Je n’avais jamais été une amatrice des longues soirées hivernales auprès du feu, ça tombe bien, l’émission ne proposait pas vraiment ce genre de concept, bien au contraire et j’en avais donc profité après beaucoup d’hésitations pour me rendre sur le balcon. Okay, drôle d’activité pour passer le temps je vous l’accorde mais c’était l’occasion de m’allumer une petite cigarette. Je n’étais à ce propos pas dépendante, pas vraiment une fumeuse régulière, juste une femme qui appréciait la cigarette et qui en fumait une de temps en temps lorsque l’envie se faisait sentir. Certains diront que c’est comme ça que commençaient toutes les addictions mais les nombreuses années de consommation irrégulièrement prouvaient le contraire dans mon cas. Passons, une bouteille d’eau et mon paquet de Marlboro à la main je découvrais donc cette partie des lieux sur laquelle je n’avais pas passé énormément de temps. Soupirant je sortais du feu de ma poche prête à m’allumer une clope sauf que… Maladresse ou moment d’absence, appelez ça comme vous voulez mais voilà que mon briquet passait par-dessus le balcon et se retrouvait quelque part en dessous. Autant vous dire que c’était raté pour ma petite pause détente, soupirant j’entendais à ce moment-là quelques bruits de pas, je tournais la tête découvrant un candidat qui m’était encore inconnu, sa tête ne me disait rien. « Bonsoir… Euh… Vous auriez du feu ? »

C'est bientôt l'heure d'aller me coucher, dans quinze minutes je devrais être au lit. En réalité je devrais déjà y être, mais quand je suis allé dans la chambre y'avait personne, et personne dans mon lit, du coup ça faisait personne pour me lire une histoire. Et j'arrive pas à dormir sans mon histoire, alors je suis parti à la recherche de Peyton, parce qu'il avait accepté le premier soir, alors il pourrait bien le faire une nouvelle fois. J'espérais en tout cas sinon, je réussirai jamais à m'endormir. En plus j'avais déjà mis mon pyjama et j'étais prêt à dormir. Même que j'étais fatigué alors j'espérais qu'il était pas trop loin. Je cherchais un peu partout dans le chalet, mais il était grand quand même et j'arrivais pas à le trouver. Si ça se trouve il était dehors mais il faisait trop froid pour que j'aille vérifier. J'avais pas encore vérifié le deuxième étage cela dit, alors je montais les escaliers quatre-à-quatre dans l'espoir qu'il s'y trouve. J'ouvrais toutes les portes quand un bruit attira mon attention, quelqu'un était sur le balcon, c'était peut-être lui. « Bonsoir… Euh… Vous auriez du feu ? » Ah non c'était une fille donc ça pouvait pas être lui. « Bonsoir. Non moi j'ai pas de briquet. C'est pas bien de fumer, c'est Papa qui l'a dit. Tu peux attraper le cancer, tu devrais arrêter. » Il fallait que je la prévienne quand même, on sait jamais qu'elle soit pas au courant, il faudrait pas qu'elle tombe malade. Maman aussi elle était malade, enfin je crois, et puis elle est morte. « En plus il fait froid, tu devrais rentrer. » Peut-être elle s'en rendait pas compte non plus. Mais il fallait pas qu'elle soit malade, ça non.

Ma petite pause clope était peu à peu entièrement compromise. Tant pis, je trouverais bien quelque chose d’autre à faire qui serait tout autant intéressant. Il y avait par exemple du ménage à faire, nous n’étions peut-être que dans nos premiers jours mais certains avaient clairement oublié le fait que dans un chalet comme partout lorsqu’on s’installait il fallait faire un minimum de chose pour entretenir les lieux sinon dans quelques jours nous aurions droit à d’horribles cafards et j’étais peut-être stupide mais les araignées, les cafards et autres insectes m’effrayaient. Lorsque mon fils était encore de notre monde j’étais forcée de dompter ma peur pour lui mais maintenant que j’étais à nouveau seule je retombais en enfance et hurlait tout en courant comme une folle dingue complètement barjo. Quelqu’un me rejoignait, je tournais la tête pour apercevoir un jeune homme qui était peut-être susceptible de fumer, plus nous avancions et plus les adolescents fumaient je ne voyais donc pas d’objection à lui demander s’il avait du feu. « Bonsoir. Non moi j'ai pas de briquet. C'est pas bien de fumer, c'est Papa qui l'a dit. Tu peux attraper le cancer, tu devrais arrêter. » Je le regardais pas certaine d’avoir bien entendu, je manquais de pouffer de rire mais je me retenais, je n’aimais pas me moquer des gens. Ce garçon devait peut-être avoir une maladie quelconque, un symptôme de Peter Pan aigue ? A vrai dire malgré mes études de médecine je n’en savais rien, il avait peut-être tout simplement été trop couvé par ses parents. « Tu as raison… Mais si tu t’éloignes de tout ce qui donne le cancer je te conseille fortement de t’isoler dans une cabane en bois… Et encore, attention à toi si tu as verni le bois ! » Je souriais amusée, il avait l’air très enfantin ce qui me laissait un peu perplexe pour être honnête. « En plus il fait froid, tu devrais rentrer. » Je souriais une nouvelle fois me maudissant d’être un peu moqueuse à son égard, je quittais donc le balcon pour rentrer avec lui. « Oh… Moi c’est Alecia ! »

J'espérais qu'il était pas trop loin parce que j'allais pas passer toute la nuit à le chercher. J'étais fatigué et je voulais juste mon histoire moi, rien de plus. Pourtant il n'y avait personne dans la chambre pour m'en lire. Où est-ce qu'ils étaient tous ? Ils se couchaient drôlement tard quand même. Ils devaient être trop fatigués aussi le matin après, alors que moi j’étais tout le temps en pleine forme. Et ouais. C’était tant pis pour eux après tout. Comme pour cette dame qui me demandait un briquet. Papa il disait que ça donnait le cancer de fumer, alors je comprenais pas pourquoi les gens le faisaient sachant qu’ils pourraient en mourir. C’est pas très intelligent non ? Mais j’avais tenu à lui dire ce que je savais, peut-être qu’elle elle était pas au courant pour le cancer après tout, on peut pas toujours tout savoir comme Papa. « Tu as raison… Mais si tu t’éloignes de tout ce qui donne le cancer je te conseille fortement de t’isoler dans une cabane en bois… Et encore, attention à toi si tu as verni le bois ! » Ah bon ? Elle croit ça ? Faudra que j’en parle à Papa pour savoir ce qu’il en pense, mais bon vu qu’il sait déjà tout je pense qu’il n’y a aucun risque que j’attrape le cancer dans notre maison sinon on habiterait déjà ailleurs. « Moi ma maison elle donne pas le cancer. » Je suis pas malade non en plus ? Alors elle voit bien qu’elle raconte que des bêtises, mais c’est pas grave on peut pas être tous aussi intelligent que Papa alors. Surtout qu’elle elle était dehors alors qu’il faisait super froid, elle allait être malade à force. Alors elle rentra à son tour. « Oh… Moi c’est Alecia ! » J’ai jamais entendu ce prénom avant. « Moi c’est Mason. Pourquoi tu dors pas toi à cette heure-là ? »

Même à l’époque où je n’étais encore qu’une adolescente qui rêvait du prince charmant, qui sortait avec le garçon le plus populaire du lycée et à la veille d’apprendre pour ma grossesse je ne m’étais jamais couchée une seule fois en dessous des 23H, il faut dire que je n’étais pas une grosse dormeuse, je n’avais pas besoin de dix heures de sommeil pour éviter d’avoir la gueule enfarinée, bien au contraire. Lorsque j’avais droit à six heures de sommeil je pétais déjà la forme, il suffisait de me voir aujourd’hui, toujours de bonne humeur, pleine d’énergie et préparée pour faire la fête jusqu’au petit matin j’avais pourtant passé une nuit peu appréciable. Surement parce que j’avais encore du mal à m’habituer à la présence de Maverick à mes côtés. Je n’avais pas dormi avec quelqu’un depuis le lycée n’ayant pas eu de petit copain depuis que j’étais tombée enceinte et que celui qui prétendait que j’étais la femme de sa vie avait mis les voiles par peur de devoir élever un enfant qui mettrait au tapis ses grandes ambitions. Je l’avais tellement détesté qu’aujourd’hui je ne voyais que le mal dans les hommes qui s’intéressaient à moi, si je continuais comme ça j’allais finir vieille fille, c’était certain ! Mason avait fait une entrée très remarquée, je ne savais d’ailleurs même pas s’il était sérieux ou s’il se moquait tout simplement de moi en prenant une voix aussi enfantine. Il parlait comme un enfant de cinq ou six ans ce qui me perturbait autant que ça m’amusait. J’étais une garce, me moquer des gens n’était pourtant pas dans mes habitudes mais là c’était plus fort que moi, je ne pouvais m’empêcher de sourire. « Moi ma maison elle donne pas le cancer. » Je me mordillais la lèvre pour ne pas rigoler, il croyait vraiment que sa maison faisait office d’exception ? Il était naïf et je me demandais si ce n’était pas une piste sérieuse sur le secret qu’il défendait. « Si tu le dis… Tu habites dans une maison en paille ? » Question idiote à laquelle j’aurais surement une réponse à la hauteur de ma stupidité. « Moi c’est Mason. Pourquoi tu dors pas toi à cette heure-là ? » Il aurait pu décrocher la palme des questions stupides lui aussi, nous formions un magnifique duo dans la connerie. « Enchantée… Je ne dors pas parce qu’il est relativement tôt et qu’une aventure comme celle-ci doit se savourer au maximum… Et toi ? Je suppose que tu vas te coucher ? » Je ne le jugeais pas du tout par ses vêtements… Okay, il était à mourir de rire et je me retenais du plus fort que je pouvais d’exploser de rire parce qu’il avait vraiment un look indescriptible. Christina Coldura aurait fait un infarctus si elle avait été là.

Depuis que je suis tout petit, j’ai des horaires fixes pour dormir. Je vais au lit une demi-heure plus tôt avant l’heure de m’endormir, au cas où j’arrive pas à trouver le sommeil mais aussi pour le temps de mon histoire. Et sauf à de rares occasions, je respecte toujours ça parce que c’est Papa qui me l’a imposé. Il a dit que maintenant je pouvais faire comme je voulais, mais j’ai peur que ce soit juste pour voir si je lui désobéis ou pas. Et puis de toute façon si je me couche plus tard que vingt-trois heures je suis fatigué. Du coup j’espérais que je pourrai rapidement trouver quelqu’un pour me lire mon histoire parce que j’avais très envie de dormir quand même. Mais ça tout le monde s’en fiche, ils me laissent tout seul sans personne pour me lire une histoire. « Si tu le dis… Tu habites dans une maison en paille ? » Pourquoi elle me demande ça d’abord ? C’est pas parce que moi ma maison elle donne pas le cancer qu’elle est forcément en paille. Elle comprend vraiment rien du tout. Et puis c’est pas possible de faire des maisons en paille, allô quoi. « Bah non, ça existe pas. » Euh je suis pas bête moi quand même, qu’elle me fasse pas croire n’importe quoi. « Enchantée… Je ne dors pas parce qu’il est relativement tôt et qu’une aventure comme celle-ci doit se savourer au maximum… Et toi ? Je suppose que tu vas te coucher ? » Bah oui elle le voit bien, je suis pas en pyjama pour faire joli. C’est parce que j’ai envie d’aller me coucher. En tout cas elle elle avait pas l’intention d’aller dormir. Je comprenais pas pourquoi elle me disait qu’elle devait savourer l’aventure au maximum. Elle avait le temps de le faire le matin. Parce que la nuit c’est nul il fait noir et il y a pas grand-chose à faire, alors que la journée je vous raconte pas tout ce qu’on peut faire. « Oui j’allais me coucher. Je cherche juste quelqu’un pour me lire une histoire. » Je lui dis en haussant les épaules. C’est tout, sinon je serais déjà dans mon lit.

Je ne m’étais jamais retrouvé à côté d’une personne qui se comportait comme un enfant. C’est simple, d’aussi loin que je me souvienne j’avais toujours été une fille plus mature que les autres, mes parents n’aimaient pas ça chez moi parce qu’ils voulaient toujours voir la petite fille innocente qu’ils avaient mis au monde en moi hors, je n’étais plus du tout cette fille. A l’école primaire je me sentais déjà trop mature pour les gamineries et j’avais donc testé des choses avant les autres dans toutes les grandes étapes de ma vie, au collège, au lycée et j’en passe une fois à l’université parce que les différences de maturités sautaient moins aux yeux. Mason avait l’air d’être resté dans le monde des Bisounours, peut-être que l’explication était là… Et s’il était resté atteint mentalement parlant après avoir trop fumé ? J’en connaissais certains qui n’étaient jamais redescendus de leur nuage après avoir abusé de la fumette. L’idée n’était pas stupide, il avait vraiment le comportement d’un bébé à qui il fallait encore changer sa couche et ça m’amusait autant que ça me faisait peur, parce qu’il était difficile de vivre avec une personne comme ça à mon avis en dehors du jeu. « Bah non, ça existe pas. » Les maisons qui avaient des murs en paille existaient, j’avais pu voir un ou deux reportages sur le sujet mais une maison basée uniquement sur la paille ça n’existait pas, en effet. « Et les trois petits cochons tu crois qu’ils habitent où alors ? Dans un building avec le loup qui prend l’ascenseur pour les becter ? » J’étais une vraie garce avec lui mais je me demandais vraiment s’il avait l’esprit développé pour tirer des conclusions ou non, mon métier d’ambulancière dans lequel je repérais la plupart des maladies diagnostiquées plus tard me revenait en pleine tête. « Oui j’allais me coucher. Je cherche juste quelqu’un pour me lire une histoire. » Je le regardais en ne pouvant retenir un petit gloussement sorti tellement naturellement qu’on ne pouvait pas m’en tenir rigueur. « Un conseil… Ne cherches pas trop à moins de vouloir qu’on te parle d’une prostituée et de ses clients, ici il n’y a pas des romanciers, tu risques d’être déçu ! »

Je sais pas dans quel monde elle vit, elle mais les maisons en paille ça existe pas. C’est n’importe quoi, comme si on pouvait faire une maison que avec de la paille. Elle croit peut-être qu’on peut faire une maison en pain d’épice aussi. On peut faire des maisons avec beaucoup de choses, mais pas avec de la paille je crois, ça existe que dans les livres ça. Je suis pas bête moi, je sais ces choses-là. « Et les trois petits cochons tu crois qu’ils habitent où alors ? Dans un building avec le loup qui prend l’ascenseur pour les becter ? » Je la regarde alors avec des grands yeux ronds, la bouche ouverte. Elle est pas sérieuse quand même, elle raconte n’importe quoi. Vraiment plus n’importe quoi que tout ce qu’elle a pu me dire depuis le début. Allô, les trois petits cochons c’est un conte, je sais pas trop si elle est au courant. Ohlala, je pensais pas qu’elle était aussi bête quand même. « T’es bête ou quoi, c’est juste une histoire, ils sont pas réels. » Non mais c’est n’importe quoi si elle pense pas ça. Je sais pas où elle vit quoi, en tout cas moi je sais distinguer les choses fausses des choses réelles. Et ouais je suis pas bête. En tout cas moi je suis pas ici pour parler de maisons en paille, mais pour trouver quelqu’un qui puisse me lire une histoire. « Un conseil… Ne cherches pas trop à moins de vouloir qu’on te parle d’une prostituée et de ses clients, ici il n’y a pas des romanciers, tu risques d’être déçu ! » Je comprends pas pourquoi elle me dit ça non plus, j’ai pas besoin qu’on m’en invente une moi. « Je m’en fiche, j’ai un livre avec plein d’histoires. » je lui réponds en haussant les épaules. En plus j’ai pas tout compris de quoi elle me parlait. « C’est quoi une prostituée ? »

Mason ne devait même pas se rendre compte qu’il était vraiment différent des autres, nous tous ici nous n’avions plus la tête aux histoires avant de dormir, aucun ne se couchait vraiment à une heure aussi peu tardive en dehors des journées importantes pendant lesquelles un réveil aux aurores était exigé et encore, maintenant très peu de choses obligeaient à se lever à moins d’avoir des kilomètres à parcourir. Autant vous dire qu’il était un peu l’OVNI de la maison et que j’avais toutes les difficultés du monde à comprendre s’il était comme ça à cause d’une malformation, d’une maladie ou si c’était une cause toute autre, de la drogue, ses parents qui l’avaient pris pour leur petit bébé pendant trop longtemps. Quoi qu’il en soit il arriverait bien un moment où il tomberait sur quelqu’un qui ne prendrait pas de pinces avec lui et risquait de lui faire du mal sans même s’en rendre compte. Je prenais le risque d’être prise pour une illuminée en lui parlant des trois petits cochons mais il ne semblait pas être totalement naïf, il savait donc qu’ils n’existaient pas. « T’es bête ou quoi, c’est juste une histoire, ils sont pas réels. » Non, je n’étais pas stupide je tâchais juste de savoir s’il y avait de quoi sourire du jeune homme ou bien le prendre au premier degré. J’enchainais sur les histoires qu’ils voulaient qu’on lui lise, il était vraiment trop reculé par rapport à son âge, je me demandais s’il lui arrivait d’être dragué par des filles ou des garçons et rien que d’imaginer sa réaction et la tête des autres qui se retrouvaient à devoir lire des histoires et j’étais prête à me pisser dessus. « Je m’en fiche, j’ai un livre avec plein d’histoires. » Je baissais la tête ne pouvant contenir un soupir d’exaspération, okay mais qu’est-ce que je pouvais bien dire de ça ? « Et quelqu’un a lu des histoires chaque soir depuis le début du jeu ? » Je n’en avais même pas entendu parlé, les candidats n’étaient donc pas des langues de putes… Bon à savoir ! « C’est quoi une prostituée ? » Je me sentais idiote d’avoir parlé de ça. J’aurais dû le deviner qu’il ne savait pas ce qu’était une fille de joie. « Ce n’est rien… Oublie petit ! » Je marquais une brève pause. « Bon, tu cherches qui ? Je vais t’aider. »