Franz

Comme la majorité des fumeurs, j'étais contrainte à l'exil pour pouvoir ne serait-ce qu'assouvir un besoin absolument pressant. Après avoir enfilé mon énorme duffle coat, je sortis dans le jardin une cigarette coincée entre les lèvres. J'avais toujours détesté la sensation que provoquait le frottement de la neige sous mes bottes, c'était absolumment désagréable. Je soupirai sans ménagement, tandis que j'essayais tant bien que mal d'avancer dans toute cette poudreuse qui recouvrait l'herbe. Une fois avoir trouvé un coin qui n'était pas si exposé aux courants d'airs que ça, j'allumai le bout de ma cigarette et aspirai ma toute première bouffée de la journée, si bien qu'un agréable tourni s'empara de moi pendant un instant. Au fond, fumer était totalement dérisoire: cette connerie pourrissait notre peau, nos poumons et surtout notre porte-monnaie, et pourtant on s'y accrochait comme à une bouée de sauvetage. Je soupirai d'un ton las, en expirant la fumée en plusieurs ronds, comme un étudiant me l'avait appris, lors de son passage dans le bar où je travaillais deux soirs par semaine.
Je m'ennuyais fermement, seule dans mon coin. Mis à part ma partenaire Poppy, je ne me sentais proche avec aucun autre candidat, me l'étant joué un peu trop solo la semaine passée. J'avais même réussis à m'embrouiller avec les deux seuls habitants avec qui j'avais tenu une vrai conversation. S'en était affolant. Je soupirai pour la troisième fois dans les dernières dix minutes, puis m'attardai sur le sol en m'amusant à former, à l'aide du bout de mon pied, une énorme trace de pied prémitive.

Lendemain de prime difficile, une partie de la maison sommeillait encore tandis que l'autre semblait déjà prête pour une journée de "folie". Entre guillemets, j'entendais bien, étant donné que les journées dans Fake-Lover malgré l'ambiance colonie de vacances, étaient des plus monotones et répétitives sans les interventions de notre cher Cupidon. J'avais curieusement envie de fumer une cigarette et, attiré par toute cette poudreuse amassée pendant la nuit sur le manoir, j'enfilai ma doudoune noire, ne prenant pas la peine de zipper celle-ci avant de m'engouffrer dans le vent frais qui soufflait à l'extérieur. Sortant une clope de son paquet distraitement, je n'aperçus pas aux premiers abords la jeune blonde au loin. Elle ne semblait pas m'avoir remarqué non plus, et je me souvenais alors avec exactitude le fait qu'elle m'ait tapé dans l'œil au premier prime de l'émission. Ni une ni deux, je filai me cacher derrière un muret de façon à ce qu'elle ne puisse pas me voir, ramassant dans ma main une quantité suffisante de neige. Laissant mon regard glisser sur sa silhouette, langue tirée dans la concentration, je lançai avec une précision étonnante la boule vers la candidate.

J'avais pris une mèche de mes cheveux entre mes doigts et l'observais en me posant une question totalement existentielle : devrais-je ou non me couper les cheveux ? Une coupe à la Dita Von Teese, très fifties pourrait être canon ... Lorsque quelque chose de froid s'écrasa en un "spouitch" sur l'arrière de ma tête. Je poussai un cri hystérique à cause de la surprise, puis me retournai vers l'endroit d'où avait été jeté le projectile, d'un air faussement furieuse, alors que je ne savais pas encore si je devais éclater de rire ou m'énerver pour de bon. Je mis quelques secondes avant d'apercevoir une touffe de cheveux brune dépasser d'un petit muret. « Hé, toi ! Tu sais le temps qu'il faut à une fille pour se lisser les cheveux le matin ?! » Je me baissai pour rassembler une quantité suffisante de neige à une vitesse extraordinaire, d'autant parce que je n'avais pas de gants pour me protéger d'une certaine et future hypothermie et que ma victime avait déjà compris ce qui s'apprêtait à arriver et il essayait de prendre la tangente. Je me relevai et lançai en sa direction ma boule de neige, en riant sans même avoir à me forcer.

J'étais mais alors littéralement mort de rire tandis que la neige s'écrasait déjà sur son crâne, la faisant presque basculer sous la surprise. Etait-ce puéril et immature? Peut-être, mais dans un jeu comme celui-ci, rien n'importait de se montrer raisonnable, réfléchie ou responsable. N'était-ce déjà pas quelque peu immature de participer à ce genre de jeu télévisé? Malgré mon âge et les pseudos obligations qu'il impliquait, j'avais une affreuse envie de me dégourdir, quitte à retomber en enfance (ou pire, en débilité profonde) Les candidats se sentant au dessus de ça n'étaient à mes yeux que des coincés monotones et sans couleurs, point.

Hé, toi ! Tu sais le temps qu'il faut à une fille pour se lisser les cheveux le matin ?!

Sous estimant la jeune fille, je me redressai, riant à gorge déployée à sa remarque furibonde. Telle fut ma surprise lorsqu'une boule de neige vint s'écraser sur mon visage, quelque peu douloureusement à cause de l'impact vif et du froid.

NON MAIS DIS DONC! Je secouai la tête, déboussolé, avant de planter sur la jeune blonde un regard quelque peu colérique et accusateur. Tu veux manger la neige je suppose?

Je m'approchai ainsi d'elle, menaçant, main dans les poches et sourcils froncés.

Mes yeux s'écarquillèrent en voyant que ma boule de neige atterrit directement dans le visage du jeune homme, si bien que mes mains vinrent se placer devant ma bouche pour empêcher un rire inopportun sortir de ma gorge, alors que je venais peut-être de le sonner. Il ne semblait pas complètement dans son assiette, non ? Cette couleur rouge vive était-elle normale ? Je m'apprêtais à venir le rejoindre pour m'assurer qu'il ne risquait pas de nous faire une crise d'hypothermie ou je ne sais quoi de totalement regrettable, quand il s'exclama : « NON MAIS DIS DONC! Tu veux manger la neige je suppose? ». Je ne pus m'empêcher d'éclater pour de bon en riant à gorge déployée, ne faisant même pas attention au fait que mon rire n'était pas tout à fait glamour et ressemblait à une sorte de sirène d'alarme. Je reculai pas par pas, en me mordillant la lèvre pour m'empêcher de me remettre à rire. Sachant pertinemment que me retrouver bloquée par la table du jardin, j'exécutai une dernière tentative d'attaque en balançant mon pied dans la poudreuse en direction du candidat, pour envoyer de la neige sur lui. Une vraie tactique de combattant ! Aveuglé, je pourrais assurémment lui assener le coup fatal de boules de neige sans rencontrer aucun soucis ... Ou pas.

J'éclatai de nouveau d'un rire sonore en voyant Franz tenter d'avancer avec les mains en avant. « TU TRICHES TU TRICHES! » hurla-t-il, ce qui eut pour effet de faire redoubler mon rire, au point que j'en étais presque au point de me mettre à pleurer. Je le regardai, tandis qu'il faisait mine de s'apprêter à préparer une attaque plusieurs fois d'affilées, et bien évidemment, je me braquai bêtement à chaque fois, protégeant mon visage avec mes bras. Comme par hasard, le seul moment où je ne me regrouppai pas sur moi-même comme technique de protection s'avéra être le moment où l'attaque du jeune homme fut véritable et que je me reçus de la neige en plein visage. J'étais occupée à essayer de recracher ce qui était arrivé directement sur mes lèvres par mégarde, lorsqu'un réel boulet de canon fonça sur moi et en une demi-seconde je me retrouvai par terre, enfoncée dans la neige, Franz tranquillement assis à califourchon sur moi. « Répète après moi docilement : Franz tu es mon maitre, puissant, fort et brillamment intelligent. Je te suis soumise pour le reste de ma triste vie, épouse la pauvre ignorante que je suis et fais de moi ta reine... ». Je levai mes bras en direction de son visage pour essayer de lui donner des claques distraitement. Enfin, claques ... Il s'agissait en réalité davantage de petites tapes amicales sur les joues ... M'enfin. « Franz, tu es absolument adorable et ... Hé, mais attends ... C'est une demande en mariage, AVOUES ! Bon, tu n'es pas le seul à être sur le coup, tu vois, mais avec une dangereuse sarbacane, ça devrait s'arranger ... »

Franz, tu es absolument adorable et ... Hé, mais attends ... C'est une demande en mariage, AVOUES ! Bon, tu n'es pas le seul à être sur le coup, tu vois, mais avec une dangereuse sarbacane, ça devrait s'arranger ...

Plus téméraire que je ne l'aurais prédis (cela dit, je n'étais qu'à moitié étonné par sa persévérance), Louison me donnait des petites claques trop douces pour me faire reculer. Tournant soudainement le visage, je léchai ainsi sa main pour la faire cesser, me doutant qu'elle ne tarderait pas à ramener celle-ci contre sa poitrine sous le coup de langue trop "dégoutant" pour une lady. (a)

Tu commençais pourtant si bien! "Franz tu es absolument adorable et... " je veux la suite moi! Et n'ai pas de sarbacane... du moins celle-ci ne risque surement pas de t'endormir sur place.

Je lui souris alors mutin, me penchant vers le visage de la jeune fille tout en amassant un peu de neige sur celui-ci, jubilant de sadisme en l'observant se débattre sous mon poids beaucoup trop imposant pour ses bras si fins.

Ceci dit, je ne suis peut-être pas le seul prétendant, mais persuadé d'être celui qui t'a tapé dans l'oeil.

Je ponctuai ainsi ma déclaration puante de confiance et d'arrogance, laissant une nouvelle trainée de neige s'écraser sur le nez de la candidate sans cesser de rire.

Quelque chose d'humide et d'une constitution plutôt étrange vint se poser sur le dos de l'une de mes mains. Je retirai celles-ci brusquement de son visage dans la seconde qui suivit, tout en exécutant un bruit de dégoût bien trop surjoué pour être réelement sincère. « Tu commençais pourtant si bien! "Franz tu es absolument adorable et... " je veux la suite moi! Et n'ai pas de sarbacane... du moins celle-ci ne risque surement pas de t'endormir sur place. ». Amusée par sa dernière phrase, je levai les yeux au ciel avec un léger sourire. Le jeune homme, malgré mes cris de protestations si aigües qu'ils auraient pu faire fuire n'importe quels ennemis à coup sûr, s'amusa à rassembler de la niege sur mon visage, tout en disant : « Ceci dit, je ne suis peut-être pas le seul prétendant, mais persuadé d'être celui qui t'a tapé dans l'oeil. ». Une fois avoir secoué la tête le mieux que je le pouvais pour virer la neige qui venait d'attérir sur mon nez comme par miracle (Miracle qui portait le nom de Franz), je repris en haussant les épaules, ce qui ne ressemblait au final pas à grand chose, étant donné que j'étais toujours allongée sur le sol : « Qu'est-ce que tu veux, je dois être un brin masochiste ... »