Mado était quelqu'un d'extrêmement maladroit. Le problème, c'est qu'elle n'assumait justement pas cette maladresse. La plupart du temps, elle préférait la faire passer pour de l’agressivité, pour du je-m'en-foutisme pur et dur, pour un simple désir d'embarrasser autrui ... Alors qu'en fait, elle vivait relativement mal de ne pas tout savoir, de ne pas tout comprendre. Elle était comme ça. Elle se posait quatre-mille questions à la minute, s'interrogeait sur tout et sur tout le monde et déplorait le fait de n'avoir pas un ordinateur à la place du cerveau et ainsi de ne pas pouvoir obtenir rapidement les réponses aux questions qu'elle se posait. Tout ça la faisait passer pour quelqu'un d'incroyablement curieux, et il est vrai qu'elle l'était. Mais elle n'en était pas pour autant mal intentionnée. Non, ça n'était que trop rare. Car s'il est vrai qu'elle estimait parfois nécessaire de s'en prendre à quelqu'un - pour une raison qu'elle jugeait véritablement justifiée - elle n'avait quasiment jamais l'intention de gêner ou de blesser. En laissant de coté sa dernière conversation avec Everleigh, il était nécessaire de voir celle-ci comme l'exemple même de la conversation qui avait tendance à un tantinet l'embarrasser, à lui faire progressivement perdre ses moyens. Elle avait bien compris, à entendre parler sa camarade, que les rapports de celle-ci avec Fitz n'étaient plus exactement les mêmes et qu'elle n'y était pas pour rien. Pour autant, était-elle véritablement censée avoir mauvaise conscience ? Elle l'avait, un peu, c'est vrai. Mais elle n'estimait pas pour autant devoir se reprocher mille et unes choses. Simplement, elle se sentait un peu impuissante face à tout ça. Alors oui, sans trop savoir pourquoi, et en prenant le risque de passer pour une provocatrice, elle osa demander à Everleigh si elle pouvait faire quelque chose pour elle, pour eux. Elle n'avait pas la prétention de penser qu'elle pourrait leur être utile, mais soit, ça n'était qu'une proposition. Et là, ça passerait ou ça casserait. Parce qu'Everleigh pourrait se braquer, ça n'était pas exclu. Sauf qu'elle se contenta de refuser poliment, ce qui eut le don de soulager Mado, il est vrai. « Oui, je comprends, excuse-moi. » Parce qu'elle se sentait un peu bête et qu'il serait vraiment temps qu'elle arrête de se mêler des affaires des autres. Avec sa jalousie à la con, elle avait fait suffisamment de dégâts non ? Bon, tout n'était pas nécessairement déplaisant comme tournure de choses, mais tout de même, elle avait un peu merdé. Mado espérait en tout cas que les choses s'arrangeraient entre Everleigh, Myles et Harlow. Elle osait espérer, pour eux, que ça finirait par s'arranger, que le temps les y aiderait notamment. Ce n'était pas la fin du monde, sans doute. Même si bon, elle se mettait à la place d'Everleigh et savait qu'en tant que jalouse impulsive, elle n'aurait pas mieux réagi. C'aurait même été pire, m'enfin, là n'était pas la question. Mado se risqua par la suite à lui parler d'Harlow, du jour où elle l'avait trouvé dans la cuisine et où elle n'avait pas manqué de s'inquiéter pour elle. Elle lui passait la plupart des détails, estimant simplement que c'était de son devoir d'amie que de l'informer de ce que Sydney, dans ses souvenirs, n'avait pas rapporté. Elle ne voulait pas l'affoler, ni la culpabiliser, elle était simplement un peu plus maladroite à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche. Oui, voilà. Mais ça partait d'un bonne intention, elle espérait qu'Everleigh s'en rendrait compte. « On ne peut pas tout te mettre sur le dos. Tu n'as pas toujours été là pour elle, d'accord, mais le principal c'est que tu sois aujourd'hui disposée à lui venir en aide. » Mado, par exemple, n'avait jamais tellement pu compter sur sa mère, qu'elle ait été présente ou non, et ne se faisait tout simplement plus d'illusions à ce jour. « Elle ne réalise pas la chance qu'elle a de t'avoir à ce jour » souffla-t-elle, sincèrement. Peut être était-ce un problème de confiance, ou bien de fierté, mais Harlow se fourvoyait, elle avait besoin d'Everleigh, c'était une évidence.