elliot

Je suis là, bouteille de gin à la main, regardant l’écran devant moi, mais surtout la caméra juste au dessus qui me fixe grossièrement. C’est comme si je suis sur le point de faire une énorme confession à ce cher cupidon en ce lundi soir. Lundi soir, gin, rien de plus normal. Non mais depuis le début, je suis le mec qui sourit toujours, souvent de bonne humeur, j’essaie d’apprendre à connaître tout le monde et bien m’intégrer. Je ne jouais pas un jeu, on avait là ma vraie personnalité. Cependant, je ne suis pas toujours aussi avenant. Je ne suis pas toujours aussi enjoué. Je… Ce soir, j’ai simplement envie de boire. Et d’être seul. De ressentir cette fichue solitude que je mérite amplement. Je ne mérite rien d’autre qu’être seul dans la vie, et je le sais. J’en suis conscient. Bien confortable dans le vieux canapé en cuir de cette maison, je savais bien que je trouverais la tranquillité. Non pas la tranquillité d’esprit, mais plutôt celle qui me permettra de boire, dans mon monde. Une gorgée, je pense à ma mère. Elle doit regarder l’émission jour et nuit, ne pas manquer une seule seconde de chacune de mes apparences à la télévision. Elle ne peut s’en empêcher. Elle doit appeler mes sœurs, leur demander leurs avis. Elle doit chercher des réponses, à des questions qu’elle ne se pose même pas. Je n’ai pas besoin, moi, de chercher des réponses. Je les connais déjà toutes. J’ai les yeux fermés, la tête rejetée vers l’arrière, tenant ma bouteille de fort solidement. Elle est bien entamer, et bien qu’il me faut beaucoup d’alcool pour être dans un état second, je commence en ressentir les effets de mon ami gin. Et j’entends la porte s’ouvrir et se refermer immédiatement. Techniquement, je ne sais même pas si j’ai le droit d’être ici en ce moment. Peut-être que je dois seulement y venir lorsque cupidon m’en fait la demande. Je soupire, parce que je ne veux pas de compagnie. Peu importe qui est la personne qui vient de franchir cette porte. J’ouvre finalement les yeux posant mon regard sur Elliot. Bon, cela aurait pu être pire, c’est certain. Je force un sourire, prenant aussitôt une nouvelle gorgée d’alcool. « Tu m’accompagnes ? » Ouais, finalement, je peux bien partager ce qui me reste de gin avec elle. Je me décale donc légèrement pour lui laisser une place à mes côtés.

Oui, je voulais être seul. Alors peut-être que je devrais plutôt demander à Elliot de partir, que je ne serai surement pas de bonne compagnie en cette soirée. J’ai l’impression de ne même pas trouver la force de lui dire de quitter les lieux, l’alcool me rendant lâche, dépourvu de mon assurance habituelle. Je lui demande donc de m’accompagner, me disant que sa présence ne peut m’être réellement nuisible. Retomber dans mes vieilles habitudes n’était clairement pas l’attitude à adopter à l’intérieur de ce jeu et je me l’étais dit avant de partir. Je me décale, lui laissant un peu de place en tendant la bouteille. « T'as pas l'air bien, toi ?» C’est une bonne observatrice, la petite. Enfin, même un aveugle aurait pu comprendre que je n’allais pas vraiment bien. Mais en même temps, c’était un peu con, car je n’avais aucune raison, ici, d’être dans cet état. J’hausse seulement les épaules alors qu’elle me dit avoir une idée pour me remonter le moral. Je suis curieux de ce qu’elle est sur le point de me proposer, laissant un sourire apparaître sur les lèvres le temps de quelques secondes en comprenant où elle voulait en venir. J’aime bien la chanson qu’elle fait jouer pour nous. Fermant les yeux au moment où elle me pose la question. Ce qui me tracasse. Je réponds quoi à ça ? Ce n’est pas une question facile, je ne sais pas si elle s’en rend compte. Je pourrais aussi ignorer la question et passer à un sujet de conversation léger, parler de musique avec elle, ça me changerait les idées. Mais ça ne modifierait pas mon état d’esprit du moment. Je soupire, embêter. « Moi. C’est moi qui me tracasse. » Réponse surement trop vague. Réponse qui ne veut rien dire. Réponse stupide, en gros. Je tourne la tête vers elle, reprenant la bouteille de gin pour en boire une longue gorgée. « Je pense à ma vie à l’extérieur d’ici en fait… » Et ça me met dans un sale état, évidemment. Quelle mauvaise idée aussi. « À l’énorme bordel que je suis. » Bon, je devrais arrêter les confidences, ça va trop loin. Je ne parle jamais de moi. Jamais sérieusement. Alors de dire ça, même si ça peut paraître simple, ça ne l’est pas. Vraiment pas.