Je tournais en rond comme un lion en cage, lasse d’attendre la fin du cycle de la sécheuse, qui m’annoncerait qu’enfin, j’en avais terminé avec ma lessive pour la journée. Je patientais depuis plus d’une heure, surveillant mes biens au cas où un petit coquin aurait eu l’envie de venir y mettre la pagaille – non, non, je n’avais pas du tout une pensée pour Lamine, du tout. Bouquin à la main, je n’avais pourtant pas la tête à la lecture, et je le délaissais rapidement pour laisser voguer mes pensées. Puis, je m’étais mise à marcher, faisant maintes et maintes fois le tour de la pièce, si bien qu’une petite tranchée aurait pu être en train de se creuser là où j’avais posé les pieds. Je sursautais presque en entendant, enfin, la fameuse sonnerie m’annonçant que mon calvaire venait de prendre fin. Il me restait encore l’étape du rangement, mais au moins, le paysage y serait différent. Je récupérais donc mes vêtements et rejoignis le dressing, où je m’empressais de plier et disposer de ceux-ci afin de me débarrasser de cette tâche ingrate qu’est de faire le lavage. Je voyais enfin la fin de cette besogne se rapprocher quand j’aperçu Gigi faire son entrée dans la pièce, toujours aussi en beauté qu’à l’accoutumée, bien que ces traits semblaient un peu plus tristes, fatiguée. Dimanche, je me le rappelais bien, Joey avait quitté le nid, et je crois que la candidate lui manquait. Après tout, elles étaient très proches, toutes les deux. Délaissant mon armoire – de toute façon, je venais tout juste de terminer -, je m’approchais de la jeune femme, un sourire amical au bout des lèvres. « Ça te dit d’aller faire une balade avec moi? » Elle désirait être mon amie, et pour se faire, il fallait que nous passions du temps ensemble, n’est-ce pas? Et puis, je m’étais fait la promesse de veiller sur elle en l’absence de mon ancienne partenaire, c’était la moindre des choses de passer un peu de temps en sa compagnie. Elle accepta, et j’attendis qu’elle achève ce qu’elle était venue faire dans la pièce avant de la traîner gentiment avec moi jusqu’aux jardins, puis sur le petit pont qui surplombait le bassin japonais, où je m’arrêtais pour regarder les colorés poissons faire leur chemin dans l’eau. Magnifique spectacle pour l'oeil, mon regard ne quittait les formes floutés que pour s'attarder sur la jeune femme à mes côtés. « Alors, comment ça se passe pour toi dans le jeu? Tu passes un bon moment? » lui demandais-je, faussant un désintérêt alors que j’étais plutôt curieuse de connaître la réponse. Perdre à la fois Ronan et Joey en si peu de temps semblait l’avoir fragilisé, mais j’espérais qu’elle saurait se montrer forte, afin de leur faire honneur. Je n’en attendais pas mieux de sa part.

Elle passe trop de temps dans le dressing c'est certain. En même temps il lui arrive de changer de tenue plusieurs fois dans la journée, surtout quand il fait un temps aussi chaud. On arrive rapidement à se retrouver tout en sueur. Là il est vraiment temps qu'elle change de tee-shirt sinon les auréoles ça va pas être très classe. Vêtue d'un short en jean taille haute et d'une paire d'espadrille à talon elle se dépêche dans les couloirs ne voulant pas qu'une mauvaise odeur s'arrête sur les narines d'un candidat. Elle doit être certainement celle qu'on pense la plus soignée, la plus propre et celle qui sent le plus bon ici. C'est sûr. Donc pas moyen que sa réputation en prenne un coup parce qu'elle a gardé trop longtemps son petit chemisier manche courte sur le dos. Arrivée dans la pièce qu'elle convoite elle note la présence de Simone à qui elle envoie un sourire franc, malgré sa morosité ambiante. Faut dire qu’après le départ de Ranja, Ronan et puis ensuite Joey elle a l'impression que tous les gens qu'elle apprécie réellement sont voué à s'en aller. Elle commence donc à avoir peur pour Leandro et Kira tous les deux nominé cette semaine. Avec la chance qu'elle se tape y en a bien un qui va partir dimanche hein. La belle blonde s'approche d'elle, alors que Gigi déboutonne son chemisier. Une petite balade ? Elle sourit. Ça lui fait vraiment plaisir qu'elle le lui propose, parce qu'en générale ce genre de choses ça vient d'elle et pas des autres. Faut croire que Simone n'est pas contre le rapprochement que Gigi avait instiguée entre elle deux. « D'accord. » Elle lui dit toujours souriante en retirant son chemisier. Elle passe rapidement un top court blanc à frange et suit la jolie blonde. Sans dire un mot elle suit Simone vers les jardins. Elles finissent par se poser seulement lorsqu'elle sont sur le petit pont construit au dessus du bassin japonais. Gigi regarde tranquillement les poissons, mais elle s'en désintéresse rapidement pour regarder ce qu'il y a de bien plus beau que les poissons ici : Simone. Leur regard se croise et la belle prend la parole. C'est une question assez simple mais elle a l'impression qu'il faut qu'elle soit très honnête. Que c'est vraiment très important. « Oui, ça va. J'aime tout le monde ici. Enfin presque. C'est plutôt cool quand même non ? » Elle lui dit tranquillement, en passant une main dans ses cheveux. « Mais bon... c'est quand même difficile d'être proche des gens. » Elle hausse les épaules. « J'aime trop les gens et je veux pas qu'ils partent loin de moi. » Pas comme son père, pas comme son époux dirait certainement un psychologue plus ou moins qualifié. « Et toi alors ça va bien ? Tu n'as pas peur de ce qu'il va se passer après entre nous tous ? Tu crois qu'on gardera le contacte ou bien chacun va retourner à sa vie ? » Ce qu'elle ne supporterait pas, non y a pas intérêt qu'on la lâche après ça.

La candidate semble heureuse de la tentative d’approche que je viens de faire à son égard, il faut croire que je suis capable de faire quelques efforts pour faire plaisir à la demoiselle. Après tout, cette requête, cette amitié toute simple qu’elle demande de ma part, ce n’est pas si contraignant quand on y pense. D’office, je n’aurais jamais cru qu’elles et moi pourrions-nous entendre, mais Gigi semble naviguer dans la masse avec une fluidité étonnante, et je ne dois pas être seule à concevoir qu’un peu tout le monde l’apprécie, dans le coin. Elle n’est surtout pas méchante, plutôt un brin attachante et toujours souriante. Elle accepte d’un sourire de m’accompagner dans cette balade, et je lui laisse le temps de se changer, me tenant à l’extérieur du dressing pour lui laisser un peu d’intimité, avant de prendre la direction des jardins en sa compagnie. Nous nous promenons pendant un court instant que je ne décide de me poser sur le pont qui surplombe le bassin. Je l’observe d’ailleurs quelques secondes, suivant des yeux les mouvements désordonnés des poissons, mais mon intérêt pour ma camarade est plus, et je fini par détourner du regard pour m’attarder sur cette dernière, la questionnant au sujet de son aventure, jusqu’à maintenant. « Oui, c’est bien. » lui dis-je, quand elle m’affirme s’entendre avec une grande majorité de nos colocataires. J’aimerais pouvoir en dire autant, mais c’est loin d’être le cas. Quoique, maintenant que j’y pense, je n’ai pas de réels ‘ennemis’ dans le jeu. Pas comme Maha et Gekko, par exemple, qui, en plus, sont coincés ensemble en tant que couple. Une belle galère. La belle continue de se livrer, et même si elle le fait avec un certain détachement, j’ai l’impression que ça l’affecte plus qu’elle ne veut le laisser croire. « Ce n’est pas évident de s’attacher aux gens et de les voir partir un à un, n’est-ce pas?  »  Sans même citer de noms, je crois que nous étions toutes deux conscientes des personnes dont il était question pour la candidate. Des gens de qui elle était assez proche, ces piliers dans ce jeu. Pour ma part, j’évitais de trop me lier avec mes partenaires de jeu, mais on ne contrôlait pas toujours ce sentiment d’attachement qui naissait entre deux êtres humains. Je m’étais fait prendre à mon propre jeu avec Ariadne, d’ailleurs. C’est qu’elle me manquait, tout de même. « Ça se passe plutôt bien de mon côté aussi, maintenant que j’ai arrêté de me retrouver nominés aux deux semaines. » répondis-je à Gigi, lorsqu’elle me retourna la question. Les trois premières semaines avait mis à rude épreuve ma résistance à ce genre d’imprévue, mais je crois que la situation était enfin stable. Pour le moment, du moins. Attendons de voir ce que l'avenir me réservait. « Je pense que certains garderont contacts, ceux qui auront tissé des liens plus approfondis avec d’autres… mais c’est inévitable qu’on se perte tous un peu de vue, ensuite. » Après tout, on ne cohabitera plus tous ensemble dans la même résidence.  Sans oublier que nous ne vivons pas tous dans le même pays, ni sur le même continent. Il y a aussi le travail et la famille, et la reprise de notre routine quotidienne. La séparation se fera naturellement, mais non sans douleur, j’imagine. Ce serait pénible pour quelques-uns d’entre nous, et moins pour d’autres. Pour moi. J’étais trop indépendante et orgueilleuse, de toute façon, pour m’admettre que je risquais de m’ennuyer de ces candidats, même les plus insupportables du lot. « Ton mari, est-ce qu’il te manque? » Je changeais de sujet, cherchant à connaître plus en profondeur la demoiselle à mes côtés, et à la comprendre, surtout. Elle restait encore, à mes yeux, un énorme mystère… ou une boîte à surprise. La seconde image lui allait mieux.