Sia

MARDI 02 OCTOBRE ; 10H05
QUARTIER D'ARAGON - CANTINE

Contrairement à la plupart des candidats, je dors comme une marmotte depuis que je suis ici. Je me couche pas bien tard et je fais quasiment des grâces matinées tous les matins. Enfin du moins, quand personne ne me réveille. L’agitation, le bruit, c’est pas bien dur de se faire réveillée à dix heures. Aujourd’hui, c’est le cas. Grrr. Je ronchonne forcément et je m’en prends à mon oreiller avant de me lever. Direction la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner. Par contre, la flemme de passer par la salle de bain pour enfiler un pantalon, je resterai donc en culotte et avec ma couette par-dessus un certains temps. Tel un grizzli mal réveillée je me pointe à la cantine. Je me pose alors aussitôt à une table le temps d’émerger. Puis voilà que Malik se joint à moi. « Ca me dérange pas Yvonne. C’est plutôt fun comme prénom. » Ah mais oui, je capte seulement maintenant pourquoi il me dit ça. Je me suis fait passer pour une dénommée Yvonne la dernière fois. Aoutch, le temps que mes neurones se mettent en place. « T’inquiète pas, c’est réciproque. Quoi qu’en fait, j’ai jamais été matinale. » Je rigole légèrement avant de m’avachir complètement sur la table. Visiblement, le jeune homme partage en ce moment la même envie irréprochable de dormir et la même mauvaise humeur passagère. En fait, au final, on devrait réussir à s’entendre, non ? « Ouai. Nan. Je rêvais de marmottes et de cornichons avant qu’un imbécile se mette à crier « où est mon caleçon » dans toute la pièce. » Bon, j’exagère peut-être un peu les faits, mais c’est à peu près ça. Du coup, je suis facilement irritable. Ce qui ne me ressemble pas tellement au final puisque je suis quasi H24 de bonne humeur. « Ralala, j’ai une de ces flémingites ce matin. Tu crois que le café pourrait venir ici tout seul et que les pains aux chocolats ont des ailes aussi ? » Dix heures du matin et je délire déjà.

Matin difficile. Assurément. Pour moi comme pour Malik. Au moins, ça me rassure, je suis pas la seule à être ronchonne. Puis deux personnes de mauvaises humeurs ensemble, au final, ça peut être bien. On va peut-être réussir à se donner la bonne humeur. Après tout, moins par moins ça fait plus en maths. Enfin je crois. Anyway. Je suis attablée telle une tortue dans sa carapace face à Malik. En effet, j’ai gardé la couette sur moi pour ne pas avoir froid et pour aussi cacher ma petite tenue. Je suis pas tellement du genre exhibitionniste. En plus de cela, il y a un minou dessiné sur ma culotte. Je voudrais donc pas que Malik se foute de ma gueule en le voyant. Enfin qu’importe. Le sujet de discussion est tout autre. Nous parlons de notre nuit et j’évoque ainsi mon rêve que le candidat estime passionnant. Je sens comme une pointe d’ironie dans les propos du garçon mais tant pis. Je ne relève pas. Je préfère plutôt m’apitoyer sur mon sort en évoquant ma maladie imaginaire ou autrement dit ma flémingite et par la même occasion demander au métisse s’il pense que le café et les pains aux chocolats pourraient venir tout seul à nous. Je délire bien évidemment mais au final, je crois que je suis tellement à l’ouest que si je voyais un ours rose en tutu passer, je ne capterai rien. Heureusement, Malik semble un peu plus réveillé que moi. Déjà, il rigole face à mes propos et ensuite affirme que s’il voit une telle chose, il prendrait illico rendez-vous avec un psychologue. Zut ! J’aurai donc du souci à me faire ? « Ça serait drôle n’empêche ! Un peu comme dans la Belle et la Bête où les objets parlent et dansent. » Faut que je le revois au plus vite ce Disney d’ailleurs. Je m’imagine donc la scène des tasses de café ayant des roues et faisant la course jusqu’à la table puis des pains aux chocolats volants et chantants « on s’envole, on s’envole, on s’envole » de Peter Pan. Durant ce temps là, le café arrive par miracle à moi. Ah non c’est Malik le miracle en fait. Je bois, comme il me l’ordonne. Et tout de suite, je sens ses effets miraculeux. « Vas-y Panoramix, encore un peu de potion magique s’teuplait. » Ouai, bon, Malik a encore un peu de boulot avec moi.

Franchement, parfois je me demande pourquoi on ne m’interne pas dans un hôpital psychiatrique. Je suis folle, tout simplement. Je débite quasi h24 des conneries et en plus de cela, j’ai des genres d’hallucinations. Du moins, il m’arrive de délirer comme si j’avais pris un champignon hallucinogène. D’ailleurs, là on pourrait penser que j’en ai pris. Mais pas du tout ! Simplement la fatigue qui me joue des tours. Heureusement, je peux compter sur la sagesse de Malik qui me rassure et m’apporte un bon café histoire de me réveiller. Je le compare alors au fameux druide gaulois me versant la potion magique. Cela le fait sourire et il n’hésite pas à me reverser un peu de café à ma demande dans la joie et la bonne humeur. « Merci bien. Veuillez accepter un œuf d’autruche en guise de remerciement. » Je suis censée être Yvonne, éleveuse d’autruche, alors c’est tout ce qu’il me vient à l’esprit. Et puis, les œufs d’autruche sont les plus gros du monde à ma connaissance. En attendant une quelconque réponse, je porte le breuvage à mes lèvres pour en boire quelques gorgées. « Merci. J’aurais vraiment pas pensé terminer première. Pour moi, d’ailleurs, c’était cuit. » Là, j’ai repris mon sérieux. D’ailleurs, je pense que ça peut se voir à travers mon visage. « Je peux te demander pourquoi tu participes à Fake Lover ? » En fait, je le demande déjà. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il n’est pas obligé de me répondre s’il n’en a pas envie. Mais après tout, les raisons des uns et des autres sont toutes à peu près similaires : soit la gloire, soit l’argent, soit l’expérience humaine, soit pour faire passer un message avec son secret, ou encore un mix d’un peu tout cela.

Panoramix. Je sais pas au final si ça colle bien à Malik comme surnom. Ce matin, en tout cas, parfaitement. Il est clairement le druide m’ayant apporté la potion magique pour me réveiller ou autrement dit le café. Comment tata Yvonne pourrait bien le remercier pour tout cela au final ? Et bien à coup d’œuf d’autruche bien entendu ! Ca doit valoir cher ce bordel ! Paraitrait que c’est l’œuf le plus gros des volatiles. « Ah ça ! Tu n’en auras pas deux chez toi. » Je me mets à ricaner. Je crois que c’est la première fois depuis que je suis réveillée. Comme quoi, au final, la formule mathématique du « moins par moins ça fait plus », ça marche. On s’est tous les deux transmit la bonne humeur. Et tant mieux ! La conversation est à présent bien engagée et les sujets finissent par vite changer. Durant ce temps, j’absorbe mon second café. Au diable les pains aux chocolats. Pas envie de bouger. Donc pourquoi Malik participe-t’il à Fake Lover ? Je me serais douté qu’il ferait ce genre de remarque tiens. Mais n’empêche que ça me fait rire. Au final, il me répond qu’il participe principalement à l’aventure pour l’expérience humaine et jouer, et qu’en plus, il souhaiterait faire de belles rencontres. Un peu comme moi. Puis comme d’autres surement. En tout cas, il ne me semble pas être du genre à chercher la gloire ou l’argent. Tant mieux. Je préfère éviter ce genre de personnes. Et.. oh ! Il me retourne la question. J’aurai pu m’y attendre à celle-là. « Bon, je crois que je suis obligée de te dire la vérité. » Je stoppe tout sourire apparent sur mon visage, croise les poings et prend un air sérieux. Au bout de cinq secondes d’attente, je finis par craquer et par me mettre à rire. « Je rigole. Je participe à l’aventure pour les mêmes raisons que toi et également mon secret. J’ai un message à faire passer. Peut-être une leçon de vie à donner, je ne sais pas. » Je pense bien que je ne serais pas la seule dans ce cas-là. Mais moi, mon secret fait parti de mes principales motivations. Et, je dois donner trop d’indices dessus au final. Zut ! Il va pas tenir bien longtemps si ça continue.

Je crois que je me souviendrai assez longtemps d’Yvonne, l’éleveuse d’autruche naturiste, amie des petites vieilles et aimant les vieux. Ah ah. Surtout si Malik vient à me surnommer ainsi régulièrement, ce qui au final me ferait plus rire qu’autre chose. En tout cas, le petit déjeuner en sa compagnie est bien entamé. J’ai même terminée mon second café. A présent, la discussion porte sur les différents objectifs de Malik durant l’aventure et sur les miens. Au final, ils se ressemblent assez. On est à peu près là pour les mêmes raisons. La seule chose qui nous différencie peut-être est le secret. Oui, j’ai un message à faire passer ou sinon une leçon de vie à donner. J’angoisse d’ailleurs à ce sujet. J’ai déjà rêvé de la révélation de mon secret et je n’ai pas vraiment hâte. Je ne suis surement pas prête. Tiens, Malik aussi a une sorte de message à véhiculer avec son secret. Enfin pas forcément de la même manière que moi, lui, c’est plutôt particulier soit disant. Forcément, j’ai envie d’en savoir plus. Mais v’là que le petit gars change la conversation pour me flatter sur mes cheveux. Il est malin celui-là ! Un sourire en coin apparait sur ma frimousse. « Merci. Disons qu’ils ne sont pas ordinaires. » Et pas tellement naturels non plus. Mais ça, pas besoin de le préciser. Puis j’ai quand même les cheveux très clairs au final, ma mère étant finlandaise. « Je vais aller me doucher puis m’habiller, je commence à avoir froid. Le petit déj’ en ta compagnie était très appréciable. » Je me lève illico, prends ma tasse vide de café, fais le tour de la table pour déposer un baiser sur la joue du jeune homme puis pars commencer la journée.