Emilien hésitait. Il hésitait à pousser cette porte qui se trouvait en face de lui et qui lui faisait obstacle. Il n’était même pas en tenue de sport, c’était un peu bête d’entrer dans un endroit pareil sans une tenue adéquat ? Avec son petit polo et son jean, il faisait un peu tâche. Surtout si de grands sportifs se trouvaient à l’intérieur. Il se doutait qu’il n’y avait pas des Bolt, des Phelps, des Wilkinson et j’en passe au sein du nid. Il n’avait donc pas à complexer. Puis, il avait vu entrer Emmeline. Oui, Emmeline était entrée là. Il l’avait vu pénétrer dans les lieux, une serviette sur les épaules. C’était étrange. Parce que jamais il ne l’avait imaginé avoir une âme de sportive. Peut-être qu’elle n’était pas venue ici pour cela. Pour faire cela. Pour faire du sport. Il prit une grande inspiration, puis poussa alors enfin la porte. Il grimaça légèrement lorsqu’il découvrit tous ces appareils de torture qui se dévoilaient peu à peu sous ses yeux, à présent. Il avait déjà mal, rien que de voir toutes ces machines. Il entra et fit quelques pas. Entendant alors une musique. Pas des moins connues. Il chercha alors Emmeline du regard. Elle avait peut-être mis de la musique pour l’accompagner dans son effort. Ses yeux azurés se dérobèrent sur la silhouette de sa partenaire qui était allongée sur le sol. C’était étrange, cela aussi. Si elle voulait s’allonger, elle aurait pu aller dans leur lit ? C’était déjà plus confortable que ces tapis de sol. Sans un mot, Emilien s’approcha d’elle. Il ne voulait pas la déranger. Il ne voulait pas la surprendre. Lorsqu’il arriva à sa hauteur, il vint s’allonger à ses côtés. Silencieux. Sans un mot, toujours. A quoi bon parler pour parasiter la musique qui émanait du poste ? Allongé à côté d’elle, il se saisit de sa main. Comme pour lui signaler sa présence, même s’il se doutait bien qu’elle l’avait vu. Ce petit geste était naturel, chez Emilien. Il tourna sa tête vers elle, esquissant un petit sourire. « Tu n’aurais pas préféré t’allonger sur le lit ? » lui demanda-t-il dans un petit murmure. Non, parce que vraiment… Ce n’était pas confortable. Ca ne faisait que quelques secondes qu’il était là, mais il constatait déjà l’inconfort du lieu.

Il lui avait demandé cela comme ça. Peut-être pour marquer sa présence, même si Emmeline l’avait déjà vu depuis quelques minutes. Leur matelas était plus confortable que ce tapis de sol. Ils allaient avoir mal au dos. Emilien avait déjà mal, rien de d’y penser. Il ne put s’empêcher de grimacer discrètement d’ailleurs, à cette pensée. Et Emmeline ne perdit pas de temps pour lui répondre. Elle trouvait cela trop banal. Trop banal de s’allonger sur leur lit. C’était peut-être banal, comme elle lui avait dit, mais lui trouvait cela légèrement plus confortable. Puis si elle avait décidé de venir ici, c’était parce qu’elle en avait envie, parce qu’elle l’avait décidé. Personne n’avait obligé Emilien de venir, ici, après tout. Il aurait très bien pu passer devant cette porte, sans même oser la pousser. Oui, mais c’était plus fort que lui. Il aimait bien la compagnie d’Emmeline. Cette dernière vint d’ailleurs se serrer contre lui, pour s’adonner à un câlin. Un léger sourire se dessina alors sur les lèvres du suisse. Cette fois-ci, ce n’était pas lui qui venait lui quémander un énième câlin. Emilien était comme cela. Ce petit garçon qui avait besoin, perpétuellement, de montrer son affection pour les personnes qui l’entouraient. C’était sa façon à lui de lui montrer qu’il l’aimait. Qu’il l’aimait beaucoup. Puis, qui n’aimait pas les câlins, sérieusement ? « C'est pas bien, il faut que j'arrête de te faire des câlins à chaque fois, sinon, je vais finir par devenir dépendante et je te lâcherais plus et bref, tu préfères sans doute éviter ça aussi. ». Emilien fronça légèrement les sourcils lorsqu’elle lui dit que ce n’était pas bien. Pourquoi elle disait cela ? Evidemment que c’était bien. C’était une bonne chose, non ? Elle montrait son affection pour lui. Enfin, Emilien voyait cela comme ça. Peut-être devait-il se tromper. « Moi, je les aime bien nos câlins. ». Oui. Lui, il les aimait et il ne voulait pas que ça s’arrête. Qui voudrait lui faire des câlins si Emmeline ne voulait plus, après ça ? Personne. « Puis… On ne fait rien de mal. ». Ils ne s’adonnaient qu’à quelques câlins. Il n’y avait rien de mal dans ce geste d’affection devenu une routine chez eux. Après tout, ils n’étaient qu’amis.

Ils ne faisaient rien de mal, à se faire des câlins. A montrer leur affection bien trop grande. En quoi faire des câlins était-ce quelque chose de mal, maintenant ? N’importe quoi. Puis il l’appréciait vraiment (trop) Emmeline pour qu’ils arrêtent de s’adonner à quelques embrassades. Il y avait pris goût. Il espérait qu’elle penserait comme lui. Un sourire timide se dessina sur les lèvres du suisse. Il venait de marquer un point. Un point, c’était déjà mieux que rien. « Et les autres peuvent bien penser ce qu’ils veulent ! » lâcha-t-il. Oui, les autres pouvaient bien penser ce qu’ils veulent. Au sujet de leur forte complicité, de leur grande amitié, de leurs câlins à répétition. Ca devait en faire parler certains. Il devait bien il y avoir quelques fouines, quelques vipères, quelques harpies dans le coin. Il s’en fichait des dires des autres. Le regard des autres ne les importunait guère. Il tourna sa tête en direction d’Emmeline, un petit sourire au bout des lèvres. Elle lui demanda alors s’il voulait écouter quelque chose en particulier. Petit haussement des épaules. Là, à cet instant précis, il n’avait pas vraiment de volonté particulière. En plus, elle se dévouait pour changer le cd. « Non, pas vraiment… mais tu peux mettre un album d’un artiste que tu affectionnes, si tu veux ». Oui, voilà. Elle pouvait mettre de la musique d’un chanteur ou d’un groupe qu’elle appréciait beaucoup. Après tout, au fond, Emilien ne savait pas beaucoup de chose sur elle. Il ignorait presque si le matin elle était plutôt thé ou café. Il y avait plein de détails qu’il ne savait pas sur elle. C’était une façon d’en savoir un peu plus sur elle. Enfin… tant que ce n’était pas de la musique purement commerciale dont toutes les jeunes adolescentes en étaient friandes, ça allait. Elle devait, quand même, avoir plus de goût que cela, Emmeline. Autrement, il tâcherait de parfaire sa culture musicale.

Ils étaient complices, ils s’appréciaient beaucoup, ils s’adoraient. Peut-être un peu trop, ou pas assez. A vrai dire, Emilien ne savait pas trop. Il se fichait un petit peu de ce détail, il ne comptait pas se priver de cette forte amitié avec Emmeline. Et qu’importe ce que les autres pouvaient bien penser de cela. Il n’allait tout de même pas se priver d’une amitié construite en quelques semaines. Oh ça non. Le sourire du jeune suisse s’élargit lorsqu’il comprit qu’Emmeline pensait comme lui. Qu’elle aussi se fichait des regards des autres. Leur début de conversation fut alors bercé par la musique. Une musique d’Emmeline avait choisi d’écouter, bien avant qu’Emilien vienne s’incruster. S’incruster, oui. Après tout, personne ne lui avait demandé de venir ici, et de rejoindre sa partenaire adorée. Personne. Elle lui demanda s’il voulait écouter quelque chose en particulier. A vrai dire, sur le moment, il ne savait pas vraiment quoi lui répondre. Un peu comme toujours. Pour changer, allez-vous dire ironiquement. Il préféra donc qu’Emmeline choisisse. Au moins, elle écoutera quelque chose qu’elle affectionnerait. Après quelques secondes de silence, elle vint furtivement déposer un baiser sur sa joue et se releva aussitôt. Le jeune garçon se redressa donc, s’asseyant confortablement sur le tapis de sol. Il observa attentivement chacun des gestes effectués par Emmeline. Chacun de ses gestes dégageaient un certain suspense. Qu’allait-elle bien mettre ? Des Beatles ? Du Aretha Franklin ? Du Bon Iver ? Du… En fait, il n’en avait aucune idée. Elle allait mettre ce dont elle avait envie, et ce qu’elle avait envie. Et rapidement une mélodie un peu forte émana des enceintes de la chaine hifi. Emilien écarquilla les yeux légèrement, avant de cligner des paupières. D’accord… du Nirvana. Il n’avait rien contre ce groupe. Ca ne correspondait juste pas à son univers musical. Oh. Puis il n’allait pas commencer à critiquer. Il avait décidé que ce serait elle qui choisirait. Un rire s’échappa de sa bouche lorsqu’il vit Emmeline bougeait… un peu n’importe comment, il fallait avouer. Enfin, peut-être était-ce une tentative d’air guitar. Enfin cela, Emilien n’en était pas très sûr. « Rassure-moi… lança-t-il alors. Tu n’vas pas te mettre à chanter, hein ? Je dois déjà fermer les yeux, si en plus je devrais me boucher les oreilles… » lança-t-il alors un brin taquin.

En soi, il n’était guère étonné par l’attitude de sa partenaire. C’était Emmeline après tout. Il avait bien compris qu’elle avait un petit côté déluré, ce petit côté qu’il appréciait bien et qui contrastait avec son tempérament calme. Il l’aimait bien Emmeline. Evidemment, il ne put s’empêcher de la taquiner. En rien, ses dires n’étaient à prendre comme un affreux affront. Il ne fallait pas le prendre au sérieux, le petit Emilien. Il s’amusait juste avec ses quelques mots. Il s’arrêta aussitôt de rire lorsqu’Emmeline prit la parole. Elle devait exagérer un peu, quand même. La poignarder dans le dos. Où allait-elle chercher cela ? Puis c’était quoi son idée là ? De chanter dès qu’elle sera avec lui juste pour lui prouver qu’elle savait chanter ? Il écarquilla les yeux, avant de cligner des paupières… Non, elle n’était pas sérieuse. Elle devait se moquer de lui, n’est-ce pas ? « Tu plaisantes, hein ? » lâcha-t-il, comme pour qu’elle le rassure. Qu’elle le rassure un tout petit peu. Oh oui, elle plaisantait. De toute façon, il était persuadé qu’elle ne tiendrait pas une journée. Elle en aurait tellement marre de gazouiller comme un petit oiseau à chaque moment où elle le croisera pendant la semaine, et au réveil. « De toute façon, je suis certain que tu ne tiendras pas plus d’une journée ! » lui confia-t-il. Elle s’ennuiera vite de chanter, tout et n’importe quoi. Oui, d’ailleurs si elle comptait vraiment tenir ses paroles, qu’allait-elle pouvoir lui chanter ? Enfin il espérait vraiment qu’il ait raison… juste pour ses oreilles. Pour la tranquillité de ses oreilles, voyez-vous. Non pas qu’il ose prétendre qu’Emmeline chantait vraiment mal. A vrai dire, jamais il ne l’avait entendu chanter. Et s’il avait dit ça au tout début, il avait juste dit cela pour la taquiner. Voilà tout.