William

MARDI 04 DÉCEMBRE - 17H53
QUARTIER AUBANEL - MANOIR EN RUINE

J'étais en pleine prise de conscience ce soir, planté devant l'imposante façade de ce manoir qu'on disait en ruine. Un manoir à l'intérieur duquel je n'avais osé m'aventurer que deux fois, au final, tout au long de cette aventure. C'était peu, vraiment très peu. Mais c'était à mon image en fait : ce genre d'endroits, d'ordinaire, je n'y mettais jamais les pieds. Et mes deux seules irruptions dans ce manoir avaient bien évidemment été faites avec accompagnement. La première fois, je m'y étais rendu avec Dani et dès lors, mon côté brave et courageux avait de suite sauté aux yeux de mon poto. Que d'ironie bien sûr. Quant à la seconde fois, cela s'était fait avec Raphaël. Nous avions dans l'idée - enfin rectification j'avais dans l'idée - d'invoquer les esprits et au final, quand j'y repensais, j'avais franchement honte car à l'époque, je n'avais pas connaissance du secret du jeune homme. Ah si j'avais su, ou ne serait-ce que décelé la moindre petite chose s'y référant chez lui, jamais je ne lui aurais proposé une telle expérience. Dans son immense bonté en plus, Raphaël avait accepté, alors que clairement ça n'avait pas dû être facile pour lui. Ah ce que je pouvais être bête parfois... et peureux aussi. Regardez ce soir, je savais pertinemment que je n'oserais jamais pénétrer dans ce manoir seul. Alors je restais là, devant, à le contempler. Le pire étant que j'avais eu l'occasion de constater qu'il n'avait vraiment rien de hanté ce manoir. C'était dans ma tête que ça n'allait pas en somme. Fixant le dit manoir depuis plusieurs minutes maintenant, des pas se firent entendre sur le côté, me poussant à en détourner le regard pour le poser sur un certain grand blond jouissant d'une certaine notoriété à l'extérieur, William. Il était un candidat que j'aimais beaucoup, mais je pense qu'il le savait. Au fil des semaines je n'avais cessé de l'apprécier d'avantage, c'était une rencontre que je ne regrettais pas d'avoir faite. Ce dernier s'approchant de moi, je pris la parole tandis que de la fumée s'échappait de ma bouche - vu le temps qu'il faisait, ça n'avait rien d'étrange. « Une chose n'aura clairement pas changé en deux mois et demi de jeu : le fait que je sois le plus gros froussard du nid. » Fait avéré, il était juste impossible de trouver pire que moi ici, dans le domaine. J'avais peur de tout et n'importe quoi. Surtout de n'importe quoi d'ailleurs. « Dis-moi William, est-ce que tu as la sensation que cette aventure a changé l'homme que tu étais à ton arrivée ? » rétorquais-je tout en boutonnant mon manteau de laine jusqu'à mon col, fourrant par la suite mes mains dans mes poches. Quand je parlais du fait d'être resté le même froussard, il était bien évidemment certain que j'avais, comme beaucoup ici, appris sur moi-même dans ce jeu. Je pense même qu'il était impossible de ne pas changer, même légèrement. On ne pouvait pas ressortir d'une telle aventure indemne, clairement pas. Ça vous secoue ces choses-là. En tout cas moi ça m'avait secoué.

J'étais, il me semble, entré dans ce manoir pour la toute première fois avec mon poto, Dani, au tout début de l'aventure. On se connaissait à peine à l'époque mais déjà, le courant passait entre nous. Depuis, j'avais dû y mettre les pieds une ou deux fois, mais pas plus. Je n'étais jamais rassuré à l'idée de passer cette porte qui grinçait et qui, parfois, claquait brutalement derrière nous lorsque nous avions posé les deux pieds à l'intérieur. En ce début de soirée, je restai dehors et contemplai la bâtisse. C'est alors que William arriva et se posa à mes côtés, et je lui exposai par la suite le fait que je sois resté le plus gros froussard au nid. En témoigne le fait que je ne pouvais me résoudre à poursuivre ma route vers ce manoir. « Sérieusement, je crois que je te bat, côté froussard… » Hm, voilà une réponse qui m'intriguait assez. Car bien que je ne connaissais pas beaucoup William, il ne m'avait jamais donné une telle impression. Déjà, en nous comparant, y'avait pas photo : William était bien plus grand et costaud que je ne l'étais. Si quelqu'un avait l'air d'un froussard, bah c'était quand même bien moi. Alors j'avais du mal à le croire lorsqu'il me disait penser me battre de ce côté-là. « Ah ? Mais... tu n'as pourtant pas l'air d'en être un... » rétorquais-je, un chouïa dubitatif. J'ignorais pourquoi William m'avait répondu cela et il était peut-être légèrement indiscret de lui demander de s'étendre plus amplement sur le sujet. Aussi, je ne tardai pas à le questionner sur son aventure ou, plus généralement, sur l'homme qu'il était devenu en deux mois de jeu. Avait-il l'impression d'être différent du candidat qui avait intégré, bien des semaines auparavant, le nid d'amour de Cupidon ? Considérait-il avoir changé, comme c'était certainement le cas de beaucoup d'entre nous ? Avant de tenter cette aventure j'avais été me documenter au sujet de l'émission et les anciens candidats étaient tous unanimes : il était bien difficile de ne pas en ressortir inchangé. « Hm… Ça va paraître étrange, mais je ne crois pas que j’ai réellement changé. Mais j’ai certainement fait cette aventure pour changer ma vie en entier. Je sais, je ne suis pas très clair. Le truc c’est que tu comprendras surement beaucoup de choses en entendant mon secret dimanche… » Cela me revint soudainement : dimanche, le voile allait être levé sur les secrets restants et non dévoilés. Et subitement, j'en frissonnai. J'allais devoir révéler le mien, et vraiment l'envie ne s'en faisait pas ressentir. Mais c'était un passage obligatoire. Et comme il le disait lui-même, William aussi allait passer aux aveux. J'avais grandement hâte de connaitre le sien de secret, lui qui ce soir était si mystérieux. Que pouvait-il cacher... C'était une question de jours avant la grande découverte. « Il me tarde d'être à dimanche ! Certains secrets, comme le tien, m'intriguent beaucoup. » C'était aussi le cas concernant celui de Lulu, ou encore Candace... Toutes ces personnes avec qui j'avais vécu quotidiennement pendant des semaines et sur le compte de qui je m'étais, peut-être, lourdement trompé au final. Bah allez savoir. « Et toi ? T’as l’impression d’avoir beaucoup changé ? » Je m'attendais à ce que William me retourne la question. Si j'avais l'impression d'avoir changé ici ? Et bien, il ne m'était pas aisé de répondre. Toutefois, il le fallait. Alors autant lui livrer mon ressenti du moment. « Pas vraiment non plus. Je considère que je suis toujours le même. Pendant un moment, j'ai cru gagner en confiance, prendre de l'assurance, mais désormais c'est comme si j'avais tout perdu, comme si j'étais revenu à la case départ... » Ce qui était profondément frustrant. Pendant deux mois on avait souligné mon manque de confiance en moi. Je voulais donc repartir d'ici avec d'avantage d'aplomb, mais j'avais selon moi échoué. Néanmoins, ça n'était pas totalement de ma faute... Certaines personnes avaient quand même largement contribué à cela. Et je ne les remerciais assurément pas. « Je suis quand même content d'être resté moi-même. Je n'aurais pas voulu développer un soudain intérêt pour l'argent - fictif, qui plus est - et devenir vénal. Je n'aurais pas souhaité non plus faire ressortir un supposé côté malsain, faire preuve de méchanceté sciemment et chercher à nuire à mes camarades. Je suis toujours le petit joueur des débuts mais c'est sans doute mieux comme ça finalement. » Au moins j'avais, en quelque sorte, la conscience tranquille. On n'effacerait pas mes bourdes commises dans le nid, le fait d'avoir fait souffrir certaines personnes... mais jamais je n'avais fait cela volontairement. J'espérais donc que le seigneur serait apte à me pardonner mes fautes et mes écarts. « Je me suis dit que j'allais prendre mon courage à deux mains et pénétrer dans ce manoir une dernière fois... mais rien à faire, impossible de faire un pas de plus. » Mes jambes ne désiraient vraisemblablement pas que j'aille plus loin, alors je n'avais d'autre choix que de rester planté devant la lugubre façade de l'imposante demeure qui me faisait toujours aussi froid dans le dos.