malo, onze juin deux mille douze.

Soirée de merde, prime de merde… je sens que la semaine à venir sera de même augure. Qu’une impression, hein, mais je ne crois pas me tromper. Qui plus est, plus les semaines se suivent, plus elles se ressemblent. Je commence à croire que je suis maudite, que mon aventure ici est placé sous le signe de la malchance. Cette nomination tombe presque à pic, tiens. Je sortirai peut-être être dimanche, et ça mettra enfin un terme à mon calvaire. Je vais tenter de me rattacher à ça, bonne idée. Que de belles pensées, alors que je suis enfouie sous la couette dans mon lit, là où je me cache à la vue de tous et chacun. Je n’ai pas besoin de leur regard désolé, attristé sur mon sort. Ou encore de celui, haineux, d’Ezéquiel… et de tous ceux qui pourrait penser comme lui. Sait-on jamais, les gens sont cinglés dans ce bas monde, plus rien ne pourrait me surprendre. Après tout, qu’est-ce qui justifierais que ce psychopathe soit toujours parmi nous, d’après vous? C’est bien ce que je me disais. Je sens qu’un se pose sur la place à mes côtés. Je ne sais pas de qui il s’agit, ami ou ennemi, mais ma remarque, autant pour l’un que pour l’autre, sera la même. « Laissez-moi tranquille. » Ma voix n’est qu’un murmure, mais porte suffisamment pour que l’invité sur ma couche daigne me laisser mourir en paix. Je me recroqueville d’ailleurs sur moi-même en position fœtale, passant mes bras autour de mes genoux. Peut-être qu’en me faisant toute petite, on m’oubliera…

Le lendemain. L'aurore aux doigts de rose se lève, sonnant le glas de l'obscurité nocturne. Les rayons du soleil s'infiltrent dans les différentes pièces du château. Accolé au siège de sa chaise, le couturier est quelqu'un de matinal. Il est huit heures. Les habitants dorment encore. La nuit a été courte pour lui. N'arrivant pas à s'endormir, il a préféré se réfugier dans son atelier de couture. Les caméras le filme ses moindres faits et gestes. Il en oublie presque leur présence. Néanmoins, il ne peut s'empêcher d'être prudent. Ses lunettes sur le nez, il griffonne quelques mots dans son carnet en observant chaque détail de ses esquisses devant lui. Les manches retroussées, sa main droite n'hésite pas à donner donner deux-trois coups de crayons à un dessin presque achevé. C'est ainsi qu'il noie sa tristesse. Dans le travail. Il a réussi à survivre dans ce monde absurde en se perdant dans la confection de robes de plus en plus complexes. C'est un moyen pour lui de s'exorciser et d'oublier ses idées noires. La montre posée sur le bord de la table lui indique qu'il est désormais huit heures du matin. Il décide de s'accorder une petite pause thé. Il descend les escaliers et entre dans la cuisine. Personne. Il se fait chauffer de l'eau dans une bouilloire. Une fois c'est chaud voire même bouillant, il verse le contenue dans une tasse. Du Earl gray, avec une larme de lait. Il s'approche d'une fenêtre, il boit son thé en silence en contemplant la vue du dehors. Le liquide le revigore. Il termine sa tasse avant de la nettoyer. Il remonte, marche après marche. Il entre dans la chambre et aperçoit Anabel, seule dans son lit. Sa canne à la main, il vient s'asseoir sur le matelas. Il entend son murmure. Il ne cille pas. - dure soirée, n'est-ce pas ?, lâche-t-il en soupirant. La candidate, dont le secret a été révélé hier soir, a subi mille souffrances. En partie, à cause de son partenaire. Le dénommé Andreas, qui aime semer la zizanie parmi les habitants du nid. Il fait le choix de rester, dans ce même lit à essayer de réconforter la québecoise. Inquiet, il lui demande : - veux-tu que j'aille te chercher à boire ? as-tu faim ? je peux te préparer à manger, si tu le souhaite. Sa mâchoire se durcit : - et arrête de te morfondre seule dans ton coin et de torturer, s'il te plaît. cela ne sait à rien. le passé, c'est le passé. nous commettons tous des erreurs. , dit-il d'une voix calme. - tu ne vas pas rester dans ce lit toute la semaine, tout de même ?

Cette couette, j’ai l’impression qu’il s’agit de mon cocon, dans lequel je me suis enfermé pour échapper au monde extérieur. Je suis bien ici, au chaud, sous les couvertures. Il fait noir, mais c’est justement parfait pour cacher la gamme d’émotions qui vont et viennent sur mon visage, passant des larmes à la colère, puis passant par la détresse, pour finir en un gouffre, vide d’émotions, après un certain moment, quand j’épuise toutes mes autres ressources. « Dure soirée, n’est-ce pas ? » À qui le dis-tu. Il me semble que ces derniers temps, j’en prends pour mon compte. C’est bon-là, Cupidon ? T’en as terminée avec moi ou tu veux m’achever jusqu’à la dernière veine? Non, parce que j’aimerais bien être prévenue, question de savoir si je me tire tout de suite d’ici, ou s’il y a une certaine chance pour que je puisse vraiment profiter de cette aventure en paix. « Veux-tu que j’aille te chercher à boire ? As-tu faim ? Je peux te préparer à manger si tu le souhaite. » Je lèverais les yeux au ciel s’ils n’étaient pas fermés. Non, je ne veux rien, mais merci de demander. C’est gentil. « Et arrête de te morfondre seule dans ton coin et de te torturer, s’il te plait. Cela ne sert à rien. Le passé, c’est le passé. Nous commentons tous des erreurs. » Je ne sais pas qui parle, va savoir, la barrière des couvertures entre lui et moi ne me permet pas de l’identité clairement. Et sortir de ma cachette pour le faire? Hm, je sais pas. Est-ce que j’en ai envie? Non. Mais clairement, je vais finir par étouffer à rester sous ces draps. « Tu ne vas pas rester dans ce lit toute la semaine, tout de même ? » Je relève la couverture qui couvre ma tête, la descendant juste sous mon cou, pour ne laisser paraître que mon visage. Mon regard se vrille vers le candidat, que j’identifie être Malo. « Et si j’en ai envie ? » Non, parce que à la base, c’était exactement ce que j’avais eu l’intention de faire. Il a fait comment pour lire en moi comme ça, celui-là ?

Dissimulée sous ses draps, elle s'en est enveloppée comme pour se protéger de menaces extérieures. C'est impoli de ne pas regarder son interlocuteur en face. La tête de la candidate apparaît enfin, la couette s'arrêtant au niveau de son cou. Elle a les yeux endormis et un peu gonflés à force de pleurer. - Et si j’en ai envie ?, réplique-t-elle. Il hausse les épaules et soupire, faussement exaspéré. Il se lève et observe la jeune femme avec dédain. - très bien. puisque tu le prends ainsi, je vais te laisser. Il met ses mains dans ses poches et feint d'ignorer la québecoise. Tout ceci n'est que pure comédie. Il n'en démord pas. Il ne compte pas l'abandonner à son sort. Objectif du jour : Remonter le moral de Anabel. Du moins, essayer. Il faut avouer que c'est mal parti. Il boîte jusqu'à la sortie pour descendre doucement les escaliers. Il arrive dans la cuisine et coupe des rondelles de concombre qu'il dépose sur une petite assiette. Il remonte sans faire de bruit. Il s'approche à pas feutrés vers le lit de la "marmotte" (alias Anabel). Il pose l'assiette sur la table de chevet puis s'affale sur le cocon qu'elle a formé avec ses couvertures. Il baille de façon de très théâtrale et s'exclame en étirant ses bras : - ce lit est vraiment confortable. étrange, j'ai sommeil tout d'un coup. Il s'étend de tout son long sur elle et se met à soupirer d'extase. Petite précision : Malo est tout de même plus lourd que Anabel. Pendant combien de temps pourra-t-elle supporter la chaleur sous ses bras ? C'est ce que nous allons voir dans quelques instants. Il tend le bras vers la table de chevet pour y prendre un livre au hasard. Il l'ouvre et commence à la feuilleter. Il la s'agiter sous lui. Il esquisse un sourire amusé. Il continue à prendre ses aises. Il sait qu'il est en train de l'écraser. - dis donc, il doit faire chaud sous ta couverture. Il tourne une page et lâche un petit rire. - es-tu sûre ne pas vouloir quitter ton lit ? je peux rester comme ça tooooouuuute la journée, tonne-t-il sur un ton moqueur.

Qui aurait cru que ce serait aussi facile. Dès que je lui fais part de mon intention de rester prostré sous ces couvertures, il se relève presque aussitôt, presque choqué de ma réponse. Tu l’as cherché, Malo, voyons. « Très bien. Puisque tu le prends ainsi, je vais te laisser. » Merci, merci ! C’est vraiment tout ce que je demandais : qu’on me laisse tranquille, et seule avec moi-même. Au moment où il s’éclipse de la chambre, je retourne dans mon monde fantastique sous les couvertures, attrapant l’un des oreillers que je serre tout contre moi, à un point tel que si elle aurait été vivante, je serai probablement venu à bout de l’étouffer. La pauvre. Mais bon, c’est un moyen d’évacuer la colère, et ce, pacifiquement, sans faire de mal à personne. Sauf ce coussin. La seule véritable victime dans toute cette histoire. Je sens soudain le poids d’un être s’affalé sur mon corps, et laisse entendre une sorte de bruit d’étouffement, vu le choc – et la surprise – de l’impact. « Hé, oh, y’a quelqu’un là-dessous… » Peine perdue pour prévenir le dit intru dans mon lit, car un long bâillement étouffe mes dires. « Ce lit est vraiment confortable. Étrange, j’ai sommeil tout d’un coup. » Je grogne, mécontente, en reconnaissant Malo. N’allez pas vous méprendre en croyant que je le déteste, tout à coup. Seulement, ce matin, j’ai l’impression qu’il s’est donné comme mission de me tomber sur les nerfs (ou de me changer les idées, selon le point de vue), et il est plutôt persistant dans son genre. Je tente de me défaire de ma position, mais c’est fichu, puisque là où je semble trouver une issue, il trouve refuge. À croire qu’il le fait exprès. « Dis donc, il doit faire chaud sous ta couverture. » Il en rit, même. Cette situation l’amusement drôlement. Je crois même distinguer les pages d’un livre qu’on retourne… Genre, je suis un bon accoudoir, je suppose! « Es-tu sûre de ne pas vouloir quitter ton lit ? Je peux rester comme ça tooooouuute la journée. » Nouveau grognement de ma part. Tout ça est terriblement féminin, je vous assure. Ça ressemble un peu au feulement d’un chat. Et le minet, en ce moment, n’est pas vraiment content. Comment dire, il étouffe un peu… légèrement beaucoup, même. « Si tu te tassais aussi, j’en sortirais peut-être… » protestais-je. Non, c’est qu’il est complètement avachi de tout son long sur mon corps, qui lui se retrouve coincé sous la couette. J’aurai beau me débattre, s’il ne me laisse pas me libérer du drap de lit, je risque de rester là encore longtemps, malgré tout son bon vouloir de me faire sortir. Et ce n’est pas faute de bonne volonté, hein.

Il entend des grognements émaner du cocon. Ainsi, elle est encore en vie. Il la sent s'agiter, bougonner sous la couverture. Il ne bouge pas d'un pouce. Il continue à s'affaler sur elle comme si de rien n'était. Il commence à trouver cette position fort confortable. Surtout pour lire. Il tourne des pages et des pages sans vraiment les lire. Il n'attend qu'une chose : qu'elle craque. Apparemment, cela ne tarde pas trop car sa voix s'élève. D'une voix revêche, elle marmonne : - Si tu te tassais aussi, j’en sortirais peut-être… Un sourire goguenard naît sur les lèvres du couturier. Elle est en train de capituler on dirait. Il soupire d'un air faussement déçu : - Dommage. Je commençais à prendre mes aises sur ce tas de couvertures. Il prend son temps pour se relever. Il est debout sur ses jambes. Il s'étire les muscles de ses bras. Il étouffe un bâillement avec sa main. Il repose le livre sur la table chevet. Il tire sur le pan de la couette. Le visage de la québecoise lui apparaît alors. Un visage fatigué et abattu par la tristesse et l'amertume. Exaspéré, il soupire : - Si tu voyais ta tête. Ce n'est pas très féminin tout ça. Il croise les bras et la dévisage d'un regard désapprobateur. Il tend son bras vers l'assiette de concombres, puis revient s'asseoir sur le matelas. - Jeune fille. Vous devriez d'avantage prendre soin de votre visage. Surtout un joli visage comme le vôtre. C'est une de ses vieilles habitudes d'homme galant. Il ne peut s'empêcher de venir en aide aux jeunes filles en détresse. C'est son coté chevaleresque qui ressort. Il dépose l'assiette sur ses genoux. Il attend qu'elle se redresse pour pouvoir examiner l'ampleur des dégâts. Il encadre son visage avec ses mains. - Regarde-moi, ces cernes. En plus, tes yeux sont un peu gonflés. Il reprend ses mains. Ensuite, il lui tend l'assiette : - Prends des rondelles de concombre, puis pose-les sur tes yeux. Ça va te rafraichir et atténuer le gonflement. Il se souvient de l'avoir vu gifler fortement son partenaire allemand hier soir. Il espère que ce n'est pas trop enflé. - Et ta main ? Elle va mieux ?, s'enquiert-il de demander inquiet.