quelqu'un pense à toi, le 26/JUIN à 21h21

W/NORA

Je me sers un verre de vin. Un bordeaux, âpre, dans ce récipient à pieds des plus sommaires. Le liquide sanguin en lèche les parois au rythme de mon poignet, je plonge mes iris dans ses abimes avant de venir y tremper mes lèvres, doucement. Chaud, il caresse mon palet et coule dans ma gorge avec douceur, couvrant d'ivresse sur son passage mon visage morose et mélancolique. J'entends des pas un peu plus haut, vers ma gauche. Je ne regarde pas. Je reste stoïque et immobile dans ce fauteuil où je suis installé, la cheville en équilibre sur la jambe homologue, mon verre tenu entre mes doigts habiles. L'individu se manifeste. Je le reconnais à travers la pénombre. J'ai sa silhouette ancrée dans mon esprit, longue, élancée, auréolée d'une cascade de cheveux bruns. On pourrait presque penser qu'il s'agit d'Anouck, pourtant c'est bien Nora qui se profile à l'entrée de la cave à vin.

« Qu’il fait sombre ici… » je marmonne en descendant les marches menant à la cave du château. Évidemment, c’est bien trop me demander que appuyer sur l’interrupteur pour pallier au manque de lumière. Je soupire légèrement, et aligne les pas, lentement, précautionneusement pour éviter de descendre les escaliers sur tout les autres membres autre que mes pieds. Arrivant en bas, je passe une main dans mes cheveux foulant quelques pas, clignant des yeux à plusieurs reprises pour ajuster ma vue. Je repère le bar, j’ai promis à Laoise de lui rapporter le meilleur vin. Enfin, sauf si elle a oublié entre temps. Ce qui ne m’étonnerait franchement pas d’elle. Néanmoins, je lui ai donné ma parole. Alors je m’y tiens. J’avance toujours aussi précautionneusement dans la salle. J’évite de laisser mon regard se balader, se perdre en contemplation, je reste concentrée… jusqu’à ce qu’un bruit, dans le fond, sur ma droite je crois, attire mon attention. Je tourne vivement la tête, je me prends, dans le mouvement, un coin de table. Je serre les dents, étouffant un: aie. Un vrai périple. Puis, quand mes yeux parvienne à discerner une silhouette dans la pénombre, je sursaute en échappant un cri. « Tu m’as fait peur ! » je lâche aussi pour la forme, parce que dans le fond, on s’en fout pas mal puisque ma réaction l’a très bien traduit. Je fronce les sourcils, m’avance, un peu. Hamad. « Que fais-tu là tout seul ? » je m’enquis. J'oublie: dans le noir. Bref.

« Je digère la défaite. » J'articule d'une voix monotone avant de boire une gorgée de mon hydromel sacré, observant Nora sans réellement la voir, le pied effectuant un mouvement cyclique contre la jambe contre lequel il est posé en équilibre. Le constat est accablant, j'ai échoué face à ma première et ultime mission dans ce jeu: garder mon secret jusqu'à la fin. Si je regrette? Pas vraiment maintenant. Mais je n'aime pas perdre pour autant. J'arque un sourcil. « Tu t'es fais mal? Tu veux boire quelque chose? » Je la questionne tout en désignant d'un mouvement du menton la bouteille qui trône sur la table de bois contre laquelle je suis appuyé, le coude supportant cette main qui entre ses doigts, continu de faire tournoyer le liquide sanguin. Je suis pensif. Je suis satisfait que Nora se présente à moi sans que je n'ai besoin de la chercher. J'avais besoin de lui parler, d'éclairer certaines choses. Sur ma haine, injustifiée, entre autre, et qui semble s'être évaporée à mesure que la journée s'est écoulée. Lucidité quand tu nous tiens. Je me sens ridicule de l'avoir agressé au prime dernier. Je ne manifeste aucune culpabilité non plus, un simple remord ne justifie pas que je plie face à elle. Aussi, je me contente de l'inviter à partager un verre à mes côtés. Je poursuis tandis qu'elle se mouve dans la pièce. « Y'a quelque chose que je trouve dommage.. » Je commence, contenant ma phrase en suspend. Silence dans l'obscurité, j'aimerai qu'elle s'installe face à moi.

Digérer la défaite ? Quelle défaite ? Je tente de me remémorer les événements qui auraient pu mener à une défaite. La sienne. Je tombe rapidement sur la révélation pleine et entière de son secret. C’est ça ? Hm, je ne sais pas trop. Très certainement. « Dis toi que tu peux toujours méditer sur une éventuelle revanche » je lui dis, un fin sourire aux lèvres. Je me dis que si c’est bien de son secret qu’il cause, la réponse passe très bien. Et, même si c’est autre chose en fait. Mais, la vengeance c’est mal hein. Quoique là, on ne parle que de revanche. Bref. Je plaque ma paume contre ma hanche comme pour canaliser la douleur. Tu parles. C’est alors qu’il me demande si je me suis fait mal. « Négatif » je lance. Toute façon, j’aime pas me faire plaindre. Et, quand bien même, il n’aurait rien pu faire de plus pour mon futur hématome. « Je veux bien » je réponds ensuite lorsqu’il me propose de boire un quelque chose. Puis j’avance précautionneusement jusqu’à lui et la bouteille. Je me dis que c’est bien d’accepter parce que bon, au prime, l’ambiance n’a pas été au beau fixe. En fait, je n’ai pas tellement saisi pourquoi il a été si agressif avec moi. Je crois que dans le fond, j’ai besoin de comprendre. Parce que dans mes souvenirs, on ne s’entendait pas trop mal tout les deux. Aussi, je m’attrape un verre et verse un peu de vin dans ce dernier avant de prendre place face à lui. Mes prunelles sont attirées, quelques secondes, vers le liquide rouge sang. Presque hypnotisées et la voix du brun me ramène à la réalité. « Quoi donc ? » je demande intriguée avant de porter mon verres à mes lèvres.

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