ft. laoise

Elle était partie, comme ça, sans un seul mot, un moindre signe, un léger coup d’œil. Rien du tout. Aussitôt, je culpabilisais, croyant - peut-être à tord, ou peut-être pas, finalement – que tout ceci relevait de ma propre faute. Et je m’inquiétais d’autant plus que j’ignorais où elle se trouvait, et surtout, dans quel état. Je n’aimais pas songer un seul instant avoir pu faire quelque chose qui lui aurait causé du mal. Plus maintenant. Voilà pourquoi je m’évertuais à la retrouver, ayant abandonné tous les autres au prime, même Keelan qui s’était vu éliminé ce soir et qui aurait mérité que je m’attarde un peu plus. Mais il comprendrait, n’est-ce pas? Surtout que ce n’était pas comme si nous n’allions pas avoir le temps, cette semaine, de nous voir. À contraire. Les occasions ne manqueraient pas. Pour l’instant, du moins, seul le sort de Laoise m’importait. Et après être passée dans toutes les pièces du rez-de-chaussée, je montais à l’étage, commençant par le dressing, puis la salle de bain, avant de jeter un coup d’œil du côté de la chambre. La sienne. Ou je la trouvais. Je m’arrêtais dans l’entrebâillement de la porte, m’y accoudant en la scrutant, la détaillant du regard. Elle semblait bien prise dans le rangement de ses effets personnels, il me semble qu’elle y mettait… beaucoup de cœur. Comme si elle tentait de s’occuper les mains, à défaut de pouvoir chasser de son esprit ce qui la tracassait. Seulement, il m’était impossible de rester là éternellement, et au bout de quelques secondes, je m’avançais dans la pièce, et passant tout prêt d’elle, lui attrapait la main au vol, la forçant, en quelque sorte, à pivoter vers moi, du moins, partiellement. « Hey. » dis-je doucement. « Pourquoi tu t’es sauvée comme ça… je… je me suis inquiétée. » Impossible de ne pas le lui demander, cette question me taraudait depuis le moment où je l’ai vu s’éclipser du prime.

Je m’étais fait discrète, scrutant la pièce, la scrutant elle, plus particulièrement, dans un silence de plomb. Attendais-je qu’elle se retourne? Qu’elle-même remarquer ma présence? Peut-être bien. Mais visiblement trop enfoncé dans son propre mutisme, je voyais bien qu’elle s’affairait sans même se préoccuper de ce qui se déroulait autour d’elle, ou dans le cas présent, derrière elle, sur le pas de la porte. Je m’avançais donc à sa rencontre, incapable de rester là, à faire le piquet, aussi figée qu’une statue. Ça ne me ressemblait pas. Mes doigts allèrent à la rencontre des siens, qui à défaut de se refermer autour de l’objet qu’ils convoitaient se retrouvèrent emprisonner dans le creux de ma main. Je m’inquiétais pour Laoise, elle semblait préoccupée, et ne sachant pas ce qui lui traversait l’esprit, maints scénarios avaient fait leur bout de chemin dans ma tête. Certains me concernant, de près ou de loin. D’autres non. « C'était la fin du prime donc... je suis partie. » fut sa seule réponse, et un pli se format sur mon front. Sa remarque me laissant d’autant plus sceptique que son attitude démontrait clairement le contraire de ce qu’elle voulait bien me laisser croire. « Vraiment ? Tu pars sans saluer personne, sans même me prévenir, alors que... je t’avais promis de revenir… Comme ça, sans plus d’explication. » Ce n’était pas un reproche, rien dans ma voix ne laissait entendre qu’il ait pu s’agir de ça. Je constatais seulement des faits, calmement, sans me prendre la tête. Parce que de toute évidence, elle ne me disait pas la vérité, et que cela me blessait, d’une certaine façon. Cette impression qu’elle n’avait pas assez confiance en moi pour me confier ces pensées me nouait l’estomac. « Si… si tu ne veux pas en parler maintenant, je peux comprendre, mais… ne me mens pas. S’il te plait. » L’évidence était là, flagrance même. Mais pourquoi alors agir comme s’il n’y avait rien, alors que quelque chose la tracassait. Je pouvais le lire dans son visage, et dans son regard aussi, dans les courts instants où elle me laissait le croiser. Car elle semblait l’éviter, pour une raison qui m’était inconnue.

Je suis loin d’être une fine observatrice, au contraire, j’ai plutôt tendance à remarquer les évidences cent ans plus tard, après tous les autres. Le meilleur exemple est certainement là, devant moi. Laoise, et ses sentiments à mon égard. Que j’ignorais jusqu’à tout récemment, que je n’ai jamais même soupçonné… sauf peut-être une fois, ce soir-là. Mais sans ses aveux, ma crédulité aurait continué de m’induire en erreur. Ce que mon intuition, ce jour-là, ne faisait pas, au contraire. Non, car je m’en doutais, Laoise ne me disait pas tout. Sa seule excuse pour quitter le prime ne pouvait être celle qu’elle venait tout juste de me donner. Je n’y croyais pas. Et je détestais le fait qu’elle soit incapable de me dire ce qui la tracassait. Ou seulement de me faire savoir qu’elle n’était pas disposée à m’en parler, là, maintenant, sur l’instant. Oui, je pouvais le comprendre, ça. Mais je ne cautionnais pas qu’elle tente de berner avec une réplique aussi peu crédible. « Je ne... » débuta-t-elle, avant de s’arrêter, soudainement. Je lui jetais un regard, cherchant à comprendre ce qui l’avait stoppé dans son élan pour démentir que, justement, elle ne me mentait pas. Car ce sont ces propos qu’elle s’apprêtait à me dire, n’est-ce pas? Quelque chose avait-il réussi à la faire changer d’avis, alors? Surement. Un simple geste d’acquiescement remplaça plutôt ces paroles qu’elle n’avait pas dites. Je préférais ça. Tout comme j’appréciais de le sentir se blottir dans le creux de mes bras, venant chercher un peu d’affection, ce que je consentis à lui offrir, mes mains lui frottant légèrement le dos, tout doucement, comme une caresse réconfortante. « Tu es toujours sûre, pour nous deux ? » me glissa-t-elle tout bas à l’oreille. Je me décollais un peu d’elle, lentement, sans vouloir la repousser. Je souhaitais seulement plonger mon regard dans le sien. « Pourquoi aurais-je changé d’avis ? » Ma belle doutait. De moi, de nous, de cette relation. En délicatesse, ma main vint se poser sur son fin visage, sur sa peau douce, que j’effleurais du bout des doigts, comme si ce que j’avais là risquait de s’effriter au moindre contact. « Bien sûr que je le suis… » lui confirmais-je, sachant qu’elle préférait surement que je sois claire, pour une fois. « Mais toi… l’es-tu? » Je voulais me rassurer, m’en assurer à mon tour. Car si je sautais le pas, le ferait-elle aussi ? You jump, I jump, right ? Sa certitude de… m’aimer – car il était bien question d’amour, n'est-ce pas – suffirait-elle ?

S’il y avait bien une chose que je regrettais de toute cette histoire, ce n’était certes pas d’avoir ouvert mon cœur à la belle qui me faisait face, répondant ainsi à ses aveux de la meilleure façon qui soit. Lui faire comprendre qu’en retour, il en était peut-être de même pour moi n’avait pas été une erreur. Non. Mon seul regret reposait sur le fait qu’en court de route, il nous avait fallu être blessés l’une et l’autre. Volontairement, ou non. Mais le mal avait été fait. De par mes rapprochements avec certains candidats, de par ses reproches tranchants et virulents. Des faits qui ne pouvaient être ignorés, et qui nous avaient certainement permis d’évoluer, d’avancer. Et qui, au final, avec finit par déboucher sur la situation actuelle. Si je doutais ? Aucunement. Il y avait longtemps que je n’avais pas tant été convaincu, et s’en était troublant. Car jamais je n’aurai cru m’attacher à ce point à quelqu’un, jamais je n’aurai cru connaître à nouveau ce sentiment ensorceleur qu’est l’amour avec un autre, après avoir vécu la malheureuse triste qu’es de voir mourir l’être cher. Si l’on m’avait dit, en début d’aventure, que je succomberais à cette faiblesse, je ne l’aurais pas cru. Mais Laoise avait tout changé. Et ça non plus, je ne le regrettais pas. « Je suis totalement sûre. » Elle semblait si convaincue, si persuadée des sentiments qu’elle me portait qu’il m’était impossible de croire autrement. Je le voyais dans son regard, je le ressentais dans ces baisers, dans la tendresse de ces caresses. Et quand ses lèvres vinrent se poser tout en délicatesse contre les miennes, je me laissais porter par leurs douceurs. Le baiser ne s’allongea pas, mais fut suffisamment long pour que les papillons dans mon estomac s’éveillent. De quoi me mettre toute à l’envers. « Tu penses que ça va se passer comment à l'extérieur ? » Son regard perlé soutenait le mien, et je m’y plongeais sans retenue. Nous étions encore une fois dans notre petite boule, et ces instants se faisant rares, je les appréciais jusqu’au moindre petit détail. Je reconnaissais le fin touchée de ses doigts sur ma peau, mon visage devait avoir pris une légère teinte rougeâtre sous leurs caresses, mais qu’importe. « Je veux dire, entre nous... » Là, dehors, ce qui nous attendait relevait de l’inconnu. Et je savais que pour elle, l’épreuve serait d’autant plus difficile qu’elle se devrait d’affronter sa famille, et les conséquences de son aveu télévisé. Mais je lui avais promis, je serai là pour elle, n’est-ce pas. « J’ignore ce qui nous attend, mais… je crois qu’il faut prendre ça un jour à la fois. Ne pas s’en faire. Et vivre l’instant présent. » Et je devais remercier un bon ami à moi pour m’avoir fait réaliser qu’il y avait mieux à faire dans la vie que de se préoccuper du passé, ou du futur. Ce qui se passait ici et maintenant était plus important que tout le reste. Et il fallait en profiter. « Et tant que tu voudras de moi, je serai là… » Je n’avais pas l’intention de l’abandonner à son sort, ou même de la quitter. Mes mains passèrent autour de sa taille, la forçant ainsi à se rapprocher plus encore de moi, et mon front se colla tout contre le sien. « Je ne te laisserai pas tomber. » Bien pire, j’avais déjà affronté.

Il fallait que j’arrête de m’en faire, pour tout, et pour rien à fois. Pour ce qui se passera demain, ou la semaine prochaine, ou au sortir de cette émission. Prendre le tout une journée à la fois, me fier à mon instinct et profiter du moment présent pendant qu’il passait… là était mes seuls ressources, ce à quoi je m’accrochais. Et pour l’instant, autant dire que je survivais très bien à ce nouveau mantra. Certaines décisions auraient à être prises en temps et lieu, mais de toute évidence, nous n’en étions pas encore rendus là. Ce pouvait attendre, n’est-ce pas? Ne pas penser à cette distance qui nous séparait, là, dehors, la France étant loin d’être à la porte de l’Irlande. Mais en dehors de cette cousine, je n’avais aucune attache là-bas. La quitter ne me serait pas aussi douloureux que d’abandonner mon pays natal, ce ne serait qu’une transition de plus. Et pour être auprès de Laoise, j’étais prête à faire ce sacrifice-là. Elle le méritait. Non, je ne donnais pas mon cœur à la légère, jamais même, mais quand j’acceptais enfin de l’ouvrir, j’étais du genre à m’accrocher. Et tant qu’elle me désirait à ses côtés, j’y serai. Aucun doute à ce sujet. Un magnifique sourire étira les lèvres de la belle, à mesure que les mots franchissaient mes lèvres. Ces yeux pétillaient de bonheur, à croire que je la ravivais avec mes propos. Si ça pouvait lui faire plaisir, la rendre heureuse, alors soit. Je ne pus me retenir, et je sentis ce besoin urgent de la presser tout contre moi, de la sentir dans le creux de mes bras. Nos fronts se cognèrent doucement l’un à l’autre. « Tu te rends compte que tu t'engages pour très longtemps, là ? » mentionna-t-elle, presque espiègle. Que croyait-elle, que je craignais l’engagement? J’avais passé sept ans de ma vie avec le même homme, quelques années de plus et nous nous serions mariés. Alors si elle croyait que j’étais effrayée à la perspective de rester auprès d’elle durant longtemps, très longtemps… elle se trompait. Lamentablement. Elle le découvrirait bien assez vite. « Amour. » J’esquissais un léger sourire amusé lorsqu’elle ajouta ce simple petit mot à la fin de sa remarque. « Mon cœur. » enchaîna-t-elle ensuite, toujours plus taquine. L’ahurissement se lisait sur mon visage. Allais-je subir tous ces petits noms les uns après les autres? Mais ce n’était pas le pire. Non. Lorsqu’elle me sortit le suivant, je faillis m’étouffer de rire. « Bébé. » Sans compter son regard plein de sous-entendus. « C’est pas sérieux… » ne puis-je m’empêcher de remarquer. « Je suis nulle pour trouver des surnoms, il ne faut pas m'en vouloir. » J’avais effectivement remarqué. Mon rire se mêla finalement au sein, lorsqu’elle le laissa résonner dans la pièce, avant qu’elle ne vienne étouffer le tout d’un baiser en posant ses lèvres avec une certaine avidité sur les miennes. De toute évidence, les gens avaient tendance à aimer m’embrasser pour me faire taire. Andreas et Keelan s’étaient servis de cette technique auparavant, mais je dirais que Laoise maîtrisait le tout avec beaucoup plus de conviction. Me soumettre ne relevait donc pas d’une obligation, mais d’un vil plaisir. Le problème avec ce genre de baiser est qu’il risquait de m’enflammer. C’est qu’une fois lancée, je devenais plutôt…hm… impulsive. Mes mains fourmillaient, et alors que nos lèvres butinaient l’une contre l’autre dans une danse qui se voulait un peu plus tendre et sensuelle de seconde en seconde, je ne pus m’empêcher de les laisser se faufiler tout contre la peau de la belle, alors que les petites fautives se glissaient sous son haut. Oops.