Il pleuvait encore et toujours sur l’Irlande, à croire que le ciel allait finir par leur tomber sur la tête. Encore une journée destinée à rester cloîtré au château. Encore une morne journée en perspective. C’était par des jours comme celui-ci que l’on appréciait de s’allonger sur un divan avec une bonne tasse de thé et un bon roman. Un programme auquel Sochanna avait sacrifiée son temps la veille et le jour précédent. Un programme auquel elle ne supporterait pas de se plier une journée de plus. Elle ne pouvait concevoir de passer une seconde plus entre ces murs. Elle étouffait. S’en était trop pour la blonde. Aussi enfila-t-elle un pantalon de jogging, se couvrit-elle d’un coupe-vent et chaussa-t-elle ses chaussures de course. Elle avait besoin d’espace, elle avait besoin de sentir le vent mordant cinglé son visage. Des sensations que les installations sportives du le château. Rabattant la capuche du vêtement sur ses cheveux blonds regroupé en une queue de cheval basse, elle s’élança en pleine tempête. Qu’il était bon de succomber à l’appel des éléments, de sentir ses muscles se contracter et s’allonger pour soutenir l’effort qu’elle exigeait de son corps. Ses foulées étaient régulières et l’usure de ses baskets témoignait de leur fréquent usage. Elle savait ce qu’elle faisait et comme elle le faisait. Elle avait appris à se repérer dans le parc. Elle savait quel chemin emprunter pour décrire un large tour de la propriété avant de retourner s’abriter dans le château, ivre de liberté pour le reste de la journée. Oui, elle se contenterait de quelques kilomètres de course pour le moment, s’aventurer en forêt en pleine tempête n’aurait pas été sage. Alors qu’elle passait sous le « passage » du rempart les yeux fixés sur le sol inégal elle heurta de pleine fouet un mur … Où tout du moins ce qu’elle pensa être un mur avant de se retrouver au bord de chavirer sur le sol. Par réflexe elle s’agrippa à ce qu’elle venait de heurter ou plutôt à qui elle venait de heurter. Ils tanguèrent quelques secondes l’un accrochés à l’autre avant de s’étaler sur le sol dans un bel ensemble. La boue amortie heureusement le choc. Emmêlé l’un à l’autre ils gisaient là tels des tortues retournées sur leur carapace. Penaude elle leva les yeux vers son infortuné compagnon et cette simple vision provoqua une hilarité incontrôlée. Le visage maculé de boue Malo dardait sur elle un regard encore surpris. « Oh seigneur … » Murmura-t-elle en se tenant les côtes. « Je ne veux pas savoir quel tête j’ai. Rien de cassé ? » Demanda-t-elle cependant en tentant de se ressaisir, passant une main sur son visage elle étala encore plus la boue qui maculait ses joues et son nez.

Cette semaine avait été rythmée par les allées et venues de la pluie, lui rappelant son Angleterre natal. Il avait le pressentiment que la matinée allait être dure à cause des gouttes d'eau qui s'abattaient sur le château. Las de cette morosité ambiante, il soupira en buvant en silence son thé dans le dressing, près de son atelier. La robe vert émeraude était terminée. Il ne savait pas quoi faire pour s'occuper. Il avait visiter toutes les pièces du nid d'amour. En long, en travers, en larges. Il n'en pouvait plus, il était encore en quête de lieux secrets. Des endroits que ses pas n'avaient jamais foulés. L'ennui avait surgit brutalement dans l'atmosphère étouffant des lieux. Malo prit soudain conscience qu'il avait besoin d'air. Il s'habilla dans des vêtements qui ne risquaient pas d'être abîmés par la pluie. Adieu les vestes de grand couturier. Bonjour pull laineux et pantalon en toile. Des textiles qu'il détestait porter en général pour le côté trop décontracté à son goût. Il n'avait pas le choix car il tenait énormément à ses habits qu'il avait gagné à la sueur de son froid. Il les vénérait tels des reliques ancestrales. Il se dirigea vers l'extérieur. Ses pieds le menèrent aux remparts du château. Son regard se perdait dans la contemplation du paysage qui s'offrait à lui du haut des remparts. Il ne fit pas attention à la personne qui fonçait droit sur lui. Elle le heurta de plein fouet. Il perdit l'équilibre, sa canne lui tomba des mains. Leurs corps se mêlèrent pour atterrir lourdement sur le sol. Le blond étouffa une injure en français. Une douleur à la jambe traversa son corps. Il se mordit les lèvres pour ne pas gémir. Il oublia bien vite fait cette sensation pénible à la jambe pour ramper vers l'autre personne qui était tombée avec lui. C'était Sochanna. Son beau visage était couverte de boue. Il la vit rire aux éclats. Il concluait que de la boue peignait son faciès. - Oh seigneur … Son rire devint contagieux, puisque le jeune homme s'esclaffa à son tour. Car il fallait avouer la situation était burlesque. - Je ne veux pas savoir quel tête j’ai. Rien de cassé ? Il vérifia sa jambe, il l'effleura de ses doigts. Ses os étaient encore intacts. Il s'empressa de se lever, mais c'était difficile. Il parvint à se mettre sur ses jambes. Il lui tendit sa main : - Un peu d'aide ? Il ne manquait plus qu'il pleuve. Il sentit des gouttes tomber sur sa tête. Il soupira : - Génial ...

Elle ne s'attendait pas à croiser âme qui vive en cette matinée pluvieuse, surtout pas à cette heure si matinale. La plus part des candidats dorment encore, épuisés d'avoir veillé si tard la veille au soir. Sochanna, elle, n'a que peu dormit mais pour la première fois en deux semaines elle n'est pas partie à la découverte du château ou trafiquer dans un placard une chambre noire. Non, cette nuit elle l'a passé dans les bras de Hamad, comme les deux nuits précédentes, à écouter les respirations autour d'elle, se laissant bercer par les aller-retours de la main de son partenaire dans son dos, jusqu'à ce qu'enfin Morphée ne l'enveloppe dans ses bras. Son sommeil a été réparateur, en grande partie, lorsqu'elle se réveillait en sursaut, le coeur au bord des lèvres, Hamad se contentait de la serrer contre lui et murmurer en arabe à son oreille, des paroles qui loin de l'angoisser, l'apaisait. Elle se sentait mieux. Mais elle éprouvait encore ce besoin de s'évader, de ressentir un frisson de bonheur en comprenant qu'elle était libre, terriblement libre. Elle avait besoin de s'aérer, elle étouffait encore en communauté, il fallait qu'elle relâche la pression. Courir était un bon exutoire à son "démon". Courir certes mais heurter de plein fouet un pauvre candidat en balade, pas vraiment. "Oh merci." Elle accepta sa main, manqua de choir une deuxième fois lorsque ses talons dérapèrent dans la boue mais se rétablit de justesse sur ses pieds. Se penchant elle récupéra la canne qui était tombé avec eux. "Je suis navrée. Je ne regardais pas devant moi. Je ne m'attendais pas à trouver une autre âme vivante dans le coin." Elle tendit machinalement la main vers sa joue pour essuyer la trace de boue qui la barrait mais se ravisa en chemin, sa main retomba le long de son flanc.Elle n'apprécia pas qu'on la touche, peut être en était-il de même pour lui. Elle le connaissait à peine. "Tu es sur que je ne t'ai pas fais mal, je suis plutôt lourde, j'en ai conscience." Plaisanta t-elle pour dissiper le malaise que son geste esquissé avait fait naître en elle.

Oh fait chier. Cupidon ne pouvait pas choisir un meilleur moment pour ce genre d'intervention ? D'ailleurs comment la musique leur parvenait-elle. L'espace d'un instant elle espéra se tromper. Après tout elle avait déjà embrassé Malo lors de la soirée du Prime quelques jours plus tôt. Mais elle ne se trompait pas. Refuser de ce plier à la règle amputait la cagnotte du candidat récalcitrant de 1000 euros, une folie qu'elle ne pouvait pas se permettre puisqu'elle s'était lancée dans la chasse au secret pour occuper son temps dans l'Aventure. "De toute évidence le combat de boue a donné des idées à Cupidon." Soupira t-elle en s'avançant d'un pas. "Ne va pas penser que lui et moi nous sommes arrangés pour que je me retrouve toujours à t'embrasser." Murmura t-elle en effleurant sa bouche d'un baiser d'une légèreté frisant le presque non contact. "Voila heureux ?" Demanda-t-elle en se tournant vers la caméra la plus proche. Un sourire au coin des lèvres elle se retourna vers son compagnon. "Puisque nous nous sommes roulés dessus, embrassés, je pense que dans la suite logique de notre relation c'est le moment où je t'invite à boire un thé pour ta réchauffer non ?"

Elle ramassa la canne de Malo et dit d'une voix gênée : - Je suis navrée. Je ne regardais pas devant moi. Je ne m'attendais pas à trouver une autre âme vivante dans le coin. Elle allait lui enlever les taches de boue sur le visage du jeune homme, mais se rétracta. Les mains de l'anglais vinrent essuyer ses joues. Il n'était pas en colère. Très peu de choses énervaient le jeune homme. Cet accident en faisait partie. Heureusement qu'il n'avait pas mis sa tenue habituelle, car la mélange terre et eau aurait pu abîmer une de ses vestes. - Tu es sur que je ne t'ai pas fais mal, je suis plutôt lourde, j'en ai conscience. Il vérifia une énième fois pour la rassurer. Il regarda ses habits, ils étaient mouillés - rien d'anormal. Il les dépoussiéra, puis sortit de sa poche un mouchoir portant ses initiales. Il s'approcha d'elle pour venir déposer le tissu sur son front. D'une voix calme, il lui répondit : - Je vais bien. J'ai connu pire, tu sais ... Soudain, une alarme retentit puis la musique commença. C'était encore un coup du malicieux Cupidon. - De toute évidence le combat de boue a donné des idées à Cupidon. Comme stipulaient les règles de l'être ailé, ils devaient s'embrasser lorsque celui-ci mettait en route une chanson. Sochanna s'exécuta. Elle murmura : - Ne va pas penser que lui et moi nous sommes arrangés pour que je me retrouve toujours à t'embrasser. Il sourit, puis répliqua d'un ton malicieux : - Je ne pensais rien. Il échangèrent un baiser rapide. Il ne broncha pas, il se laissa faire. Une fois terminé, elle se recula un sourire au coin des lèvres. - Puisque nous nous sommes roulés dessus, embrassés, je pense que dans la suite logique de notre relation c'est le moment où je t'invite à boire un thé pour ta réchauffer non ?, lui demanda-t-elle. Il acquiesça. Il sentit une douleur lancinante, il en trouvait pas la source. Il effleura de ses doigts son front. Du sang coulait abondamment. Son arcade sourcilière avait explosé suite à la chute violente sur le sol. Il gémit. Cela lui faisait un mal de chien. - Je crois que j'aurai bien besoin d'un thé et d'une douche. Et surtout de pansement, je crois. Il gardait un visage serein, malgré la douleur.

"Continue à ne rien penser dans ce cas, cela me permettra de mettre en œuvre mon plan diabolique de blonde à échasse en te séduisant sans même que tu t'en rendes compte." Les mots, tout était tellement plus facile que les gestes pour elle, tellement plus. Elle aurait aimé pouvoir essuyer la boue sur son visage, sans ressentir cette réticence au contact d'un homme. Elle aurait aimé que tout soit "comme avant". Elle ne tressailli pas lorsque délicatement il essuya la boue qu'elle avait étalée sur sa joue et son front en passant une main sur son visage. Elle avait appris en deux semaines à juguler sa peur. Elle apprenait chaque jour à revivre. Lorsque le sang se mit à couler le visage de la jeune femme n’exprima aucune peur ou pâleur, elle avait appris à ne plus réagir face au sang, lentement elle récupéra le mouchoir que Malo avait rangé dans la poche de sa veste et avec la partie non "embourbée" elle tamponna délicatement la coupure. "Mes baisers ont souvent cet effet-là." Annonça-t-elle simplement en tentant d’endiguer le saignement. "Exercer une pression constante une minute puis relâcher la pression, recommencer jusqu’à ce que l’hémorragie s’apaise." Récita-t-elle en procédant comme il le fallait. "Mon père est chirurgien urgentiste. Tu as choisi la bonne blonde pour t’ouvrir le front. Ou pour que je t’ouvre le front, selon le point de vue. Je te ferrais un beau bandage et un bisous magique si tu veux, c’est ma spécialité." Il réagissait bien à la douleur, vue la taille de plaie elle s'en étonna, il s'était profondément entaillé l'arcade, elle ne l'avait pas remarqué avant, les cheveux mouillés du jeune homme cachant la blessure. Elle évalua la coupure d'un simple coup d'oeil, pas assez profond pour nécessité l'intervention d'un médecin. Une compresse hémostatique, un peu de gaze et un sparadrap il n'y paraîtrait plus. Tout d'abord veiller à ce que la coagulation opère par la compression de la plaie, puis la nettoyer. "Aller vient." Murmura t-elle en plaçant la main du jeune homme sur le mouchoir afin qu'il continue de presser la plaie pendant qu'ils se dirigeaient vers le château. "Si tu veux je passerais une robe blanche pour te mettre dans l'ambiance c'est le moins que je puisse faire." Elle se servait de cette image de blonde allumeuse que la production lui avait collé. Personne de suffisamment profond ne désirait construire quoi que ce soit avec une fille dans ce genre, elle avait machinalement adoptée cette attitude comme une carapace. La vraie Sochanna n'était pas là.