Ah d'accord, c'était donc de cette pièce dont il s'agissait. Une pièce dont Mado avait maintes fois entendu parler mais qu'elle ne se décidait à visiter qu'aujourd'hui. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il fut impressionnant pour elle d'entrer et de se retrouver face à tous ces écrans, portes ouvertes à l’intimité de ses petits camarades, qui agissaient tout aussi inconsciemment que lorsqu'elle se trouvait elle-même à leur place, oubliant chaque fois que quelqu'un était susceptible de l'observer, comme elle le faisait justement à cet instant précis. Là, elle en vint à se dire qu'elle aurait peut être pris connaissance du petit manège entre Ezra et Carmen un peu plus tôt si elle avait pris la peine de découvrir cette pièce avant aujourd'hui. Mais qu'importe, nombreuses étaient aussi les choses qu'il lui restait à observer, les choses qu'elle pouvait apprendre au contact de ces écrans. D'autant plus que la jeune femme se trouvait seule, ainsi donc tranquille et disposée à prendre tout le temps qu'elle voudrait pour prendre connaissance de ce qui se tramait précisément dans le nid et qu'elle ne pouvait précisément voir qu'ici. Mais tout cela ne pouvait pas durer, puisqu'évidemment, il fallut qu'un candidat pénètre à son tour dans la salle de vidéo surveillance. Clairement, Mado se fichait de qui cela pouvait-il bien être. Elle espérait à vrai dire que cet individu jugerait l'espace inintéressant et reparte de lui-même, sans qu'elle ait eu besoin ni de lui adresser le moindre mot, ni le moindre regard. Seulement, elle eut bien vite l'occasion de constater que la personne qui venait d'entrer était plutôt disposée à discuter, ou disons, à la questionner. Eh merde, c'était l'intello du nid, ou du moins l'anorexique qui se faisait passer pour. Parce que Mado avait toujours eu beaucoup de mal avec ceux qui avaient tendance à un peu trop afficher leur "savoir". S'il se croyait supérieur parce qu'il parlait plusieurs langues ou qu'il avait lu le dictionnaire en entier, tant mieux pour lui hein. « Glorieux ou pas, je m'en tape tu sais. Et non, désolée de te décevoir, c'est la première fois que je me rends ici. » Elle se garderait ainsi bien de lui dire qu'elle n'avait toutefois généralement pas besoin d'un dispositif comme celui-ci pour "épier", mais il n'avait pas tellement besoin de le savoir non plus. « Mais je suppose que tu ne t'éterniseras pas. Voir tant d'ignorants se curer le nez au lieu de bouquiner, ça ne doit pas être franchement supportable pour toi, si ? » Okay, elle le cherchait quelques peu. Mais libre à lui de lui prouver qu'il savait être autre chose qu'un mec que la culture avait vraisemblablement rendu pédant.

Attendez une minute, avait-elle à faire à Mickey ? Le grand Mickey ? Le brillant Mickey ? Non, elle ne pouvait pas y croire. C'était un peu trop beau pour être vrai, sans doute. Parce que bon, avoir à faire à un être aussi fabuleux, vous comprenez bien que ça ne pouvait présentement que la bouleverser. Ainsi donc, c'est particulièrement émue que Mado accueillit l'arrivée de son camarade ... A moins qu'elle s'en foute éperdument, en fait. Ah mais oui, exact, elle s'en carrait comme de sa pointure de pieds, en fait. Et donc, il serait tout aussi intéressant que Mickey se casse dans la minute, juste histoire de la laisser en paix avec son désir de savoir. Ah tenez, en parlant de savoir, n'oublions pas qu'elle avait ici à faire à un intellectuel de haut rang, ou en tout cas à un type désireux de se prendre pour tel. Parce qu'aux yeux de Mado, les années d'études et les diplômes ne faisaient pas tout, bien au contraire. Si tel était le cas, il n'y aurait pas autant d'abrutis à des postes hauts placés, aux commandes du Monde. Et clairement, de ce qu'elle avait pu voir de Mickey - surtout en le lisant sur les blogs, en fait - la jeune femme était rapidement arrivée à la conclusion qu'ils étaient bien trop différents pour s'entendre. Assurément qu'il la prenait pour une petite ignorante, et qu'elle avait quant à elle tendance à le considérer comme un crâneur compulsif et perpétuellement désireux de ramener sa science, au point de friser le ridicule à plus d'une reprise. Autant dire que ça ne serait jamais l'amour fou entre ces deux là, mais disons que de ça aussi, Mado avait tendance à s'en foutre un peu hein. Bref, son camarade disait maintenant ne pas être disposé à l'applaudir. Sérieusement ? Mais c'était censé lui briser le cœur, ou quelque chose dans le genre, non ? Pourtant, Mado restait parfaitement impassible. Raté. « Et dans quel monde est-ce que je suis censée en avoir quelque chose à foutre ? » Oh, Mado était disposée à rester polie, sauf avec ceux qui lui prenaient la tête aussi facilement, ou pire, qui la prenaient de haut. D'autant plus qu'elle ne le retenait pas, hein. Parce qu'en plus, il se croyait drôle, le mec. Hilarant, ouais, sans nul doute. « Ah, tant mieux. Je m'en serais atrocement voulue de t'avoir mis dans un tel état. » Ou pas du tout, en fait, vu qu'elle trouvait ça ridicule. Qu'on se le dise, s'ils n'avaient assurément pas les mêmes lectures, l'un n'était en rien supérieur à l'autre, et cela, en rien du tout. Elle se doutait que Mickey devait penser le contraire, et ça la gonflait. Ce type n'était rien, ou du moins, rien de plus que quiconque ici, ou même ailleurs hein. « Je considère que ça n'est pas mon sale caractère, mais mon authenticité qui a été saluée » avoua-t-elle spontanément lorsqu'il lui parla de sa petite distinction, lors du prime. Elle le prenait bien, en somme. Les yeux rivés vers les écrans, elle laissa apparaitre un sourire curieux. « Au fait, t'es censé être connu, toi ? » demanda-t-elle alors. Parce qu'elle avait cru comprendre qu'il écrivait des bouquins, et même s'il était probable que ce ne soit pas son genre de lectures, elle trouvait sa question légitime. Alors, elle parlait au Bernard-Henri Levy du pauvre, ou pas ?

Oh mais Mickey n'avait aucunement à se sentir obligé de rester ici, hein. Il pouvait très bien repartir et laisser Mado seule avec les écrans qu'elle avait sous les yeux. Non vraiment, elle ne lui en voudrait pas. Même pas du tout. Parce qu'en fait, il était fort probable que la jeune femme n'apprécie guère ce genre de compagnies. Sans doute parce qu'elle se fiait à ce qu'elle avait lu de Mickey via les blogs, à travers quelques commentaires se voulant assurément "savants", mais manquant selon elle d'humilité. En fait, il faisait très exactement partie de ces individus qu'elle n'appréciait guère, ou pas des masses. Ceux qui partaient du principe que, parce qu'ils avaient fait des études et parce qu'ils lisaient un peu plus que la moyenne, ils valaient mieux que les autres. Or, elle préférait mille fois être maligne et débrouillarde qu'avoir n'importe quel diplôme universitaire en poche, c'était plus que certain. En tout cas, Mickey pouvait gentiment se garder ses opinions, étant donné que Mado n'était pas franchement intéressée par ce qu'il pouvait bien penser d'elle, et du fait qu'elle se trouve présentement en ces lieux. Au pire, encore une fois, personne ne l'obligeait à rester, hein. Donc s'il voulait se barrer et la laisser avec toute sa bassesse et ses hobbies si méprisables, libre à lui. Sauf que non, le jeune homme semblait assez désireux de lui imposer sa présence, finalement. Curieux, quand on sait qu'il semblait importuné chaque fois que quelqu'un qui n'était pas de son "rang" osait se tenir à moins d'un mètre de lui. Pour le coup, il cherchait le dégoût, hein. Donc s'il venait soudainement à faire une overdose de la personne qu'était Mado, disons qu'il ne pourrait logiquement s'en prendre qu'à lui même, hm. En tout cas, ce type n'avait pas l'air d'avoir beaucoup de conversation, pour quelqu'un qui se disait brillant. Car tout ce qu'il trouva à évoquer, c'est le statut de "candidate ayant fait la plus mauvaise impression" que Mado avait récolté lors du dernier prime. Autant dire qu'elle avait déjà été amenée à en parler, plusieurs fois, jamais sans être franchement passionnée par toute cette histoire, et qu'elle était alors presque déçue que Mickey fasse autant dans la simplicité, lui aussi. Bref, comme elle venait de le dire, elle aimait à penser qu'on avait saluée son authenticité, puisqu'elle ne jouait aucun rôle et ne cherchait pas à être plus sympathique que ce qu'elle était vraiment. A lui de juger cela estimable ou pas, bien sûr. En un soupire, Mado exprima clairement ce qu'elle pensait : Mickey pouvait bien la penser naïve, elle s'en contre-foutait. Et sinon, est-ce qu'il était connu, le mec ? Genre vraiment, hein, parce que c'était relativement facile de s'inventer une célébrité. L'année dernière, un mec l'avait bien fait, non ? C'est en tout cas d'une manière décidément très prévisible qu'il trouva le moyen de lui répondre. Bah dites donc, il ne se foulait pas des masses le Mickey. « Donc ça, c'est le premier couplet de la chanson "je vaux mieux que vous", exact ? » préféra-t-elle ironiser, en un sourire railleur. Oh il pouvait bien penser ce qu'il voulait, Mado n'avait jamais été un cancre. Simplement, elle avait mis l'accent sur les activités sportives, pas sur les études dites littéraires. « Crois-le ou non, mais je possède une bibliothèque. Et, oh surprise, on n'y trouve ni Twilight, ni Harry Potter. Je regrette simplement d'avoir trop peu de temps à accorder à des activités telles que la lecture. Je suis pourtant certaine que ça me détendrait. » Et là, elle était sérieuse. Mieux encore, elle se confiait à lui. Peut être parce que ça ne la gênait en rien, ou parce que le fait de ne pas le connaitre aidait à cela.

Lire. Non, ça n'était définitivement pas une activité faite pour Mado. Non pas parce qu'elle ne voulait pas lire, mais parce que techniquement, elle ne pouvait pas lire. Rien à voir avec un hypothétique problème d'illettrisme, ça n'était pas ça du tout, simplement, son rythme de vie actuel ne lui permettait pas de prendre ne serait-ce qu'une heure quotidienne pour avancer la lecture d'un bouquin. Oh, elle se doutait bien que quelqu'un comme Mickey ne pourrait pas comprendre, que même en faisant tous les efforts du monde - mais elle soupçonnait chez lui plus de mauvaise volonté qu'autre chose, disons - il ne serait pas capable de comprendre que non, elle ne pouvait décidément pas lire, bien que ça ne soit honnêtement pas l'envie qui lui manquait. Cela s'expliquait alors par une chose toute bête : en tant que femme active et mère d'un enfant de quatre ans - qui n'était donc pas franchement au top niveau autonomie - elle n'avait clairement pas le temps de s'adonner à ce genre d'activités. Ainsi donc, lorsque la jeune femme eut droit à une réflexion des plus prévisibles de la part de son camarade, elle ne put que pousser un court soupire. Parce que oui, elle s'était attendue à ce genre de remarque. Et parce que oui, elle comptait bien lui expliquer en quoi il lui était impossible de "trouver le temps de lire". « Et bien moi non » commença-t-elle alors. « Mes journées se résument à me lever, à prendre un petit déjeuner rapide, à lever mon fils, à l'habiller, à lui préparer son petit déjeuner, mais aussi son goûter, à l'emmener à l'école, à filer au boulot, à prendre cinq minutes pour déjeuner le midi, à continuer de bosser, à rentrer chez moi, à vérifier que mon frère n'a pas oublié le petit à l'école, qu'il s'en est occupé, à lui donner son bain, à me changer, à diner, à coucher mon fils, à mettre à jour les dossiers de progression de mes clients, puis à me coucher ... Sachant que le lundi, le mercredi, et le vendredi, je ne rentre pas directement chez moi puisque j'honore quelques activités extérieures. » Donc ça, c'était le profil type d'une journée quotidienne pour Mado, oui. « Je cavale toute la journée, clairement. Je n'ai pas le temps de voir qui que ce soit, d'aller au restaurant ou au cinéma ... Alors non, je n'ai pas le temps de lire. Mais quand on aura inventé la journée de quarante-huit heures, là peut être que ça changera. » Il ne s'agissait ici que de simples explications. Elle voulait qu'il comprenne que tout le monde ne pouvait pas agencer son emploi du temps de la même manière. Elle avait bien penser à vendre Aaron sur ebay, histoire de se libérer quelques tranches horaires, mais Ezra l'en avait empêchée. Parait-il que ça n'était pas moral. Mouais, en tout cas ça l'aurait bien arrangée. Bon, tant pis, elle se passerait de lire pendant encore quelques années, hein, ouais. Mais voilà que Mickey lui soumit une question complètement improbable. Quoi ? Mais pourquoi lui reparlait-il de Twilight et Harry Potter ? Et pourquoi estimait-il qu'elle saurait y répondre ? Non, mieux, pourquoi estimait-il qu'elle en aurait juste quelque chose à foutre, hm ? « Elle prend la tête ta question » soupira-t-elle, très peu inspirée pour y répondre. Parce que vraiment, au cas où il en douterait, ça ne l'intéressait pas du tout. « J'en sais rien ... et honnêtement, je m'en fout Mickey, à un point que tu n'imagines même pas. » Donc non, elle ne s'essaierait pas à une quelconque réponse. Tout simplement parce qu'elle voyait poindre le prévisible "on ne peut pas en faire la même analyse socio-historique, et je vais te le prouver en cinq-cent quatre-vingt-dix points". Autant dire qu'elle se serait barrée avant même qu'il ait commencé.