(02/10, 18h02)
DE LA TERRE A LA LUNE, W/ LULU.

Comme dans toute bonne maternelle se respectant, un temps calme est instauré: le Nid calque manistement ses habitudes sur ce genre de procédés, l'activité au sein du village frolant le zéro absolu entre dix-sept et dix-neuf heures: coup de mou pour les lèves-tôt, rechargement des batteries pré-soirée pour les fêtards nocturnes; en somme, tout un programme. Peu enclin à la fatigue, je me contente d'errer de bâtiment en bâtiment à la recherche d'un corps encore en mouvement, chose concrètement introuvable pour ce fuseau horaire: bordel, qu'est-ce que je peux me faire chier. La solitude ne m'a jamais réussi, et déambulant ainsi, j'ai plus l'air d'un mec prêt à la pendaison plutôt que d'un gars bien dans ses basques, cherchant juste une âme charitable pour lui tenir compagnie. Par désespoir et après une bonne demi-heure d'errance silencieuse, je pénêtre dans la mairie, bien décidé à faire quelque chose de mon ennui. A pas feutré, je m'enfonce dans la bibliothèque et, entre deux encyclopédies poussièreuses, attrape le fameux ouvrage relatant l'épopée de Jules Verne commencé la semaine passé. Ravi de cette trouvaille, je me jete dans le fauteuil le plus proche, m'y affalant sans classe aucune et, enfourchant les lunettes donc j'ai si honte, entame ma lecture, plus fasciné chaque ligne passant. Ma mère serait si fière de voir son fils feuilleter un bouquin, ce qui n'est probablement pas arrivé depuis mes années collège. Un bruit, un second, je lève les yeux: non loin de moi, mon camarade tatoué, chéri du public et de nos colocataires. J'hausse un sourcil, curieux d'apercevoir âme qui vive; puis je comprends: fourbe qu'il est, il vient accomplir le dessein de Cupidon étant de faire de l'équipe Alix l'esclave de la semaine. Sur mes gardes, je plisse les yeux, toujours aussi joliment échoué tel un cachalot mort sur mon siège. "Tu viens accomplir la quête de Cupidon, c'est ça? J'le vois dans tes yeux..." Je salue l'ironie, bien que mon ton, pour les besoins de ma crédibilité, se veut très sérieux. Oh non Lulu, ça se passera pas comme ça.

M'étalant un peu plus sur un des canapés de l'auberge, je laisse mon regard retracer les courbes du bois, la moindre courbe, chacune a un sens, un destin. Rares sont celles qui arrivent un jour à se toucher, elles passent juste leurs vies les unes à côté des autres, jusqu'au jour où leur monde s'écroulera, jusqu'au jour où le bois se fendra en deux, créant de nouvelles congénères cependant plus destructrices que les précédentes. J'en viens alors à penser au prime passé. L'équipe dont je faisais partie avait remporté la bataille, écrasant de ce fait les trois autres. L'équipe perdante devait maintenant nous servir et ce tout au long de la semaine, pouvoir qui, bien qu'inutile dans son ensemble pouvait se révéler bien plus amusant que je ne l'aurais imaginé lorsque celui ci me fut énoncé, oui, surtout lorsque je me plaisais à découvrir un Louis redoutant de telles pensées au premier étrange de la mairie. Un sourire narquois naquit alors presque aussitôt sur mes lèvres, vous savez, ce genre de sourire déplaisant, amusé, sur lequel vous pouvez lire tout votre futur en seulement quelques plis dessinés par une peau plus rose. « Tu viens accomplir la quête de Cupidon, c'est ça? J'le vois dans tes yeux... » j'hoche la tête, d'un air presque navré. Presque, parce qu'au fond, je ne le suis pas. Absolument pas. Non pas que j'ai quelque chose contre lui, non, lui ou un autre, je m'en fous. « Tu lis bien... » mon sourcil droit vient alors à se soulever « Une idée de ce que tu vas bien pouvoir faire pour moi ? » oui, sait-on jamais, laissons lui le bénéfice du doute. Oh et puis...

Perplexité et sacarsme sont les maîtres mots: des regards censément menacants, une bonne dose de testostérone visuelle, un cocktail digne des pires thriller correspondant parfaitement à la situation. Mon camarade ne bouge pas, je n'oscille pas le moindre cil non plus malgré ma position quasi-acrobatique: c'est à celui qui craquera le plus rapidement, brisera l'échange électrique de nos pupilles. Un combat silencieux d'homme à homme prêts à dégainer le colt 45 au moindre mouvement. Lentement, je me redresse, tente même la provocation ultime de me lever et me poster face à mon homologue masculin, croisant les bras sur mon torse et levant fièrement le menton; discrètement, j'essaye de retenir un rire en grimaçant d'une manière probablement peu ragoutante tant le ridicule de la scène se heurte à mes pseudo-talents d'acteur. D'un geste presque invisible tant il est rapide, je retire mes lunettes que je fous dans la poche de mon jean, soucieux de paraître un minimum crédible, ces doubles foyers ne m'aidant pas réellement. Je fais mine d'ignorer sa première remarque, tique à la seconde et me pince l'arête du nez pour ne pas rire à gorge déployée. "Mon cher Lulu, sache que tu n'auras pas raison de moi..." D'un pas lent, je commence à tourner autour de mon soi-disant aggresseur, feignant un comportement de prédateur prêt à sauter sur sa proie."Mon équipe a peut-être perdu une bataille, mais pas la guerre. J'veux qu'Alix soit fier de nous et nous voit résister à l'oppresseur..." Je m'arrête, plus proche de lui qu'au départ, le regard faussement défiant, lui passant la parole; encore faut-il que Lulu entre dans mon jeu.

Je l'observe avec l'un de ces regards d'une neutralité à en achever un poupon. Clairement, si il y avait bien un expression qui me désignait, ce serait celle ci. Il relève le buste, s'approche, et alors qu'il commence à prendre la parole, l'image d'un petit chiot se débattant entre les crocs d'un bulldog m'apparait. Vous savez, le genre d'acte qui ne sert strictement à rien, le chiot sera tout de même mangé au final, et le bulldog sera piqué. Que l'un le veuille, ou non. « Mon cher Lulu, sache que tu n'auras pas raison de moi... » il connait donc mon pseudonyme. C'est une bonne chose à savoir, puisque je ne connais de toute évidence pas le sien. Ou du moins, je m'efforçais à ne plus m'en souvenir, histoire de paraitre un minimum crédible. Retenir tous les prénoms après les avoir entendu ne serait ce qu'une seule fois pouvait parfois être quelque peu agaçant, et gâchait constamment mon côté homme dont le monde lui échappe des mains qui faisait tout mon charme. Tenté que j'en ai ne serait ce qu'un peu. « Mon équipe a peut-être perdu une bataille, mais pas la guerre. J'veux qu'Alix soit fier de nous et nous voit résister à l'oppresseur... » il se met alors à tourner autour de moi, comme si j'étais devenu son centre de gravité. Il était blond, il était maintenant mon soleil. Il allait illuminer ma journée par ses conneries. En m'obéissant. Mais toujours, je n'avais rien contre lui. Non. Mon regard ne bouge pas, observant un point fixe alors que l'autre continue sa rotation avant de s'arrêter, face à moi. Un blanc, un silence, de trois temps, et ma voix s'élève enfin. « Alors, dans un premier temps, je veux que tu apportes le petit déjeuner à ma partenaire, et ce tout au long de la semaine. Dix heures tapante, mais prévois une bonne demi heure de battement, d'ici qu'elle décuve. » il pouvait bien faire ça pour moi « Ne t'en fais pas, je ne te demanderai pas grand chose d'autre. » mes yeux se reposent dans les siens, avant de se rabattre sur le briquet que je viens de sortir, ainsi que la cigarette encore intacte que je porte déjà à mes lèvres, l'enflammant bientôt. Je lève la tête, recrache la fumée, et reprends. « Ensuite, je veux que tu décoinces ta partenaire. Fantine. Fais lui en strip tease, l'amour ou ce que tu veux, du moment qu'elle ne parait plus frustrée. » c'était pour son bien, une si belle femme ne devait pas avoir l'air mécontente et aussi froide. « Enfin, apporte nous une bouteille de champagne et deux coupes, il est trop bien trop tard pour être encore sobre, qu'en penses-tu ? » mes prunelles fixent alors les siennes.

Très honnêtement? Si je n'avais pas été bati ainsi, à même de me défendre, et surveillé par une demi-douzaine de caméra, j'aurais eu peur. Les yeux de mon camarade reflètent quelque chose d'étrange, une neutralité dérangeante qui vous fait immédiatement détourner le regard. Ne le connaissant tout bonnement pas, je ne sais pas s'il s'agit là de sa propre manière d'observer les gens, s'il est sur le point de me trancher la gorge, ou s'il se contente simplement d'entrer dans mon jeu en adoptant l'habitude de l'intouchable. Si c'est le cas, chapeau bas jeune homme, les portes du Cours Florent te sont grandes ouvertes. Je débite un certain nombre de phrases, fidèle à mes habitudes, face à un Lulu mutin et semble-t-il menaçant. Je m'arrête, s'en suit un silence, silence qu'il rompt en m'énonçant clairement ce qu'il attend de moi. Ma mâchoire se décroche peu à peu, j'essaye d'articuler un "Non mais tu sais, je-", vite coupé par une autre de ses directives. Imitant son geste m'ayant soudainement donné envie de nicotine, je sors une cigarette de mon paquet abimé, vole le briquet de mon camarade encore entre ses doigts, fais ce que j'ai à faire puis le lui rends tout aussi vite, le lui enfournant directement dans la poche. Je tire une latte, croise à nouveau mes bras sur mon torse, pince le nez. "T'es... J'te déteste. J'commençais à peine à m'accoutumer aux grasses mat'." Je tire une seconde fois, fixe Lulu dans les yeux. "Et pour c'qui est de Fantine, sache que j'y travaille d'arrache-pied, mais la tâche s'avère plus compliqué qu'prévue." Ce qui est foncièrement vrai dans la mesure où ma jolie partenaire semble réticente à chacun des rapprochements que je te tente d'amorcer. Mon caramade me demande de nous amener de quoi festoyer; souriant sans pour autant piper mot, je m'éclipse jusqu'au bistrot, en revenant avec un millésime hors de prix et deux coupes aux pieds dorés. D'une main experte, j'ouvre le champagne, calmant mes ardeurs de marin me hurlant de secouer la bouteille comme pour célébrer l'arrivée au port après une grande traversée. Je ne suis pas certain que Lulu apprécierait. Je lui sers un verre, le lui tends, fais de même pour ma personne. On trinque à ma servitude, c'est ça?" Je ricane un instant, me reprends immédiatement. "Au fait, ça n'a strictement aucun rapport mais, Lulu, c'est bien un diminutif, non? C'est quoi ton vrai prénom? Lucien?" Ou peut-être même pire que ça