Raphaël devait discuter avec Arès. Cela n'était pas tant qu'il en avait envie qu'il en avait besoin. Il avait véritablement besoin de converser avec son camarade, parce qu'il devait lui toucher deux mots au sujet d'un fait qui avait tendance à le laisser perplexe. Et plutôt que de garder ça pour lui, Raphaël avait tendance à penser qu'il ferait tout aussi bien d'aller à la rencontre du jeune homme. Leurs rapports étaient plutôt agréables, alors il avait tendance à penser qu'Arès ne lui tiendrait pas nécessairement rigueur de la conversation qu'il souhaitait démarrer avec lui. Bon, entre nous, Raphaël avait un peu peur de mettre les deux pieds dans le plat en s'embarquant dans un sujet des plus délicats et qui ne le concernait pas directement, mais il le fallait. Pas seulement pour lui. Pour Elliot également. Car c'était évidemment de la jeune femme dont il voulait lui parler. Bon, peut être pas très exactement, mais il comptait bien y venir, c'était certain. Alors le suisse se mit à la recherche de son camarade, arpentant le village, marchant longuement dans l'espoir de l'apercevoir, avant d'arriver au niveau du lac. Devant celui-ci se trouvait alors justement Arès, sans doute légèrement pensif, en tout cas assez distrait pour ne pas l'avoir entendu arriver. Après un semblant d'hésitation, Raphaël se posta discrètement à ses cotés, lui adressant un sourire embarrassé lorsque son camarade sembla enfin avoir noté sa présence. Bon, il lui fallait maintenant se lancer. Mais comment procéder ? Il ne voulait pas perdre l'affection - enfin, ce qu'il espérait être de l'affection - d'Arès. Il voulait juste des réponses. « Arès, est-ce que tu m'autorises à te poser une question ? Sachant qu'elle risque d'être indiscrète et malvenue. » Oui, il préférait lui annoncer le programme dans son intégralité, histoire d'éviter les trop mauvaises surprises. Rappelons tout de même que le suisse ne savait pas nager, hm.

Je ne sais pas, je ne sais plus comment mes pieds m'ont amenés ici. Je ne suis plus sûr, en fait. Je crois m'être égaré - oui, après quatre semaines, c'est encore possible - à travers le village en voulant marcher, flâner un peu. Mes jambes se sont laissées porter au gré de cette bise qui me fait frissonner. Je tire sur les manches de mon pull en laine, le regard rivé sur l'étendue d'eau devant laquelle je suis assis en tailleur. Le temps est clair, mais les températures ne doivent pas voler haut. Le vent s'embarque dans mes cheveux et ma coiffure ne ressemble plus à rien. Je n'ai envie de rien, de toute façon. Comme si j'étais pris d'une seconde de mélancolie sans pour autant savoir pourquoi. Je n'entends pas mon camarade arrivé à pas feutré. Ses mouvements sont silencieux, sa mine est grave. Je le détail un instant, les sourcils froncés mais le sourire au lèvres. J'aime être en compagnie de Raphael. Il est apaisant malgré le fait que nos conversation ne tournent qu'autour d'une seul et même chose, une personne en l’occurrence, Elliot. Et je ne sais pas pourquoi mais, je sens qu'aujourd'hui ne fera pas exception à la règle. Et je n'ai pas le temps de terminer ma pensée que déjà, le suisse ouvre la bouche et prononce les quelques mots que j'attendais inconsciemment. « Arès, est-ce que tu m'autorises à te poser une question ? Sachant qu'elle risque d'être indiscrète et malvenue. » Je souris de plus belle, m'imaginant parier sur le sujet qu'il aborderait et gagner des millions. « Dis toujours. » je réponds, tentant de paraître le plus détendu possible bien qu'au fond, je sois tendu. Raphael a aussi le don de tout mettre en suspend. D'être le mettre incontesté du suspens. Et il me rend curieux, cet idiot. Et un poil craintif, aussi.

Se lancer. Il lui fallait se lancer. Même s'il avait peur. Même s'il manquait de courage. Il fallait absolument que Raphaël se lance. Oui, il le fallait. Parce qu'il n'avait pas passé de longues minutes à rechercher son camarade pour finalement abandonner une fois celui-ci dans son champs de vision. Clairement pas. Ainsi donc, il lui fallait se lancer. Et Dieu sait qu'il craignait de se mettre Arès à dos en lui posant une question qui, assurément, n'avait pas à sortir de sa bouche. Il était sur le point de discuter de quelque chose qui ne le regardait pas le moins du monde, alors il était probable que ses paroles ne soient pas tellement bien reçues par son camarade. Pourtant, il ne lui fallait pas tenir compte des risques qu'il encourait. Il ne devait pas penser au fait qu'Arès pourrait très bien le foutre dans le lac. Ouais non, il allait effectivement se concentrer sur son envie de savoir, de connaitre la vérité. Parce que tout de même, il pouvait être sacrément curieux par moments. Surtout lorsque tout cela concernait quelqu'un qu'il appréciait autant, à savoir Elliot. De même, il portait une certaine affection à Arès. C'était aussi pour cette raison qu'il ne voulait pas tellement prendre le risque de perdre la sympathie du jeune homme. Mais soit, il lui fallait prendre son courage à deux mains et se lancer. Et c'est justement ce qu'il fit, insinuant qu'il avait besoin de poser une question à son camarade, mais que ladite question risquait d'être "indiscrète et malvenue". Oui, il préférait le lui faire savoir, histoire de ne pas le prendre par surprise. Il préférait diffuser une bande-annonce, histoire de préparer Arès. Puis finalement, et vu que son camarade semblait l'encourager à lui poser la fameuse question, Raphaël se risqua à le faire. « Que ... » Oui bon, il essaya, en tout cas. Parce que pour le coup, c'était laborieux. Second essai. « Que se passe-t-il entre Tris et toi ? » Ah, voilà qui était bien mieux. Sauf que ses joues s’empourprèrent aussitôt et qu'il adressa une moue embarrassée à Arès. « Je suis désolé, je suis conscient que ça ne me regarde pas, mais ... » Parce que oui, avec Raphaël, il y avait souvent un "mais". « ... je ne veux pas qu'Elliot souffre. Je sais que tu n'as pas l'intention de lui faire du mal. Mais elle est sensible, très sensible. » Autant que lui, au fond. Et même s'il ne prétendait pas savoir comment Elliot vivait les choses, ni seulement si elle en avait connaissance, il préférait être honnête. Lui, il aurait du mal à la voir souffrir. Vraiment, beaucoup de mal.

La mine grave de Raphael me fait redouter cette conversation. Je ne suis pas de ceux qui aime le sérieux. Je fuis ces moments de sérieux comme la peste. Je n'aime pas devoir me justifier. Je n'aime pas que l'on me pose des questions sur mes faits et gestes, sur ma vie privée. Et quand les mots du candidat tombe comme une guillotine, mes yeux s'arrondissent. Ses joues s'empourpre d'un rose pimpant et je souris malgré moi. Raphael a se don. Il me met à l'aise. Il m'attendrit. J'ai l'impression d'être à sa merci, de ne pas savoir lui dire non. Il serait un autre, j'aurais certainement été violent. Je l'aurais poussé dans le lac, j'aurais crié, je me serais enfuis. Je soupire, longuement. J'ai conscience que mon comportement peut porter à confusion. Que plusieurs candidats risquent de douter de ma sincérité. Et qu'Elliot est au centre de tout cela. J'ai envie de lui dire de s'occuper de ses affaires. Que je sais ce que je fais, qu'il n'a pas à s'immiscer entre nous. J'ai l'impression que mon histoire avec Elliot est finalement une histoire à trois. Que Raphaël est omniprésent. Qu'il est là pour me dire comment me conduire. Et qu'au fond, elle serait bien mieux avec lui qu'avec moi. Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard. J'ai les nerfs à vif, les muscles contractés à bloque. « Elliot ne souffrira pas. » je crache un peu sèchement, fatigué d'être obligé de me justifier auprès de Raphael avant de le faire auprès d'elle. C'est elle que ça regarde, elle et moi. Pas lui. « Elle ne souffrira pas parce qu'il ne se passe rien entre Tris et moi. » Je regarde au loin, moi aussi. Il a tout remit en cause. Je m'efforce d'être le plus sérieux possible. D'être le plus honnête possible. Et apparemment, je fais toujours tout de travers. En réconfortant Tris l'autre soir, je n'ai pas eu cette impression de tromper Elliot. De la blesser. « Et effectivement.. C'est plutôt une affaire entre elle et moi. » je lâche comme un enfant, pour me défendre. Je reste silencieux, je ne dis plus rien. Je suis ridicule. J'ai honte de moi, honte de tout. J'aimerais tout effacer, ne plus jamais aimer.

Soyons bien clairs, Raphaël n'aimait pas se mêler des histoires des autres. Il évitait généralement de s'intéresser à ce qui ne le regardait pas, justement, parce que ça ne le regardait pas. Il était de ceux qui savaient rester à leur place, qui ne s’immisçaient pas perpétuellement dans les affaires des autres. Vraiment, Raphaël évitait normalement de se mêler de ce qui ne le concernait pas. Pour autant, ici, et dans cette situation, il ne pouvait s'empêcher d'agir différemment. Au risque de vexer Arès, de lui donner toutes les raisons du monde de lui en vouloir, d'être profondément agacé par sa personne, oui, Raphaël osait se mêler de ce qui ne le regardait pas. C'est donc ainsi qu'il en vint à parler de Tris, de ce qu'il était susceptible d'y avoir entre la jeune femme et Arès. Et pourquoi cela ? Et bien, tout simplement parce qu'il en venait à se faire du soucis pour Elliot. Il savait cette dernière particulièrement sensible, et savait qu'elle n'avait clairement pas besoin que quelqu'un auquel elle semblait tant tenir lui fasse du mal. Oui, c'était un peu indélicat d'insinuer qu'Arès était susceptible de la blesser, mais il le fallait. Parce que Raphaël ne parviendrait pas à tolérer qu'elle souffre, que ce soit à cause d'Arès ou à cause de quelqu'un d'autre. Non, il ne voulait pas qu'elle souffre. Et il craignait présentement que son camarade se méprenne sur ses intentions. Là, il passait peut être pour un sale petit jaloux, désireux de foutre un sacré chantier dans la relation d'Arès et Elliot, comme s'il espérait qu'elle viendrait vers lui, comme s'il espérait finalement avoir ses chances avec elle. Mais non, clairement pas. Il voulait simplement qu'elle aille bien. A ses yeux, elle était comme une amie, comme une confidente. Elle lui rappelait même sa sœur cadette. Et il avait besoin d'elle. C'était d'ailleurs pour cela qu'il ne voulait pas la perdre. Mais plus encore, il ne voulait pas qu'elle puisse souffrir. Alors oui, il était clairement indiscret, et il ne cautionnait pas tellement sa propre attitude, mais il ne pouvait pas faire autrement. Elliot était trop chère à ses yeux pour qu'il reste en de hors de ça. Qu'il en ait le droit, ou non. Arès affirma alors qu'Elliot ne souffrirait pas. Puis, il ajouta qu'il n'y avait rien entre Tris et lui. Il semblait contrarié. Contrarié que Raphaël ose s'intéresser à cela, qu'il ose se mêler de cette histoire qui ne le regardait pas. Et vous pensez bien que le suisse était désolé. Il s'en voulait. Parce qu'Arès était quelqu'un de bien. Il avait juste peur pour Elliot. Juste peur pour elle. Raphaël se sentit alors envahi par une profonde culpabilité. Par une grande tristesse également. Parce qu'il en venait à craindre qu'Arès, possiblement méfiant, ne veuille plus l'approcher, ne veuille plus qu'Elliot l"approche. Il ne le supporterait pas. Lorsqu'Arès ajouta qu'effectivement rien de tout cela ne regardait Raphaël, ce dernier baissa la tête, infiniment confus. « Arès, je suis désolé. Je devrais vous laisser tranquilles, ne pas me mêler de vos histoires, mais ... mais je ne peux pas. Je n'y arrive pas. Elle est trop chère à mes yeux. Elle compte trop pour moi. Et j'ai peur, tellement peur qu'elle en vienne à souffrir. J'ai confiance en toi. Je sais que tu ne lui feras pas de mal consciemment. Mais, je ... je sais qu'on blesse parfois sans le vouloir. Non, ça n'est pas toujours voulu. » Et là, il ferait probablement mieux de le laisser tranquille, de partir loin, de lui ficher enfin la paix. Alors comment expliquez vous qu'il reste là, tout près de lui ? Raphaël, lui, ne l'expliquait pas.

Je ne devais probablement pas me sentir vexé, exaspéré de la sorte. Je ne sais pas pourquoi mes muscles se tendent. Pourquoi ma mâchoire se serre. Pourquoi mes sourcils se froncent. Ma mine est grave, je regarde au loin. Je ne suis plus capable de le regarder. De voir son visage désolé, ses yeux brillants et ses joues rosies. Plus il prend la parole, plus il s'enfonce sur le fait qu'il n'aimerait pas voir souffrir Elliot et plus je doute. Je doute de ses sentiments envers elle. De ce qu'il pourrait éprouvé. Et je n'aime pas la concurrence. J'ai plutôt tendance à la fuir. « Arès, je suis désolé. Je devrais vous laisser tranquilles, ne pas me mêler de vos histoires, mais ... mais je ne peux pas. Je n'y arrive pas. Elle est trop chère à mes yeux. Elle compte trop pour moi. Et j'ai peur, tellement peur qu'elle en vienne à souffrir. J'ai confiance en toi. Je sais que tu ne lui feras pas de mal consciemment. Mais, je ... je sais qu'on blesse parfois sans le vouloir. Non, ça n'est pas toujours voulu. » Je voudrais me concentrer, me faire violence, me retenir de crier. Je soupire fort, j'essaie de ne pas rougir de rage mais au fond, je boue. Je ne supporte pas les fouineurs, aussi sympa soient-ils. Je ne supporte pas qu'on puisse s'immiscer dans ma vie. Et pire que tout, je ne supporte pas que l'on puisse me dicter ma conduite. Je saurai prendre soin d'Elliot. Nous n'avons pas pris notre temps pour rien. Je ne lui ai pas dévoilé mes sentiments pour rien. Nous ne nous sommes pas embrassés passionnément pour rien. Et surtout, je ne m'énerve pas aux mots de Raphael pour rien. Si par le passé ils ne m'auraient pas touché, que j'aurais haussé les épaules en un sourire narquois, aujourd'hui ils me blessent. Je me sens agressé, rabaissé plus bas que terre. « Elle est maître de ses décisions. C'est à elle de savoir ce qui peut la faire souffrir ou non. Pas toi. T'as pas à t'immiscer entre nous, à vouloir la couver et nous briser. T'as pas le droit de ne pas nous laisser une chance pour la simple raison que tu veux la surprotéger. Si elle n'avait pas voulu prendre de risques, elle ne m'aurait certainement pas avoué ses sentiments. » j'ai tant de choses à dire, tant de mots qui me brûlent les lèvres. J'en suis déboussolé, je dis n'importe quoi. Mon discours est décousu. « C'est toi qui va finir par la faire souffrir en voulant tout contrôler dans sa vie. » je finis, un peu sèchement avant de me relever. Je n'ai pas envie de rester plus longtemps. J'ai pas envie de voir ses réactions. Mais je reste là. Je le regarde de haut, les sourcils froncés. Les bras croisés. Il est si gentil, si compatissant, si adorable, si attachant que s'en est étouffant..

Il va de soi que Raphaël s'en voulait. Oui, il s'en voulait véritablement d'agir d'une telle manière. Lui qui détestait tant s’immiscer dans la vie des autres, prendre part à des choses qui ne le concernaient pas, et plus encore, qui ne le regardaient pas, était présentement en train de faire tout le contraire de ce qu'il faisait d'habitude. Il s'intéressait à l'histoire d'Arès et Elliot, mais hélas d'une manière qui pourrait rapidement être jugée inappropriée. Il faut dire qu'il craignait beaucoup de perdre la jeune femme par le biais de ladite histoire. Il l'imaginait s'éloigner progressivement, se contenter de fréquenter Arès et oublier tout ce qu'ils avaient pu partager. Bien sûr qu'il savait qu'elle était bien avec Arès et que celui-ci ne lui ferait jamais de mal de façon intentionnelle, mais il ne pouvait également s'empêcher de craindre qu'elle souffre tôt ou tard. Il n'avait pas tellement conscience que de telles insinuations pouvaient profondément blesser Arès, évidemment. Il pensait naturellement bien faire, que ce qu'il disait à cet instant précis pourrait servir Elliot, Arès, et la relation de ces deux-là. Mais non, évidemment, son camarade ne tarda pas à réagir assez énergiquement à ses propos. Et là, le suisse prit conscience du caractère malvenu de ses paroles. Il avait du le blesser en insinuant qu'il pourrait lui faire du mal, même de manière non-intentionnelle. Et maintenant, Arès cherchait peut être à le blesser à son tour. Cela n'était peut être pas le cas, mais c'était bel et bien ainsi qu'il vivait l'instant présent. Les paroles du jeune homme lui firent évidemment du mal. Parce qu'il s'en voulait déjà terriblement de faire preuve d'autant de culot en se mêlant de tout cela. Et maintenant, Arès lui faisait comprendre qu'il était effectivement un être tout à fait indésirable au sein de cette relation. Cela, il le savait techniquement déjà. Mais l'entendre de la bouche du jeune homme, cela le blessait, oui. Arès avait ce ton froid qui l'intimidait autant qu'il l'attristait. Et entendre également de sa propre voix qu'Elliot lui avait avoué ses sentiments avait tendance à le peiner davantage. Sans doute parce qu'il prenait conscience que rien ne serait jamais plus comme avant avec la jeune femme. Sans doute parce qu'il jalousait Arès, et sa chance de l'avoir, elle. Sans doute parce qu'il souffrait de cette situation de laquelle il n'aurait jamais du faire partie. Effectivement, il n'aurait jamais du se mêler de tout ça. Une immense tristesse l'envahit alors, tandis qu'il s'empêcha de faillir, de sombrer. Devant Arès, il ne pouvait désormais plus se montrer aussi sensible. Devant Arès, il en devenait presque pudique. Lui qui n'avait jamais pu s'empêcher de pleurer. Et Dieu sait qu'il en avait présentement besoin. Les yeux tout de même larmoyants, les mains tremblantes et le souffle court, il dévisagea son camarade lorsque ce dernier reprit la parole, insinuant cette fois-ci qu'il allait finir par faire souffrir Elliot s'il continuait de la sorte. Raphaël resta parfaitement immobile, parfaitement statique, subitement inexpressif. Mais après quelques instants, il ne put retenir ses larmes. De grosses et chaudes larmes qui n'avaient jusqu'ici demandé qu'à sortir. Il était si triste que la situation tourne d'une telle manière. Si triste d'être sur le point de les perdre, tous les deux. « Je ne veux pas, je ... je n'ai jamais voulu ... » commença-t-il maladroitement, tant le poids de sa peine l'empêchait de s'exprimer comme il l'aurait voulu. « ... Je suis désolé ... pour tous les problèmes que je cause, pour ... pour tout, vraiment. » Il souffla doucement, baissant la tête car n'osant plus affronter le regard pénétrant de son camarade. « Mais ... » Les "mais" étaient souvent de mise avec le suisse, oui. « ... je compte sur Elliot pour me demander de m'éloigner si elle pense que je deviens nuisible à son bonheur, ... à votre bonheur. Moi, je ... je ne peux pas me résoudre à m'éloigner. C'est sans doute ce qu'il faudrait que je fasse. Mais je n'en suis pas capable. » C'était à Elliot de voir ce qui serait préférable pour elle, pour Arès, pour leur ... couple ? Parce qu'avec tout le respect qu'il lui devait, Raphaël ne comptait pas lui laisser décider du devenir de sa relation avec Elliot. Sur-protecteur ou non, il ne pourrait pas se retirer de lui-même.

J'ai conscience d'être un peu trop dur. Qu'Elliot me réprimanderait certainement ma conduite. Que je pousse Raphael à bout. Je suis certainement celui à qui il faut jeter la pierre. Seulement, le candidat me pousse à bout. Dans mes retranchement. Il me blesse, me donne de quoi douter d'elle, de nous, de moi. Il essaie, de manière plus ou moins cachée de m'éloigner d'elle afin de mieux s'en rapprocher. Je le sens bien, qu'il est jaloux. Et pour la première fois depuis que j'ai rencontré Raphael, qu'il m'a attendrit, je ne me laisse pas faire. Je ne dis pas amen a ses émotions. Cette homme sensible, un peu gauche mais adorable à qui on ose pas faire du mal. Et qui, grâce à ça, obtient ce qu'il veut. Et je me demande soudain s'il ne joue pas un jeu. S'il ne fait pas exprès d'être aussi maladroit et sensible. Si les larmes qui coulent de ses yeux ne sont pas factices. J'en viens à douter de tout. Il me déstabilise. Mais, je ne me laisserai pas faire. Les sentiments que j'ai pour Elliot sont bien plus forts. « ... je compte sur Elliot pour me demander de m'éloigner si elle pense que je deviens nuisible à son bonheur, ... à votre bonheur. Moi, je ... je ne peux pas me résoudre à m'éloigner. C'est sans doute ce qu'il faudrait que je fasse. Mais je n'en suis pas capable. » Debout, je le regarde pleurer, sans aucune émotion. Je ne ressens rien, si ce n'est une rage immense qui m'anime. Ce n'est pas tant le fait qu'il veuille à tout prix protéger Elliot, qu'il veuille à tout prix s'immiscer entre nous. C'est que je ne supporte pas ses façons. Je n'aime pas ses manières détournées de faire. De m'attendrir. Il ne m'attendrit plus. « Tu l'aimes, c'est ça ? » je lâche d'un ton sec, comme si je crachais un petit four dégueulasse. J'adopte un air dédaigneux. J'en fais trop, j'en ai conscience. Mais je suis comme ça, excessif. Et je ne supporte pas qu'on puisse se mettre au travers de ma route. Au travers de mes sentiments. J'aimerais m'arrêter, me forcer à arrêter, être plus doux, me retenir mais je n'y parviens pas. Je continue sur ce même ton. J'essaie de le pousser à bout, de lui rendre la pareille. « Tu l'aimes et tu ne supportes pas le fait qu'elle puisse être attaché à un autre plus qu'à toi. » et en même temps, j'essaie de m'en persuader. Après tout, je ne connais rien de la vie d'Elliot. De ce qu'elle fait lorsqu'elle est avec lui.. avec les autres. Mais j'ose espérer que ses aveux n'étaient pas vains.

Plus cette entrevue se précisait, plus Raphaël en venait à penser qu'il n'aurait jamais du s'adresser à Arès quelques instants plus tôt. Car s'il était parvenu à garder un certain contrôle sur ses émotions jusqu'à présent, ça n'était présentement plus le cas. Une fois de plus, et peut être la fois de trop, il pleurait. A chaudes larmes, et douloureusement. Parce qu'il avait mal. Terriblement mal. Et parce qu'Arès adoptait un ton qu'il ne lui aurait jamais associé avant aujourd'hui. Il était si dur, si ferme, si insensible. Pourquoi lui faisait-il ça ? Est-ce qu'il le méritait véritablement ? Peut être bien. Après tout, la conduite de Raphaël devait lui apparaitre comme profondément détestable, comme quelque chose de malvenu, d'inapproprié. Et ça l'était sans doute. Parce qu'à trop vouloir protéger Elliot du genre de choses qu'il vivait lui même au quotidien, du genre de souffrances qui ne lui étaient malheureusement que trop familières, il empiétait sur sa relation avec Arès, au risque de donner l'impression de vouloir délibérément s’immiscer entre eux. Mais peut être était-ce justement le cas. Peut être Raphaël espérait-il progressivement les éloigner l'un de l'autre. Peut être pensait-il pouvoir la garder pour lui tout seul, en se débarrassant de celui dont elle était si proche, pour qui elle semblait avoir développé de troublants sentiments. Il n'avait pas de mauvais fond, et ne voulait véritablement faire souffrir personne, mais il est vrai qu'il ne pouvait pas imaginer la perdre. Et pour la garder près de lui, il serait effectivement prêt à faire beaucoup de choses. Pas l'impossible, parce que sa volonté l'en empêcherait, mais beaucoup de choses oui. Quoi qu'il en soit, le ton employé par son camarade avait véritablement le don de le peiner. Le regard qu'il lui lançait, encore davantage. Il devait profondément le mépriser à cet instant précis. La petite complicité qui était née entre eux ces derniers temps semblait s'être complètement envolée. Et tout ça par la faute d'un Raphaël un peu trop attaché à Elliot, probablement. C'est alors qu'Arès lui posa une question des plus embarrassantes. Est-ce qu'il aimait Elliot ? Ses joues s'empourprèrent terriblement, au point qu'il eut le tournis de sentir une telle chaleur au niveau de son visage. Ses lèvres tremblaient, tout comme ses mains ne parvenaient pas à rester en place. Il pleurait toujours, mais il souffrait encore plus qu'auparavant. Cette question, il la prenait avant tout comme une critique. Comme s'il serait fou, mais plus encore interdit, qu'il ait pu tomber amoureux de sa camarade. « Je ... je l'aime, oui » avoua-t-il alors spontanément, avant de pousser un doux soupire et de baisser quelques peu les yeux. Le regard d'Arès allait finir par le tuer. « Mais pas comme tu dois l'imaginer » reprit-il, prenant le risque de retrouver son regard, qui continuait de le transpercer. Les paroles d'Arès lui firent énormément de mal. Peut être le faisait-il expressément pour le faire souffrir, d'ailleurs. Mais il va de soi que Raphaël aurait du mal à se remettre de cette entrevue. « Je sais qu'elle tient à toi, probablement beaucoup plus qu'elle ne tient à moi. Et je ... oui, j'ai du mal à le supporter. Égoïstement, je la voudrais pour moi tout seul. Parce qu'elle va s'éloigner, je le sais ... Elle ne voudra plus de moi, de mon amitié, de ma compagnie ... Ça n'est pas de l'amour dans sa forme la plus traditionnelle. J'ai ... j'ai juste terriblement besoin d'elle. » Il se pinça les lèvres, tâchant de contenir les prochaines larmes qui trouveraient malin de couler le long de ses joues. Son regard restait posé sur Arès. Il lui en voulait beaucoup, n'est-ce pas ? Et ça aussi, il avait du mal à le supporter. « Si je sentais que je tombais amoureux d'Elliot, je crois que ... que je trouverais la force de me retirer. » Bon, ça n'était pas sûr du tout, ça. « Je ne veux pas que tu penses que ... que cette situation me plait. J'en souffre beaucoup. Autant parce que ça me fait du mal, que parce que je sais que ça t'en fait. » Mais il pouvait le mépriser autant qu'il le voulait, évidemment. Après tout, Raphaël avait toujours eu un don particulier pour trouver les ennuis.

je suis désolée de faire aussi long

J'ai le coeur au bord des lèvres. Cette situation est une torture. J'ai l'impression que nous nous battons pour la même femme. Tout est remit en cause en quelques instants seulement. Cette amitié que je portais à Raphael s'est brusquement transformée en une haine sans bornes. Je le hais. Je le hais de me faire autant douter d'elle et surtout de moi-même. Je le hais de refaire naître en moi cette peur de l'inconnu et de l'amour qui avait finit par s’apaiser, que j'avais presque fini par accepter. Mon premier jugement ma première impression concernant le suisse se révélait fausse. Et sous ses larmes, sous ses airs de petit enfant perdu et innocent, je décèle de l'égoïsme. J'ai l'impression qu'il se plaît à me faire du mal. A m'éloigner d'Elliot pour mieux l'avoir pour soi. Que cette petite mascarade n'est qu'une façade. J'aimerais le secouer, lui cracher des mots bien plus durs à la figure et même, le frapper jusqu'à ce qu'il avoue mais, le visage d'Elliot me revient en mémoire et m'en empêche. Elle seule réussit à me calmer, à m’apaiser. Néanmoins, je ne bronche pas. Je me fiche de ses larmes. Il a l'air ridicule. « Mais merde Raph, Elliot c'est pas ta mère ! T'es pas en droit d'exiger qu'elle soit tout à toi. » je crie. Et ma voix fait écho jusqu'à l'autre bout du lac. Les notes de ma voix résonnent dans ma tête. Je suis dur, je n'ai jamais montré cette facette là de ma personnalité, ici. J'ai toujours joué les moutons doux, dociles. Mais là, je sors de mes gonds. Je ne supporte pas qu'il puisse égoïstement s’immiscer entre nous. Je ne supporte pas qu'il puisse insinuer que je pourrais lui faire du mal. Il ne me connait pas, il ne sait pas de quoi je suis capable et pire, il n'est pas en moi. Il ne sent pas mon coeur battre beaucoup plus vite quand elle s'approche, mon sang se figer et mes muscles se tendre tant elle me fait de l'effet. Il ne voit pas mon regard bienveillant, tendre et sincère. Il n'entend pas les mots que je lui prononce et qui tentent de l'apaiser afin qu'elle se donne toute entière à notre potentielle relation. Il ne sait rien de tout cela. Il joue simple ment aux égoïstes, pensant qu'Elliot lui appartient simplement parce qu'elle est là pour lui. Je conçois qu'il puisse avoir peur de la perdre. Je conçois qu'elle puisse être son pilier. Mais putain pourquoi ne la laisse-t-il pas vivre sa vie comme elle l'entend ? Pourquoi tente-t-il, sans le vouloir certainement, de lui imposer celle qu'il aimerait qu'elle est. Et en l’occurrence, il l'aimerait en femme objet, toujours à ses petits soins, toujours là pour lui, à lui. Mais je ne suis pas décider à me laisser faire. « Alors fais-toi une raison. » je crache sans ménagement haut et fort afin qu'il comprenne bien. Je détache chaque syllabe de chaque mot. Je m'approche de nouveau de lui, menaçant. « Fais-toi une raison et laisse-nous vivre.Si t'as peur de la perdre, c'est pas à moi qu'il faut t'adresser mais à elle. Parce que je ne t'écouterai pas. Je ne ferai rien pour te laisser le champs libre. Je ne te laisserai pas me l'enlever. Je ne te laisserai pas t'immiscer entre nous et tu n'imagines même pas de quoi je suis capable pour avoir l'occasion de vivre ce que mes sentiments me poussent à vivre avec Elliot. » Je fais une pause. Une longue pause durant laquelle seuls les hoquets de Raphael son audibles. Et puis, je reprends, quelque peu calmé. Cette rage que je viens de cracher sur lui m'a fait un bien fou. « Je t'appréciais beaucoup Raph. Mais j'ai l'impression de m'être trompé sur ton compte. » je termine avant de laisser mon regard caresser le lac. Mon coeur est serré à bloque, il menace de disparaître.