Une semaine ça passe tellement vite, si vite que je ne m'étais pas rendu compte du fait que je ne connaissais pas encore toutes les pièces du manoir. Voilà encore que j'en découvre une au détour d'un couloir en pensant accéder aux cachots. Et à ma grande surprise j'y découvre une cave, des bouteilles, un petit bar, mais où suis-je, au paradis ? Sans doute. Comme un gamin ébahi devant une glace trois boules, j'ai limite la bave qui pendouille au coin de ma bouche. J'exagère, mais cette pièce est d'enfer. Je prends mes aises en m'installant dans un des trois fauteuils en cuirs qui entoure une petite table. Le pied. Il ne me manque qu'une bonne bouteille à faire péter. Du coup je me lèvre et m'avance vers les immenses étagères qui me font face. C'est même mieux qu'un orgasme. Ou pas. Dans tous les cas, je tire une bouteille au hasard. Je ne suis pas un fin connaisseur, et pas compliqué non plus. Je bois ce qu'on m'offre, et je ne fais jamais le difficile. On me surnomme d'ailleurs l'entonnoir, ou sac à vin. Mais je ne vois pas où est le mal à apprécier l'alcool et à se bourrer la gueule ? J'ôte le bouchon d'une des bouteilles, prends un verre sur le comptoir du bar et retourne tranquillement m'asseoir. Au final le verre ne me sert à rien vu que je commence à goûter au vin, au goulot directement. Les bonnes manières ? Connais pas.

Moi qui pensais être tranquille, seul, pénard avec ma petite bouteille de rouge. Et bien non. C'était sans compter sur Katell qui déboula dans la cave et vint à ma rencontre. D'un côté je voulais être pépère, mais d'un autre, elle n'est pas de si mauvaise compagnie, alors ça passe. Enfin, du moins si elle ne met rien dans ma bouteille. Il ne manquerait plus qu'elle me refasse le coup. Une fois, mais pas deux. Je lui adresse un large sourire avant de l'effacer, pour cause d'incompréhension. « Tu veux qu'on partage ? Il y a assez de bouteille pour un régiment tu sais, alors ... » Oui, je ne voyais pas l'utilité de partager alors que des bouteilles, il y en a des centaines. Je suis égoïste, je le sais. Mais je n'ai pas fais gaffe à la réelle signification de sa phrase, qui était en somme, - je peux squatter ? - . Genre je vais lui répondre non et lui demander de s'en aller parce que j'étais là le premier. Ça aurait été bien mon genre, mais sa présence de me gêne pas. Elle s'installe à mes côtés et me tend son verre. « Vaut mieux être seul que mal accompagné, une chance pour toi, j'aime bien ta présence. D'ailleurs, rien que pour ça, je veux bien partager de ma bouteille ! ». Je lui souris et lui remplis son verre. Elle me demande par la suite ce que je lui sers, et c'est tout naturellement que je lui réponds. « Du rouge, ça ne se voit pas ? ». Elle est bête ou elle le fait exprès ? De toute façon, je m'en fous. Nous sommes ici pour boire un coup alors je tends ma bouteille vers son verre et dis. « Santé ? »

Plus je descends ma bouteille, plus mon sourire s'élargit. Genre, à cette allure je vais ressembler au Joker de Spiderman. Horrible. Et alors que je lui remplie son verre, elle se méfie. « Goûte et tu verras » dis-je avec un air malicieux. Ce n'est pas drôle si je lui avoue directement, que non. Un peu de suspens. Mais cela ne signifie pas non plus, que j'en oublie ma vengeance. Car comme disait un mec dans un bouquin (oui, je sais lire) "Tout vient à point à qui sait attendre". Bon, je ne suis pas sûr de l'explication exacte, je ne suis pas Einstein, mais je pense que ça veut dire que ma vengeance viendra au moment voulu. Elle m'a quand même fait boire un truc immonde, alors que c'était mon idée pour faire une farce aux autres. Sacré culot qui sera récompensé comme il se doit. J'ai l'imagination débordante. Cela dit avant cela, buvons un petit coup. Le goulot à mes lèvres, je bus une gorgée, deux gorgées, trois gorgées avant de reposer la bouteille sur la petite table face à moi. Il n'est pas mauvais ce petit rouge, même si habituellement je suis plus whisky. J'ai toujours trouvé que le rouge faisait petit péteux, ou vieillard alcoolique. Puis elle me traite de con face à ma réflexion peu fut fut. C'est bien la première à me le dire alors que je suis sûr que les ¾ des candidats le pensent. Ça me fait sourire. Je reprends ma bouteille en main pour boire une nouvelle gorgée, et elle me demande alors ce que je fais dans la vie. Bonne question. Je fais mine de réfléchir, puis lui balance. « Actuellement je suis candidat de télé réalité ... ». Pour une fois que je sors une connerie et que je le fais exprès. Je ris et reprends. « Mais sinon sur Dublin je vivais de petits boulots, et à Moscou j'étais un lapinou  ». Oui, oui vous avez très bien entendu. C'est ainsi que les clientes m'appelaient avant de me sauter. Il ne faut pas se voiler la face, il en faut bien. Je parle des gigolos, ou je ne sais comment vous les appelez. « Et toi alors ? .. » dans ma tête, je l'imagine bien actrice pornos, ou dresseuse de girafes, (...)

Je contente me de lui sourire. J'aime discuter avec Katell. C'est simple et elle me prend bien pour un con, j'aime. Elle me demande alors ce que je fais dans la vie. Je lui réponds sincèrement mais emploie un terme différent que celui connu de tous. Je n'allais tout de même pas lui sortir que j'ai joué les prostitués pendant quelques mois. Certaines personnes bien trop prudes pourraient être scandalisées. Mais plus je traîne avec cette somptueuse blonde, plus je vois qu'elle n'est pas comme les autres. Je dirais, moins coincée. Car il ne faut pas le nier, il a beaucoup de petites nonnes dans le nid. À commencer par ma partenaire. Pas que je ne l'aime pas. Loin de là, car elle est hyper sympa. Mais disons que parfois c'est mieux de parler librement et de pouvoir sortir toutes les conneries qu'on veut qu'elles soient à sous-entendues sexuels ou pas. C'est pour cela que dans un premier temps je me suis tenu de lui dire l'intituler exact, mais cela n'a pas l'air de la déranger. Cool. « Oui, enfin je viens de Koltchouguino précisément, mais j'ai vécu un certain temps à Moscou ! ». Cela me fait rire de dire le nom de ma ville, car bien souvent les gens après l'avoir entendu, tire une drôle de tronche. Il est vrai que je ne viens pas d'une ville au nom simplet. J'en mettrais ma main à couper qu'elle ne serait pas capable de le répéter. « Et oui car c'était mon surnom là-bas. Mignon, n'est-ce pas ? ». Ridicule surtout mais je l'aimais bien ce surnom. Ça change du petit poisson. Celui-là, je l'entends partout. « Et je n'étais pas une prostituée, mais un gigolo ou greluchon. C'est différent! ». Différent parce que je suis un mâle. Qu'elle ne m'enlève pas ce qui m'est le plus précieux. Mes parties. Je bois une nouvelle gorgée de mon vin et celui-ci commence déjà à me monter à la tête. Elle me dit alors qu'elle est étudiante. C'est tout ? Je réplique illico. « Juste étudiante ? Et tu veux faire quoi plus tard ? ». Puis je décide de re-formuler ma question. « Ou non, quel métier as-tu toujours rêver d'exercer ? »