Je suis allongé là depuis deux bonnes heures, je crois. J'ai trouvé le sommeil. Un sommeil un peu agité, d'ailleurs. Mais sommeil quand même. Je ne me suis pas rendu compte que mes yeux se fermaient, que le sommeil m'emmenait. J'ai sombré sans le savoir dans les abysses des rêves. Rêves desquels je ne me souviens plus à la seconde où mes yeux s'ouvrent. Je suis seul dans l'auberge. Il fait chaud, je suis enroulé dans une couverture. Mon bras placé sous ma joue l'a marquée d'une marque rouge disgracieuse. Je soupire, je fronce plusieurs fois les yeux et puis, doucement, je me lève. Je me dirige directement près du billard, sur lequel j'attrape une queue. Je mets les boules en places et je tire avec force. Je ne sais pas jouer. Je n'ai jamais su. Mes tires sont bancales. Lorsqu'il n'y a pas d'autre choix que de tirer, face à un trou, je réussis à rater la boule ou la mettre à côté. Je suis une vraie bille et je me décourage assez vite. Je lâche la queue de billard qui atterri a mes pieds et je m'allonge sur le dit billard. J'aimerais passer ma semaine à dormir, ne rencontrer personne. Qu'elle passe rapidement et que tout le monde me laisse en paix, tranquille, mes cauchemars et moi. Mes regrets et moi. Les pas feutrés d'une candidate - très certainement - se font entendre mais je ne daigne pas bouger. Je reste là tandis que les pas se rapprochent et que, finalement, deux paires d'yeux se penchent sur mon visage. Je souris gaiement. « Désolé. » je lui dis en guise de bonjour. C'est Liv, la jolie petite nouvelle au visage adorable, à la chevelure clair. Je m'excuse parce que lors du prime d'il y a deux semaines, je l'ai embrassée sans ménagement, glissant même ma main sur la chute de ses reins. « De t'avoir embrassée si violemment, j'aurais dû être un peu plus tendre. » j'agrémente le tout d'un joli clin d'oeil. Je me moque, évidemment.

Mes réactions sont à peu près celles d'un mec après un joint bien corsé. Je suis excessif, je ris quand il ne le faut pas - à peu près tout le temps en fait - j'ajoute des clins d'oeil à chaque fin de phrase et surtout, je m'excuse pour quelque chose s'étant déroulé il y a plus de deux semaines. Je suis à l'ouest, complètement. Et pourtant, cette sensation de légèreté me fait un bien fou. Elle me répond d'une voix adorablement douce et mon sourire s'élargit tandis que son visage disparaît de mon champs de vision. Je fronce les sourcils. J'aimais bien, avoir ses yeux rivés dans les miens, au fond. Je me relève sur mes coudes sans grâce aucune et tourne à mon tour la tête pour la détailler, la regarder. Elle n'est pas déçue d'être tombée sur moi, donc ? C'est à retenir. Je lui souris avec tendresse. « Content de savoir que ma compagnie ne t'est pas désagréable. » Je lui réponds sur un ton incroyablement mutin. J'ai vraiment du mal, cet après midi. Faire la sieste ne me réussit pas. Je suis dans un autre monde. Pourquoi je suis couché là ? Très bonne question au final, que je fini par me poser à moi-même. Je fais mine de réfléchir un long moment. « Hum.. j'ai voulu jouer, aucune boule ne voulait rentrer dans les trou et puis.. j'ai abandonné quoi. » cette phrase sortie de son contexte peut facilement être mal interprétée mais au fond, c'est la pure vérité. Je suis une quiche, je ne suis pas capable de viser correctement même lorsque la boule est impossible à manquer. J'hausse les épaules et je descends du billard en la défiant du regard. « Tu sais jouer ? » J'aurais aimé que finalement ma phrase ne soit pas interrogative puisque je ne lui laisse pas le temps de répondre. Je prends sa main dans la mienne et je l'attire vers moi pour qu'elle descende de la table elle aussi. « Tu m'apprends ? » je lui demande alors, mon regard plongé dans le sien, s'apparentant facilement au regard du chat potté. On fait comme on peut, hein.

Je n'aurais peut-être pas dû m'emballer autant. Je ne lui ai pas laisser le temps de respirer, au fond. J'ai simplement envie de m'évader, m'échapper de cette semaine qui compresse ma cage thoracique. Je suis nominé et l'idée de quitter l'aventure me laisse un goût amer. J'ai l'impression de ne pas avoir fait mon jeu, de ne pas avoir montré le meilleur de moi-même et j'aimerais que l'on me laisse une chance de m'exprimer. Je ne conteste pas le choix de Dagga - qui au fond, est loin d'être une surprise - j'espère simplement que le publique me laissera ma chance. Quoiqu'on en dise, les nominations ne sont jamais réellement accueillies avec joie. Et dans mon cas, bien que je m'en doutais, je ne suis pas à l'aise. La peur de partir prend une part grandissante à mes faits et gestes. Et cette précipitation dans ma voix, dans mon désire d'apprendre vite à jouer au billard en compagnie de la jolie Liv est très certainement dû à ces nominations qui régissent désormais ma vie dans le nid. Elle dénigre le fait de pouvoir m'apprendre à jouer et j'affiche une moue contrariée. « Je suis certain du contraire. » je lui réponds en croisant les bras sur ma poitrine. Je la fixe longuement, détaillant chacun des traits de son visage. Lors du prime où je me suis emparé de ses lèvres sans douceur aucune, je n'ai pu que détailler la chute de ses reins d'une mains experte. Mais son visage, fin et adorable, facilement assimilable à celui d'un poupon, je n'en ai pas eu l'occasion. Je la prends donc, juste l'espace d'un instant. Le temps d'un silence, le temps d'une pause durant laquelle nous nous détaillons sans qu'un mot ne soit prononcé. Un fin sourire plane sur mes lèvres, mon visage et détendu. Et alors, elle s'anime. Mes prunelles sombres suivent chacun de ses faits et gestes graciles. Elle me montre un petit bout de craie que je n'avais pas vu et frotte énergiquement le bout de la queue de billard en m'expliquant que, grâce à cette fameuse craie, les gestes sont plus précis. J'affiche une moue concentrée et amusée. Je n'arrive pas à garder mon sérieux, c'est impossible. Et lorsqu'elle me demande de lui faire une démonstration, mon sourire s'efface en une demie seconde. Je vais me ridiculiser, c'est certain. J'attrape tout de même la queue de billard qu'elle me tend docilement, me penche contre la table et avise une boule - jaune, même pas la blanche. Je ferme un oeil, je vise maladroitement et.. « Vas-y moque toi. » je me retourne et la fixe. J'ai manqué la boule. Et puis finalement, je ne réussis pas à me retenir et je souris, de toutes mes dents. Je n'ai pas l'habitude de ne pas savoir. Et surtout, surtout, qu'une fille doive me donner des cours. C'est assez frustrant, au fond mais cette situation m'amuse. Je la détaille, je remarque qu'elle réfléchit. « Tu viens d'où Liv ? » je lui demande d'une voix extrêmement douce et intéressée.

Je ne sais pas trop pourquoi je n'ose pas taper plus fort dans cette maudite queue. Et tout ce vocabulaire relatant le billard me fait penser des phrases lourdes de sous-entendus. Je fais mon possible, réellement mais je n'ai jamais eu le compas dans l'oeil et ce, depuis toujours. Je trouve ce sport - peut-on réellement qualifier le billard en tant que sport ? - ridicule et somnolant. J'ai besoin que ça bouge. Et le billard, c'est affreusement calme. Je n'ai même pas pensé à mettre en route le jukebox. Le silence est parfois brisé par nos voix respectives. Tandis que le regard rieur de Liv me contemple, j'affiche une moue contrariée avant de sourire à mon tour. Je ne prends pas mal la critique. J'ai conscience d'être une bille en matière de billard - et je me retiens de ne pas rire à ma propre blague, tiens. J'essaie de détourner l'attention de mon talent inexistant pour me concentrer sur Liv que je ne connais finalement pas. Elle m'apprends qu'elle vient du nord de la Norvège. Intéressant. « Parce que ton accent est adorable. » je lui souffle, accompagné d'un petit clin d'oeil. Elle semble chercher ses mots et s'en est d'autant plus adorable, d'ailleurs. « De France. » je réponds avec une douceur infinie avant que Liv ne m'intime de me reconcentrer de nouveau sur le billard. Elle me montre le geste. Avec élégance et force, elle frappe dans la boule dont la trajectoire est quasi parfaite. Je grimace d'une jalousie certainement - un peu forcée, je ne sais pas être sérieux. Elle me tend ensuite de nouveau la queue de billard et j'avise une nouvelle boule dans laquelle je tire comme un forcené, ce coup-ci. Elle tape en plusieurs bandes dans les flans et les coins sur billard pour revenir presque à la même place d'où j'ai tiré. Ce billard ce fou de ma gueule, je le vois bien.