Bien que cette pièce soit bien trop éclairée à ton goût - chose qui te donnait mal aux yeux - tu t'étais tout de même rendu dans le salon après ton petit déjeuné en solitaire. Tu n'aimais pas trop la compagnie des gens, et tu étais loin d'être bavard. Alors être seul t'allait plutôt bien, tu étais loin d'en être triste. Pourtant, une candidate semble avoir eu la même idée que toi. Elle est là, assise sur le canapé. Une brune. Tu ne connais pas son prénom, mais tu te demandes ce qu'elle fait levée aussi tôt. Toi, tu avais une bonne excuse, tu étais insomniaque, et tu avais besoin de dormir que 3 ou 4 heures par nuit, grand maximum. L'habitude de vivre toujours avec une mauvaise conscience, ou avait un sentiment de menace qui planait au dessus de ta tête. C'était sûrement pour cette raison que tu n'avais jamais réussi à dormir plus de 4 heures ces 8 dernières années. Bref. Tes sourcils se froncent. Et toi qui espérait être tranquille. « Les chambres sont de l'autre côté. » que tu dis un peu froidement. Au cas où elle se serait perdue, malgré le fait que ça fasse tout de même quelques jours que vous étiez ici. Ouais parce que bon, si elle pouvait dégager, ça serait bien.

Dormir, dormir, et pour quoi faire, vraiment ? Moi, je n’aime pas ça. On perd notre temps, c’est tout, et, c’est drôlement bête de passer des heures entières à ne rien faire. Ah, quelle horreur, juré, moi, j’aimerai ne pas dormir, jamais, jamais ! Oliver, il dort encore, lui, quand je me réveille, et même si j’aimerai beaucoup le réveiller, pour discuter, ou faire quelque chose, je me dis qu’il est peut-être tôt, pour lui, et qu’il est peut-être fatigué. Jamie, il n’aime pas, quand je le réveille. C’est peut-être pareil pour Oliver. C’est pour ça que je suis toute seule, moi. Je suis encore en pyjama, celui de Kat,il est un peu grand, je suis trop maigrichonne, c’est affreux, mais bon. Et je suis dans une pièce, un salon, oui, voilà. Et tout est calme, ici. Je n’aime pas ça. Quand tout est calme. C’est stressant, je trouve. Et je me mets à penser à Kat et à Jamie, je me demande ce qu’ils font, tiens. Et puis, je regarde la pièce, y’a un écran, il immense, ouah, ce qu’il est immense ! Jamie, il adorerait. Et y’a une caméra, y’a toujours une fichue caméra ici, c’est pénible, je n’aime pas ça, pas du tout, et maintenant, je n’arrive plus à détacher le regard de cette vilaine caméra. Jusqu’à ce que j’entende une voix, alors, là, j’arrête de la fixer, cette foutue machine, pour regarder la personne qui me parle. C’est plus poli, je crois, de regarder les gens. Il me dit où sont les chambres. Son ton, il est froid, il est sec, je n’aime pas ça. Je me demande si j’ai fait quelque chose de mal, si je l’ai vexé. Mais je ne crois pas qu’on s’est déjà vu, avant aujourd’hui, alors, je ne sais pas trop. Moi, je veux bien m’excuser, si j’ai fait quelque chose de mal, mais, je ne sais pas. Je tente un sourire, c’est mieux, de sourire, même si je ne suis pas à l’aise, parce que j’ai dû faire une bêtise, mais je ne sais pas quoi. « Je sais, mais moi, je veux plus dormir, j’aime pas ça. Toi aussi, t’aimes pas ça ? » je crois que beaucoup de candidats dorment encore, c’est pour ça, peut-être que lui aussi, il n’aime pas perdre son temps, voilà. Ou peut-être qu’il n’y arrive pas, je ne sais pas trop. Je ne sais pas comment l’aider, s’il n’y arrive pas. C’est dommage, je veux bien l’aider, moi.

« Je sais, mais moi, je veux plus dormir, j’aime pas ça. Toi aussi, t’aimes pas ça ? » Pourquoi est-ce que tu avais le pressentiment que tu étais tombée sur une de ces candidates beaucoup trop bavarde ? Sûrement parce que c'était le cas, bien qu'elle vienne seulement de te dire deux phrases, ça te paraissait déjà beaucoup trop. Tes sourcils se froncent. Si tu n'aimais pas dormir ? Dormir n'était pas quelque chose qu'on appréciait ou non, c'était un besoin vital pour le corps humain, tout simplement. Il n'y avait donc pas de réponse à sa question. Du moins, pas à ton humble avis. Et comme tu avais toujours raison... Voilà. Bref, elle avait pas l'air déterminée à dégager, alors tu n'allais pas insister. Tu n'avais pas la foi, pas maintenant. Tu te contentes donc de t'asseoir sur le canapé, à côté d'elle, mais pas trop près non plus. Tu tournes la tête pour la regarder quelques instants, les sourcils froncés. « Non, c'est juste que je peux pas dormir plus de 3 heures par nuit. » te contentes-tu de dire assez sèchement, comme si c'était évident. Peut-être était-ce cette fatigue que tu accumulais depuis des années et des années que tu étais constamment de mauvaise humeur. Sûrement. Mais tu ne pouvais rien changer à cela. Tu la scrutes un peu, puis tu reprends. « tu préférerais être un vampire, peut-être ? » et bien quoi ?

Il ne me répond pas, enfin, pas tout de suite, et il s’assoit sur le canapé. Il fronce les sourcils, encore. Je dois le déranger, je ne sais pas trop. Il me répond. Le même ton, aussi sec, je crois qu’il ne m’aime pas beaucoup, ce garçon. Il ne peut pas dormir plus de trois heures par nuit. C’est peu, je crois. Je ne sais pas trop la moyenne, moi, toutes ces choses, mais je dors plus que ça, j’en suis presque sûre. « Un vampire ? Non. Non, non, vraiment pas. Je veux pas mourir, moi, ah ça, je veux pas. Et puis, c’est pas bien, un vampire, ça fait du mal aux gens. » je crois bien. Je veux pas faire du mal aux gens, ça me plait pas trop, ça, vraiment pas, déjà que parfois, je le fais involontairement, ah, non. « Tu voudrais être un vampire toi ? Tu devrais essayer de dormir plus, je crois, aussi. » enfin, il ne peut pas, c’est vrai. Mais, je ne sais pas, moi, il essaye peut-être pas assez. « Enfin. T’es grognon. Comme un ours. » c’est ça, c’est un ours. Parfois, Jamie aussi, il est comme un ours. Quand il a bu, je crois. Mais je sais quoi faire, avec lui, parce que je le connais, mais avec cet ours-là, en face de moi, je ne sais pas trop ce que je dois faire, pour qu’il ne soit pas grognon comme ça. Je penche un peu la tête, je l’examine. Un ours, c’est ça. « Qu’est-ce que tu cherches, en venant ici, toi ? » en venant dans le jeu. C’est drôle quand même, qu’il soit grognon comme ça, ce garçon, il n’a pas l’air si heureux que ça, d’être dans ce jeu –là.

Et comme tu l’avais prédit, elle était bavarde. Beaucoup trop bavarde. Tu ne savais même pas qu’une personne pouvait déblatérer autant de choses en si peu de temps. Ca relevait de l’impossible. Tu la dévisages tout autant. C’était un spécimen que t’avais-là. « Si les gens nous font du mal, pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas leur faire du mal en retour ? » Cette question n’avait pas de réponse, car tu avais déjà une idée toute faite de la chose. C’était évident qu’on pouvait se permettre de faire du mal à ceux qui eux aussi osaient en faire. Quant à être un vampire, tu ne voulais pas vraiment continuer sur ce débat. Ca n’existait pas, les vampires. « Je sais pas trop. J’m’en fou un peu. » Bah ouais, qu’est-ce que ça changeait pour toi ? Un vampire ne dormait pas, et tu ne dormais pas non plus. Et puis, pourquoi te disait-elle qu’il fallait que tu dormes plus ? Tu la scrutes, les sourcils froncés. Un ours. Ah. Très bien. C’est vrai que quand on y réfléchissait bien, tu avais le caractère d’un ours. Mais ce n’était pas pour autant qu’elle pouvait se permettre de te le dire. « Tu sais que ça bouffe les gens comme toi, les ours ? » C’était une sorte de mini-menace, ouais. Même si tu ne pourrais pas vraiment la manger, techniquement. Elle n’avait presque pas de chair, en plus. Que des os. Alors ça ne pouvait pas être très gouteux, tout ça. « Je suis pas grognon. » dis-tu finalement aussi sèchement que d’habitude, comme pour t’en convaincre toi-même. Et la fille dont tu ne connais même pas encore le prénom se penche pour te regarder. Et, exprès pour la faire peur, tu grognes. Comme un ours, oui, tu grognes. Bon, certes, tu n’avais pas l’habitude d’émettre ce genre de bruits, mais il fallait bien que tu te défendes contre son regard. Même si tout ça était calculé. Quant à sa question, elle te fait froncer les sourcils. « Pourquoi ? » Voilà, la réponse à sa question était une question. Typiquement toi.

Il me pose une question, le garçon, et je le regarde, pendant quelques secondes, muette, c’est que je ne sais pas trop quoi lui répondre, et puis, elle est drôle, sa question, elle n’est pas habituelle. J’aimerai bien lui répondre, mais, vraiment, ça vient pas, là, les mots, ils sont engloutis quelque part. Parce que, ce n’est pas bien, de faire du mal aux autres, mais c’est maigre, ça, comme réponse, et il n’a pas l’air d’avoir envie de l’entendre, ma réponse, il faut dire. Ah, il s’en fout. Un peu. Il me dit que les ours mangent les gens comme moi. Comme moi, comment ça ? J’en sais rien. « Mais j’ai pas peur. » que je lui répond, d’une petite voix, quand même, mais en le regardant dans les yeux, là, droit dans les yeux, c’est vrai, j’ai pas peur, moi, j’ai pas peur. Les ours, je suis sûre qu'ils ne sont pas si dangereux. L’ours se met à grogner, un vrai grognement, presque comme un vrai ours, enfin, je suppose, je n’ai jamais vu d’ours, en vrai, mais il grogne, le garçon. Moi, j’éclate de rire, là, d’un coup, un rire cristallin. Il est drôle, l’ours. Drôle et grognon. Et il fronce encore les sourcils, face à ma question, je crois qu’elle ne lui plait pas. Je n’aurais peut-être pas dû la poser, elle ne lui convient pas, mince. « Pourquoi ? » je répète, sans saisir ce qu’il veut dire, sa réponse, elle est étrange, quand même, et puis, c’est même pas une véritable réponse, il triche, l’ours, vilain. « Tu cherches pourquoi ? Tu cherches… » je réfléchis, je trouve pas le bon mot, celui qui colle à ma phrase. « Tu cherches un sens à quelque chose ? Une raison ?» je ne sais pas, moi, j’essaye, je propose. « T’es triste ? » Jamie, quand il est grognon, c’est quand il a bu, et il est triste, quand il a bu, j’ai l’impression. Peut-être que c’est ça. Que le garçon, il est grognon, parce qu’il est triste.

Elle ne répond pas à ta question. Tant mieux, tu n’attendais pas de réponse, toi. Parce que tu savais que t’avais raison. T’as tout le temps raison. Et puis, la brunette certifie qu’elle n’a pas peur. Sérieusement ? Elle devrait. Elle devrait parce que tu es très dangereux comme type. Oui, oui. Enfin… Bref. Tu n’es pas dangereux avec les femmes, en fait. Tu soutiens son regard, et t’as bien l’impression qu’elle n’a pas froid aux yeux. Et ça te fait un peu chier. Tu ne souris pas, ton visage garde cette expression impassible. « T’as forcément peur. Mens pas. » Bah oui. Elle avait forcément peur de se faire manger, c’était normal. Et quand tu grognes, elle rigole. Elle rigole alors que c’était censé lui faire peur. Tu la dévisages, montrant bien que tu étais déçu de sa réaction. Mais qu’importe. A croire que tu étais un mauvais ours. Quant au reste, elle semble avoir du mal avec ce que tu venais dire. Tu venais simplement de lui demander pourquoi elle t’avait posé cette question. Elle se compliquait la vie pour rien, mademoiselle anonyme. Ton regard ne lâche pas le sien. Elle est beaucoup trop curieuse, la brunette. Et tu ne sais même pas pourquoi tu réponds. « J’ai… rien a cherché, non. » dis-tu d’un air détaché. Tout simplement parce que tu avais déjà tout perdu dans la vie. Hm. Et là, elle te pose une question encore plus étrange. Tes sourcils se froncent. Encore. T’auras de vilaines rides quand tu seras vieux, mais ça t’importe peu. Elle venait vraiment de te demander ça ? Oui, elle venait vraiment de le faire. Qu’est-ce que tu pouvais répondre à ça ? « Oui. » que tu dis tout simplement, impassible. « Arrête avec toutes ces questions. » reprends-tu plus froidement.

Il me regarde, droit dans les yeux, lui aussi, mais je ne bouge pas, moi, je ne bougerai pas, mes yeux, ils resteront figés, comme ça, braqués sur les siens, tant qu’il soutiendra mon regard, pour bien lui montrer, combien j’ai pas peur, moi. J’ai forcément peur, qu’il dit. Tiens, je fronce un peu les sourcils, moi aussi. C’est lui qui ment, c’est pas moi, il me connait pas. Nez retroussé, je me concentre, moi, à soutenir son regard, et je lui réponds, avec l’air le plus sûre de moi possible. « Juré, j’ai pas peur, moi, je mens pas. » c’est pas beau, de mentir, en plus, c’est mal, ça aussi. Il me dévisage un peu, quand je ris, et c’était pas pour me moquer de lui, juré, ah ça, je me permettrais pas, moi. Mais, même après ça, il continue de me regarder, alors, je fais pareil. Si c’est un jeu, je veux pas perdre, ah non. Il n’a rien a cherché, qu’il me dit. Bon. D’accord. C’est peut-être vrai. Mes lèvres se retroussent en un fin sourire, quand il fronce encore les sourcils, encore une fois. Mais, il retombe aussitôt, mon sourire. Il est triste, l’ours. J’aimerai bien pouvoir le réconforter. Mais je sais pas faire, je crois. Et avec lui, ça me semble difficile, parce que je ne le connais pas. J’allais lui demander pourquoi. Je veux savoir, maintenant. C’est pas juste, qu’il soit triste. Je suis sûre qu’il ne mérite pas d’être triste, moi. Mais il me demande d’arrêter de le questionner. J’affiche certainement une moue déçue. Je veux le questionner, moi. « Arrête de froncer les sourcils, alors. » voilà. Je veux bien arrêter de lui poser des questions, s’il arrête de froncer les sourcils. « Il faut qu’on fasse quelque chose. » bah oui. Si je ne lui pose plus de questions ; qu’est-ce qu’on fait, alors ?

Mais en plus elle soutient ton regard, la petite. Sérieusement. N’importe quoi. En tout cas, ce n’était pas toi qui lâcherais son regard en premier. T’étais pas un perdant, toi. Elle fait une tête bizarre, d’ailleurs. Sourcils froncés, nez plissés. Rien de bien crédible en soi. « Si, tu as peur. » que tu soutiens, très sérieux. Tout simplement parce que tu l’étais. Et puis elle commence sa série de questions. Chose qui ne te plaît pas trop, bien évidemment. Et tu ne sais même pas pourquoi tu lui avoues que tu n’es pas heureux. Ca fait bien longtemps que tu n’as pas été heureux, toi. C’était comme ça, t’avais l’habitude. C’était la vie de Sandro. Bref. Tu la stoppes tout de suite. Parce que tu connais la question suivante « Pourquoi est-ce que tu es triste ? » Et cette question, tu ne voulais pas y répondre. En plus, elle a l’air déçue, la brunette. Ton regard n’a pas lâché le sien, et tes sourcils se froncent de nouveau lorsque justement, elle te demander d’arrêter de le faire. T’y peux rien, toi, c’est naturel. « Je fronce les sourcils si je veux, qu’est-ce que ça change pour toi ? » Tes sourcils sont justement froncés, parce que tu ne comprends pas pourquoi elle te demande ça. Tu ne comprends pas beaucoup de chose, avec beaucoup de personnes. « T’arrêtes jamais de parler, toi ? » demandes-tu finalement. Parce que non, elle s’arrête jamais, apparemment. Tu soupires un peu. Tu supposes qu’il va falloir que t’arrêtes un peu de faire le méchant. « Bon.. qu’est-ce que tu veux faire ? »

Il m’agace, maintenant, l’ours. Il continue à me dire que j’ai peur. Et il continue de froncer les sourcils, il ne veut pas arrêter, il ne veut pas m’écouter, moi. C’est vrai que ça ne change pas grand-chose, pour moi, mais quand même, si j’arrête de lui poser des questions, il arrête de froncer les sourcils, c’est tout. Mais il n’accepte pas. C’est vrai que je n’arrête jamais de parler, ah, ça, oui, il a raison là-dessus. Mais, je ne peux pas faire autrement, moi, les mots sortent, parce qu’ils doivent sortir, voilà. J’arrive difficilement à les ravaler, mes mots. « Bon, d’accord. Alors, t’arrête de dire que j’ai peur. » voilà, je suis restée à ça, moi, et puis, c’est un nouveau deal, et peut-être qu’il va l’accepter, celui-là. Il me demande ce que je veux faire. Ah. Je réfléchis un peu. Mais je ne tourne pas les yeux. Il ne les a pas tournés, lui, alors je ne vais pas le faire non plus, ça non. « Je ne sais pas trop. Qu’est-ce que tu fais, d’habitude ? » mince, une question, une autre. Tant pis. J’espère qu’elle passera. Qu’il ne va pas se fâcher pour elle. Ce serait bien, si je pouvais lire dans ses pensées. Moi, j’aimerai bien. Comme ça, je pourrais savoir pourquoi il n’est pas heureux. Parce que, ça ne se voit pas sur son visage, ça, ni dans ses yeux. Peut-être parce que je ne fais pas assez attention. Peut-être qu’il y a des signes évidents, quelque part, et que je ne suis pas suffisamment observatrice ou intelligente pour les voir. Ou peut-être qu’il est fort, l’ours, et qu’il ne montre rien, rien de rien. Je ne sais pas trop, moi. J’ai encore envie de lui demander pourquoi. Mais, je me retiens.