Cette semaine était beaucoup plus intéressante à mes yeux que la précédente, je n’étais plus malade, la grippe ? Envolée avec le traitement que j’avais poursuivi jusqu’au bout pour être plus ou moins certaine de ne plus jamais avoir à me frotter aux symptômes dans cette émission. Ce qui était certain c’est que je n’allais pas m’autoriser à aller dans la neige de sitôt, pas pour être de nouveau malade comme un chien en tout cas. Le seul point négatif qui agissait comme un nuage installé devant le soleil pour des jeunes femmes bronzant sur la plage c’était le départ de Nadan, éliminé lors du prime de dimanche. J’étais vraiment très triste parce que nous nous étions rapprochés ces dernières semaines à un point que son absence avait une réelle incidence sur mes journées, il n’était pas rare que je vienne le voir quelques heures pour rigoler lorsque je m’ennuyais et parfois même pour danser puisqu’il avait lui aussi des aptitudes en danse, j’étais déboussolée dans l’un des piliers de mon aventure et j’allais donc avoir besoin d’un peu de temps pour me remettre de ce départ. Ne me laissant pour autant pas abattre je m’étais préparée une nouvelle activité, une journée sportive pour ne pas prendre de poids après ce que j’avais mangé ce week-end. Ma bouteille d’eau à la main, vêtue d’un short très court moulant et d’un débardeur tout aussi moulant de sport je débarquais dans la salle de sport, Emilien était déjà présent, je lui souriais approchant tranquillement. « Tu es venu faire un peu de sport ou découvrir les lieux ? » Lui demandais-je amusée, nous ne nous étions jamais retrouvés ici tous les deux jusqu’à maintenant après tout.

Emilien était à la recherche d’un endroit où il était certain qu’il serait tranquille. Après tout, le chalet commençait à se dépeupler petit à petit. Il avait donc plus de chance de se retrouver seul dans un tel ou tel lieu. Se retrouver seul. Pour méditer. Pour réfléchir. Pour tenter de faire le point. De faire juste une mise au point. Sur lui. Sur tout ce qu’il avait vécu jusqu’à présent dans cette aventure. A croire que c’était l’heure des inventaires. Un inventaire avant l’heure. A vrai dire, de nombreuses choses semblaient lui échapper ici. Il y avait trop de chose qu’il se comprenait pas. Il ne se comprenait pas, tout simplement. Peut-être était-ce parce que durant des années il avait la jolie marionnette articulée de ses frères, qui l’avait modelé de telle ou telle manière de façon à plaire. Emilien ne s’était jamais retrouvé seul, seul sans l’aide de ses frères. Et tout ce qui lui arrivait ici ne faisait que réveiller son talon d’Achille. Il venait donc de se poser dans la salle de sport. Vue l’heure, aucun âme de sportif ne viendrait l’embêter ici. Qui viendrait faire du sport à cette heure-ci vraiment ? C’était l’heure de la sieste, pour certains. Pour d’autres, certainement l’heure des engueulades. Ou l’heure de que sais-je. Le jeune homme perdu dans cet amas de pensée sursauta lorsqu’une voix retentit derrière lui. Il n’avait même pas entendu la porte s’ouvrir. Son regard balaya de bas en haut la jeune femme qui venait d’entrer. Ses yeux se stoppèrent sur le visage d’Alecia. « J’étais venu pour… » dit-il, laissant sa voix en suspend. Et son regard azuré se concentra à présent sur le tapis de sol sur lequel il se trouvait. « Pour rien » reprit-il, en haussant les épaules. Oui, voilà, il était venu pour rien. Cette réponse était simple, et facile. Et cela correspondait parfaitement à ce qu’un Emilien pourrait répondre en temps normal. De toute façon, il était facile de deviner qu’il n’était pas venu pour faire du… sport. Du quoi ? s-p-o-r-t ? Alecia se doutait bien qu’il n’était pas là pour cela. Premier indice (et pas des moindres), il n’était pas vraiment en tenue pour s’adonner à une telle activité. Peut-être que son tee-shirt pouvait laisser penser cela, mais son jean non. Second indice, il n’avait pas le physique d’un grand sportif. Troisième indice… Les deux premiers indices vous suffisent amplement pour comprendre qu’Emilien n’avait rien à faire ici. « Je n’ai rien à faire là, d’ailleurs je crois… J’vais te laisser. ».

Je ne savais pas encore si j’allais uniquement m’offrir une séance d’abdos fessiers et pompes pour me remettre tranquillement dans le bain ou si j’allais aller jusqu’au bout en soulevant un peu de fonte et en tapant sur ce bon vieux punchingball pour développer mes réflexes au mieux, au niveau des coups de poing je n’avais pas vraiment besoin d’un entrainement, d’après les quelques personnes qui avaient été trop loin pour que je puisse me retenir de leur en mettre un dans la gueule je ne tapais pas si mal que ça, surtout pour une fille. D’ailleurs pour la petite anecdote il m’était arrivé récemment de mettre un coup à un homme baraqué qui me barrait la route sur une intervention, c’est lui qui avait frappé à mort un enfant et je peux vous dire qu’énervée comme je l’étais et affectée par l’état critique de l’enfant il n’avait pas eu sommeil, il avait fini allongé en un simple coup et mes collègues pompiers avaient tous été très fiers de moi, c’était grâce à eux que je frappais comme ça maintenant, beaucoup d’heures sans avoir le moindre accident ça vous forge une personnalité je peux vous le promettre, à la caserne nous nous occupions comme nous le pouvions dans cette situation et le sport était la meilleure solution. Les deux trois mecs avec qui je trainais le plus à la caserne m’avaient donc appris à bien me battre après avoir vu à quel point j’étais mauvaise au départ, je les remerciais à présent pour leurs taquineries à répétition, j’en ressortais meilleure. Revenons-en à nos moutons, Emilien se trouvait lui aussi dans la salle de sport, je lui avais donc demandé si il était là pour s’entrainer ne l’ayant jamais croisé dans le coin jusqu’à maintenant. « J’étais venu pour… » Il hésitait, est-ce qu’il n’osait pas m’avouer qu’il ne comptait pas faire de sport ? Peu importe, je le taquinais mais au fond je m’en fichais. « Pour rien » Je le regardais de haut en bas, il pensait vraiment s’en sortir comme ça ? Aussi facilement ? « Vraiment ? Pour rien ? » Demandais-je amusée et à la fois exaspérée, il n’allait pas me la faire à moi tout de même. « Je n’ai rien à faire là, d’ailleurs je crois… J’vais te laisser. » Mauvaise idée, je ne voulais pas qu’il parte, voilà deux semaines quasiment que nous ne nous étions pas vraiment reparlés. « Est-ce que c’est le fait que nous nous soyons embrassés plusieurs fois l’autre fois qui te gêne ? »

Il fallait croire que la salle de sport n’était pas le meilleur endroit pour s’adonner à une petite séance de méditation. Enfin. Ca l’était avant qu’Alecia fasse son entrée dans la pièce. Evidemment, elle ne put lui faire une remarque sur sa présence ici. Il était conscient que cela devait être surprenant de voir un garçon pareil dans une salle de sport. C’était un peu comme mettre un pingouin avec les éléphants dans un zoo, il n’avait pas sa place. Elle lui avait donc demandé ce qu’il faisait là. Sûrement par curiosité, et non pour se moquer de lui. Alecia ne devait pas être ce genre de personne qui pouvait se moquer facilement des autres. Alors, Emilien préféra tout simplement qu’il était venu là pour… rien. Pour rien, oui voilà. Puis en soi, c’était un peu vrai. Il n’était pas venu pour faire du sport, pour tenter de s’affuter, ou bien s’adonner à quelques pas de danse. Il était venu là pour rien, donc. Mais cette réponse ne semblait pas convenir à Alecia. A croire qu’elle ne le croyait pas. « Bah oui, pour rien… » siffla-t-il alors. Il n’était même pas en tenue, elle pouvait donc bien s’imaginer qu’il était là pour rien justement. Emilien décréta donc qu’il n’avait pas sa place ici. Il n’avait pas tort, au fond. Etonnant donné qu’il n’avait rien à faire dans cette salle de sport, autant qu’il parte. Qu’il aille faire une activité qui était… plus adaptée à lui. Comme par exemple lire, ou jouer un peu de piano, ou flâner au soleil. C’était sûrement la meilleure décision qu’il eut pu prendre. Il s’apprêtait donc de partir au moment où Alecia prit la parole. Elle lui demandait alors si c’était le fait qu’ils se soient embrassés l’autre fois qui le gênait. Le jeune suisse tourna les talons, et lança un regard à la jeune femme. Il fronça un instant les sourcils, avant de secouer la tête de droite à gauche. « Non. Et je n’comprends même pas pourquoi tu remets ça sur le tapis. ». Oui. Pourquoi elle lui parlait de cela, maintenant ? Peut-être parce qu’ils n’avaient pas eu le temps d’en parler avant, certes. Mais en rien le fait qu’ils se soient embrassés le gênait. C’était juste… des baises de toute façon. Des baisers sans sous-entendus.

Je ne connaissais pas complètement Emilien certes, peut-être même que je pouvais encore être surprise par lui dans certaines situations mais j’étais à peu près certaine à quatre-vingt pourcent qu’il ne faisait pas de sport très régulièrement, certes il avait tout de même une certaine musculature mais je peinais à l’imaginer en tenue de sport dès les premières heures de la journée pour s’entrainer, non et à le voir ici avec la même tête que tirait un gosse lorsqu’on venait de le prendre la main dans le sac j’étais certaine qu’il ne se préparait pas à soulever des poids ou même à courir sur l’un des tapis roulant. A vrai dire je me demandais ce qu’il faisait ici mais je n’étais aucunement dérangée par sa présence, au contraire, je l’appréciais et voilà quasiment deux semaines que nous ne nous étions pas reparlés, pas énormément depuis que nous nous étions embrassés goulument après avoir englouti une bouteille de vodka. J’en gardais un souvenir plutôt agréable, le garçon embrassait très bien mais ce n’est pas pour autant que je souhaitais recommencer l’expérience. A le voir tenter de s’échapper au plus vite je tirais très rapidement des conclusions, surement trop vite d’ailleurs en lui demandant si c’était le fait que nous nous soyons embrassés qui le mettait mal à l’aise, il me regardait surpris que j’aborde le sujet maintenant. « Non. Et je n’comprends même pas pourquoi tu remets ça sur le tapis. » Peut-être que je prenais plus sévèrement ses paroles que ce qu’il ne voulait me faire entendre mais je me sentais comme agressée, comme s’il m’en voulait d’en reparler. « Bah je ne sais pas moi, tu pourrais être gêné vis-à-vis de notre différence d’âge ou je ne sais quoi dans le genre, ça pourrait être compréhensible hein ! »

Alecia venait d’entrer dans la pièce, il n’allait pas rester là, à la regarder en train de faire … du sport. Ce serait du quasi-voyeurisme. Oui, ce serait du voyeurisme, surtout quand on regardait la tenue assez découverte de la jeune femme. Encore, ce serait un match de basket, ou de football, ou de n’importe quel autre sport d’équipe entre plusieurs candidats, il aurait peut-être resté. Puis, il était presque persuadé qu’Alecia serait capable de lui faire faire n’importe quoi. Des pompes, des séries d’abdos, et tout un tas d’exercices de gainage. Exercices qui ressemblaient plus à de la torture, à vrai dire. Elle était capable de lui faire cela, elle était capable de le tuer (non, nous n’exagérons rien.). Alors, il était préférable qu’il s’en aille. Ce serait ce qu’il aurait de mieux à faire s’il ne voulait pas finir les bras cassés, ou dans un fauteuil roulant. Exagération : zéro, évidemment. Puis, à l’origine, il était venu là pour se retrouver seul. Tout seul. Donc son plan ne fonctionnait plus. C’est alors qu’Alecia lui parla de ce baiser. Ou plutôt, de ces baisers. De ces baisers qu’ils s’étaient échangés, il y a de cela deux semaines. Emilien ne pouvait pas dire qu’il en gardait un très mauvais souvenir. Au contraire. Enfin, à l’exception de la bouteille de vodka qu’il regrettait éperdument. Après ce jour-là, il s’était d’ailleurs promis de ne plus jamais boire. Plus jamais ! Plus jamais ça. Puis pourquoi elle venait à lui dire cela ? A soumettre l’hypothèse qu’il serait gêné. Gêné par cela. Il ne l’était pas. « Du tout… écoute, je ne regrette pas de t’avoir embrassé. La seule chose que je pourrai regretter, c’est ce que j’ai pu te dire. Et je tiens d’ailleurs à m’excuser pour cela. ». Comme par exemple le fait qu’elle lui ait donné mal à la tête, lui rejetant la faute. La provoquant alors à l’embrasser une nouvelle fois. Evidemment, il s’excuser de cela. En temps normal, jamais il n’aurait dit quelque chose du genre. « Pourquoi tu penses que ça me gênerait ? Ce n’était que des baisers après tout, rien de plus. ».