Douche time. Parce que ouais, faut bien. Il parait que ça se fait. Parfois. Pas partout. Mais en l'occurrence, dans le nid d'amour, ça se faisait. Du coup, parce que j'étais un acharné des douches. Je détestais les gens pouilleux. J'avais pas honte de dire que les cheveux gras me dégoutaient, et que me sentir sale équivalait à me sentir mal. C'était peut-être superficiel, mais vous savez cette conne de maxime qui dit "un esprit sain dans un corps sain" bah moi, j'y croyais dur comme fer. On avait beau dire que j'avais un look de crasseux, c'était juste la dégaine qui donnait cet effet, parce qu'en réalité, il n'y avait pas un jour où je ne me lavais pas, si pas deux fois par jour. Même le dimanche, quand j'traînais toute la journée chez moi en fringues du dimanche, ce qui voulait dire les mêmes sapes que d'habitude. Les dents, pareil, matin et soir. J'étais un peu maniaque en fait. Mais bon, c'était mieux ça qu'être un gros dégueulasse qui asphyxie ses voisins de sa délicieuse odeur de bouche ou de dessous de bras. Nan? Heureusement, la production semblait avoir pêché des candidats dont le sens de l'hygiène ne laissait pas à désirer. La preuve, on prenait tous des douches. Même si, là, tout de suite, j'étais seul dans la salle de bain. C'était pas plus mal, dans un sens. Partager ce moment qui me servait souvent de refuge pour mes réflexions métaphysiques - mes réflexions habituelles et intempestives étant de simples réflexions stupides et inutiles - me faisait parfois chier. Et voilà, là, j'étais seul, et c'était tout aussi bien, car je pu rester aussi longtemps que voulu sous l'eau. Et j'eu même l'occas de me laver à poil, ce que je ne faisais jamais en temps normal, dans la maison, s'entend. Ouais, pas la meilleure façon de te mettre à l'aise. Plus par rhinocérite et disons respect des autres que par pudeur, je gardais toujours un boxer sur moi. Là, j'allais pas me gêner. Sauf que ce fut une mauvaise idée. Une putain de mauvaise idée. Je m'y attendais pas du tout. Non, en fait, je m'y attendais. Bien sûr que je m'y attendais. Elle allait jamais me foutre la paix, cette... cette... cette Giselle !? Bref, je sors tranquillement de la cabine de douche, les doigts essuyant à moitié les goutes qui tombaient devant mes yeux, esquisse un mouvement machinal pour attraper ma serviette. Le vide. Hm? Machinalement, je tâtonne, tourne la tête, ouvre de grand yeux. Je regarde partout, tombe sur... « VERDOMME » je m'exclame. Pas la peine de chercher plus loin, je savais que tout ce qui s'apparentait à des vêtements ou toute forme de tissu qui m'aurait permis de me cacher avait foutu le camp avec Giselle. J'en reviens pas. Elle n'a toujours pas fini de se venger, depuis le temps ? J'la déteste, des fois. Je jette des regards furibonds partout autour de moi, conscient que la criminelle ne s'était certainement pas cachée dans la pièce, néanmoins. Dans un élan d'impulsivité, je cours à moitié vers la porte, l'ouvre en grand avant que ma condition ne me revienne brusquement en tête et aussitôt, je cache ma virilité d'une main et referme la porte de l'autre. « GISELLEEEEEEE » je clame alors à nouveau. Et le pire, c'est que je ne peux même pas courir après elle, puisque je suis... à poil.

Vas-y, je caille, j'suis à poil, trempé, humilié, et elle, tout ce qu'elle trouve à faire, c'est me regarder avec un sourire de peste, l'air passablement satisfaite de son sale coup. Non mais sérieusement, elle a quel âge ? J'veux dire, ces blagues-là, je les faisais dans les vestiaires quand on avait cours de gym, au lycée. Elle avait quoi, vingt-trois ans, et pourtant, je lui donnais à peine seize ans de maturité, pour le coup. Mais bizarrement, j'arrive même pas à trouver ça pitoyable, et à la détester comme je le voudrais. C'est trop drôle. Pas trop drôle pour moi, non, je suis pas exhibitionniste, s'il vous plait, mais la situation. Je devais avoir l'air bien con. Puis je dis ça, mais j'aurais été parfaitement capable de lui jouer le même tour. Là, maintenant, à vingt-quatre ans. J'étais pas beaucoup plus mûr qu'elle, faut dire. Je crois que j'ai trouvé mon double féminin, à ce niveau-là. La main toujours devant l'entre-jambe, je réouvre légèrement la porte pour aviser le couloir, juste à temps pour entendre sa petite voix ridicule me provoquer, en prime. Quelle... ! Le corps toujours à l'abris dans la salle de bain, je passe juste la tête dans le couloir, vous voyez, comme dans les films, et je lui lance un regard outré. « Et toi t'es cruelle » je rétorque, avant de fermer les paupières et de secouer légèrement la tête, avec l'air à la fois désespéré et savant de celui qui a tout comprit. Bien sûr, que j'avais l'air fin. J'étais à poil, avec la possibilité de cacher seulement une partie de mon anatomie de mes mains, au cas où ce détails essentiel de l'histoire n'était pas encore bien intégré. « T'es fascinée à ce point par mon cul ? Tu sais, je t'aime bien mais c'est pas en te la jouant comme ça que tu vas attirer mon attention, je les prends pas au berceau » le tout avec ironie. Non, non, je n'en perds pas mon sens de l'humour, la preuve, je me permets même un grand éclat de rire exagéré. Je l'observe une seconde, en chien de faïence, réfléchissant à toute allure sur la meilleure tactique, le meilleur plan d'attaque. Parce que oui, il est impensable qu'elle reste impunie pour son crime. « J'espère qu'ils t'ont offert la vitesse en cadeau quand t'as acheté tes dents, Bugs Bunny ! » Un temps. Et là, d'un coup, je saute hors de la salle de bain, mon éternel feuille de lierre en forme de paire de mains devant l'attribut, et en hurlant, je m'élance dans sa direction. Elle va payer ! Aaaaah !

Il faut vraiment qu'elle revoit l'ordre de ses priorités, cette nana. M'enfuir et aller me rhabiller? Alors qu'elle est là, à ma portée, non pas pour ce que n'importe qui serait tenté de penser venant d'un mec nu, mais plutôt pour l'assassiner, lui faire subir mon courroux ? Elle était folle. Ah ! Sûrement pas ! Au pire, maintenant que j'avais bien la honte, autant aller jusqu'au bout et m'exhiber devant les autres hein, c'est pas comme si le Royaume-Unis entier venait de me voir à poil durant de longues minutes. Et puis si elle se révélait trop rapide pour l'athlète de haut niveau bourré d'ironie que j'étais, et bien je ferais mine de renoncer - faut dire que ce serait compréhensible vu le nombre de clopes que je grillais à la minute, ça ne devrait pas tellement l'étonner - j'irais gentiment me sécher avec une serviette empruntée - bah la sienne, d'ailleurs, haha ! - et me glisserai discrètement dans le dressing pour me vêtir. Je ferais mine de rien. Mine de lui pardonner cet affront, et quand le moment serait venu... BOUM ! Vengeance du siècle ! Ah ! J'étais diabolique, profondément machiavélique ! Elle semblait l'avoir comprit, parce qu'elle avait détalé comme un lapin, tournant aussitôt les talons, dès qu'elle m'avait vu m'élancer vers elle, et s'était enfuie dans le couloir. « Cours tant que tu peux ! MOI FÂCHÉ ! » Comme un abruti, les mains devant le zob, je cours à sa suite. J'avais un peu l'air d'un vieux pervers dégueu en chaleur qui court après une jolie donzelle, non? Bah. I don't care. Elle savait que c'était pas pour la violer que je courrais derrière elle, claudiquant en tentant de cacher tout ce que je pouvais, ce qui me ralentissait, et c'était la seule chose importante. Bref, rapidement, on déserte le couloir de la salle de bain.

En fait, le point positif, c'était qu'en courant, je séchais tout seul. Le vent provoqué par ma course arrachait de mon corps nu les gouttes d'eau qui continuaient de tracer leurs sillons paresseux le long de ma peau, et, ainsi, je me retrouvais non seulement propre comme un sous neuf mais en plus séché à l'énergie corporelle. Si c'était pas beau. Mais en attendant, j'allais sûrement transer comme un animal et adieu ma peau de bébé. Aaah, monde cruel ! À l'image de la Nono, que je poursuivais toujours partout dans le château, dans tous les recoins. J'suis plus rapide que ce que je pensais. Je le découvre avec une agréable surprise. À croire que le doux goût de la revanche peut vous faire pousser des ailes, ou des rollers. Au choix. Peu importe où elle cavale comme ça, je la suis, et en l'occurrence, la fuyarde décide de nous refaire visiter le château, elle court, je descends quatre à quatre les escaliers, avec autant de dignité que je pouvais, vu le peu que j'en possédais encore. Jusqu'au sous-sol. Jusqu'à la salle d'informatique, puisque c'est la porte de cette pièce qu'elle ouvre à la volée. Stupide... ? Mais zéro hésitation : je m'y glisse à sa suite. Tiens, des gens. Oups. J'étais à poil, fallait pas l'oublier. Mais tant pis. Au pire, ils avaient sans doute tout deux déjà vu un corps de mec dans son plus simple appareil. Du moins, je l'espérais pour l'un d'eux, qui était lui-même un mec. J'éclate d'un rire diabolique quand elle se met à hurler après Loxias, sans penser au fait que je devais avoir l'air complètement idiot. Cavalant dans la pièce, on prend le risque de tout casser avec nos virages en queue de poisson et notre vitesse de la lumière. D'ailleurs, on allait finir par se casser quelque chose. Elle la première. Avec surprise, je la vois, boum, d'un coup, brusquement, soudainement, trébucher dans un câble qui traînait sur le sol et se rétamer d'une telle façon que je m'en serais écroulé de rire dans d'autres circonstances. « Aaaattenti... » je m'exclame sans pouvoir terminer mon mot, incapable de ralentir. Heureusement pour moi, je parviens à me stopper net dans ma course, et ce bref instant d'hésitation était celui qui lui fallait. Elle se remet en vitesse à quatre pattes et se traîne jusqu'à la sortie. Le temps que je parvienne à reprendre mon souffle et mes esprits, elle atteignait déjà la porte. Sans prêter attention aux deux autres, je repars.

Putain, j'ai le souffle court. Ça me va de courir comme ça, comme un dératé. Non, c'était pas possible. J'sentais là, pour la première fois, les méfaits de la clope. Alors là, fallait choisir. L'un ou l'autre. La clope, ou la chasse à la Nora. Choix facile. de toute façon, il était hors de question que je lui donne à nouveau une occasion de me faire lui courir après. Non mais merde. La prochaine fois, je serai le coursé. Même si, techniquement, que je suis devant ou derrière, ça revenait au même : je courrai quand même. Enfin, habituellement, ça me faisait rien de courir, mais là, je m'étais pas préparé. Je sortais de ma douche, j'étais à poil, mes mains collées sur mon xese me gênaient alors dur dur d'avoir l'air convaincant. Remontant quatre à quatre les marches qui menaient au hall, je jette un bref regard autour de moi, l'aperçois qui se dirige vers la porte d'entrée, et donc, vers le parc. Haha. Super. Dehors. À poil. En voilà une bonne idée. Mais hors de question que je cède. Je m'élance derrière elle. Elle est juste devant moi, la Nono, et j'vais l'avoir, je vous jure. À nouveau, deux silhouettes se détachent dans l'horizon. Pas si étonnant. Difficile de ne pas croiser quelqu'un, ici. À nouveau, elle se remet à hurler, comme si elle essayait d'avoir le plus de témoins possibles. À mon tour, j'arrive à la vitesse de l'éclair auprès d'Andreas et Ezéquiel. « Chopez-laaaaa ! » je clame sans pouvoir la montrer du doigt, mais sans doute aucun que l'un des deux doute de qui je parle. Comme un boulet de canon - ou un boulet tout court, voire un canon tout court, ça marchait aussi - je passe sous le nez des deux hommes.