de me tenir bien droit, avant de poursuivre « Vis dans le présent, et non en prévision de l'avenir. C'est un peu mon secret pour que mon couple avec Moore puisse perdurer d'ailleurs, mais on parle pas de moi là. Ce que je veux dire, c'est que si tu pars du principe que tu le rendras malheureux, et bien il le sera sans doute et toi aussi. Pour vivre heureux, il ne faut pas seulement le vouloir... il faut aussi y croire. » Jackson se voyait probablement crever dans quelques années, à cause de cette maladie cardio-vasculaire qui faisait partie de son quotidien et qui résultait de la malédiction dont il était victime. Seulement à mon humble avis, il avait tout intérêt à rester optimiste. Si il voulait que son couple avec Franckie dure, il n'avait de toute manière pas d'autre choix. « Comme dit ma mère, "vois le verre à moitié plein et non à moitié vide." Je l'ai toujours écoutée car elle est de très bon conseil. Si je m'en suis sorti après toutes les merdes que j'ai connues au cours de ma vie, c'est aussi parce que j'ai décidé, un jour, de regarder en haut et non en bas. Parce que j'ai compris que ce que j'avais de mieux à faire, c'était encore d'envisager le meilleur et non le pire. » Je ne voulais pas me montrer barbant et espérais ne pas l'être par ailleurs ; la seule chose que je désirais, c'était de lui ouvrir les yeux comme on m'avait fait ouvrir les miens. « T'es un mec bien Jacko. Donne à Franckie l'occasion d'être heureux avec toi. On dit souvent que certains maux peuvent être calmés rien qu'avec de la volonté. C'est vrai. Mes problèmes de cœur étaient censés me pourrir la vie jusqu'à la fin et parce que j'ai décidé de profiter pleinement de celle-ci et de la vivre à cent à l'heure, et bien... je me sens mieux de jour en jour. Je dis pas que tu vaincras ta maladie avec beaucoup de volonté, car si j'ai bien compris celle-ci ne peut l'être, seulement tu iras beaucoup mieux en le souhaitant. » J'étais revenu sur ma maladie, mais pas sur cette opération qui me causait des cauchemars chaque nuit. C'était un peu le prix à payer pour vivre mieux à l'heure d'aujourd'hui, en tout cas je le voyais sous cet angle. Est-ce que Jackson m'avait bien compris, au moins ? J'avais été on ne peut plus clair, en tout cas. Après, libre à lui d'agir en conséquence ou d'ignorer pleinement les conseils que je venais de lui donner. Notez au moins que j'y avais mis tout mon cœur. « Bien. J'ai... été chez le traiteur ce midi et une très belle charlotte aux poires attend dans le frigo. Je t'en sers ? Je suppose que les sushis, c'est bon pour ce soir... Mais euh, ôte-moi d'un doute avant cela : les poires, tu sais ce sont des fruits, tu... tu aimes ça, hein ? » Non parce que vu que monsieur n'aimait pas la bouffe chinoise, je me méfiais maintenant. Ah vous trouvez que je venais de switcher totalement un sujet sensible, à savoir la maladie de Jackson et la mienne en prime ? Et bien oui, que voulez-vous, changer de sujet était un art dans lequel j'excellais.

Lorsqu'on est issu d'une famille initialement fortunée et que celle-ci se voit marquée par d'innombrables décès, l'on fini par disposer d'une sacrée petite fortune. Et sans aller jusqu'à dire que celui-ci était aussi riche que Crésus, il est vrai que c'était le cas de Jackson. Ce dernier n'était effectivement pas dans le besoin, loin de là même, et ne s'en était d'ailleurs jamais caché, sans pour autant avoir trouvé utile de s'en vanter. Ainsi donc, vingt-mille euros n'étaient à ses yeux pas franchement nécessaires. Aussi cruel cela pouvait être d'avoir ce genre de pensées, son père lui permettrait sans tarder d'obtenir bien plus. De l'argent qu'il ne voulait pas, surtout venant de lui, mais qu'il était persuadé d'obtenir, à égal partage avec sa sœur ainée. C'était un fait. Quoi qu'il en soit, Jackson n'avait aucunement besoin de l'argent qu'il avait pu remporter suite à Fake Lover. Et donc, comme le lui avait si brillamment soufflé Ruben quelques instants plus tôt, il était très probable qu'il soit sans tarder amené à faire un don à une association. Et lorsqu'il eut à un faire un choix, ce fut vers une association pour enfants autistes qu'il pencha. Bien évidemment, Ruben chercha à en savoir plus. Le contraire aurait été étonnant, surtout venant de lui. Quel foutu petit curieux celui-là, décidément. Jackson, qui n'avait pas nécessairement envie d'entrer dans les détails une fois de plus, préféra rester bref. Mais, une fois de plus, Ruben laissa parler sa curiosité. Ne comprenait-il pas que lorsque Jackson était décidé à ne pas discuter d'une chose, c'était une décision ferme et définitive ? Visiblement pas. « N'insiste pas, Ruben. Si j'avais voulu t'en parler, je l'aurais fait il y a deux minutes. Mais je ne le veux pas. Ça n'est pas quelque chose d'évident à évoquer, alors je préfère qu'on en reste là, si ça ne t'ennuie pas ... » Notez que Jackson s'efforçait de rester un minimum poli. Il faut dire qu'il n'avait pas non plus envie de laisser son esprit s'échauffer pour si peu. Il avait beau être impulsif, quelques fois, il savait encore se contrôler. Là, il espérait seulement que Ruben respecte son choix de ne pas discuter plus longtemps à ce sujet. Dans le cas contraire, et bien, il s'efforcerait de faire preuve d'un peu plus de fermeté. Mais il savait Ruben suffisamment réfléchi pour ne pas insister dans cette voie. C'est que, malgré ses nombreux défauts, le grand singe avait tout de même quelques qualités. Par la suite, et sans trop savoir comment ils avaient pu en arriver à ce sujet de conversation, Ruben incita Jackson à évoquer sa relation avec Franckie. Une relation toute nouvelle, qui lui était infiniment précieuse mais que tout le monde ne cautionnait pas nécessairement. Il n'y avait qu'à voir l'attitude de certains de leurs anciens camarades, ou des passants dans la rue ... Jackson n'était pas idiot et n'attendait aucunement des autres qu'ils acceptent cette idylle. Après tout, il n'en avait que faire de l'opinion d'autrui. Le plus important, et même, la seule chose qui importait véritablement à ses yeux, c'était les sentiments qu'il partageait avec Franckie. Ainsi, toute personne voyant d'un mauvais œil leur histoire n'aurait qu'à aller poliment se faire foutre. Il fallait bien reconnaitre que lorsque Jackson se mettait à évoquer ce qu'il ressentait, il faisait preuve d'une étrange honnêteté. Une honnêteté que peu de personnes lui connaissaient, ce qui était bien normal pour quelqu'un d'aussi secret et renfermé au niveau de ses sentiments. Mais là, en évoquant Franckie, il semblait véritablement parler avec son cœur. Et c'était bien le cas, d'ailleurs. Ainsi, Jackson affirma aimer Franckie - chose on ne peut plus vrai, sachez le - mais craindre de le faire souffrir. Par là, il voulait bien entendu parler de cette maladie qui le plaçait en sursis et qui, tôt ou tard, aurait sa peau. Et visiblement, Ruben parvint à comprendre où il voulait en venir, comme Jackson l'avait espéré, mais surtout, pressenti. « C'est tout à fait ça » approuva Jackson. Effectivement, c'était bel et bien ce qu'il craignait pour Franckie. Ruben se lança alors dans un monologue, probablement censé faire comprendre à Jackson que sans le moindre espoir, il ne parviendrait pas à vivre heureux le temps qu'il lui restait. « Ce n'est pas de moi dont il est question, du moins pas directement, mais de lui ... » reprit-il, après un léger soupire. Croyez-le ou non, mais se montrer sincère demandait beaucoup d'efforts pour quelqu'un comme lui. Beaucoup, oui. « Je ne sais pas si il a véritablement pris conscience du fait que tout ça ne sera de toute manière qu'éphémère ... Bien sûr que mon amour pour lui, comme celui qu'il me porte, m'aidera à aller mieux, d'une certaine manière. Mais ça ne changera rien au fait qu'un beau jour, et bien, je ne serai tout simplement plus là. Je ne sais pas si lui et moi serons toujours ensemble ... Je l'espère comme je le redoute. Parce que le laisser seul, l'abandonner, ce serait une chose terrible. Mais je n'y pourrai rien. » Jackson se stoppa un instant, le temps de renoncer définitivement à la bouffe qu'il avait sous le nez. Non, décidément, ça n'était pas pour lui. « Alors je crois que je préfèrerais qu'il ne perde pas son temps avec moi. Je serais capable de le détester s'il restait avec moi jusqu'à la fin ... jusqu'à ma fin. Je sais que c'est agir avec égoïsme dans les deux cas. Soit je veux le garder avec moi, parce que je l'aime et que j'ai terriblement besoin de lui dans ma vie ... Soit je le pousse à s'éloigner et je lui fais du mal ... » Jackson baissa la tête un instant. Eh merde, pourquoi fallait-il qu'il parle autant, quelques fois ? « Je veux être heureux avec lui. Mais je sais qu'il finira détruit de toute manière. Alors, à choisir, je crois que je préfère encore qu'il le soit le plus tôt possible pour qu'il puisse s'en remette plus facilement. » Le grand blond releva la tête, histoire de croiser le regard de son ancien camarade. « Franckie est la personne la plus formidable qui m'est été donnée de rencontrer au cours de ma vie. Je considère qu'entre un père qui me déteste autant que je le déteste, et une sœur qui ne cherche même plus à me voir, il est la dernière "famille" qu'il me reste, le seul qui soit prêt à me donner un peu d'amour. Et moi, je l'aime au point de me foutre éperdument de ce qu'on peut dire à notre sujet, de ce qu'on peut penser de nous. Et je crois que c'est parce que je l'aime autant que je veux lui éviter de trop souffrir. Il souffrira de toute manière, c'est sûr, mais ce sera pire si j'attends le dernier moment ... » Pour le coup, Jackson était parvenu à s'embrouiller dans ses propres paroles. Maintenant, il ne savait plus tellement quoi penser de lui, de sa relation avec Franckie. Et, une fois de plus, et sans transition aucune, Ruben lui proposa une charlotte aux poires. Ouais, carrément. « J'aime les poires, Ruben » souffla-t-il, dans un mince sourire. Et, bon sang, il savait bien qu'il s'agissait de fruits. Il avait beau être blond, merci de ne pas pousser le bouchon trop loin tout de même.