Aujourd'hui, j'ai décidé de retourner à cette fichue pièce blanche. C'est une sorte de défi que je relevais à moi-même puisque ce lieu m'a profondément traumatisé. J'ai cru y perdre la vue, tellement la blancheur immaculée des murs et du sol m'a aveuglé. Depuis, je n'ose plus y remettre les pieds. Une expérience traumatisante que je ne voulais pas retenter d'aussi tôt. Mais cette pièce continue à m'intriguer. Le fait de dire la vérité, rien d'autre que la vérité est distrayant pour moi. On peut distinguer différent types de personnes : les menteurs, les hypocrites, les gens honnêtes, les gens francs et les gens sincères. Tout le monde ne se rend pas compte du degré de différence entre ses différents caractéristiques. Surtout quand on vient à parler d'honnêteté et de franchise qui sont deux notions distinctes, qu'on a tendance à confondre. L'honnêteté relève plutôt du conventionnel alors que la franchise, c'est de l'ordre de l'instinctif et de la non-dissimulation. Je travaille dans un univers mensonger. La publicité, c'est de l'hypocrisie dissimulée. Les publicitaires sont habiles dans l'art de la manipulation. Il joue avec les mots, il les tords, il les fait plier à sa volonté pour diffuser un message ciblé qui doit attirer l'attention du consommateur. On aime les artifices, les faux-semblants. J'ai une relation plutôt contradictoire avec le mensonge. Je ne sais plus distinguer du faux du vrai, du fantasme au fait. J'ai une appréhension du monde un peu tordue, je l'accorde. Pour moi il n'y a pas une vérité, mais des vérités car la Vérité n'est pas accessible au commun des mortels. J'arrive non loin du dôme, en route pour la pièce vérité. J'aperçois un candidat. C'est Mickey qui s'apprête d'entrer. Je le suis de près. Cette fois, je suis venu avec mes lunettes de soleil pour protéger ma rétine contre la blancheur effarante des lieux. On s'observe un instant, puis il ouvre la bouche : - Je trouve que pour une émission du nom de Fake Lover, qui a tout de même une certaine notoriété mais aussi un concept qu'on ne peut ignorer, les candidats passent trop de temps à se reposer sur leurs lauriers, et en oublient le but initial d'une telle aventure : à savoir se percer à jour les uns les autres. Je souris à sa remarque, puis hoche la tête. Je suis d'accord avec lui. C'est une chasse aux secrets, à la base bien que le titre de l'émission sous-entend autre chose. - Par conséquent que dirais-tu de sauter l'étape des formalités et autres banalités affligeantes pour nous questionner mutuellement sur nos secrets respectifs ? Je pense que dans une pièce où le mensonge est proscrit, nous pourrons avoir confiance l'un envers l'autre sans craindre de n'être menés en bateau. De toute façon, on est obligé de dire la vérité. Au risque de perdre de l'argent. De toute façon, je n'ai rien à cacher. Je n'ai pas peur de prendre des risques. Le but, c'est de se dévoiler un minimum. Il faut savoir se mettre en danger de temps à autre. - Tu es partant ? Mes lunettes vissées à mes yeux, je lui souris et répond : - Pourquoi pas. De toute façon, je n'ai vraiment rien à perdre. J'ai conscient que j'ai en face de moi un être doué de raison et courtoisie. Ce n'est pas une personne fourbe et mesquine. Je décide de me prendre au jeu de son interrogatoire. Une façon originale pour apprendre à se connaître. Je ne suis pas du genre à me défiler. J'exècre la couardise et la lâcheté. Je suis un homme d'honneur malgré tout.

Mes lunettes de soleil juchées sur mon nez, j'observe mon interlocuteur tout en l'écoutant exposer son propos. Sa dégaine, sa façon de parler me rappelle un camarade de classe à Lakanal. Même suffisance, même érudition. La ressemblance est tellement forte que c'en est un peu déroutant. Je ne garde pas de très bons souvenirs de la prépa de Lettres. C'est parfois agréable d'entendre une personne parler de façon convenable, avec un anglais quasiment irréprochable qui plus est. Il est quelqu'un de cérébral, de pragmatique. Plus terre-à-terre que moi, je dirai. Je ne cesse de l'analyser depuis mon entrée dans cette pièce. Il est constamment propre sur lui. Un vrai maniaque. Ce n'est pas pour me déplaire. Je suppose que son attitude peut insupporter plus d'un. Je vois en lui un camarade, un homologue masculin avec qui je pourrai parler de choses plus approfondies sur le plan intellectuel. Dire la vérité est chose aisée pour moi. Je ne veux tout de même pas trop me compromettre. Je peux à la rigueur lancer quelques pistes. Mais je laisse les autres se démerder avec ce que je leur donne. Par orgueil, je veux préserver mon secret jusqu'au bout. Ma cagnotte, je m'en fiche un peu. Ca me saoulerait de perdre tout d'un coup parce que je n'ai pas été suffisamment prudent. - Alors, dis-moi Hyram... ton secret fait-il écho à un évènement retentissant étant survenu dans ta vie ? Je réfléchis, réfléchis et réfléchis. Je fronce un peu les sourcils. Je ne me souviens pas d'un élément déclencheur précis. Je crois que mon secret m'a collé au train dès ma naissance, je suppose. J'ignore encore à ce jour comment c'est arrivé. - Non, pas vraiment. Je ne sais pas en fait. J'ai ce fardeau depuis pas mal de temps, donc c'est profondément ancré en moi. J'aurai pu me contenter de dire non tout simplement. Mais je deviens une vraie pipelette quand ça concerne les choses sérieuses. Sa question ne m'a pas décontenancé pour un sou. J'ai su répondre de façon la plus limpide possible. Je n'ai fais aucun sens-entendu. Ce que je viens de dire ne me met pas véritablement en danger. Il faut juste savoir lire entre les lignes. A mon tour. - Ton secret a-t-il un rapport avec un autre candidat dans le Nid ? J'ai visionné les émissions passées. Je me souviens que certains candidats avaient un secret commun. Peut-être que c'est le cas pour lui également.