Le milieu d'après-midi avait sonné. Il était pratiquement seize heures et je sortais tout juste de table. Ici, tout était un peu déréglé. On petit déjeunait à onze heures pour les plus matinales et on déjeunait pas avant quinze heures. Enfin, je généralise la situation, mais comme partout, il y avait des exceptions. Après avoir engloutis des pâtes au beurre -la seule chose que je suis capable de faire ici- j'ai pris un yaourt et j'ai terminé par ranger mon assiette. Il ne faisait pas très beau dehors, comparé aux jours précédent et aujourd'hui j'avais décidé que j'irais repasser mes affaires. Nous avions pas une femme de ménage attitré.. et quand j'y pense heureusement. Je ne voudrais pas être cette femme qui se tape la linge de tout le monde. Bon, je suis sûrement la seule à penser ça, dans le sens où beaucoup de candidats prennent le repassage pour une corvée. Je ne vais pas dire que ça me plaît, mais disons que c'est une obligation, une organisation de vie, on ne peut pas y échapper, alors autant le prendre avec le sourire, non? Les tables à repasser se trouvaient dans le cellier. L'endroit que tu ouvres au minimum six fois par jour, c'est un peu l'arrière cuisine, la réserve quoi. J'arrive donc à hauteur de la porte de cette fameuse pièce et m'empresse de la pousser. Je fus surprise de tomber sur une autre candidate qui ne m'était d'ailleurs pas inconnu, j'avais eu la semaine dernière l'occasion de lui parler..bref inter-vu à cause d'une désagréable migraine. «Juré, c'est pas à moi !» je fronce légèrement les sourcils et je comprends immédiatement qu'elle veut évidemment parler du caleçon qu'elle me tend. Sourire compatissant. J'avais bien pire que ça dans la maison.. rien qu'avec sami d'ailleurs. «si tu le jures alors je te crois.» ça sentait l'ironie à plein nez, mais je savais qu'avec sive je pouvais me le permettre. J'arque un sourcil à sa deuxième réplique. Miss migraine ça risque de rester. «miss migraine va beaucoup mieux, elle va même faire son repassage.» effectivement, trouver de la compagnie pour repasser c'était plutôt une bonne nouvelle, mais je n'avais pas à chaumer, j'avais du boulot sur la planche... je sors donc la deuxième table à repasser, que je dispose en face de celle de sive. Nous avions l'air de deux femmes de ménage, c'était plutôt pathétique. J'en reviens tout de même au caleçon.. qui m'intriguait. «dis moi pas que tu repasses pour ton partenaire?» puis je regarde un peu autour d'elle et j'aperçois deux trois chemises.. d'homme. J'enchaîne avec un sourire aux lèvres. «enfin tout bien réfléchi je crois que je préfère que tu me dises ça plutôt que tu me dises que tu portes cette chemise.» je lui montre du doigt. Elle avait bien du courage et elle était bien bonne pour son partenaire. Le mien pouvait aller se brosser.

Mes affaires étaient toujours bien rangée. Je n'étais pourtant pas très maniaque, mais dans cette maison, si tu ne faisais pas preuve d'un minimum d'organisation, tu te perds vite dans ton bordel et ça me mettait d'humeur jaune. J'avais donc un tas, qui m'attendait toujours. Il n'y avait pas une âme charitable qui était passée par là et qui dans un élan de bonté aurait repassé mon linge. Non faut pas croire. C'est donc une fois le fer à repasser branché que je prends mes premières fringues. J'avais l'impression de toujours m'habiller de la même façon. Je crois que ça n'était pas qu'une impression, j'enfilais un short et un débardeur tous les matins, il n'y avait que la couleur qui différenciait. En même temps, avec ce temps, à part les jupes et les short, je ne vois pas quoi mettre d'autre. Bon, après il y avait toujours la fameuse soirée de Cupidon, où habituellement nous avions une tenue d'attribuée. La dernière en date? Une robe longue dans les tons de beige. On aurait cru que je me mariais, sérieusement. J'ai à chaque fois l'impression que Cupidon ne m'épargne pas. Mais bon, ça ne m'avait pas empêché de passer une bonne soirée, qu'on se le dise. «Oui, j'évite de me poser trop de questions sur ses goûts vestimentaires...» j'hausse les épaules et reste silencieuse quand à sa remarque. J'ai pour habitude de ne pas critiquer les goûts vestimentaires, du moins pas quand j'en vois pas la nécessité. Concernant Loxias, je ne l'ai pas vu souvent, mais à chaque fois ça n'avait rien de criard. J'imagine plutôt qu'est né entre eux un esprit de contradiction : en gros ne jamais être d'accord avec son partenaire, ne jamais le complimenter sur quoi que ce soit, voire même le rabaisser quand c'est possible. Heureusement, mon partenaire et moi nous nous entendions plutôt bien. Bon, effectivement je ne me voyais pas finir ma vie avec, mais le principal est la bonne entente dans la maison, n'est-ce pas? « Disons que Loxias et moi, ça va un peu au-delà du simple crêpage de chignon. Donc je crois que l'un de nous va devoir faire des efforts si on ne veut pas que l'aventure devienne juste invivable. Même si je doute qu'une simple séance de repassage va suffire à nous rabibocher... Mais bon, on peut toujours espérer ! » je l'écoute attentivement. Je ne me retrouve pas spécialement dans ses dires mais j'arrive à comprendre.. «effectivement ça m'a l'air d'être la grande entente entre vous deux.» je souris ironiquement puis reprend sur un ton plutôt désespérant. «vous êtes si.. incompatibles?» j'ai toujours tendance à questionner un peu trop les candidats, mais dans le fond, c'est aussi comme ça que j'arriverais à récolter des indices pour les secrets, on est d'accord? Ce n'est pas vraiment une stratégie.. car en posant cette question, j'ai vraiment envie de savoir, au-delà du jeu. «mes impressions?» j'en ai tellement. «une expérience pour le moment enrichissante....» réponse banale mais tellement représentative de ce que j'étais en train de vivre. «une expérience plutôt humaine me concernant.» ouai, là j'en arrivais à mes impressions plus personnelles. «autant de découverte sur les candidats que sur moi-même. C'est ça le plus.. incongru.» c'est vrai. Ça ne faisait que deux semaines mais j'avais l'impression de me découvrir parfois autant que les candidats ici. Découvrir le plus profond de moi-même. «et toi, dis moi tout?» je marque un temps d'arrêt. «à part que Loxias n'est pas fait pour toi.» en même temps.. qui aime bien châtie bien. Ah bon, ça marche pas ici?

Le repassage n'était pas mon activité favorite, mais quand j'avais que deux trois vêtements à repasser c'était supportable. J'en avais rarement pour plus d'une heure, pour la simple et bonne raison que je désespérais avant l'heure croyez-moi. J'en avais déjà un peu marre, alors que ça ne faisait qu'à peine un quart d'heure. Je regarde un peu autour de moi, je ne vois pas de bouteille d'eau et pourtant j'ai très soif. Je décide donc d'aller faire en tour en vitesse dans la cuisine. Je fais un signe à Sive comme quoi je revenais d'ici peu. Effectivement, elle me revoit arriver à peine vingt secondes après, avec une bouteille d'eau gazeuse dans la main, bien fraîche. Je bois deux trois gorgées et lui tend, tout en essayant de comprendre la situation avec son partenaire...«ou alors peut-être que lui comme toi n'était pas prêt à s'ouvrir à une personne en particulier... une personne attribuée dès l'entrée dans le jeu.» C'est vrai qu'il n'est pas toujours facile de l'accepter. Nous ne sommes pas des bêtes sauvages, loin de là, et nous ne baisons pas avec n'importe qui n'importe quand. Du moins en général. «faut dire que le système est assez catégorique. C'est presque un coup de poker, ça passe ou ça casse.» j'essaye tant bien que mal de lui éclaircir la situation et de lui faire partager mon point du vue. Personnellement, je ne pensais pas le vivre aussi bien. Disons qu'il n'y avait pas plus catégorique que moi et finalement j'ai réussi à changer ma façon de pensée au fil des jours et j'ai découvert certains traits de ma personnalité qui m'étaient inconnus au bataillon.. auparavant. «faudrait que je repasse plus souvent, j'ai comme l'impression que ça me donne des airs de psychologue.» Suite à cette dernière réplique je me mets à rire. Un rire franc, un rire moqueur. « Je ne sais pas. J'imagine que mon intégration ne se passe pas si bien que ça. Disons que je suis venue ici pour l'expérience humaine, mais je crois que j'avais un peu trop sous-estimé ma méfiance envers les inconnus et le stress ressenti... » elle m'avait l'air un peu perdue. D'un côté je comprenais, je n'étais pas aussi éclairée qu'on puisse le penser, j'avais aussi des questions, des incompréhensions.. «disons qu'en venant ici on a tous été plus ou moins surpris...» que ce soit du bon côté ou du mauvais. «qu'est-ce que tu entends par stress ressenti?» ces deux derniers mots m'avaient interpellés... je ne savais pas trop quoi en penser mais je voulais en avoir le coeur net et connaître le fond de sa pensée. Nous étions pas en train de se confier, ça n'avait rien à voir avec ça, c'était une conversation banale, comme je pourrais avoir avec quiconque ici. J'apprenais à la connaître voilà tout. C'est maintenant au tour de Sive de me questionner sur mon partenaire. De ce côté-là je n'avais pas à me plaindre.. même si ce n'est pas ce que je pensais au début. «si par magnat du pétrole tu fais référence à Sami..» je ne savais pas qu'il avait cette réputation. À vrai dire je n'étais pas au contre des rumeurs je m'en contre fichais pas mal. «alors oui c'est bien mon partenaire.» je marque un temps d'arrêt comme pour conclure la conversation. Je reprends aussitôt sur un ton amusé. «et je dirais que oui ça se passe plutôt bien! J'entends par là qu'on s'entend bien, passer du temps avec lui n'est pas un problème. On a le même humour et c'est ce qui fait probablement qu'on arrive à bien s'amuser. Je pense qu'on est plus complémentaire que similaire, mais derrière ça, l'un comme l'autre savons qu'il n'y a aucun sentiment amoureux. Je le considère comme un pote ici et s'il venait à partir ou inversement il fera partie des personnes que je reverrais à coup sûr.» je pense avoir réussis à résumer ma façon de pensée en quelques lignes. «Je suis plutôt étonnée de cette complicité, je ne m'attendais pas à ça au bout de deux semaines de jeu.» comme quoi... là-encore je m'étais fait de fausses idées.

Spoiler:

(...) Loxias et Tweedy étaient définitivement tarés. Ces deux jeunes gens en apparence normaux - ou chez qui l'on ne saurait distinguer le moindre trouble mental, à première vue - s'étaient mis en tête de réaliser un flashmob à deux, et ce, dans divers endroits à l'intérieur et à l'extérieur du château, où ils pourraient en profiter pour embêter légèrement leurs petits camarades en se la jouant pour le moins collants. A leur compteur, il y avait donc désormais la chapelle - où ils traumatisèrent Anabel et Valentina - , la cuisine - où ils firent de même avec Slavin et Sochanna - , la forêt - où leurs victimes furent cette fois-ci Laoise et Ariana - et enfin la plage - où ils improvisèrent carrément un flashmob aquatique en prenant en sandwich Nora et Aj. Autant dire que c'était déjà un bien joli palmarès. Soyez certains que Tweedy en était fière, et que la petite brune espérait qu'il en était de même pour son camarade. Mais l'heure n'était pas encore venue de se reposer. En effet, il leur fallait faire encore quelques efforts pour rendre cet après-midi véritablement mémorable. Ainsi donc, après être sortis de la mer et s'être rhabillés, les deux jeunes gens avaient décidé de se rendre à l'intérieur du château, où de nouvelles victimes les attendaient probablement. Et justement, alors qu'ils passèrent devant la porte du cellier restée entre-ouverte, ils y aperçurent deux de leurs camarades, Katell et Sive, visiblement en train de papoter. Autant vous dire que l'occasion était trop belle pour ne pas se la jouer épileptiques une fois de plus. Ainsi donc, Loxias et Tweedy entrèrent rapidement dans la petite pièce et le grand brun ne tarda pas à déclencher la musique, toujours ce même titre, MOVES LIKE JAGGER, tandis qu'ils se mirent tous deux à danser. Comme précédemment, c'était une danse assez approximative et il y avait relativement peu de chances que Madonna les recrute pour faire sa tournée. C'était même certain. Tandis que le rythme les emportait, les deux jeunes gens vinrent se coller aux demoiselles, se déhanchant contre elles avant de se reculer une fois la musique arrêtée. Il était temps désormais de quitter les lieux. Alors, Loxias et Tweedy disparurent aussi vite qu'ils étaient entrés dans la pièce. Que faire maintenant ? Continuer ? Sans doute. Mais encore faudrait-il trouver où se produire à nouveau, et ça, ce ne serait pas une mince affaire.