ft. candace

La débrouillardise se devait d’être au rendez-vous, lorsque l’on participait à une émission comme celle-ci. D’autant plus qu’en se retrouvant dans un village paumé de la France, les ressources disponibles étaient encore plus réduites. Nous étions rationnés sur nos lessives, nous devions même débourser de notre – maigre – argent de poche pour satisfaire à cette tâche. Et si je ne pouvais me passer de ses machines à laver, je réussissais quand même à mettre de côté un peu de mes mieux en économisant sur le sèche-linge. Les cordes à linge près du lavoir promettaient d’être plus efficaces, cependant, que celles derrière la laverie. Peut-être que ce cher Mistral y était pour quelque chose. Bref. Je me promenais, panier à linge sous la main, ma lessive toute tremper prête à trouver sa place sous les coups de vent. Le ciel était ennuagé, mais le soleil perçait tout de même par moment. À tout coup, une magnifique journée comme je les aimais. Je déposais mon panier sur le rebord du bassin, puis commençait ma besogne, accrochant un à un mes vêtements, sifflotant un air joyeux sans trop me prendre la tête. Étonnant, ce genre d’activité me détendait toujours. Ça brisait le rythme effréné de ma vie habituelle.

Spoiler:

Je commence sérieusement à m'emmerder ici, mais alors quelque chose de bien. Y'a rien à faire, personne à titiller, Callan est introuvable, je suis au bord du suicide. J'ai même songé à faire une lessive, et le pire dans tout ceci c'est que je déteste la lessive. Le problème c'est que je ne sais pas ce que j'ai fait de mes pièces de cinq francs, elles doivent être au fond d'un jeans, celui que je devais porter lorsqu'elles m'ont été distribué. Je soupire, je fouille, je cherche, mais en vain. Je songe à renoncer ceci dit, je pense à la chemise de mon cher époux, celle que j'ai promis de laver après avoir déposé ma tête de champagne sur son épaule. Je crois que je risque de bousiller le tissus avec la brosse à récurer. Pourtant, je file vers le lavoir, la chemise sous le bras, la clope à la bouche, comme toujours. Là-bas, une jeune femme étend du linge, je crois reconnaître, la demoiselle qui a visité la bouche de mon mari. Tris je crois bien. Je m'approche, oui c'est ça, c'est elle. J'agite ma cigarette laissant aux cendres le soin de s'écraser contre le sol de pierres. Je pose ma chemise sur le bassin et m'approche d'elle. « Salut. Dis, tu veux que je t'aide ? Ça ira plus vite à deux ! » Je lance joyeusement tandis que j'attrape déjà un vêtement que je détaille. « Pas mal, un peu stricte pour un jeu, mais t'as du goût, tu bosses dans quoi ? » Je demande attrapant quelques épingles à linge. Je porte ce genre de chose pour aller au tribunal, alors ça m'intrigue.

Je chantonne à mi-voix, alternant avec quelques sifflements ou fredonnements, selon mon inspiration – ou ma capacité à me rappeler les paroles de la chanson que j’ai en tête. Totalement détendu, ce qui est relativement rare dans mon cas, j’accueille d’un léger sourire la nouvelle venue. Candace, il me semble. La femme de Callan, l’homme qui a visité sans préambule ma bouche lors du dernier prime. Petite gêne pour l’occasion, mais le temps joyeux qu’elle emploie à mon égard a le don de me dérider un peu. « Salut. Dis, tu veux que je t'aide ? Ça ira plus vite à deux ! » qu’elle me propose après avoir déposé ses propres efforts au abord du bassin. « Oh, merci. C’est gentil d’offrir ton aide. » La plupart auraient sûrement continué à me regarder pendant que je faisais ma besogne sans lever le petit doigt. Ça change, je dois dire. Elle s’attaque aux vêtements, et alors que je traîne auprès de mon panier, je l’entends qui commente mes tenues. « Pas mal, un peu stricte pour un jeu, mais t'as du goût, tu bosses dans quoi ? » Sa réplique n’est pas déplacée, du moins, de mon point de vue. Elle me complimente même, alors pourquoi m’offenser sur un petit détail. Ma garde-robe est épurée, des couleurs neutres, aucune excentricité, ou très peu. Je ne joue même pas avec les motifs ou les textures. Tout est plat, sans flafla. Et ça me convient ainsi. « Je suis consultante, en marketing. » fit-je, en réponse à sa dernière question. « Je passe 90% de mon temps à travailler, ce n’est pas étonnant que ça se reflète dans mes choix vestimentaires. » J’aimerais parfois avoir un look peut-être plus branché, plus de mon âge, mais tous mes essais se sont soldés par des échecs ; je ne suis pas confortable, ou plutôt à l’aise avec la mode actuelle. « Et toi? C'est indiscret de te retourner la question? »

On dirait que lorsque Tris m’aperçois, elle se tend légèrement. C'est léger et ça ne dure pas, mais je ne manque pas le remarquer. J'imagine que c'est à cause de l'épisode du prime. Elle va sans doute s'imaginer que je suis venue pour lui parler de cette scène, que je vais l'incendier puisqu'elle s'est laissé embrassé par mon époux, sauf que non. Je suis enjouée, un peu trop sans doute. C'est le temps peut être, ou peut être pas d'ailleurs. Elle n'a pas l'air mauvaise, je n'ai aucune raison de l'être à mon tour. Et puis c'est chiant d'étendre sa lessive, je vais pouvoir en apprendre énormément à son sujet en regardant ses fringues qui plus est. « C'est normal, tu aurais fait la même chose n'est-ce pas ? » Je demande hasardeuse, sans me départir de mon sourire radieux. Elle ne prend pas la mouche quant ma remarque sur ses vêtements, elle a au moins le mérite de ne pas être susceptible. Il n'y pas de quoi l'être, néanmoins, l'être humain est si imprévisible. « Je peux t'aider à faire ressortir la femme fatale qui est en toi si tu le souhaites. Tu es belle, c'est bête de te cacher derrière... ça ! » Je me mets à rire. Ce n'est pas une critique, elle porte simplement un uniforme et se cache derrière ça. Je sais de quoi je parle, je me dissimule constamment derrière des masques. « Je suis avocate associée dans un grand cabinet, comme toi, je suis plus souvent au travail que dans ma propre maison, pourtant dès que je rentre, je laisse le tailleur dans ma penderie. Pour le plus grand plaisir de mon cher mari. » Je souris à nouveau tandis que j'attrape un autre vêtement, unique ou presque au premier, et que je le pends sur la corde à linge.