Des petits cubes, des petites lamelles, des demies-sphères, d'autres petits cubes, fouetter doucement le temps que la sauce monte légèrement. Sa salade prend forme petit à petit, il avait envie de manger froid, léger, quelque chose de rafraîchissant par une journée de beau temps. Jambon, pomme verte, feta, tomates cerises, vinaigrette, voilà un véritable petit plat équilibré -ou presque vu la vinaigrette- que Ghika va pouvoir déguster. Il en a fait plus qu'il ne lui en faut, mais c'est un des actes basiques de la vie en communauté, préparer à manger que pour sa part uniquement. Si quelqu'un venait à avoir faim et qu'il n'avait pas le courage de se faire un truc à grignoter, la salade serait là. Et si personne n'avait de petit creux, Ghika la finirait plus tard. Il se retourne pour mettre le saladier au frigo après l'avoir recouvert d'un film plastique quand il aperçoit Ohana de l'autre côté de la table. « T'en veux un peu ou j'le range ? » la questionne-t-il un peu lointain. Il ne l'a vue en action que relativement peu, mais elle semble avoir un sacré caractère. Il se rappelle avec amusement son portrait, diffusé pendant le prime, en dernier -il doute de s'en remettre un jour- et dans lequel il a déclaré que ce qu'il préfère chez une femme c'est qu'elle ait la langue bien pendue. Avec Ohana, il est servi, la demoiselle ne prend pas de gants, sauf peut-être des gants de boxe. Il repose le saladier sur la table avant de s'installer sur un tabouret, fourchette à la main et de picorer une demie tomate cerise. Un souvenir des castings ressurgit alors, il vient de faire le lien, c'est elle la tahitienne qui lui avait répondu que pour baiser il ferait mieux d'aller en Thaïlande. Boarf, il en gardait un souvenir amusé, elle avait répondu de façon maligne, ce qui -il doit l'avouer- lui plaît toujours chez une fille.

Faut bien le dire, Ohana se fait clairement chier et elle a un peu faim, mais elle n'a pourtant aucune envie de se préparer à manger, ce qui devrait l'occuper... Parce qu'elle ne peut compter sur personne pour le faire à sa place: non pas qu'elle n'ait pas assez de persuasion pour ça, faut la voir en action, mais c'est juste une grosse végétalienne convaincue depuis des années. Hors de question qu'elle bouffe ne serait-ce qu'une cuillérée d'un truc préparé par une tierce personne. C'est vrai dans sa vie de tout les jours, c'est plus encore vrai une fois ici, dans le nid. Non, mais elle ne les sent tellement pas ces gueux, qu'elle préfèrerait crever la dalle que de manger un plat "maison" de l'un d'entre eux. Ils seraient capable de lui foutre de la viande, ou même carrément du poison pour l'éliminé tellement elle fait flipper. Et pour leur propre santée à eux, il ne vaut mieux pas lui foutre de la viande ou autre produit animal dans son assiette. Elle s'en bat les steaks des règles de Cupidon et tout, elle cogne. Dans tout les cas, son régime est strict. Pourtant, quand elle entend du bruit provenant de la cuisine, elle ne se fait pas prier pour venir s'incruster. Elle se fait chier ouai, grave, tellement qu'elle en vient à chercher la compagnie du moindre gogole qui passe par-là. Elle guette le moindre bruit et en un clin d'oeil, elle se trouve-là, devant la table et d'un mec. Ah, ouai, c'est l'asperge qui pense connaître les nanas de son île, genre, toutes des baleines un truc du genre. Un sourire en coin se dessine sur ses lèvres. Et alors qu'il n'a que le temps de piquer un truc dans son saladier en lui ayant demandé si elle en voulait, elle lui pique le plat entier pour le poser devant elle. Avec les doigts - ouai c'est une barbare de ouf, une sauvageonne à mettre en cage - elle détaille les ingrédients de sa salade composée. Un morceau de pomme, elle le toise, le met sur le côté. Une feuille de salade, normal. Un morceau de feta... Une mine de dégoût se pointe sur son visage, mais elle ne dit rien. Oh non, la tornade vient à point. Dégoûtée, sa grimace à peine exagérée, elle prend du bout de ses ongles assez longs un morceau de jambon. Elle en a la gerbe coincée dans sa gorge. "Putain, mais t'as pas honte de bouffer d'la viande ! T'as pensé à la pauvre bête que c'était avant ça ! T'aimerai bien toi, qu'on t'bouffe en petites lanières, hm?" Elle est pas agressive, quoique, presque. Elle lui balance à la figure ce morceau qu'elle a dans la main. "Hm?" Elle répète, prenant une poignée de sa salade au gars. Elle prend soin d'enlever les morceau de viande - trop respectueuse de la pauvre bête - et lui balance le reste dans sa gueule.

Ghika doit l'avouer, les gens dans cette maison sont de parfaits rats de laboratoire tant la diversité culturelle est grande. Il pensait bien être confronté à toute sorte de personnes mais des gens comme elle, non vraiment pas. Il doit bien admettre qu'il a un doute là, est-ce que c'est plus un reality-check de la connerie humaine ou une preuve absolue du manque d'éducation des gens qui vivent à Tahiti ? A moins que ce ne soit une mission... Peut-être que c'est ça, elle n'avait aucune raison de faire un truc aussi débile que lui jeter à la gueule la bouffe qu'il lui avait gentiment proposée. Ohana devait être de ces gens qu'il faut apprendre à connaître pendant un moment avant de réussir à les apprécier vraiment, ou alors il faut qu'il gagne son respect. C'est bien un truc des jeunes ça, il faut gagner leur respect, parce qu'ils pensent que les gens leur doivent des choses. Alors qu'un morceau de pomme tombe de ses cheveux sur son pantalon, il soupire. « Si c'est pour faire le show, tu peux m'laisser bouffer en paix ? » lui lance-t-il en tentant de garder une voix aussi posée que possible. La violence n'est pas autorisée dans la maison, il se demande ce qu'il en est de ce genre d'agression. Mais surtout il doit tenter de rester calme parce que s'il y a bien une chose qu'il déteste c'est qu'on s'en prenne à son intégrité physique. Une bataille de bouffe comme lors du prime, c'est marrant, se faire jeter de la bouffe sans raison, beaucoup moins. Il pique un morceau de jambon, apparemment c'est ce qui a déclenché l'hystérie de la brune, dans son assiette et le porte à sa bouche. « Tu vas pas manger ça ? » lui demande-t-il goguenard en désignant les morceaux de jambon qu'elle a trié. « Non parce que, quitte à ne pas me les avoir jeté dessus j'veux bien les bouffer. » crache-t-il presque à la face de la jeune fille. Il n'aime pas être énervé, c'est pas pour ça qu'il est venu là, mais ce genre de conneries ? Y a vraiment de quoi lui donner des envies de meurtres. « J'crois que t'as compris, j'ai pas honte de bouffer de la viande. Maintenant si t'es pas assez grande pour respecter mon choix, casse-toi. » balance Ghika en la regardant droit dans les yeux. Les jeunes c'est comme les animaux, ils aboient pour te faire peur et si tu leur montres que tu es impressionné, ils finissent par te pisser dessus. Et si une douche dorée prodiguée par un des beaux mâles du nid pourrait avoir quelque part quelque chose d'excitant, c'est clairement pas Ohana qui remplira ses fantasmes. Et puis, ennuyé par la situation, il retourne à son assiette, qui lui paraît bien moins attrayante maintenant que la brune a transformé le reste de son effort culinaire en déchets sur le sol.