feat, anabel

Le centre de remise en forme me faisait de l’œil, ce matin. À cette heure, mon horloge interne avait déjà sonné, me condamnant à sortir du lit précocement. J’étais lève-tôt, d’accord, mais de là à me réveiller au petit matin, on repassera. Qui plus est, qu’est-ce qu’on s’ennuyait quand tous ce beau monde qui nous servait de compagnies dormaient encore comme des loirs. Morphée avait été sympa avec eux. Pas avec moi. C’est en fouillant dans ma penderie personnelle que l’idée d’aller à la piscine me traversa l’esprit. Hm, pas si mauvaise idée. Ça m’occuperait un bon moment, et peut-être que quelqu’un finirait pas m’y rejoindre… ou peut-être pas. Enfilant mon maillot, je passais par la salle de bain pour y récupérer une serviette puis laissait mes pas me guider jusqu’à la piscine, tout en bas de ce long escalier qui s’enfonçait sous terre. Je venais tout juste de déposer mes effets sur l’un des transats lorsque j’entendis un cri provenant de l’une des salles sous-adjacentes. « SOS, PAUVRE CRÉTIN EN DÉTRESSE ! » J’arquais un sourcil, intriguée, avant de me diriger vers ce qui semblait être la salle de sport. Avec toutes cette machinerie, impossible d’en douter. Et là-bas, tout au fond, un jeune homme semblait coincé sous la barre de fer. Je me rapproche de lui, me demandant bien en quoi ma présence pourra l’aider. Je suis loin d’être forte, physiquement parlant. Je le jauge du regard, cherchant de quoi l’aider, puis je remarque que les poids sont loin d’être fixé à la barre. Suffit simplement de les jeter par terre. Ça fera un bouquant impossible, mais tant pis. La charge de poids étant énorme, il me faut un petit moment avant de libérer le premier altère. Le contre-balancier fait son effet, et je vois la barre de soulever du torse du jeune homme, libérant le captif. Ouf. Sauver. « Ça va? » fis-je en m’assoyant sur un banc près de lui, le souffle court. J’ai pas l’habitude de faire autant d’efforts.

Le moment de ‘panique’ étant passé, et la situation résolue, nous pouvons maintenant respirer, lui et moi. Ma condition physique m’inquiète ; les efforts soutenus n’ont jamais été ma tasse de thé, mais là, on croirait presque que j’ai fais un marathon alors que je me suis seulement efforcée de libérer un camarade se trouvant dans une bien mauvaise posture. Je récupère cependant bien vite de ce petit incident. Tout comme le candidat que je viens de sauver, qui affiche un air béat sur son visage. Petit sourire et yeux brillants à l’appui. « Maintenant, oui… » m’affirme-t-il lorsque je lui demande si tout va bien. Je veux bien le croire. « Si j’avais le courage et la volonté, je dirais un milliers de fois merci, mais je vais me contenter d’le dire une fois. Merci. » Voilà qu’est venu mon tour de sourire, et le rouge me monte aux joues. « Ce n’est rien, voyons… J’ai entendu un appel à l’aide et j’ai accouru, il n’y a rien d’héroïque là-dedans, c’est… c’est la chose la plus naturelle à faire au monde. » Je passe une main dans mon cou, gênée par cette situation. Surtout que son regard ne cesse de s’attarder sur moi. Trop de gens m’ont ainsi scruté dans les derniers jours, j’ai l’impression d’être une bête de foire. Hm. « Mais tu sais j’aurais pu la soulever fastoche…, le coup du j’appelle à l’aide, c’était un test. Et tu l’as passé avec brio! Pour récompense, j’peux même t’offrir un p’tit smack… » Brusque changement d’attitude, je sens que le jeune homme qui me fait fasse tente de se la jouer gros dur, mais j’ai vu ce que j’ai vu. « La prochaine fois, alors, je te laisserai t'en sortir seul, sans mon aide, puisque tu es si fort. » me contentais-je de lui répondre, haussant les épaules. Quoique me faire prendre deux fois sur ce coup, jamais. Il aurait beau crier aux loups, je n’accourrais plus… enfin, c’est ce que je disais, mais me connaissait, j’irais quand même. Lâche, j’étais tout simplement lâche. Même pas capable de m’en tenir à mes propres promesses, pff. « Mais j’prendrais bien ce petit ‘smack’ comme tu dis. C’est si gentiment proposé. » Et puis avec ce grand sourire accroché à ses lèvres, comment résister. Je suppose qu’il se contentera d’un simple bisou sur la joue. Au stade où se joue notre relation, je l’imagine mal osé une approche plus pousser, mais je devrais vraiment apprendre à me méfier…sait-on jamais.

Un léger baiser sur une joue n’avait rien d’affolant, surtout quand on sait que la majorité des gens s’accueille avec cette marque d’affection dans la plupart des pays européens. Et surtout à Paris, de ce que j’ai pu constatée en m’invitant dans la belle-famille de ma cousine. Je n’ai pas tellement l’habitude de faire la bise à des inconnus, chez moi, on se contentait d’une poignée de main, c’était, disons, plus formel, moins personnel. Là, j’ai franchement l’impression de pénétrer dans la bulle de quelqu’un à chaque fois. Ou que quelqu’un s’invite dans la mienne sans mon autorisation. Ce qui n’est pas le cas du candidat qui me fait face, celui à qui j’ai sauvé la vie. Il sourit toujours, et j’ai presque l’impression de voir son sourire s’accroître quand je l’autorise à faire selon son désir. Il jubile, y’a qu’à le voir dans son regard pétillant. Bon, tant mieux si j’ai réussi à illuminer la journée de quelqu’un, alors… Lentement, il tente une approche et me doutant de la destination, je tends légèrement la joue vers lui – question de lui faciliter la tâche. Mais il me déjoue, et c’est finalement sur le coin de mes lèvres que les siennes de pose. Je suis surprise de l’audace qu’il a, mais pas choquer. Hm, peut-être un peu, tout compte fait. Je plisse les yeux un instant avec de vriller mon regard vers ce dernier. Il a de la chance, son baiser m’a tellement déstabilisé que j’en ai oublié de respirer, l’espace de quelques secondes. Ça au moins eu le bénéfice de me faire épargner son haleine désastreuse. « C’était un simple et tendre petit bisou…, la prochaine fois on se la jouera plus sauvage. » Satisfait de son coup, il sourit toujours, tout fier. On dirait presque un gamin le jour de Noël. « La prochaine fois? » m’étonnais-je, surprise. « Tu sais, avant que je ne te laisse à nouveau approcher mes lèvres, il faudrait au moins que je connaisse ton prénom. » Bon, ça n’allait pas être aussi facile que je le prétendais, mais laissons-le croire que ce l’était.

« Némo. Et je retiens… » Je retiens un léger rire en entendant son prénom ; impossible de ne pas l’associer à ce petit poisson-clown si populaire, il y a de ça quelques années. Mais pas respect pour lui – et parce qu’il doit en avoir marre qu’on se moque ainsi - je réussis à me contenir. De toute façon, sa remarque me laisse songeuse. Il faudra que je sois légèrement sur mes gardes, quand je me trouverai à proximité. Qui sait quand l’envie de prendre d’assaut mes lèvres lui passera pas la tête, hein! « Et toi, tu as un prénom ? » Bien sûr que j’en ai un. Remarque, je me demande quelle tête il aurait faite si je m’étais contentée de lui répondre non. « Anabel, mais tu peux m’appeler Ana, si tu veux. » L’un des seuls surnoms que je supportais, l’autre étant réservée à mes plus proches amis et ma famille. D’ailleurs, depuis la popularisation d’une certaine série de roman traitant de l’histoire d’amour d’une humaine et d’un vampire (dont je tairais le nom), je me gardais bien de ne pas trop étalée au monde que Bella me qualifiait aussi. J’étais née avant ces bouquins, c’était presque insultant que l’on associe ce sobriquet à ce personnage qui n’avait rien d’exceptionnel! Pff. « Sinon j’ai vu que le moindre effort t’essoufflais, tu n’es pas le genre sportif je présume ? Et pourquoi participer à Fake Lover ? Une fille canon comme toi devrait pouvoir claquer des doigts et se retrouver avec une dizaine de mecs sous la couette. Puis tu viens d’où ? Ton accent est vachement chelou dis donc ! » Wow, stop. Trop de questions à la fois, ça m’étourdissait soudainement. Comment un tel flot de paroles pouvait sortir d’un si petit être, c’était fascinant. « Ok, ok, commençons par le début ! » fis-je en rigolant devant son empressement à en savoir le plus possible sur ma petite personne. « Hm, d’abord, tu n’as pas tord. Je déteste le sport. Aucun talent, aucune coordination, deux pieds gauches… je n’ai jamais été faite pour ça. Limite, je fais de la natation… de la marche aussi, et du vélo, Mais c’est tout. » Répondre à sa première question : check. Suivante. « L’expérience humaine, ça pourrait bien résumée ce que je suis venu cherchée ici. C’est cliché, comme réponse, mais c’est disons plus simple que de tout expliqué. » Puis, mes joues virèrent aux rouges tomate. Son allusion quant à ma popularité auprès de la gente masculine me gênait terriblement. « Tu te fais de drôles d’idées sur mon compte. Je ne suis pas… ce genre de filles. Je me considère plutôt banale, je n’ai rien d’exceptionnel. Tu es certain de ne pas avoir un sérieux problème de vue? » J’esquissais un fin sourire sur mes lèvres. Je ne me voyais pas comme lui le faisait. Il m’était même inconcevable que l’on puisse penser cela de moi. L’estime que j’avais de ma personne quant à mon pouvoir de séduction se résumait au néant. Clairement. « Mon accent n’a rien de chelou… enfin, je crois. » Je n’étais même pas certaine de comprendre ce que ça voulait dire. « Tu connais le Québec? Le grand hiver blanc, froid, interminable, ses ponts qui s’écroulent, sa grève étudiante interminable? Non? » Oh, il ne manquait rien. Il faut dire que j'avais omis le meilleur et que parler du pire. Ce qui faisait notre réputation, à l’international. « C’est mon chez-moi, ma patrie là-bas. »

Il doit avoir l’habitude qu’on se moque de son prénom. Ce n’est pourtant pas une excuse pour agir comme tout le monde et suivre le mouvement. Je suis polie, quand même, et je me retiens par égard pour lui. Il en a assez entendu, je ne vais pas en ajouter une couche, je suis gentille, moi. « Natation ? C’est vrai qu’en maillot tu es plutôt mignonne, tu as raison de choisir un sport qui te mette en valeur ! » J’ai retenue son attention. C’est évident. Et je pique encore un fard devant le compliment. « Euh… merci? » À défaut de savoir quoi lui dire de plus, je me contente de ça. Préférable à un moment de silence inconfortable. « J’avais remarqué que tu n’étais pas ce genre de fille, n’empêche tu n’es pas un thon ! Ma vue est excellente, toi par contre… si tu ne te trouves pas jolie, tu devrais consulter. » Consulter, hum, oui, d’accord. Devrais-je lui dire que c’était déjà le cas? Qu’une psychologue me suivait depuis quelques mois pour remettre sur pied cette estime de moi-même qui avait dépérit au cours des deux dernières années? Non, ça ne valait pas la peine que je m’attarde sur ce détail, de même que je lui en glisse un seul mot. Ma santé mentale ne se devait pas d’être un sujet de conversation au sein de ce nid d’amour. Il y a tellement de truc plus intéressant à dire que ça. « Ah bah… je veux bien te croire, alors. » consentis-je à lui accorder. S’il me trouvait joli, je n’allais pas l’obstiner à ce sujet rien que parce que je n’en croyais pas un seul mot. Il fallait que j’apprenne à accepter le compliment comme il venait, sans chercher à les réfuter. « Ah oui Québec, c’est au pôle nord, non? » Je laisse échapper un léger rire ahurie devant sa remarque. « Ah euh, non, non… le Père Noël n’est pas mon voisin, tu vois. » Ok, je me moque, ce n’est pas gentil. « C'est un peu plus bas, plus vers le sud, juste au dessus des États-Unis, en Amérique. Tu vois où s’est ? »