Tu ne comprends pas, elle veut absolument faire un deal avec toi. Absolument que tu fasses quelque chose en échange de sa faveur, pour qu’elle ne pose plus aucune question. C’était une sorte de chantage, oui. Tes yeux se plissent, t’aurais peut-être dû rester dans ta chambre, toi. En plus, tu ne connais toujours pas son prénom. Pourquoi est-ce que tu continues à lui parler, d’ailleurs ? Tu ne sais même pas pourquoi. T’es pas du genre à beaucoup parler, en plus. « Ok, on va dire que t’as pas peur. » Le « on va dire » voulait justement dire que tu ne le pensais pas. Elle avait forcément peur, la petite. Bref. Ton regard ne lâche pas le sien. Et encore une question. Elle ne s’arrêtait jamais, avec ses questions. Il faudrait peut-être qu’elle pense à arrêter d’en poser autant. Tu soupires, et pourtant, tu prends quand même la peine de répondre. Tu ne sais même pas pourquoi tu lui réponds alors qu’elle avait promis de ne plus poser de question. Ça ne faisait pas parti du deal. « Depuis 6 mois, je boxe, je fume et.. des femmes me tiennent compagnie. » Et bien, c’était la stricte vérité. Tu as seulement pris une différente tournure de phrase pour dire qu’en gros, tu avais souvent quelqu’un dans ton lit. Bref. Et il y a plus de 6 mois, tu étais en Afghanistan, dans ta tenue de militaire. Rien de très commun, et rien que vous pourriez faire ici, maintenant, ce matin. « Contente, t’as eu des réponses à tes questions ? » Enfin, à une de ses questions. Ça ne vous disait toujours pas ce que vous pourriez faire.

Un petit sourire satisfait, quand il accepte le deal, et qu’il dit que je n’ai pas peur. Enfin, il dit presque ça. C’est tout comme, de toute façon. Il le dit. Il me regarde toujours, il n’est vraiment pas décidé à lâcher ça, lui, ça commence à m’embêter, vraiment, mais je continue à le regarder, dans le blanc des yeux, moi aussi, je ne veux pas lâcher l’affaire, moi non plus, comme ça, il le voit bien, que je n’ai pas peur. Je lui lâche mon autre question, mais, elle ne devrait pas compter, ce n’est pas pareil, cette question, c’est pour répondre à sa question à lui, ce n’est pas comme les autres questions, voilà. « pourquoi depuis six mois, tu faisais pas ça, avant, tu faisais quoi ? » mince, une question, et une vraie, celle-là, je sais pas si ça va passer. « Tu me… j’aimerais bien que tu me montres. » j’ai failli lui lancer une autre question. Je suis mauvaise joueuse, ouah. Mais, c’est vrai, j’aimerais bien qu’il me montre, moi, sa boxe, je n’ai jamais vu, en plus, je sais ce que c’est, quand même, mais je n’ai jamais vu. « pas à toutes mes questions, c’est pas vrai, ça. » bah oui, je sais pas pourquoi il est triste. C’est vrai que je ne lui ai pas posé la question, mais, quand même, il doit bien se douter que je l’ai en tête, cette fichue question, et moi, je sais, elle ne va pas partir, pas tant que je n’aurais pas de réponse, ah ça, c’est certain. J’entends un bruit, vers la porte, du coup, j’ai pas pu m’empêcher de jeter un coup d’œil, un tout petit coup d’œil, rapide, en direction de cette porte, mais personne ne vient, et je me rends compte que j’ai lâché le regard de l’ours, et ça va pas, ça, ah non, je voulais pas, du coup, je le replante illico dans le sien, mon regard, peut-être qu’il n’a pas fait attention, c’est possible, ça, ce serait mieux. « T’es triste depuis six mois. » pas de question, cette fois. Enfin, si, c’est mon regard, qui l’interroge, mais j’y peux rien, pour ça.

Cette fille, elle est beaucoup, beaucoup trop curieuse. Pourquoi était-elle si curieuse ? Ta vie n’était pas intéressante, tu n’étais pas intéressant. Alors qu’elle arrête avec toutes ces questions. En quelques instants, elle en savait déjà beaucoup trop sur toi. Tu t’étais laissé bêtement faire. Oui, elle en savait beaucoup plus qu’il ne le fallait savoir sur toi. Tu n’aimais pas parler de ton passé. Tu n’aimais pas parler de ton présent. Tu n’aimais pas parer de toi, tout simplement. Et tu ne sais même pas pourquoi tu prends la peine de répondre, sans lui faire remarquer qu’il fallait qu’elle arrête avec toutes ces questions. « J’étais militaire. » Voilà, tout simplement. Stop maintenant. Et puis elle te dit qu’elle aimerait bien que tu lui montres. La boxe ? T’étais professeur de boxe, maintenant, tu pouvais bien lui montrer. Tu ne la lâches toujours pas du regard, tu ne sais pas pourquoi. « Si t’arrête vraiment avec tes questions, je pourrai éventuellement te monter. » un autre deal, oui. Parce que le premier n’avait pas l’air de marcher. Bah oui, elle t’avait déjà posé deux questions entre temps. Deux de trop. « Pour la plupart quand même. » Au moins. C’était mieux que rien. Puis elle détourne le regard. Ce qui te fait légèrement sourire, puisque t’as gagné. Tu gagnes toujours. Mais tu ne le dis pas, parce que vous ne jouez pas officiellement. C’est un jeu muet. Un jeu dans votre tête. Et puis, elle plante de nouveau son regard dans le tien. Tu ne bronches pas. Tu ne bronches jamais. Enfin, à part pour ce qu’elle te dit là. C’était déroutant, ça, cette sorte de conclusion/ question. « Un peu plus. » Pourquoi est-ce que tu lui as dit ça ? Ce ne sont pas ses affaires. « Arrête. Arrête avec ça. Arrête avec tes déductions. Arrête de t’intéresser à mon cas. Oublie ce que j’ai dit, j’suis très heureux, d’accord ? Je vis dans le monde des bisounours, j’ai pas besoin de quelqu’un pour me faire dire ce que je ne désire pas dire. » C’est pas très gentil ce que tu dis là, mais peut être que ça lui fera comprendre que t’es mal à l’aise face à tout ça. Et pas très content non plus.

Il était militaire, c’est ce qu’il me dit. Je me demande pourquoi il ne l’est plus, moi. Mais j’imagine que ce n’est pas le bon moment pour le demander, parce qu’il accepte de me montrer la boxe, un jour, si j’arrête de lui poser des questions. Mais j’aime bien, moi, poser des questions. J’aime bien savoir, et puis comprendre, aussi. Enfin, ça dépend des fois. A l’école, je n’aimais pas savoir, ni comprendre, encore moins écouter. Même quand Jamie me parle, parfois, je ne veux pas savoir. Mais là, aujourd’hui, je veux savoir tout ça. Mais il ne veut pas me parler, l’ours, il ne veut pas. Et puis, c’est vrai qu’il a déjà répondu à la majorité de mes questions, je devrais savoir me contenter de ça. Mais non, moi, je veux plus. Il ne dit rien, quand je triche un peu, et que je me remets dans le jeu. Je sais que c’est mal, de tricher, mais il me laisse faire, et puis, je ne veux pas perdre, même si j’ai déjà perdu, en fait. Il me dit que ça fait plus de six mois, qu’il n’est pas heureux. C’est vrai que j’allais ouvrir la bouche, moi, encore une fois, les mots, ils étaient à la limite de sortir, tout juste, vraiment, mais il me coupe dans mon élan, comme ça, d’un coup, et il n’est pas content, juré, je me demande si je suis allée trop loin, je ne sais pas, je crois. Je tourne la tête, je ne veux plus jouer, je crois que je ne veux plus les regarder, moi, ses yeux, et puis, je m’enfonce un peu dans le canapé, et je regarde en face de moi, maintenant. Je ne sais plus quoi faire, moi, maintenant, ni même quoi dire. Il ne veut plus que je m’intéresse à lui. Mes mains se posent sur le canapé, de chaque côté de mes cuisses, mes ongles grattent un peu, nerveusement, je ne sais plus quoi dire, je regrette, je crois, c’est ça, et je suis mal à l’aise, maintenant, je ne voulais pas ça. « pardon, je voulais pas, moi, je voulais pas que tu te fâches, je suis désolée, c’est pas ce que je voulais, c’était pas méchant, je voulais pas, tu m’en veux beaucoup, dis ? » peut-être qu’il va pas me répondre, je ne sais pas, il ne veut peut-être plus me parler, c’est vrai qu’il ne voulait pas beaucoup parler, au début, alors maintenant, j’imagine qu’il le veut encore moins, ça va pas, je voulais pas ça, moi.

Elle parlait trop, beaucoup trop. Tu l’avais prédit depuis le début, ça. Elle te fait dire des trucs que t’aurais voulu dire à personne, que tu préférais garde pour toi. Et t’aimes pas trop ça, parce que tu t’en rends compte seulement après avoir fait l’erreur de lui répondre. Alors voilà, tu veux plus de questions. Tu veux qu’elle arrête d’être curieuse. Du moins, à ton sujet. Les gens ne s’intéressent pas à toi généralement, tu ne voyais pas pourquoi ça allait changer désormais. Tu gardais tout pour toi, c’était comme ça. T’étais quelqu’un de détruit, qui n’avait plus rien à offrir à part ta tristesse et ta mauvaise humeur permanente. T’étais pas quelqu’un de bien. Et t’essaies de lui faire comprendre, en quelque sorte. Même si bon, t’es assez méchant pour le coup. T’es souvent méchant, à vrai dire. T’y peux rien, tu ne fais même pas exprès, ça te vient naturellement ces paroles. T’essaies simplement de te protéger toi-même. De te protéger des autres. Elle baisse la tête et regarde autre part. Toi, tu as toujours ton regard posé sur elle. Elle s’excuse, même. Tes sourcils se froncent, tu la trouves étrange. Innocente. Oui, voilà, innocente, c’est le mot. Alors ça t’intrigue un peu, il faut dire. « Non, c’est bon, je t’en veux pas. Evite juste de recommencer. » dis-tu simplement. Bizarrement, t’étais sûr qu’elle recommencerait, à un moment ou à un autre. Mais l’instant, elle s’était un peu calmée. Tu moins, t’en étais presque certain. Dans tout ça, tu te rends compte que tu ne sais même pas comment elle s’appelle. « C’est quoi, ton prénom ? T’as une tête de Louise. » que tu dis, un peu plus calmement. Oui, elle avait une tête à s’appeler Louise. Peut-être qu’elle s’appelait Louise.

Il ne m’en veut pas. C’est vrai que ça me rassure, je ne voulais vraiment pas le fâcher, moi, ah ça non, alors, ça va, s’il ne m’en veut pas trop, ça me calme, tant mieux, parce qu’au rythme où mes ongles accrochaient ce canapé, il allait finir en miettes, vrai. J’aimerais bien le lui promettre, moi, que je ne recommencerai pas, mais je sais que je vais recommencer, c’est forcé, ça, je le sais bien, je n’y penserai plus, moi, au fait qu’il n’aime pas trop ça, après. C’est pour ça que je ne dis rien, parce que, je peux ne pas lui promettre, ce serait mentir. Je n’ai pas envie de lui mentir, moi, ce ne serait vraiment pas bien. Il me demande mon prénom. C’est vrai, ça, je ne lui ai toujours pas dis, ouah, je ne sais pas si c’est vraiment poli, ça, mais d’un côté, lui non plus, il ne me l’a pas dit. J’oublie toujours de le dire, moi, mon prénom, c’est bête, et il me parle d’une Louise. J’ai une tête de Louise, c’est pas moi, qui le dit, c’est lui. J’imagine qu’il a raison, s’il le dit, c’est peut-être vrai. Mais c’est pas ça, mon prénom. « c’est vrai que c’est joli, Louise, j’aime bien, moi. Mais je m’appelle Thelma, c’est pas pareil, et toi, c’est quoi, ton prénom ? » parce que j’ai envie de savoir, maintenant qu’il en parle, moi aussi. C’est vrai que ça fait une autre question. Et puis, j’entends une musique. Je la reconnais, parce qu’elle était au prime, à un moment, cette musique, mais je ne sais pas ce qu’elle fait là, moi. J’ai pas écouté. J’écoute pas beaucoup, parfois. C’était important, je crois, mais je ne sais plus. Je m’en veux, j’aurais dû écouter, ah, j’aurais dû. C’est pour ça, que je le regarde à nouveau, je ne sais pas ce qu’on doit faire, moi, il me semble bien qu’on doit faire quelque chose, mais j’ai pas écouté. « Il faut qu’on fasse quelque chose, c’est ça ? » peut-être que je me trompe, je sais pas trop.

C’est clair qu’elle a une tête de Louise, cette fille un peu trop curieuse. Beaucoup trop curieuse, même.Mais non, elle te dit qu’elle ne s’appelle pas Louise. Thelma. Elle s’appelle Thelma. Tu plisses légèrement les yeux, son regard braqué sur elle. C’est moche, Thelma. Tu préférais Louise. Oui, t’allais l’appeler Louise, maintenant. De toute façon elle te devait bien ça avec toutes les questions auxquelles tu avais répondu. « Si, maintenant tu t’appelles Louise. » Voilà, une chose de faite. « Sandro. » rajoutes-tu. T’aurais pu lui mentir et lui donner un faux prénom. Mais tu te fiches pas mal qu’elle connaisse ton prénom, à vrai dire. Tu te fiches de beaucoup de chose. Et la musique de Cupidon se fait entendre. Ah, la musique. Louise ne sait pas ce qu’elle veut dire, et tu te demandes si elle a l’Alzheimer ou quelque chose comme ça. Elle était pas franchement douée. Le regard ne la quittant pas, tu finis par lui répondre « On doit s’embrasser. » Et même si elle refuserait, tu le ferais. Parce qu’il était hors de question que tu perdes 1000 euros, toi.

Il préfère m’appeler Louise. Il dit que c’est mon prénom, maintenant. Peut-être qu’il a raison, que c’est plus joli, Louise, et que c’est mon vrai prénom, à moi. Je ne sais pas. J’aime bien, Louise, alors, c’est vrai que ça ne me dérange pas. Ce n’est pas grave, je pense. Et il me dit son nom, à son tour. Sandro. Moi, je trouve que ça lui va bien, Sandro. Qu’il a une tête de Sandro, voilà. En plus d’avoir une tête d’ours. Il n’arrête pas de me regarder. Moi, j’ai arrêté. Je ne veux plus jouer, ça ne me fait plus rire, de le regarder aussi fixement que lui, maintenant. C’est passé, voilà. On doit s’embrasser, il dit. Je suis un peu perplexe, c’est vrai, je trouve ça drôle, de devoir embrasse quelqu’un. Je n’aime pas beaucoup. On ne devrait pas embrasser comme ça. Pour une musique. Ce n’est pas une raison pour embrasser quelqu’un, une musique, vraiment pas, je le sais, ça, il ne faut pas. Je crois que je n’ai pas envie de le faire, moi, voilà. C’est stupide, et ce n’est pas comme ça qu’il faut faire ça, vraiment pas, ça ira pas, sinon, vrai, que ça ira pas. Mais lui, je crois qu’il ne pense pas la même chose. Je trouve ça vraiment dommage, moi, et puis, je ne comprends pas pourquoi ils nous demandent ça, ah, vraiment, je ne comprends pas. Et puis, c’est vrai que ça ne me dérangerait pas beaucoup, je pense, d’embrasser Sandro, quelque part, mais pas maintenant, voilà, pas parce qu’on me demande de le faire, ça va pas, comme ça. Mais il me regarde toujours, l’ours, et si tout le monde le fait, c’est peut-être qu’il faut vraiment le faire, et que ce n’est pas si mal, de faire ça, je ne sais pas trop. Alors, j’approche mon visage, un petit peu, pour lui donner un baiser, là, sur sa joue, doucement. Et voilà, je détache mes lèvres, et j’éloigne un peu mon visage, et je le regarde à nouveau. « c’est bon ? » je lui demande. Je ne sais pas trop si j’ai fait ce qu’il fallait ou pas. J’aurais dû écouter. Mais il n’a pas précisé, Sandro, de quelle manière il fallait le faire, ça. Il aurait dû, peut-être. C’était vague. J’aurais pu l’éteindre, ça marche aussi, je crois. Ou l’embrasser, avec un vrai baiser, mais, je ne sais pas trop. Je crois que je préfère faire ça avec Kat ou Jamie, moi. Et puis, c'était le plus naturel, je crois, ça.

Non, ce n'est pas bon. C'est pas un bisou sur la joue, qu'il faut faire. Du moins, t'en ai presque sûr. A 99,99%. C'était largement assez pour ne pas prendre le risque de perdre une certaine somme d'argent. T'étais un peu un mauvais joueur, ouais. Tu n'aimais pas perdre, même si cet argent était plus virtuel qu'autre chose, dans ce jeu. Mais qu'importe. Le jeu disait de l'embrasser lorsque la chanson était déclanchée, alors... tu le ferais. Louis, elle est peut-être encore plus naïve qu'elle ne le semble, en fait. Tu sais pas trop, elle est spéciale. Elle doit sûrement trop réfléchir, ou être trop curieuse. Qu'importe, ce n'était pas tes affaires, elle faisait ce que tu voulais. Tu secoues alors la tête de droite à gauche pour lui faire comprendre que non, ce n'était pas ça qu'il fallait faire. « Non, ce n'est pas bon. Et si on le fait pas, on perd 1000 euros. » Peut-être devrais-tu parler en dollars, puisque vous êtes aux USA. Mais toi, t'étais français. Alors tu préférais les euros. Bref. En soi, ça ne te dérange pas d'embrasser Louise. Elle est pas moche à voir, et puis t'aimes bien embrasser les gens. Enfin, les femmes surtout. Alors tu t'approches un peu sans lui demander son avis, et tu glisses une main sur sa joue, pour coller ses lèvres sur les siennes, assez doucement.