J’ai remarqué que comme je ne voyais rien, j’avais une grosse tendance à me rabattre sur mon ouïe qui est, à mon sens, le sens le plus important. Je crois que je préférerais perdre la vue (ce qui est le cas cette semaine) que l’ouïe. Encore une fois c’est lié au fait que je sois musicien. Et pas mal bavard dans mon genre, aussi. Du coup je tends l’oreille partout où je passe, j’essaie d’entendre si il y a quelqu’un prêt de moi que je pourrais obliger à m’aider mais manifestement personne ne veut être mes yeux, soit on me fuis, soit les gens font gaffe à ne pas faire de bruit. Font tous chier. Bref, je sais pas trop ce que je cherche mais j’ouvre une porte et je tends l’oreille : personne. Enfin je crois. J’avance un peu et paf ! J’me prends un truc dans le tibia. « Putain ! » J’en ai marre, ça fait une journée et j’en peux déjà plus. J’vais finir bleu à la fin de ma semaine, à force de me cogner partout. « Oups. » Je tourne la tête. J’ai reconnu sa voix. « T’es vraiment une salle gosse. » Je tâte devant moi pour voir contre quoi je me suis cogné et reconnait une petite banquette. « Dis moi. J’suis où ? » Demandais-je en me posant précautionneusement sur la banquette, qu’est-ce que je dois être drôle à regarder n’empêche… Et avec tout ça j’ai toujours pas eu mes indices. Fais chier.

« Je sais, ma mère me le disait tous les jours. » Sa mère est surement une femme très avisée, dans ce cas. Putain j’ai le tibia qui me fait mal mais j’évite de passer ma main dessus, ça lui ferait très probablement bien plaisir de me voir souffrir, quelle garce je vous jure. « Tu es dans le dressing. » Bien, je veux bien la croire pour ça car il me semble en effet qu’il y a une petite banquette dans ce dressing et puis j’avais capté que j’étais dans l’école communale des garçons. « Je me changeais en réalité, je suis en sous-vêtements là mais l'honneur est sauf, tu ne peux rien voir. » Comme si j’en avais pas déjà vu plus, hein. Soit. Je sens la provocation dans sa voix et même si je dois lutter contre l’envie de retirer mon bandeau pour vérifier je décide de ne pas entrer dans son jeu. « Tu devrais vite enfiler quelque chose dans ce cas, j’ai trop chaud. » Je me lève et je m’approche d’une fenêtre, je cherche la poignée à tâtons avant de l’attraper et d’ouvrir la fenêtre. Bien maintenant si elle est vraiment en sous vêtements ça ne va plus durer longtemps, sauf si elle tient à choper la crève. Elle veut jouer au con ? On va jouer au con.

Ouais, j’avoue, je boude. En même temps je suis constamment sur les nerfs depuis le matin parce que je ne vois rien et que je sais que ce sera encore comme ça tout le reste de la semaine, y’a des moments où j’ai juste envie de gueuler mais je me contiens, j’suis pas un gars qui s’énerve vite en général mais là j’ai une certaine prédisposition à l’énervement, ouais. Du coup vu qu’elle me cherche j’ai décidé de la faire chier moi aussi et, lucky me, j’arrive à la fenêtre sans me vautrer lamentablement sur le sol, je fais des grands pas pour être sur de ne pas trébucher sur quelque chose en fait. « Pas grave, jvais aller sous la douche je pense, sous l'eau chaude, j'aurais pas froid. Et pourquoi as-tu si chaud, faut pas hein, ce ne sont que des sous-vêtements. » Ouais, bien sur, elle l’interprète comme ça… C’est vrai que si je laisse parler mon imagination, faut bien que je me fasse des images mentales vu que je vois rien, hein. Ahem. « Bien. Bonne douche. » Je réplique. Et non je ne tomberai pas dans son piège et vous savez pourquoi ? J’ai trop de fierté pour ça. « Je te laisse avec ta fenêtre, redescends bien en température ! » Chuchote-t-elle dans mon oreille, soudain proche de moi. Je ne résiste pas à la tentation et finalement j’avance une main vers elle, j’imagine que j’atteins sa hanche, je glisse mes doigts dans son dos et les glisse encore plus bas jusqu'à buté sur… Son jean. « Menteuse. » Je souffle. Etre en sous-vêtement implique de ne pas avoir de jean et ce que je sens sous mes doigts c’est un jean, c’est une matière facilement reconnaissable au toucher. Pas de chance.

J’ai bien compris que Branca me cherchait pour s’amuser mais je n’aime pas tellement tomber dans les pièges des gens aussi facilement, même si il est vrai que la proximité de son corps est une tentation assez grande en soit. Je glisse ma main dans son dos : pas de tissus. Je dois dire que je suis agréablement surpris mais je flaire de traquenard à des kilomètres à la ronde alors je glisse ma main dans le bas de son dos jusqu'à rencontrer son jean. Bingo, cette fille est une menteuse. Ah quelle honte je vous jure. « Comme si tu n'étais pas déjà au courant. » Certes. « Je suis déçu. » Fis-je en ne détachant pas pour autant ma main de sa peau, elle reste négligemment posée dans le bas de son dos. « Tu aurais préféré que je l'enlève peut-être ? » chuchote-t-elle avant de s’approcher encore, je sens ses lèvres effleurer les miennes et son souffle chaud sur ma peau. Mes sens sont en ébullition, le toucher surtout puisque je suis privé de la vue. C’est trop tentant, mais je ne veux pas céder. Je remonte ma main dans son dos, je garde toujours un contact avec sa peau sinon je ne saurai ou déposer ma main par la suite et finalement mes doigts glissent sur sa nuque, son cou, sa joue, ses lèvres. Et reparte dans l’autre sens jusqu'à sa nuque et sa colonne vertébrale, puis finalement son jean. « J’aime l’honnêteté. » Et donc, oui, j’aurais aimé qu’elle le retire. Je glisse ma main sur son ventre avant de tirer sur sa ceinture pour l’approcher et finalement, je craque et je m’empare de ses lèvres.

« Ca n'a pas eu l'air de trop te déranger la première fois pourtant. » fait-elle. Il ne me faut pas beaucoup de temps pour me remémorer cette scène dans la maison en ruines, un sourire carnassier apparaît sur mes lèvres. « Les conditions n’étaient pas exactement les mêmes… » Fis-je, comme pour me justifier alors que ça ne sert surement à rien. Je me fais une joie de parcourir sa peau de mes doigts, redécouvrir son corps non pas avec les yeux mais avec mes mains. Et finalement je capture ses lèvres. Le fait de ne rien y voir n’enlève rien, pire c’est encore mieux. Je sens ses mains se glisser sous mon t-shirt jusqu'à mon dos et même se glisser sur mon jean, je glisse mes deux mains dans son dos, je redécouvre d’une toute autre manière la douceur de sa peau, ses courbes au niveau de ses hanches, de ses fesses, là tout de suite je ne prends plus ce bandeau comme un handicap, loin de là.