Il neigeait. Il avait commencé à neiger depuis ce matin même. Emilien voulait profiter de ce moment. Il aimait bien la neige, l’hiver, les soirées auprès du feu, les journées de ski, le bon vin chaud. Il avait décidé de s’installer sur la terrasse, afin de profiter de ce moment. Afin de rendre ce moment encore plus parfait, il était venu avec une tasse de chocolat bien chaud. Un petit de chaleur pendant ce moment un peu froid. A cela, on pouvait ajouter la compagnie d’un livre qu’il avait emprunté dans la bibliothèque. De toute façon, personne n’y verrait que du feu. Personne ne devait s’amuser à compter le nombre exact de livres qu’il y avait dans l’ancre des érudits. Confortablement installé autour de l’une des tables, il se lança dans la lecture de son bouquin tout en sirotant son chocolat chaud. Il ne resta guère longtemps. En effet, un nouveau venu apporta sa compagnie. En plus du chocolat chaud, du livre et de la neige. Emilien posa son regard sur Mickey qui venait de lui adresser quelques mots. Il fit un petit signe de tête lorsqu’il lui demanda s’il ne le dérangeait pas. Quelle question, évidemment qu’il ne le dérangeait pas. Ce n’était pas comme si c’était une personne qu’il ne voulait pas croiser pendant cette semaine à venir. Il ajouta alors qu’il parlait de la cigarette. Ah, c’était cela. Si la cigarette ne le dérangeait, pas la présence de l’homme. Ca avait un tout autre sens. Mais qu’importe. Cela non plus ne dérangeait pas, Emilien. « Non, non… » souffla-t-il alors, en posant son livre sur la table. Il n’allait tout de même pas continuer son instant littéraire alors qu’il y avait quelqu’un avec lui. Ce serait un peu comme lui faire comprendre qu’il était le mal venu. Une façon de lui dire « tu peux t’en aller, laisse-moi en paix ». Evidemment, ce n’était pas le genre d’Emilien. Avec certaines autres personnes, peut-être aurait-il tenté ce geste quelque peu arrogant et méprisant. Tout en portant sa tasse de chocolat chaud à ses lèvres, il écouta les paroles dictées par Mickey. Il évoquait sa partenaire, Emmeline. Les quelques mots du romancier faisaient écho à la conversation qu’Emilien avait eu avec elle. Une très brève conversation, mais assez pour comprendre qu’elle l’avait mal pris cette histoire. Emilien ignorait de quoi il en venait, pourquoi était-elle dans cet état exactement, qu’avait fait Mickey pour qu’elle soit un peu froissée. Elle n’avait pas entré dans les détails, et Emilien trouvait cela un peu déplacé de vouloir lui poser des questions à son sujet. Après tout, elle avait le droit à son petit jardin secret. Emilien n’aimait pas qu’on lui pose des questions, notamment au sujet de son amitié avec Ezra. Alors il comprenait tout à fait qu’Emmeline ne voulait pas lui en dire plus. Elle n’était pas obligée et il ne l’obligerait pas à parler, dans tous les cas. Le jeune garçon hocha la tête lorsqu’il finit de parler. En effet, elle lui en avait parlé. Il déposa sa tasse à côté du livre. « En effet… Je ne suis pas très fier de toi pour le coup. » souffla-t-il, avant de croiser les bras. « J’espère pour toi que tu comptes t’excuser. ». Il lui lança un regard, quelque peu critique. S’il y avait bien quelque chose que l’on ne devait pas faire ici, c’était s’en prendre à Emmeline. Certes, là, il ne savait exactement la nature de cette histoire houleuse entre Mickey et Emmeline. Mais tant pis, Emmeline semblait un peu froissée par cela, et ça, Emilien n’appréciait pas.

Il y avait bien une chose à laquelle Emilien ne s’attendait pas. Celle que Mickey lui parlera d’Emmeline, et de son léger différent avec la partenaire du jeune suisse. Après tout, ça ne le regarde pas lui. Les histoires des autres n’étaient pas les siennes. Et les siennes n’étaient pas celles des autres. Chacun ses histoires. Et que personne d’autre ne s’y mêle. Les histoires étaient déjà assez bien compliquées comme cela, il ne fallait pas qu’une personne lambda sans intérêt vienne s’ajouter à cela. Bref. Mickey évoqua donc cette histoire qu’il avait eue avec Emmeline. Emilien avait eu le droit à quelques confessions bien maigres de la part de la jeune femme, mais c’était déjà cela. Bien assez pour comprendre la mauvaise conduite du romancier avec elle. Chose qu’Emilien n’appréciait pas spécialement. Et cela, il ne manqua pas de lui faire remarquer, en prétextant qu’il n’était pas fier de lui. Il n’allait quand même pas lui dire que c’était super ce qu’il avait fait. Il avait quand même fait mal à Emmeline. Emmeline. La partenaire d’Emilien. Partenaire qui n’était pas qu’une simple partenaire pour un jeu. En quelques semaines, quelques jours, elle était devenue bien plus que cela aux yeux du jeune garçon. Il l’aimait. Il l’aimait beaucoup. Et pensez ce que vous voulez de ce détail. Emilien ne demandait qu’une chose à Mickey. Qu’il s’excuse. Et cela, il avait intérêt de le faire. Parce qu’Emilien ne supportait déjà pas l’idée qu’on puisse faire du mal moralement à sa partenaire, alors si, en plus de cela, il ne s’excuserait pas. Emilien n’hésiterait pas à se montrer un poil autoritaire. Il sortirait les griffes. Ses minis griffes de petit chaton, certes. Il observa toujours Mickey. Portant toujours sur lui, ce regard quelque peu critique. Il n’allait quand même pas l’admirer pour ce qu’il avait fait. Ce serait une aberration. Mickey lui expliqua donc que ce n’était pas dans son intérêt de blesser la jeune femme. Encore heureux. Ou Emilien se serait fait un malin plaisir pour lui tirer méchamment les oreilles. Enfin s’il allait s’excuser tout ira bien pour lui. A moins qu’il ne recommence. Ah ça non. Il n’avait pas intérêt. Ca chauffera pour son matricule. S’excuser. Fallait-il encore qu’il y arrive. Des quelques mots qu’il avait pu lui dire, Emilien comprit qu’il n’était pas très doué pour cela. Un peu pantouflard dans ce domaine. Un peu comme lui. Le jeune suisse haussa les épaules. Qu’il sache ou non, de toute façon, ça ne changera pas : il fallait qu’il s’excuse. C’était son devoir. « Oui… Prouve-le alors. » ajouta-t-il alors, lorsque Mickey lui dit qu’il n’était pas un connard. Jamais ce mot là n’était venu à l’esprit d’Emilien. Un connard. Si Mickey était un connard, alors d’autres devaient être des connards puissance 1000. Evidemment qu’il ne pensait pas cela du romancier. Jamais, il n’avait pensé cela de lui. Il lui demanda malgré tout de le prouver. De prouver ses propos, de prouver qu’il n’était pas un connard. Pas spécialement à lui, mais à Emmeline. Oui, voilà. Il devait prouver à Emmeline qu’il ne l’était pas. « Puis arrête, tu sais t’excuser. Tu n’vas pas me faire croire cela. ». On pouvait percevoir un peu d’agacement dans sa voix. Il ne savait pas trop pourquoi il lui avait dit cela. Pour secouer un peu Mickey, certainement. Ses mains vinrent entourer sa tasse encore chaude, comme pour un peu se réchauffer. Il aimait la neige, certainement, mais il faisait tout de même froid. Son regard se reporta sur le visage de l’homme. Un regard un peu plus doux. Un peu moins critique que les regards précédents qu’il avait pu lui lancer auparavant. « Laisse parler ton cœur, ça ne sert à rien d’ajouter des artifices. Sois sincère. Sincère envers elle, mais aussi envers toi-même. Si tu es vraiment désolé de ton attitude à son égard, tu n’auras pas de difficulté de t’en excuser. ». Voilà les quelques mots porteurs d’espoir. Oui, il espérait que Mickey l’écouterait et qu’il le fasse. Qu’il s’excuse.

Il avait beau dire ce qu’il voudra, le Mickey, mais Emilien ne lui laissera pas le choix. Il était obligé de s’excuser. Le jeune garçon ne lui laissait pas le choix, même s’il ne lui avait pas dit directement. Mais cela, il l’avait compris, certainement. Il était donc dans l’obligation de s’excuser auprès d’Emmeline. Autrement, il entendrait parler d’Emilien. Et sûrement pas en bien. Emilien était comme n’importe quel être humain lambda, il savait s’énerver… Enfin, il n’avait jamais été en colère durant ses vingt-et-une premières années de vie. Mais en attendant de le voir en colère, il fallait qu’il sache si Mickey tiendrait parole ou non. Il espérait. Comme ça, il n’aura pas à s’énerver contre lui, et à devoir se montrer… méchant. Même si cela semblait impossible. Emilien méchant, c’était comme si le prochain Pape était une femme, c’est tout simplement impossible. Vous pouvez essayer de l’imaginer, si l’envie vous prend. Mais ce n’était pas tout. Puis qu’en plus de faire des excuses, il lui demandait d’être sincère. Emilien n’imaginait pas faire des excuses sans être sincère. Excuse et sincérité allaient tout simplement de paire. Il hocha la tête lorsque Mickey lui expliqua qu’il était toujours franc. Emilien ne remettait pas en doute cela. Il n’avait pas de cœur, ou plutôt il oubliait qu’il en avait un. « J’confirme… on en a tous un… » souffla-t-il dans un soupir. Tout le monde en avait un. Malheureusement, peut-être. Emilien aurait voulu être comme Mickey, peut-être. Oublier qu’il en avait un. Ca lui éviterait peut-être de s’attacher trop facilement ? Et de se faire quelques illusions, totalement dépourvus de sens. Rah, il aimerait bien. Ca faciliterait probablement les choses ? « Cesse donc de te prendre trop sérieux… laisse ton inconscient s’exprimer à ta place. ». C’est marrant. Cela, c’était ce qu’on lui répétait souvent. A lui, à Emilien. Rien que la semaine passée, ils avaient été deux à lui dicter cela. Ezra et Alecia. Il avait tenté de les écouter. Il ne savait pas vraiment si au final, il avait bien fait… Peut-être bien, peut-être pas. Il ne savait pas. Il l’ignorait. Il aurait eu tant besoin de l’opinion de ses frères, à ce sujet. Avec eux, tout paraissait plus simple. Un mince sourire s’étira sur les lèvres d’Emilien lorsque Mickey lui dit qu’il allait lui parler. Tant mieux. Brave garçon. Il devait tenir ses paroles, à présent. Parce qu’il y avait bien une chose qui agaçait Emilien, c’était bien les personnes qui ne tenaient pas leurs paroles, leurs promesses. Certes, il ne s’imaginait pas Mickey courir après Emmeline toutes ses journées, pour arriver à lui parler. Mais ils se croiseraient bien. Le nid n’était pas si petit que cela. Emilien arrivait bien à croiser Harlow, malgré lui. C’était bien la preuve que le nid était petit, tout petit. « Je compte sur toi, Mickey. » déclara-t-il presque solennellement. « Et j’espère que ça ne recommencera pas. ». Ah ca non, il ne voulait pas. Que Mickey blesse une nouvelle fois Emmeline, et qu’Emmeline soit offusquée. C’était surtout d’Emmeline qu’il s’agissait. Il l’aimait tellement. Et si ça recommençait, il n’hésiterait pas à s’énerver. Vraiment.

Ce qui importait le plus Emilien, dans cette histoire, était que Mickey fasse ses excuses. Il fallait cette histoire se finisse bien, voyez-vous. Oui, voilà, qu’elle se finisse bien. Puis Emilien ne voulait que le bien d’Emmeline, ici. Alors savoir qu’elle pouvait avoir été blessé le rongeait un peu. Elle avait été là pour lui, après tout, quand Harlow l’avait jeté comme une sale chaussette. C’était donc tout naturel qu’il soit, lui aussi, là pour elle. Mickey devait arranger les choses. Il ne devait pas essayer, il devait tout simplement le faire. Oui, c’était presqu’une obligation dans la bouche du jeune suisse. Il appréciait Mickey, certes. Mais il avait quand même osé blesser Emmeline. Il comptait donc sur lui pour le faire. Oui, voilà. Et il avait intérêt de tenir parole. Parce que… Emilien pas très content. Et je n’ose même pas ce qu’il pourrait lui faire. Mais voyez-vous, on va admettre que Mickey le fera afin d’éviter toutes susceptibles menaces de la part d’Emilien. « De toute façon je me connais, je sais qui je suis, ce sera probablement maladroit comme approche, et je risque aussi de beaucoup, beaucoup parler... mais je vais m'y employer, oui, ne serait-ce que pour te tranquilliser Emilien. ». Un léger sourire se dessina sur les lèvres d’Emilien. Ces dernières paroles prônées par le romancier avaient l’air de l’apaiser quelque peu. Mickey devait être un homme de paroles. C’était comme cela qu’il le percevait. S’il lui avait dit tout cela, qu’il essaierait, c’est qu’il le ferait certainement. Il devait faire parti de ces personnes qui tenaient toujours leurs promesses. Malgré cela, le suisse espérait que ça ne recommencerait pas. Oh ça non. S’il voulait s’en prendre à quelqu’un, qu’il s’en prenne à une autre personne qu’Emmeline. Emmeline était si adorable, en plus. On ne pouvait tout simplement pas la blesser. Il n’était pas question de cela, selon Mickey. Heureusement. S’il avait osé prétendre le contraire, Emilien se serait énervé. Vraiment énervé. Emilien continua d’écouter silencieusement les paroles de l’anglais, fronçant légèrement les sourcils. Il y avait quelque chose qu’il ne semblait pas saisir dans ces quelques mots. « Tout ce qui te pose problèmes chez elle ? » répéta-t-il, sans vraiment comprendre ce qu’il venait de dire. Comment pouvait-on associer problème et Emmeline. Ca n’avait pas de sens. Emilien ne comprenait pas.

Avoir un problème avec Emmeline. C’était tout sauf possible. C’était comme dire que l’on avait un problème avec… Emilien. Ca aussi ce n’était pas possible. Ils étaient si adorables tous les deux. Emilien ne voyait vraiment pas où Mickey voulait en venir en lui disant cela. Et surtout comment il pouvait il y avoir des choses chez sa partenaire qui semblait poser problème. Elle était si gentille, si douce, si adorable… Il n’était peut-être pas si objectif que cela dans le portrait de sa partenaire, mais qu’importe. Lui, il la voyait comme tel. Evidemment, elle n’avait pas entré dans les détails lorsqu’elle lui conta ses mésaventures avec Mickey. Emilien savait juste qu’il avait eu des propos déplacés à son sujet, et c’est tout. C’était déjà bien assez pour que cela l’agace. Mickey allait malgré s’excuser, c’était l’information première à retenir. Peut-être que Mickey n’allait, d’ailleurs, pas lui en dire plus. Qu’il n’allait pas s’attarder sur des détails, comme Emmeline. Tant pis. Après tout, cela ne regardait pas Emilien. Mais le romancier en décida autrement, et lui expliqua alors : « J'ai dit à Emmeline qu'elle me faisait penser à mon ex-épouse. Non en fait je l'ai complètement associée à elle. Et c'est tout sauf flatteur puisque j'ai été marié à une véritable enquiquineuse. Emmeline est loin d'être aussi insupportable, seulement, parfois dans sa façon d'être, de se comporter, elle me rappelle mon ex-femme. Je garde un souvenir franchement amère de ce mariage, de cette femme également. Je sais en tout cas qu'elle n'a pas apprécié être comparée à elle, et je crois que je le conçois. Surtout que si elle la connaissait, ouh, elle prendrait cela pour une insulte. Emmeline est probablement une jeune femme bien, sympathique, qu'il est plaisant de connaitre seulement je ne vois pas tout cela moi, et je prends ce qui la rend sans doute charmante aux yeux de certains pour des défauts. C'est bête car je n'arrive pas à voir au-delà de ça. ». Emilien hocha naïvement la tête, comme pour montrer qu’il avait compris chacun de ses mots. Evidemment, c’était faux. Certes, il les avait compris, il n’était pas si bête que cela. Il ne connaissait juste pas toute la signification sous-jacente qu’il pouvait il y avoir derrière chaque énoncé. Emmeline lui rappelait donc son ex-femme. Ex-femme, donc il avait été marié, donc amoureux… c’est de la pure logique, il ne s’agit pas d’être un grand érudit pour déduire tout cela, vous savez. Il ne savait pas vraiment ce qu’il pourrait dire à Mickey, à présent. Jamais il n’avait été dans une situation similaire. Son regard trébucha sur son chocolat chaud… qui devait être froid à présent, en fait. Un brin hésitant, il finit par boire une dernière gorgée de sa boisson lactée puis la reposa. « Tu devrais passer outre ce détail… enfin, ça-ça ne doit pas être facile, c’est plus facile à dire qu’à faire, comme on dit… après tout, je n’ai jamais connu ça. Mais tu devrais essayer, oui. ». Il se tut un instant. C’était vrai. Jamais il n’avait été dans une situation pareille. Peut-être parce qu’il n’avait pas connu beaucoup de filles dans sa vie amoureuse. Oui, ça doit être pour cela. « En plus… Emmeline, c’est vraiment une fille adorable ! c’est une chouette fille… Je la trouve parfaite, moi. » conclut-il. Oui. Voilà. Emmeline était parfaite, selon Emilien. D’accord son jugement était peut-être faussé parce qu’il avait appris à la connaitre, qu’il dormait chaque soir et se réveillait chaque matin à ses côtés.