Comme tout le monde, Ismay avait passé un nombre incalculable d'heures dans des fêtes foraines dont elle exigeait de ses parents qu'ils l'y emmènent, encore et encore et encore. Les confiseries, les manèges, attractions et autres spécialités du folklore avaient bercé son enfance, et si, en grandissant, l'impatience insouciante et insupportable que devaient supporter papa et maman avait disparu, laissant place à un sourire léger et nostalgique en repassant parmi les stands, la foule et les cris. Alors forcément, en apprenant que le village, ou du moins ses environs, abritait l'une de ces anciennes fêtes foraines, elle s'était promis d'aller y faire un tour le plus rapidement possible. C'est-à-dire maintenant. S'empressant, les mains dans les poches de son gilet, de descendre sur le terrain vague qui accueillait les structures, elle avisa l'ensemble d'un œil curieux. Pour finalement trottiner jusqu'aux premiers stands. C'était un peu triste, une fête foraine déserte de toute âme qui vive. Elle gardait en mémoire celle de Londres, animée, bruyante, pleine de coups d'épaules et d'orteils écrasés. Ce n'était pas ici que l'on risquait de faire la file des heures durant pour essayer une attraction. Son regard alors attiré par un carrousel à l'aspect antique mais au charme certain, elle dévia de sa trajectoire rectiligne et en fit le tour en virevoltant entre les chevaux, carrosses et autres montures possibles. Voilà. Elle avait envie de faire un tour à présent. Sautant du carrousel, elle chercha un instant comment le mettre en marche et finalement, incapable de comprendre quelque chose au mécanisme, elle finit par appuyer sur tous les boutons. Ah ! Les lumières s'allumèrent d'un coup et une douce musique d'ancien temps retentit. Les yeux brillants, Ismay s'approcha et, calculant son coup pour ne pas se manger un cheval dans la figure, sauta sur la plateforme. Choisissant soigneusement sa monture, elle s'installa sur un splendide étalon brun dans le mauvais sens, les mains à plat sur son dos. Toujours souriante, alors que le carrousel revenait d'un premier tour, elle aperçut une silhouette familière. Tiens. « Eh ! » le héla-t-elle, mais trop tard, elle était déjà repartie. Gigotant sur sa selle, elle identifia le petit-ami de Sven au tour suivant. « Joshua ! » l'appela-t-elle à nouveau, criant toujours et agitant le bras. Une nouvelle fois, elle ne pu vérifier s'il l'avait vu, car le carrousel allait trop vite. Le troisième tour cependant, il regardait vers elle, si bien qu'elle lui lança « vieeeens ! » Ce n'est qu'au tour d'après qu'elle constata qu'il s'était approché et arrivant vers lui, elle tendit la main pour qu'il s'accroche, un sourire joyeux sur les lèvres.

J'ai toujours raffolé des fêtes foraines. Petit, déjà, je fuyais le domicile familial en cachette pour me rendre à la foire du trône, à Paris, avec les copains. Cette place, c'est toute mon enfance. Mon premier baiser, c'est sous la grande Roue que je l'ai échangé, ma première clope, c'est sur le parking que je l'ai fumée, ma première claque, c'est en rentrant que je l'ai encaissée. Des paires de claques, oui, ça j'en ai bouffé. De toutes les couleurs, de toutes les saveurs. Il faut dire que je n'ai pas toujours été un garçon modèle. Je ne faisais jamais mes devoirs, fuguait en pleine nuit à dix ans déjà et n'obéissait jamais à ma mère. J'étais le fils rebelle qu'aucun parent n'aimerait avoir à éduquer. Et si, par le passé, ma mère en a morflé à cause de ma personne, aujourd'hui, il nous arrive souvent de nous taper des fous rires incroyables en nous remémorant cette époque. Il faut dire que malgré toutes les conneries que j'ai pu faire dans ma vie, je n'ai jamais manqué de respect à ma mère. Elle est tout pour moi. Elle a sacrifié sa vie entière, ses amis et sa famille pour m'avoir, moi, son unique fils. Celui qui, d'après elle, a changé sa vie. Et passer devant tous ces manèges et ces stands de confiserie vides ne fait que me rappeler combien cette dernière me manque. Sa présence m'est vitale. J'ignore si je parviendrais à survivre si elle venait à nous quitter, un jour. Je ne préfère même pas y penser, en fait. « Eh ! » Une petite voix stridente m'interpelle. Je lève les yeux du sol et cherche la provenance du son. « Joshua ! » Mes yeux balayent l'endroit du regard jusqu'à ce que je perçoive enfin l'unique attraction en marche. Un carrousel duquel émane une douce musique. Je reconnais Ismay, l'une de mes camarades, et fait signe de la main à cette dernière. « vieeeens ! », dit-elle alors que je m'approche doucement d'elle. Elle me tend la main, apparemment de bonne humeur. Main que je saisis avant de prendre place sur le cheval voisin au sien. « La dernière fois que je suis monté dans un truc pareil je devais avoir douze ans. » Je ris, d'un rire enfantin avant de me mettre debout sur mon cheval, comme le ferait un gamin de douze ans justement. Il en faut peu pour être heureux, oui. Je n'ai jamais perdu mon âme d'enfant. Je suis toujours une sorte de gros bébé. Un gros bébé qui chouine plus, certes, mais qui éprouve toujours du plaisir à monter dans un carrousel.

Génial. Génial, trop bien, un ami. Un ami qui n'avait pas laissé ses doigts brûlants d'un contact se refermer sur du vent. Non, Joshua, il l'avait regardée et avait aussitôt attrapé sa main, se hissant tant bien que mal sur le carrousel en marche. Tandis qu'il s'accrochait à un cheval voisin à celui sur lequel elle était posée avant la mission "invitation de Joshua", elle-même retourna s'installer sur l'étalon, toujours dans le mauvais sens. Finalement, ce n'était pas plus mal, puisqu'ainsi, ils étaient face à face, malgré l'espace entre les deux chevaux, et non pas côte à côte. Hochant la tête vivement, Ismay l'écouta. Elle comprenait tellement bien ce qu'il voulait dire. Ouais. Elle était dans le même cas. Enfin, presque. « Douze ans » répéta-t-elle. Douze ans. C'était tard ça, non ? Elle-même était passé outre ce genre d'amusements de môme vers l'âge de huit ans. Non, en vrai, elle ignorait complètement quel âge était le bon pour arrêter d'agir comme un gamin. Peut-être avait-elle était particulièrement précoce. Peut-être avait-il était particulièrement retardé. « Tu es un éternel petit bébé, c'est ça ? » conclut-elle avec un large sourire, et une douceur dans la voix qui rendait impossible le fait de se vexer. C'était tout sauf une critique, de sa part. Elle-même pouvait se comporter comme une véritable fille à maman, quelques fois. Lorsqu'elle rendait visite à ses parents qu'elle n'avait plus vu depuis des lustres et qu'elle se faisait gâter, car elle savait à quel point ça faisait plaisir à son père et sa mère. Tout comme quand elle retombait à moitié en enfance, le regard rivé sur un dessin animé disney qu'elle avait inconsciemment remis. « Tu devais briser les rêves de tous les enfants qui essayaient d'attraper le pompom pour avoir un tour gratuit » qu'elle fit enfin, avant de rire. Elle l'imaginait, une tête en plus que le reste des petits monstres faisant la queue pour un tour de manège, et attraper sans mal le pompom que tous s'évertuaient à effleurer du bout des doigts en sautillant sur leur siège.

Je grimpe donc dans le manège et vient trouver refuge sur le cheval voisin à celui de ma camarade. Dix ans plus tard, j'éprouve toujours ce même plaisir à tourner en rond sur un beau dada, si ce n'est pas pitoyable ça. « Douze ans » Je me rassois gentiment sur mon cheval et la regarde, presque honteux. J'ose à peine lui adresser un sourire timide. Certes, douze ans, c'est un peu tard pour arrêter avec ce genre de conneries, mais j'ai toujours été un enfant dans l'âme. Jusqu'au jour d'aujourd'hui, c'est pour dire. « Tu es un éternel petit bébé, c'est ça ? » Tandis qu'elle affiche un sourire irrésistible, je détourne légèrement mon regard du sien et me mets à siffler comme un chétif et innocent petit enfant. Elle a vu juste. Je suis un éternel bébé. « Incroyable, n'est-ce-pas ? », dis-je en la regardant droit dans les yeux cette fois-ci. D'ordinaire, la première idée que l'on se fait de moi est celle du vilain garçon de cité qui s'amuse à jouer avec le cœur de ces demoiselles. Et pourtant, je suis loin d'être de ce genre-là. Premièrement parce que je ne viens pas de la cité et deuxièmement, parce que je suis tout sauf un briseur de cœurs. Du moins lorsque j'en arrive à blesser un semblable, c'est que l'acte était involontaire. De toute manière, comme le disait je ne sais quel grand homme, "les apparences sont trompeuses".. ou "il faut se méfier des apparences". Enfin, un truc dans le genre, quoi. Bref. « Tu devais briser les rêves de tous les enfants qui essayaient d'attraper le pompon pour avoir un tour gratuit » J'émets un léger rire et avance doucement mon visage vers le sien, sans pour autant avoir mon nez collé à sa bouche. « Chut, c'est un secret. » Je porte alors mon index devant mes lèvres et lui adresse un sourire pour le moins sincère. « J'espère que tu ne vas pas t'empresser de me buzzer pour ça. Ce ne serait pas vraiment fair-play. », renchéris-je, ce même sourire accroché aux lèvres.

C'est vrai qu'à première vue, il n'était pas de ceux qu'on qualifierait spontanément d'éternel enfant, de fils à sa maman. Il avait l'air mature des gens qui ont grandi trop tôt. Comme quoi, il n'était pas rare que les impressions soient trompeuses, très trompeuses. Et il était tout aussi rare qu'Ismay se fient à elle. Aux impressions. Donc pas si incroyable. Étonnant, peut-être, drôle, peut-être aussi, mais pas incroyable. Non. Souriant lorsqu'il lui intima de taire son secret, son fameux secret, elle secoua la tête. Faut dire qu'elle n'était pas vraiment avancée dans la chasse aux secrets, pour l'instant, malgré que cela représente l'un des aspects du jeu qui l'intéressait le plus. Forcément. Avide comme elle était. Avide de gens, pas de maille. Mais bon, même avec la meilleure volonté du monde, chercher sans avoir un point de départ, c'était assez difficile, car tout était possible, tout était envisageable. Un secret pouvait être tout et n'importe quoi. Et en l'occurrence, elle ne voyait absolument pas comment commencer à fureter du côté de Joshua. Bon, il y avait la piste évidente de son couple, mais ça n'en faisait jamais qu'une. Alors elle espérait, un jour, avoir la possibilité de gagner un indice sur quelqu'un, n'importe qui, histoire d'avoir un début à quelque chose. Sauf que c'était carrément compliqué de gagner un indice. « Seulement si tu me files des infos te concernant qui sont suffisamment intéressantes que pour me faire oublier ce que je sais » En gros, qui es-tu, Joshua, si ce n'est un éternel bébé ? Qui se cache sous cette toison folle, sous ces tatouages et ces yeux clairs ? Que perdent ceux qui s'entêtent à te voir comme la simple moitié d'un duo ? Que caches-tu sous tes regards à la fois enfantins et profonds et tes sourires ? Un sourire mutin se dessina sur ses lèvres, avec l'air de celle qui se sait gagnante. Parce qu'il répondrait. Bien sûr qu'il répondrait. Il répondrait, parce que c'était ça, ou alors elle le balançait à bas du manège d'un coup de pied.

Je suis un éternel gosse, c'est vrai. Toutefois, c'est bien connu, en chaque homme sommeille une âme d'enfant. Derrière ces grands airs de bonhommes que l'on aime tant à se donner, nous cachons en réalité une envie insurmontable de tout plaquer pour aller jouer à Call Of Duty sur Playstation 3. Les discours de gaillard, c'est du bluff. Foutez-nous un gosse entre les bras et vous vous rendrez compte que tout notre petit sermon sur le fait d'être responsable et mature à partir d'un certain âge n'était en réalité qu'un bon jeu d'acteur. Enfin, personnellement, c'est ainsi que je me vois et que je vois chaque être humain qui porte une paire de testicules entre les jambes, aussi. Je m'avance donc vers Ismay qui vient de m'accuser d'avoir brisé le rêve de tous les gosses qui essayaient de chopper le pompon qu'on brandit sous notre nez quand on est gamin- quelle arnaque, quand même!- et lui demande de bien vouloir garder ce petit secret pour elle. Je ne tiens pas particulièrement à me faire démasquer au bout de trois semaines de jeu. « Seulement si tu me files des infos te concernant qui sont suffisamment intéressantes que pour me faire oublier ce que je sais » Je continus de sourire et hausse finalement les épaules. « Alors.. Par où commencer ? » Je me redresse subitement puis porte mon regard vers le ciel. Mon sourcil gauche s'arque doucement, tandis que mon index, quant à lui, vient se poser sur mon menton. Les mimiques et moi, c'est, comme le dirait si bien mon ami K-Maro, "une histoire de love". De "luv", pardon. « Doooonc. J'ai volé des carottes, une fois, à cinq ans. Je suis sorti avec une cougar à neuf ans- elle avait douze ans, la cochonne. J'ai déjà goûté la viande de chien pendant mon séjour au Vietnam. J'ai tété jusqu'à six ans. Je me trompe toujours dans l'orthographe du mot "symétrie". Je me suis virtuellement marié à trois reprises sur Facebook- deux fois avec mes deux meilleurs amis et une fois avec une nana complètement perchée. Je glisse parfois mes mains dans des chaussettes propres, la nuit, pour éviter de me griffer, comme les bébés. » Mon regard se pose à nouveau sur elle. Espérons que ces quelques confessions lui fassent oublier l'histoire du pompon. « C'est assez compromettant ou je continue ? » Sait-on jamais..

Le truc génial, c'est que Joshua se prête sans protester au jeu. Aussitôt qu'Ismay lui eut exposé les conditions du deal, il s'était mis à bavarder sur des détails importants - ou pas - constituant son existence. Souriant en comprenant comment il plaisantait, elle l'écouta attentivement, les expressions de son visage changeant avec exagération au fur et à mesure qu'il exposait son casier judiciaire. Sympathique bonhomme. Voleur. Lionceau. Cruauté envers les animaux. Pervers. Ignare. Polygame. Et fou. Bon. Heureusement qu'elle était habitué aux gens un peu spéciaux parce qu'elle avait face à elle un fameux spécimen. Le voilà qui terminait, et elle l'observa une seconde, jusqu'à ce qu'il soumette l'idée de continuer à balancer des infos sur sa vie. « Je serais tentée de te dire de continuer, tant tes interviews sont originales, mais je ne voudrais pas abuser de ta coopération » sourit-elle de mauvaise grâce. Ah bah si ça n'avait tenu qu'à elle, elle l'aurait fait parlé ainsi pendant des heures encore, sans se lasser de l'écouter. Et pas la peine de penser à la rouler. S'il sortait deux fois le même "scoop" elle le saurait immédiatement. Elle avait une bonne mémoire à ce niveau-là. « Je devrais pouvoir faire abstraction de ce secret que tu m'as révélé... jusqu'à ce que j'ai envie de savoir d'autres trucs sur toi. » Et ça pouvait être n'importe quand, n'importe où. Dans deux mois comme dans deux minutes. Il allait devoir se préparer psychologiquement au sentiment de nudité qu'elle allait lui infliger, maintenant qu'elle était lancée. « Tu te griffes la nuit ? » releva-t-elle alors « ... comment ça se fait ? tu rêves que tu te grattes ? » Oui, comme les enfants qui rêvaient qu'ils faisaient un concours de celui qui urinait le plus loin, par exemple, et qui se réveillaient le lendemain avec le pantalon trempé et les jours rouges de honte.

J'ai l'impression d'être à l’Église, dans un confessionnal. Enfin, à une exception près.. le prêtre est une femme et une sacrée inquisitrice. « Je serais tentée de te dire de continuer, tant tes interviews sont originales, mais je ne voudrais pas abuser de ta coopération » Quelle délicate intention ! Elle sourit de mauvaise grâce, en plus de cela, la vermine ! Je hausse les épaules, intérieurement soulagé. Mes aveux l'auront finalement satisfaite. Ou du moins, son intérêt pour ma personne semble s'être estompé. « Je devrais pouvoir faire abstraction de ce secret que tu m'as révélé... » Je porte mes mains sur mon cœur et lève légèrement les yeux au ciel avant de plonger mon regard dans le sien pour la énième fois- j'aime bien regarder les gens droit dans les yeux, ça me permets d'en savoir davantage sur leurs intentions. « ...jusqu'à ce que j'ai envie de savoir d'autres trucs sur toi. » Temporairement estompé. Mon visage se décompose subitement. Merde, faux espoir. « T'es une hyène, j'aurais jamais dû te faire confiance. », dis-je entre deux éclats de rire. Je suppose que je suis sensé la craindre pour l'éternité, maintenant qu'elle me "connait" si bien. Après tout, je viens de lui révéler quelques détails de ma vie privée que même certains dans mon plus proche entourage ignorent. Mais bon, c'était peut-être une simple toile de mensonges. Elle n'en sait rien après tout. « Tu te griffes la nuit ? » Temps de réaction: une minutes vingt-cinq. « ... comment ça se fait ? tu rêves que tu te grattes ? » Je me mets à rigoler comme un gamin. Pas mal la supposition. Je n'y aurais jamais pensé, personnellement. « Je peux être une vraie tigresse, quand j'en ai envie. », dis-je amusé. Le terme "tigresse" c'est pour le côté sexy de la chose, bien évidemment. Je me racle la gorge, puis reprends mon sérieux. « Comme vous, les nanas, j'ai ma période "crise caca de nerfs". Sauf que moi, la mer n'est pas rouge dans mon calcif. » Détail important. Très important.

Non parce qu'il valait sans doute mieux pour lui qu'il sache dès le début ce à quoi il allait être confronté. Histoire de ne pas lui donner une excuse pour l'accuser de tromper sur la marchandise. Elle était curieuse c'était une certitude, voire un euphémisme, il allait devoir s'y faire, surtout s'il continuait à être sympa et de bonne compagnie. Les gens qu'elle ne connaissait que très peu ou qu'elle n'appréciait pas, elle pouvait sans trop de problèmes supporter son ignorance à leur sujet. Pour les autres, c'était plus compliqué. C'eut d'ailleurs l'air de lui plaire. Une hyène. Une hyène. Goujat. Pingouin de Madagascar. Parce qu'elle avait de l'humour et qu'elle était un peu folle aussi, sans doute, sa seule réponse fut son imitation du rire de la hyène, ce sale rire absolument ridicule, qu'elle ne faisait pas si bien que ça, mais bon, il comprendrait. De toute façon, autre chose l'intéressait. Genre, il se grattait dans son sommeil ? Avait-elle trouvé quelqu'un d'encore plus bizarre qu'elle ? « Très glamour, Joshua ! » fit-elle à la fois moqueuse, amusée, et faussement désespérée. Non mais franchement. Aucune classe, ce garçon. Elle allait devoir lui filer des cours parce que là, ça n'allait pas du tout. Ou plutôt, elle allait devoir demander à Otello de lui filer des cours. Elle, faire la leçon à quelqu'un sur comment avoir de la classe en toute circonstance... Ça aurait été le monde à l'envers. Finalement, Ismay esquissa un sourire. « C'est un mythe ça, mon bébé » claironna-t-elle en levant la main jusqu'à ses cheveux qu'elle ébouriffa comme on l'aurait fait à un enfant. Un bébé oui. Il était fiché à tout jamais. Oh, bah, elle aimait bien les bébés, alors ce n'était pas franchement dans le sens négatif du terme qu'elle l'employait. « Enfin, la plupart du temps » et elle rit. Non, c'est vrai que certaines filles avaient tendance à péter des plombs durant leurs quelques jours critiques, mais rien n'était moins sûr que ce n'était pas simplement parce qu'elles avaient envie de péter un plomb, et que c'était tombé pile ce jour-là. Si on faisait le compte de toutes les crises féminines faites durant un mois, ce n'était généralement pas pendant le cycle qu'elles étaient le plus fréquentes. Même si ça jouait un peu sur l'humeur, certes. Mais bon, elle n'allait pas se lancer dans un cours de bio pour le simple plaisir de Joshua, ça serait trop... gênant ? bizarre ? carrément. « Et je peux savoir pourquoi t'as droit au tigre, et moi je dois me contenter de la hyène ? » s'indigna-t-elle finalement, histoire de détourner la conversation vers des frasques moins sanglantes.

Aussi étonnant soit-il, je reste un homme pudique. Les tabous, ça me connaît entièrement. D'ailleurs, Sven a du mal à se faire à ce côté-ci de ma personnalité. Il me trouve trop coincé, trop vieux jeu lorsque je grince des dents face à son vocabulaire pour le moins cru. Mais, j'ai toujours vécu dans un milieu bourgeois où parler de sexe était mal vu. Et même si je tente de jouer les grands décontractés et de m'ouvrir un peu plus lorsqu'il s'agit de parler d'histoires de fesses, je reste ce que mes semblables appelleraient un pudibond. « Très glamour, Joshua ! » Ben quoi ? Je n'ai pas manqué de classe quand même, si ? « Je ne fais que citer ce qu'on m'a appris. » Exactement. Chez moi, c'est comme cela qu'on nomme les menstruations. La mer rouge. C'est tellement moins.. dégoûtant? « C'est un mythe ça, mon bébé », dit-elle en ébouriffant les cheveux à la manière d'une bonne vieille tante qui vient saluer son petit neveu qu'elle n'avait pas revu depuis un millénaire. Je grimace doucement pendant qu'elle me décoiffe, puis finit par froncer les sourcils. « Un mythe ? Ma vie était un mensonge, alors ? » Sérieusement ? Ce ne sont pas les menstruations qui rendent les femmes hystériques pendant cette période-là du mois ? Pourtant j'étais sûr que ça avait quelque chose à voir avec les hormones ou je ne sais quoi. Du coup, la thèse sur les sauts d'humeurs des femmes enceintes c'était des foutaises aussi ? Merde, quel con je fais, parfois. « Enfin, la plupart du temps », rétorque-t-elle en émettant un léger rire. Peu importe, on m'a menti. Je suis blessé. Profondément blessé. C'est le drame de ma vie. Je la regarde, le visage décomposé jusqu'à ce qu'elle relève les noms d'animaux que j'ai employé pour nous qualifier. « Et je peux savoir pourquoi t'as droit au tigre, et moi je dois me contenter de la hyène ? » Je plisse les yeux et lui lance un regard noir. « Tigresse. J'ai dis tigresse. » Le tigre n'a rien de sexy. Tandis que la tigresse... Graaaaou. « Bon, Mamie Nova. Ce n'est pas tout, mais j'ai mon linge qui m'attend. », dis-je en délaissant mon beau cheval. Je m'approche d'elle, lui dépose un baiser sur le front et m'en vais. A la base, j'étais juste venu là pour faire passer le temps pendant que la machine tournait. Au final, j'y aurais gagné une connaissance.

+ FIN DU SUJET POUR JOSHUA.