J’étouffe, je suffoque. J'ai besoin d'air. Je suis dehors, pourtant je me sens prisonnière entre ces murs invisibles. C'est invivable. J'ai besoin de respirer. J'ai besoin de lâcher prise. Je marche vers l'inconnu, la clope à la main. Elle est allumée mais se consume seule. Je la gâche mais c'est le moindre de mes soucis. J'arrive sur la place où se situe la fête foraine. Je ne réfléchis pas un seul instant et me dirige sur les chaises. La musique se met en marche, les lumières s'allument comme si un certain mouvement les déclenchaient automatique. Un peu comme ces mines anti-personnelles, il suffit de marcher dessus pour qu'elle vous explose à la tronche. Je jette mon mégot sur le sol. Et je m'installe sur l'une des chaises. Elle grince, je ne m'attache pas. Je n'ai pas peur de tomber, je crois même que c'est carrément excitant en un sens. L'attraction se met en marche, je commence à tourner. Je ferme les yeux. Je tourne, encore et encore. Le temps semble s'arrêter. Je ne sais pas du tout combien de temps je tourne. Elle s'arrête au bout d'un moment. J'ouvre les yeux. Je suis toujours dans ce village. Je me lève, je descends de la machine mais je perds l'équilibre, sauf qu'au lieu de tomber comme je m'y attendais, je suis stoppé dans ma chute par un inconnu. Zeus. Goliath. Non. Hadès peut être. Je sais qu'il a le prénom d'un dieu grec. « Je suis morte c'est ça ? Directement accueil par le maître des Enfers en personne, je suis flatté. » Je souris bien que je sois encore un peu étourdie.

Et je me perds dans le village, ma clope au bec, la tête dans les nuages. Je tire dessus comme un forcené, afin que mes poumons se remplissent de nicotine. Ils en réclament, et je les satisfait. Je suis à leur écoute, à l'écoute du moindre besoin de mon corps. Je me laisse bercer par la musique des chaises volantes sans même prendre conscience que quelqu'un les utilise. Cette petite musique s'imbrique en moi et mon cerveau la chante. Mais je suis silencieux, néanmoins. Je fais quelques pas à travers la fête foraine abandonnée. Je me laisse guider au gré de mes pieds, du vent, de ce que l'on veut, après tout. Je fais le tour du manège sans réaliser qu'il tourne. Et qu'une des candidate s'y trouve. Je suis complètement ailleurs. Dans un avion, peut-être. Ou un pays où le ciel est bleu et que le soleil brûle ma peau sans retenue. La musique s'arrête. Le silence me ramène sur terre et je la vois. Candace, au loin qui titube en sortant de cette chaise à laquelle elle n'était même pas attachée. Et tout s'accélère. Je la vois flancher, partir en arrière, sur le côté ou en avant, peu importe. Je me précipite et elle tombe dans mes bras comme inanimée. En fait, je pense qu'elle a simplement fermé les yeux pour ne pas constater de la chute qui l'attendait. Et finalement, son visage se brise en un sourire. Ses yeux me contemplent, les miens font de même. Et je souris. Je pouffe, aussi. « Navré de te décevoir mais tout ce que tu récoltes c'est le dieu de la guerre, en fait. » je lui murmure tandis qu'elle est encore dans mes bras. Finalement, et parce que j'ai peur qu'elle ne trébuche encore, je la soulève et je la porte un peu plus loin, près d'un banc où je l'assieds. « T'as pas réellement l'air en forme. » je constate tandis que les propos d'Esther au prime me reviennent. Elle a couché avec William, je crois. Alors qu'elle est mariée à Callan.

Je flanche, je sens que je suis sur le point de tomber, je perds pieds, j'ai la tête totalement ailleurs. Je ferme les yeux parce que je n'arrive plus à les laisser ouvert. Je me sens partir sauf que au lieu de heurter le sol je suis ralentis dans ma chute. Mon corps reste en suspend, je ne réalise pas tout immédiatement, je redescends à peine. Je suis encore étourdie lorsque j'ouvre les yeux sur celui que je prends pour le Dieu des Enfers. Sauf que je me plante. Je me plante totalement. Il me corrige d'ailleurs. « Arès donc.. » Je conclus. Mais finalement, ça ne fait pas une si grande différence, la guerre et l'enfer étant lié selon moi. Je souris, un très grand sourire. Mais j'ai tendance à être plus souriante lorsque je ne suis pas dans mon état normal. J'inspire un bon coup, je me sens déjà mieux. Pourtant je suis toujours dans les bras d'Arès qui ne semble plus vouloir me lâcher. Il me soulève dans les airs, je ne proteste pas, et puis m'emmène un peu plus loin. « Quel gentleman. » Si je ne m'abuse c'est lui qui a fait battre le coeur d'Elliot, je n'en mettrais pas ma main au feu cependant. Et puis il m'interroge sur mon état. Mon sourire est toujours bien présent, je pense que je devrais arrêter d'ailleurs. « Si, ça va très bien. » Par contre je vois que quelque chose le tracasse, son visage a changé d'expression, la preuve que je me sens mieux puisque ça ne m'a pas du tout échappé. Oui voilà, quelque chose cloche. « C'est quoi le problème ? » Je demande d'une voix particulièrement douce, je croise mes jambes l'une sur l'autre et passe ma main dans mes cheveux.

« Quel gentleman. » Je souris. Être qualifié de gentleman est beaucoup plus flatteur qu'être qualifié de tombeur. Et ça me va droit au coeur. Comment ais-je pu louper une femme telle que Candace ? Elle n'a pas l'air méchante, elle me fait sourire d'ailleurs. Sa voix est douce, son visage est enfantin, adorable. Cette femme est belle, elle est adorable et parait fragile. J'ai l'impression qu'elle ne demande qu'à être chouchoutée et je plonge, avec envie. Elle me paraît encore fébrile, je l'assieds sur un banc et ne perd pas une miette de ses réaction. Son visage blanchâtre reprend quelques couleurs. Et elle discerne même mon changement d'état lorsque les images du primes me reviennent en tête. Je n'ai pas pour habitude de m'occuper des affaires des autres. J'ai bien assez de m'occuper des miennes, d'ailleurs. Mais nous sommes dans un jeu. Les uns sur les autres. Et ce qu'il se passe chez les autres nous est retranscrit haut et fort. On ne peut pas passer à côté. Je suis gêné, un peu. « Oh je.. sut sais, les ragots.. » je me contente de dire, histoire de ne pas trop me mouiller. Je n'ose pas trop m'avancer, lui poser des questions trop indiscrètes alors qu'on ne se connaît à peine. Qu'elle vient à peine de retrouver ses esprits. Je ne désire pas l'assaillir plus que de raisons. Alors, je détends mon visage. Je souris, tendrement, je la couve du regard. Elle est plus vieille que moi, il me semble et je la prends pour une enfant. « Tu viens d'où, d'ailleurs ? Tu fais quoi dans la vie ? » je détourne l'attention sur quelque chose de plus banale. Et d'ailleurs, savoir d'où elle vient, ce qu'elle fait, ça m'intéresse. Je suis assis près d'elle, mon regard toujours maternant. Je n'arrive pas à m'en débarrasser, de toute façon, son état, sa chute m'ont inquiété.

Malgré mon état actuel, je ne mets pas très longtemps à analyser le comportement d'Arès, il est doux, il est gentil, il met beaucoup de coeur pour que je sois parfaitement à l'aise. Et ça fonctionne bien. Il semble si inquiet que ça le rend touchant, très touchant. Savoir si ça me touche moi est une autre histoire qui ne mérite pas d'être soulevé. Non, ce ne serait pas très instructif qui plus est. Je lui souris, j'ai le visage incroyablement doux, sans doute parce que je n'ai pas totalement retrouvé mes esprits, j'en sais rien. Peu importe. Par contre, je ne tarde pas à remarquer les grimaces d'Arès et l'interroge à ce sujet. Je souris lorsqu'il me répond. « Oh ça... » J'hausse les épaules, ce n'est pas très important si ? Non. Pas pour moi en tout cas, même si visiblement les candidats n'ont que ça à la bouche. Bouh. Bref. Il semble gêné, tellement plus que je ne le serais jamais. Je penche la tête légèrement sur le côté et l'observe sans la moindre gêne. Mon regard est incroyablement doux, à l'imagine du sien. Il m'interroge, et il ne semble pas le faire simplement pour discuter, non, il semble particulièrement intéressé. « Je vis à Denver, Colorado et je suis avocate. » Je réponds simplement. Le strict minimum, mais je ne sais jamais quoi dire dans ce genre de situations. Jamais quoi raconter, jamais où m'arrêter. L'usage veut que je lui retourne la question, et c'est ce que je m'apprête à faire. « Et toi ? »Je remets mes cheveux en place, alors que j'attends qu'il me réponde. Je me pince les lèvres, je crois que j'ai totalement retrouvé mes esprits, ma tête ne tourne plus. Je sors mon paquet de cigarette, j'en sors une cigarette, puis deux avant de lever les yeux vers Arès. « Tu fumes ? » Tout le monde semblait fumer ici, mais peut être que je me trompais.

Je me pose trop de questions. Je suis trop indiscret. Je n'ai pas envie qu'elle pense que mes attentions sont là simplement pour lui soutirer les informations les plus croustillantes de sa vie. Je me retiens donc, de tout commentaire, de toute question. Je me contente de m'intéresser à sa vie et j'avoue, qu'au fond, elle m'intéresse. Tout m'intéresse. L'être humain est fascinant. Et je n'ai pas eu l'occasion de beaucoup côtoyer Candace ainsi, je ne connais rien de sa vie. Après quatre - ou cinq ? - semaines, cet intérêt soudain peut facilement éveiller des soupçons. Et pourtant.. je suis sincère. Les propos de Sia, il y a quelques jours, avant qu'elle ne parte, ont porté leur fruits. J'abaisse cette carapace, je me montre sous mon vrai jour. Du moins, j'essaie. « Je vis à Denver, Colorado et je suis avocate. » Quel âge a-t-elle, déjà ? Vingt-huit ans, peut-être plus. J'ai un doute sur la possibilité d'être avocat à cet âge. En France, en tout cas. Les études sont devenues tellement longues. C'est pourquoi je les fuis comme la peste. Je suis des études de l'être avec l'attention d'un bébé atteint de diarrhée chronique. « Et toi ? » Tiens, justement. J'hausse les épaules, je regarde au loin. Qu'est-ce que je peux lui dire ? Que je profite du pognon de mes parents parce que je leur en veux de ne s'être jamais occupés de moi ? « Je voyage. » C'est un métier comme un autre. Elle défend, je voyage, je rencontre, j'apprends. Et je la trouve réellement trop douce pour être avocate. Je l'imaginais plutôt dans un métier de poupée, peut-être dans la mode.. « Tu fumes ? » J’acquiesce et accepte avec plaisir la clope qu'elle me propose. Je sors mon briquet et nous allume nos deux cigarettes sur lesquelles nous tirons ensembles. Autour d'une clope, j'ai l'impression que l'on peut tout se dire, alors je tente. Je n'ai rien à perdre, de toute façon. « Pourquoi faire Fake Lover en couple ? » je lui demande tandis que la fumée s'extirpe avec douceur de mes narines. Mes poumons me remercient, je les maudit d'être si dépendants.

On est rapidement installé, Arès est totalement le genre de personnes à mettre en confiance. Il est gentil, il est attentionné, et on ne peut pas s'imaginer qu'il a de mauvaises intentions. Ce n'est pas ce qu'il renvoie au premier abord. Il est clair que les apparences sont trompeuses, mais clairement, je m'en fiche. Je me demande soudainement de quelle manière il me perçoit. En temps normal je m'en moque, à vrai dire, je suis simplement curieuse. D'ailleurs, il n'insiste pas lorsqu'on évoque très légèrement mon aventure extra-conjugale. C'est bizarre qu'on n'ose pas me poser la question à moi alors que personne ne semble prendre de gants avec William. Peut être que c'est facile de parler de ces choses avec un homme, je n'en sais trop rien. Au lieu de cela, il m'interroge sur un sujet beaucoup plus banal. Je lui réponds, et lui retourne logiquement la question. Sauf qu'il est particulièrement vague. « Quel genre de voyages ? Qu'est-ce que tu fais pour gagner ta vie ? » Les voyages forment la jeunesse, je le conçois mais arrivé à un moment, il faut songer à faire quelque chose de sa vie. Je ne peux pas rester à rien faire, je pourrais jamais arrêter de travailler, c'est inconcevable. Et puis, je repense à mes questions. « Je suis peut être un peu trop intrusive. Tu n'es pas obligé de répondre ... » Après tout, nous nous connaissons depuis quoi ? Cinq minutes. Il m'a sauvé de la chute, mais hormis ça, on ne connait rien l'un de l'autre. Je lui propose une cigarette, je n'ai pas fumé depuis trop longtemps et c'est le moment. Il accepte ma cigarette et nous allume nos clopes respectives. Et puis nouvelle question. Je tire sur ma cigarette puis expulse la fumée. « Pourquoi pas ? Fake Lover n'a jamais réellement une émission dont le but de trouver l'amour. Tout est fait pour que les candidats s'envoient en l'air, mais au final, la production se moque pas mal qu'ils repartent ensemble ou non. Le mariage n'est pas une fin en soit alors Fake Lover est une façon de s'amuser, de se tester, de se dépasser au même titre que les candidats célibataires... » Ma voix est toujours aussi douce comme le regard que je pose sur le candidat. Je tire à nouveau sur ma cigarette tout en passant ma main dans mes cheveux ondulés.