Elle se paye ma tronche. Je tente de me suicider avec un oreiller et ça la fait se marrer. J’sais pas vraiment ce que j’ai foiré, je comprends pas ce qui l’a poussé à se détacher de moi, mais j’imagine qu’il doit s’agir de notre conversation, de ce qu’elle vient de m’avouer penser sur les filles qui m’entourent, et de sa propre position contre moi pendant qu’elle le faisait. C’est un peu ironique dans les faits, c’est sûr, mais elle me connait maintenant, elle sait -à peu près- à quoi s’attendre avec moi, non ? Je crois que j’ai du mal avec l’image que je renvois ici. Jusqu’à présent j’ai toujours été défini par mes actes. Mais ces actes devant être passés sous silence, je me demande ce qu’on pense de moi sans eux, si mon comportement porte à confusion ou autre. Aussi, je lui pose la question, de manière détournée, afin de récolter le plus d’informations possibles sans en avoir l’air. Sauf que j’en ai tellement pas l’air, qu’elle ne semble pas saisir la question sous-jacente. Elle répond au premier degré, du moins j’imagine qu’il s’agit de premier degré. « Je suppose que oui, quelque part. Il y a différentes manières d'être rassurée, je pense que tout le monde en a besoin. » Si la première partie de sa réponse me laisse perplexe dans le cadre de ma question détournée, la deuxième me conforte dans l’idée que ma subtilité est passée à la trappe, et je reprends ma respiration. « Pourquoi, toi non ? Tu pourrais être avec quelqu'un en qui tu n'as pas confiance ? » Et me voilà totalement confirmé dans l’hypothèse d’un problème de compréhension entre nous. Pas grave, je vais poursuivre sans double langage, cette conversation me convenant limite plus que la première, même si elle ne m’apporte pas de réponse. « Il y a différentes façons d’être rassuré, comme il y a différents niveaux de confiance... Non, je n’ai pas besoin d’être rassuré, parce qu’être rassuré signifie qu’on considère l’autre comme un acquis, alors qu’en amour, on ne possède jamais rien. J’ai besoin de douter, parce que c’est ce doute qui me rendra meilleur, et me poussera à me surpasser... Et quant à la confiance... Je n’ai besoin d’avoir confiance qu’en l’honnêteté de l’autre. Si un jour cette autre doute de ses sentiments, si elle s’éprend d’un autre, ou simplement se trouve attirée, je devrais avoir confiance dans le fait qu’elle m’en parlera avant... Enfin je crois... J’imagine que la confiance est une forme d’aveuglement qui ramène encore à la notion d'acquis, non ? En fait, j’en sais rien du tout... » Je finis par lâcher un léger rire en me passant la main sur le visage. « Je ne sais pas grand chose à ce sujet en fait... » Je conclu, en haussant les épaules, comme si elle pouvait percevoir ce mouvement alors que je suis allongé dans le noir. Le silence s’installe, et j’imagine qu’elle cherche le sommeil ou, éventuellement, qu’elle le trouve. Alors je cherche une position plus confortable afin de faire comme elle, m’installant sur mon flanc, tourné de son côté, comme j’ai coutume de le faire lorsque je dors à deux dans un lit. Mais sa voix perce le calme, et j’en suis si surpris que j’accuse un mouvement de recul. Elle m’appelle, et je me rends compte -un peu tard peut être- qu’elle m’observe aussi. « Je suis désolée de t'avoir dit d'aller te faire foutre. » Je soupire. J’avais presque oublié ce passage, comme s’il faisait partie d’une sorte de vie antérieure, un passé très lointain. « Je suis désolé de t’en avoir trop demandé dès le début, alors qu’il me suffisait d’attendre. » j’annonce à mon tour. En fait, j’ai voulu sa confiance tout de suite, sans la gagner au préalable, parce que dans ma vie, c’est une des conditions de survie. On doit faire confiance au premier regard, la vie de chacun en dépendant. Je n’ai jamais connu d’autre mode de fonctionnement. Mon erreur aura été de reproduire ce schéma avec elle, de le lui imposer et de ne pas comprendre pourquoi elle me le refusait. « T’as confiance en moi, maintenant ? » ça aussi, j’ai vraiment besoin de le savoir.