Stop. Maintenant. Le bourdonnement dans ses oreilles allait devenir insupportable. Il était insupportable, invivable, insoutenable. Était-ce possible qu'ils la ferment, l'espace d'environ deux minutes ? Quelle illusion, quelle idiotie sans précédent cela serait si elle pensait ne serait-ce qu'à une réponse positive sur la question. C'était ainsi. Ils parlaient tous beaucoup, racontaient leur vie pour certains et ses pauvres oreilles inoffensives et innocentes devaient se contenter d'écouter, étaient bien obligées de le faire. Foutues oreilles. Assurément, si elles n'avaient pas pris l'habitude de se glisser partout, ça serait terriblement plus simple pour elle. La facilité ? Non, elle ne connaissait pas. Elle préférait quand c'était difficile, éreintant, quand ça la faisait suer, jurer, maudire le monde entier, quand elle avait envie de tabasser tout le monde. Ouais, elle préférait la difficulté, bien entendu. Bordel. Pourquoi la facilité ne lui ouvrait pas ses bras ? Soit. Elle n'allait pas s'étendre sur la putain d'injustice que cela représentait. Non, ça serait bien trop y réfléchir et c'était tout ce qu'elle ne souhaitait pas. Pop-corn. Ces petits grains de maïs qui explosaient, fascinaient. Elle adorait cela. Elle avait toujours adoré. Du haut de son plus jeune âge, à regarder, à attendre avec fébrilité d'entendre les premiers maïs éclater. Elle avait envie de pop-corn. Quelle chance d'en trouver dans le cellier. Pop-corn au micro-ondes, que disait la boite. La couleur de l'emballage, les écritures, chaque mot. Une détection approfondie. Jusqu'à ce que ce foutu carton finisse sa course violemment dans la poubelle. Même chose. Suivant les instructions qu'elle n'eut pas le besoin de lire une nouvelle fois, elle fourra le paquet dans le micro-ondes. Deux minutes. Cent vingt secondes à tuer. Heureusement, elle pouvait compter sur la compagnie des petits camarades. Une brune. Tris. « Je me fais du pop-corn. T'en veux ? » Adorable d'en proposer, elle savait. « Sauf si t'es du genre à surveiller ta ligne, bien sûr. » Autant dire que son ton devait laisser entendre tout le bien qu'elle pensait de ce genre de nanas, n'est-ce pas ?

Elle lui avait simplement proposé du pop-corn, elle ne lui avait pas demandé de disserter sur son métabolisme, si elle l'appréciait ou non, tout comme elle ne souhaitait pas connaître ses habitudes alimentaires. Ce n'était qu'une réplique, comme ça, une pique qu'elle aimait lancer en espérant obtenir une réaction croustillante, quelque chose qui la ferait répliquer à son tour et qui envenimerait la situation. Avait-elle déjà parlé du fait qu'elle n'était qu'une chieuse qui adore foutre le bordel en usant d'un langage provocateur et d'un sourire angélique ? Pas besoin de le signifier, tout le monde le comprendrait bien vite. Soit. Elle acquiesça face aux paroles de sa camarade, un air sur le visage pour montrer ô combien elle était intéressée par cela. Elle se présenta alors. Il ne lui semblait pas avoir demandé une quelconque précision sur son identité, pourquoi donc se donner cette peine ? Elle arqua un sourcil, son regard passant de la minuterie du micro-ondes à sa camarade. « J'en ai relativement rien à foutre. » D'autant plus qu'il était aisé de connaître les prénoms: tout le monde les disait constamment. Et ils étaient notés dans les chambres, juste au-dessus des lits. Il se trouvait que Tris était l'une de ses colocataires. Elle voyait donc difficilement comment elle aurait fait pour ne pas se souvenir d'un prénom de quatre lettres et du visage qui allait avec. Bien entendu, elle aurait pu dire tout cela sur un ton moins agressif, sauf que, malheureusement, agressive, elle l'était lorsque son interlocuteur pensait bon de l'informer de détails parfaitement inutiles. Elle haussa les épaules, se détourna afin d'ouvrir un placard et d'en sortir un saladier qui allait avoir la grande chance d'accueillir le pop-corn. Elle le déposa près du micro-ondes puis retourna vers le frigo, en ouvrit la porte, son regard tombant, machinalement, sur les quelques boissons qui s'y trouvaient. « Tu veux boire quelque chose ? » Un peu plus et cela lui piquait la langue de lui demander. Elle n'était pas une boniche ou une servante, soyons clair. « Putain, ce que je suis généreuse, aujourd'hui. » qu'elle fit remarquer, rien que pour signaler à sa camarade qu'elle était chanceuse et pour dire clairement aux oreilles indiscrètes qu'elles pouvaient aller se faire voir si elles espéraient obtenir le même traitement. Le pop-corn la mettait dans un tel état de générosité, rien d'autre, c'était évident.