Cette conversation avait tout de banal, en soi. De brèves présentations, de futiles interrogations au sujet de la destination de ce train et quelques confidences sans intérêt sur leur partenaire respective. Oui, cette conversation n’avait rien d’intéressant. Tout le monde devait parler de chose comme cela, cette semaine-ci. Ainsi, Sully s’entendait bien avec sa partenaire. Tout comme Valeri, à vrai dire. Qui lui, jugeait s’entendre trop bien. Ce détail éveilla la curiosité de son compagnon de fortune. En effet, ce dernier l’interrogea sur la nature de ses relations. Relation conflictuelle ? Non. Après un peu temps de réflexion, Valeri avait enfin osé prononcer quelque chose. Un simple non s’était échappé de sa bouche. Non. Evidemment, ce n’était pas cela la nature de ses relations… elles étaient bien plus compliquées que cela, ses relations. Si compliquées qu’il n’arrivait pas à les dénommer. Sûrement que Sully allait lui poser d’autres questions à ce sujet… afin d’en savoir plus. Beaucoup plus sur lui. Il lui lança alors un petit regard méfiant, tant dit qu’il venait de reprendre la parole. Qu’allait-il dire ? Il trouvait donc cela bien. Que c’était bien de s’entendre bien avec quelqu’un, et surtout lorsque cette dite personne était sa partenaire. Cette relation qu’ils entretenaient avec elle était particulière, basée sur une certaine confiance. Sur un excès de confiance, certainement. Alors ce serait certainement dommage de ternir ce tableau relationnel par des querelles enfantines et des conflits qui n’ont pas lieu d’être. Valeri se jugeait chanceuse de bien s’entendre avec elle, et surtout de ne pas s’en plaindre. Peut-être que d’autres trouveraient leur partenaire chiant, ennuyant, con, débile, stupide, impoli, ingrat, sal, mal éduqué, moche, laid, méchant, sans cœur, trop coincé, trop timide, trop nunuche, trop … tout. Et cette liste non-exhaustive pouvait se continuait ainsi pendant de nombreuses lignes. Alors, oui. Il n’allait pas s’en plaindre. Vient alors une question de Sully qui le surprit, et surtout l’amusa. Interrogation qu’il répondit par la négation. Evidemment que ça ne le dérangeait pas de dormir avec une personne qu’il ne connaissait depuis à peine quelques heures. N’allez pas non plus croire que Valeri était un adepte de ces relations éphémères, de ces relations que l’on nomme si joliment relation d’un soir. Le biélorusse en déduit alors que ça dérangeait Sully d’avoir à dormir avec sa partenaire, et que ça le gênait très certainement. Le jeune garçon émit l’hypothèse que la partenaire de Sully dormait nue, ce qui pourrait expliquer sa gêne. Il est évident que ce détail ne dérangerait pas Valeri si Jaileen dormait dévêtit de ses habits de nuit. Un léger sourire amusé se dessina alors sur les lèvres du biélorusse. Il lui lança un petit regard espiègle, attendant avec hâte sa réponse. Non, répéta-t-il alors. Non. Elle ne dormait pas nue. Si ça avait été le cas, il n’aurait pas partagé le lit avec cette jeune fille. Valeri fronça légèrement les sourcils, un peu surpris. Il lui expliquait donc les raisons de cette gêne. Dormir avec une tierce personne était une preuve importante d’intimité, un truc symbolique, riche de sens… à vrai dire, Valeri ne l’écoutait pas vraiment, tant ses paroles étaient si… si ennuyeuses. Il avait déjà entendu ce discours, de la bouche de femmes bien plus âgés. Ce qu’il était vieux jeu, ringard quand même. Valeri se mordait les lèvres, afin d’éviter de pouffer silencieusement de rire. Il se contenta d’un hochement de tête lorsqu’il eut fini de parler. Ce dernier l’autorisait même à en rire un peu. Valeri n’avait sûrement pas besoin de cela pour rire. Mais, il se contenta de dessiner un large sourire. L’un de ces sourires qui lui découvrait ses dents blanches et creusait légèrement l’une de ses fossettes. « Hé, mais… tu t’entends parler ? » souffla-t-il un peu perplexe. Evidemment, cette question était bête, mais c’était surtout pour lui faire comprendre qu’il était vraiment has-been au plus haut point. Qui pensait encore comme ça, à notre époque ? Personne. « Et… et, t’es du genre à attendre le mariage, toi, non ? » reprit-il, avant de rire doucement. Après quelques doux éclats de rire, il se tut avant de s’excuser. « Pardon… » murmura-t-il.

Les paroles dictées par Sully amusèrent vivement les oreilles de Valeri, qui ne pouvait se contenir de sourire à chaque mot prononcé. Et en une fraction de seconde, il avait l’impression d’avoir fait la rencontre de son opposé. Il y avait Sully, puis beaucoup plus loin, mais vraiment-vraiment beaucoup plus loin, Valeri et ses convictions bien particulières. Non, mais il s’entendait parler, quand même ? Valeri le trouvait… ennuyeux, très ennuyeux. Il fronça alors les sourcils lorsqu’il lui demanda s’il trouvait ça absurde d’avoir ce genre de principe. Des principes ? Il était clair que Valeri n’en avait pas vraiment, et encore moins des principes pompeux et niaiseux. En avait-il au moins des principes ? C’était plutôt la question à poser, à se poser, à lui poser. Non. Clairement non, il n’en avait pas. Ou tout du moins, pas à sa connaissance. Tous ces trucs niaiseux le dépassaient. Il se contenta alors de dessiner une petite moue sur son visage quelque peu juvénile. Il vint alors l’interroger sur le mariage. A vrai dire, il faisait plus cela pour rire de lui, se moquer gentiment de lui… on appelle cela : taquiner. Oui, on pouvait donc croire cela. On pouvait croire que Valeri ne faisait que de le taquiner. Après tout, il n’était pas venu là pour se faire un ennemi, ou se faire détester, tout du moins… pas au cours de cette première semaine. Clairement non. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Le mariage. Ca n’avait aucun sens aux yeux du jeune biélorusse. Mariage, vouloir se passer la corde au cou… c’est un peu du suicide. Un suicide relationnel. Ça devait être donc ça un mariage, un suicide relationnel. On est bien loin des jolis portraits que l’on veut nous faire croire. Il se disait donc un peu vieux jeu. Si ce n’était qu’un peu… il l’était atrocement. Valeri ne l’écoutait que d’une oreille songeuse. Il avait l’impression d’écouter l’un de ses vieux qui lui louait les bienfaits du mariage, et de la vie en couple. La vie conjucalme, trop peu pour lui. Jamais, il ne se mariera. Jamais, il ne s’entichera d’une fille. Jamais. Ce n’était pas nouveau. Ainsi, Sully disait être désireux de se marier. C’était important pour lui. Alors il y avait des gens qui rêvaient encore de ça ? De mariage ? Ça n’a rien de joyeux, un mariage pourtant… Enfin, ça l’est juste dans les films, ou les romans. Oui, c’est juste beau dans nos têtes, parce que la réalité est tout autre. Valeri ne pouvait pas s’empêcher de rire de ces paroles naïves. Pourtant Sully semblait bien convaincu par ses paroles, par ses propos. Quelques éclats de rires moqueurs et candides s’échappèrent furtivement entre les lèvres du jeune garçon, qui après quelques secondes, s’excusa. D’ailleurs, pourquoi s’excusait-il ? Ce n’était pas comme si ce garçon était son ami. Bah non. Sully reprit une nouvelle fois la parole. A sa remarque, Valeri haussa délicatement les épaules. Il devait avoir une piètre opinion des personnes comme lui. Ce fut la remarque qu’il venait de lui faire. Certainement, oui. Valeri posa ses coudes sur la table, avant de prendre un petit air solennel. « Donc toi, t’es l’un de ces ringards qui croit encore en l’amour ? » souffla-t-il, prenant alors un air un peu plus sérieux. Amour. Une chose à laquelle on avait accolé un nom, mais qui n’existe pas. Valeri n’y croyait pas. En l’amour, il n’y croyait pas. Il n’y avait jamais cru. En quoi croit-il à vrai dire ? Sûrement pas en grand-chose. A rien, peut-être en lui, et c’est tout. Oui, c’était déjà bien suffisant de croire en une chose.

Valeri n’avait jamais été ce garçon rempli de délicatesse et de douceur dans ses propos. Quand il avait quelque-chose à dire, à partager, il n’hésitait pas à en faire part. Alors oui, il venait de catégoriser Sully dans la case des ringards. Il n’avait aucune honte de le faire, ça l’amusait presque. Alors comme ça, il croyait vraiment en l’amour ? Vraiment ? Mais, il est au courant que ça n’existait pas ? Et que ça n’existera jamais. L’amour, ça ne se touche pas, ça ne se voit pas. L’amour est invisible, l’amour est inexistant. Les idées et convictions de Valeri était si simples à déceler. Sûrement parce qu’il se moquer de ce que Sully lui disait. Ce dernier avait d’ailleurs repris la parole. Il disait ne pas croire au mythe du « grand amour ». Valeri, devait-il accueillir cette nouvelle information les bras ouverts ? Il agita doucement la tête, avant de plisser petit à petit les yeux. Deux entités ne pouvaient pas s’aimer durablement, ni partager cette chose si individualiste que l’on appelait un quotidien. Non, ce n’était pas possible. Valeri, par exemple, ne pouvait pas aimer lui. Parce qu’il n’a pas de cœur tout simplement. Il en a un. Qui bat, bien trop lentement que la normale certes et qui le lâchera un jour, tôt ou tard. Mais une boîte imaginaire remplie de sentiments, il n’en avait pas. Oui, parce qu’un cœur, c’était cela : une boîte fictive où l’on accumulait tout un tas de sentiments. Valeri n’en avait pas. Il n’avait pas de boîte à sentiments. Il n’avait jamais aimé, et il n’aimera jamais. Le jeune biélorusse arqua un léger sourcil, à l’écoute de ces nouveaux mots dictés par cet homme qui se tenait en face de lui. Il évoqua une rencontre, celle de Valeri, qu’il fera un jour. Un jour, peut-être. Oui, rencontrer celle qui lui ferait changer d’avis sur ça, sur tout ça. Une fille qui lui ouvrirait peut-être les yeux, ou tout du loin, qui lèvera son voile d’ignorance et de mépris sur toutes ces choses. Car, oui. Valeri méprisait. Il méprisait Amour, et il n’avait nul honte de le faire. Parce qu’il était comme ça, Valeri. Un électron libre dans la galaxie nommée vie. Il était presque certain de ces propos, de ce qu’il venait de lui dire. Croyait-il vraiment en ses paroles ? En cette rencontre miraculeuse. Valeri, lui, ne croyait pas un mot de ce qu’il venait de lui dire. Les rencontres n’étaient pas faites pour vous faire changer, elles étaient juste là pour noyer votre solitude, pour ne pas que l’on se sente seul trop longtemps. Le biélorusse agita légèrement la tête de droite à gauche. Lui, il n’y croyait pas en tout cela. Ce n’était que des conneries. Oui, voilà. C’était des conneries. Il reporta son attention sur Sully, qui avait une nouvelle fois pris la parole. Encore une fois. Décidément, il ne faisait que de parler. Il soufflait quelques mots, lui souhaitant alors que ça lui arrive. Valeri lui lança un bref regard quelque peu perplexe, plissant légèrement les yeux. « Ca m’étonnerait que ce soit une chose que l’on me souhaiterait... » souffla-t-il, avant de se taire. Non, ce n’était pas vraiment pas cette chose qu’on lui souhaitait, en premier. A vrai dire, que pouvait-on souhaiter à un garçon comme Valeri, vous le savez, vous ? Parce que lui, il ne voit vraiment pas ce qu’on pourrait lui souhaiter.