SHE OWNS THE NIGHT
W/ MARCUS, 5 JUIN (3H32)

La nuit, c’est le calme plat dans le château. Tout le monde dort, ou presque. Et ceux-là, ces gens qui osent d’aventurer hors de leur lit douillet, je les surveille du coin de l’œil. Installée devant les nombreux écrans, je suis accoudée à la table qui leur fait face, et mon menton est sagement posé sur la paume de l’une de mes mains. Je veille à la seule lumière de ces images. Mon regard évite de rester longtemps rivé sur le même écran, de peur de louper quelque chose… mais en fait, c’est idiot, car je ne surveille rien de tout. Je tente juste de passer le temps, d’oublier mon insomnie et je tâte l’ennui, espérant qu’elle m’apportera le sommeil dont j’ai tant besoin. Pas de chance : mes yeux restent grand ouverts malgré toute ma lassitude. Je continue donc de scruter les images qui s’offre à moi, et me laisse même surprendre par l’arrivée d’un candidat, tant je suis convaincu d’être l’une des rares personnes encore debout, à cet heure. Ma tête se tourne, alors que je me relève légèrement. M'apercevant qu'il s'agit d'une personne n'entrant pas dans les catégories des menaçants, je me détends finalement, reprenant ma position initiale. « Tu as quelque chose à manger? J'ai faim... tu partages? » que je lui demande, gentiment. Il faut dire que l'odeur m'a mit la puce à l'oreille.

J'ai encore une insomnie. Elles se font nombreuses cette semaine et j'ignore vraiment pourquoi. Aucun stress ne me ronge, aucun manque ne se fait ressentir. Enfin si, celui de mon fils. Mais c'est bien là, la seule faiblesse que je puisse avoir. Joseph. Ses yeux, son rire, sa voix tout est inscrit en moi, je le connais par coeur. Alors je me contente de penser à lui souvent , de regarder la seule photo que j'ai emporté avec moi et qui se trouve être soigneusement rangé sous mon oreiller. Mais je suis sûre que ce manque ne dérange en rien mon sommeil qui est d'habitude bien plus paisible que ça. Je quitte donc mon lit en pleine nuit alors que London ronfle à mes côtés. Enfin non, elle ronfle pas vraiment mais sa respiration est plus forte que d'habitude. Je me demande un instant où aller et je décide de faire un détour par la cuisine. Malgré le fait qu'il fasse nuit, je décide de me faire des crêpes comme le plus vieux de la maison me l'a appris. Je n'en fais pas en grande quantité, seulement un peu. Une fois que le tout est prêt, j'en tartine une de pâte à tartiner et la dévore. J'en empile deux autres sur une assiettes et décide de rejoindre la salle de vidéo surveillance, ce sera un peu comme regarder la télévision en grignotant après tout. Après peu de temps à déambuler dans les couloirs mon assiette à la main, j'entre dans la pièce où une autre candidate semble avoir eu la même idée que moi. « Tu as quelque chose à manger? J'ai faim... tu partages? » Je lui tends mon assiette, arborant un sourire fier sur le visage. Parce que j'en ai gouter une quand j'étais dans la cuisine et j'suis fier de ce que j'ai pu faire. Moi qui suis pourtant bien nul en cuisine. « Tiens, tu peux prendre une crêpe. C'est moi qui l'ai fait ... tu me diras ce que t'en penses. » Mon regard s'immobilise sur les écrans, y a visiblement rien à voir. mais tant pis, je scrute quand même le tout. « Insomniaque ? »

Un autre aurait pu s’offusquer de cette demande saugrenue, alors que je néglige même la base des politesses même en ne le saluant pas. Bon, je suppose que vu l’heure, c’est tout à fait excusable de ma part. Et puis, ce large sourire qu’il affiche sur mon visage me fait croire qu’il n’est pas vraiment offusqué par ma demande. Tant mieux. « Tiens, tu peux prendre une crêpe. C’est moi qui l’ai fait… tu me diras ce que t’en penses. » Je comprends pourquoi il est si coopératif, tout à coup. Enfin, je crois. Vais-je servir de cobayes à une de ces expérimentations culinaires? Ce n’est pas ce que mon nez semble m’indiquer, vu l’odeur charmante que dégage la crêpe dans l’assiette. Je m’en liche les lèvres d’avance. « Merci ! » Tiens, mes bonnes habitudes refont surface, il était temps, les amis. J’attrape ce qui m’est destiné, et mord dedans à pleine dent. Première réflexion : ça n’a pas si mauvais goût! La crêpe est cuite à la perfection, le goût de la pâte à tartinés complète bien ce petit encas nocturne. Je me tourne vers le cuistot. « C’est un délice, mon Chef. » Et j’accompagne le tout d’un sourire, pour lui signifier que je ne me moque pas, que je suis bel et bien sincère. « Insomniaque ? » me questionne-t-il, et j’hausse les épaules. Ça me parait évident… n’importe quel personne seine d’esprit serait en train de dormir à cet heure. Alors à moins d’avoir des envies de nuits blanches, je ne vois pas ce que ce pourrait être d’autres. « Je suppose que je ne suis pas la seule à avoir ce petit soucis. » Simple supposition.

Il fait nuit et la presque tous les habitants dorment. Anabel et moi faisons exception à cette règle, nous nous sommes d'ailleurs retrouvés par hasard dans la salle de vidéo surveillance. Généreux et voulant lui faire goûter ma première expérience culinaire, je lui donne une crêpe. Ça tombe plutôt bien étant donné que la jeune femme a faim. Par politesse, celle-ci me remercie. Faudrait peut-être qu'elle goûte avant de me dire merci étant donné que j'suis pas sûre que ça lui plaise. « C’est un délice, mon Chef. » J'suis content que ça plaise. Je vais pouvoir me vanter pendant dix ans de mes nouveaux talents culinaires. Si ma femme voyait ça et pouvait le commenter, elle serait la première étonnée. Je pense qu'elle ne le croirait pas et croirait à un montage vidéo , soit, je lui montrerai à mon retour. Espérons que ça soit dans un mois ou deux. Il est évident que c'est l'insomnie qui nous a tout deux menés ici. Je n'arrive pas à mettre une réelle cause à cet insomnie, je suppose que c'est mon inconscient qui guide tout ça. « Je suppose que je ne suis pas la seule à avoir ce petit soucis. » Je souris, mon regarde se fixe sur l'écran. « C'est vrai ... Pourtant je dors comme un bébé d'habitude. » Je fixe chacune des images, cherchant à me mettre quelque chose sous la dent mais rien ... Strictement rien. Je soupire. « T'as vu quelque chose d'intéressant toi ? Ou bien rien du tout ? » Elle était là avant moi, peut-être avait-elle eu la chance de capter un scoop concernant l'un ou plusieurs de nos colocataires.