SWANN

Mes écouteurs aux oreilles, je laissais ma tête vaquer en un va et viens au rythme de la musique qui battait dans mes tympans. C'était sympa de se laisser guider comme ça, par une liberté presque naturelle. Ne penser à rien d'autre, ne même pas faire attention à ce qui vous entoure, quitte à mettre de gros vents aux personnes qui vous entourent. Les yeux fermés, je laissais mes pas me guider à travers le couloir, sifflotant un air totalement niais, habillé d'un simple débardeur blanc et d'un short en jean. Ouais, j'avais l'air d'un scout à la plage, ce qui était aussi troublant que navrant. Mais vous savez, j'crois qu'ici, je ne pouvais pas faire pire que Nora au cul celluliteux ou à la tête de Sasha au réveil, avec une crinière désordonnée de lionne sous acide. Ouais, en soit je n'étais pas celui qui avait touché le fond en sa plus intense profondeur. Passant par hasard devant la porte des toilettes, tapotant dans mes mains comme un pur imbécile, je décidais par tout hasard de m'y approché, guider par l'étrange odeur aphrodisiaque, au parfum des plus naturels qui pouvait s'en dégager. Doux Jésus, il devait y en avoir qu'avait des problèmes gastriques ici. Me penchant légèrement par dessus la cuvette, mes yeux s'écarquillèrent alors que je pouvais déjà entendre un candidat s'approcher de moi, à mon arrière, se penchant à son tour. Je reconnaissais bien vite lac des cygnes, même si j'crois que son étendue d'eau venait clairement d'être atteinte par des particules au moins aussi dangereuses que du pétrole en liberté. « Oh putain c'est dégueulasse... » lâchais-je en observait le gros bouchon dans l'eau, recouvert de papier histoire de piéger le premier imbécile qui viendrait chier par dessus. « C'est limite pire que le dégueulis de Santiago. Oh putain ça fouette, c'est affreux, zone rouge, bip bip, j'recule. » et je fis un graaaand pas en arrière.

Vite, vite, envie pressante en cours. Je traverse le parc à la hâte, le château en criant aux candidats osant se trouver sur mon passage de libérer la voie, me précipitant dans les toilettes en bousculant le sombre crétin qui embrasse son frère et fait vomir ses amants sans me soucier nullement de l’odeur qui chatouille mon nez délicat. Cependant je suis obligée de me rendre à l’évidence lorsqu’il m’informe de l’état de la cuvette en reculant, me penchant sur son épaule afin de mesurer l’ampleur des dégâts. Aïe, c’est vraiment répugnant en effet. Ce type est une honte de la nature, véritablement, une plaie ! La verrue que personne n'aimerait avoir sous son pied, l'écharde plantée sous la peau que l'on ne parvient pas à retirer. Je laisse échapper un rire bref en posant une main sur son dos pour stopper sa fuite. « Oh parce que tu essaies de me faire croire que tu t’es penché au dessus de la cuvette des toilettes par pur hasard ? » Parce que si c’est le cas, c’est peine perdue. Il me semble évident que le premier arrivé est le responsable du carnage, aussi je plisse les paupières en appuyant mes doigts sur son corps pour exercer une pression. « Ou par plaisir . . . » Je tends le bras, le poussant définitivement dans les toilettes, attrapant la bombe qui repose sur le dessus et la brosse glissée dans la coque en plastique. Je suis à moitié en train de renifler le derrière de Jamie ici présent, mais passons, il est certainement en train de se débattre pour éviter de tomber dans la cuvette. Je me relève finalement, l’air menaçant. « Non mais sérieusement, je ne vais pas nettoyer pour toi alors active un peu. » Je lui colle la brosse entre les mains pour le contraindre à se mettre au boulot, refermant la porte derrière moi dans le but de l’empêcher d’échapper à ses responsabilités. Et là je regrette qu’ils n’aient pas prévu une taille de toilettes pour handicapé, parce que je me trouve soudain très près du jeune homme, l’odeur insoutenable dans les narines. Bref, j’ai connu des situations franchement meilleures. Cela dit je ne renonce pas, appuyant sur la bombe que j’ai attrapée afin de pulvériser une bonne odeur. Pas l’idée du siècle étant donné que les retombées s’écrasent directement sur nos têtes, et je me protège les yeux avec mon bras pour éviter l’aveuglement par produit toxique, me tortillant sur place. Bon sang, j’ai vraiment envie de faire pipi . . .

Là, la jeune femme stoppe ma fuite, déposant une main dans mon dos avant de prendre la parole « Oh parce que tu essaies de me faire croire que tu t’es penché au dessus de la cuvette des toilettes par pur hasard ? » mes yeux s'écarquillent, encore confus alors qu'aucun mot n'ose sortir de ma bouche. Ouais j'avais l'air d'un véritable gamin là. « Ou par plaisir . . . » par plaisir ? Pas l'temps de méditer qu'elle me pousse dans les chiottes -dans la pièce, pas dans le trou, doux Jésus merci- et me colle une brosse entre les mains. J'suis censé faire quoi avec ça moi ? Là elle referme la porte. « Non mais sérieusement, je ne vais pas nettoyer pour toi alors active un peu. » j'suis là, un air niais collé au visage, ma brosse à chiotte tendue face à moi, comme me provoquant. Rah. Non mais j'vais pas nettoyer la merde des autres, c'est horrible. C'EST HORRIBLE ! « Swaaaann ça pue ! » me plaignais-je en voulant actionner la porte. Mais étrangement elle ne s'ouvrait pas. Putain. « Swaaaann arrête de bloquer la porte j'vais vomir ! Ça chlingue ! » je pouvais sentir ma gorge se nouer, alors que j'appuyais sur la poignée comme un fou. « De l'aaair ! Si j'meurs ici, là, maintenant, j'te euh... fais un truc super méchant ! Ouais voilà ! » menaçant, je sais, mais là, j'avais autre chose à penser qu'à me retransformer en Jamie l'connard à la répartie cinglante. « Swaaaaann t'es pas entrain de tenir la porte c'est ça ? J'suis coincé non ? » non, affreux, j'allais pas tenir, c'était affreux ! AFFREUX ! « Swann, je meurs, adieu. » lâchais-je sur un ton dramatique, totalement exagéré tout en agitant mon balais à chiotte.

Je suis négligemment appuyée contre la porte des toilettes, et c’est limite si je ne me peints pas les ongles des pieds, ce que je ferais volontiers si je n’avais pas cette envie pressante de faire pipi. J’ignore parfaitement les gémissements de ma proie enfermée avec cette odeur qui traverse même le bois puisqu’elle chatouille désagréablement mes narines. « Alors, on fait moins le cowboy Jamie chéri. » J’ironise en lâchant un petit bruit de satisfaction, comme une vieille mégère. Non parce qu’il ne m’a pas tenu le même discours quand je l’ai surpris en train d’embrasser son frère, ni quand Santiago a découvert ses penchants incestueux. Mais il faut croire qu’il est capable de perdre son sang froid comme tout le monde, aussi je me demande s’il n’est pas un peu claustrophobe sur les bords. Soudain je me redresse un peu, écarquillant les yeux. Zut, je ne voudrais pas être responsable d’une crise de panique mortelle . . . Je me tourne vers la porte, légèrement anxieuse, tandis qu’il me menace d’un truc super méchant. Mouais. « Tu devrais plutôt me promettre un truc super gentil si tu veux sortir d’ici, non ? » J’attends, les bras croisés, lorsqu’il affirme un truc vraiment angoissant. Coincé ? Non pourtant je . . . j’observe la poignée s’agiter dans le vide, et moi légèrement reculée. Oups, ça ne devrait pas s’ouvrir là ? Ah non pardon, c'est simplement que j'ai piqué la vieille clé pour l'enfermer de l'extérieur, parce qu'il faut dire que je n'ai pas la force nécessaire pour contrer une attaque, même provenant d'un morveux taillé comme une allumette tel que lui. Mais ça il l'ignore visiblement, et je compte bien garder cette précieuse information pour moi. « Attends deux secondes là, faut que j’aille au petit coin ! » Je me mords la lèvre, disparaissant dans la cabine adjacente pour évacuer les trois verres d’eau que j’ai avalés ce matin, histoire qu'il comprenne que si je ne suis plus derrière la porte, c’est que quelque chose ne tourne pas rond. Sadique, moi ? Non . . . Je me rince rapidement les mains avant de revenir devant les toilettes. « Ok bon, je vais chercher un truc pour te sortir de là, en attendant tu n’as qu’à commencer à nettoyer histoire que ça serve à quelque chose ! » Je lui lance, mesquine en faisant semblant de m'éloigner. Et si je le laissais là en attendant que le prochain candidat le libère. . . ? Je caresse cette idée avec douceur l’espace d’une seconde avant de me raviser. Non, ça pourra toujours me servir de lui faire croire que je viens de lui sauver la vie. Je reste à proximité de la porte tandis qu'il s’imagine que je vais chercher du secours, attrapant mes cheveux dans le but de réaliser une tresse. Au bout d'une minute, coiffure réalisée, je fais de nouveau entendre ma voix. « Très bien, alors je suis sur le point de te sauver la vie là. Tu me donnes quoi en échange ? » Ben ouais quoi, tourner une clé dans une serrure ça demande une récompense.