cosmas
Avant d’entrer dans ce jeu, jamais Valeri n’avait vu de plage. Ou plutôt n’y avait été. Ce n’était pas au cœur de sa campagne biélorusse qu’il trouverait une parcelle de sable avec la mer. Un lac, ou un étang, encore. A Paris, c’était un peu la même… sauf l’été, avec Paris plage. Mais ça n’avait rien d’une plage, tout était faux et artificiel. Il espérait donc bien profiter de ces semaines ou de ces jours au sein de ce nid, pour flâner au grès du vent sur la plage. Il avait emporté avec lui une serviette, au cas où, l’envie si saugrenue de se baigner lui viendrait à l’esprit. Il avait même enfilé son short de bain rouge, c’est pour dire. Arrivant sur la plage, il balaya l’endroit du regard. Il n’y avait personne. Tant mieux. Ou dommage. Il est vrai qu’en temps normal, Valeri n’aimait pas la solitude. Il aimait bien être accompagné, être avec quelqu’un, et ne pas sentir seul. Oui, il aimait bien ce sentiment perpétuel d’être avec quelqu’un, d’avoir une présence à ses côtés. Mais ne pas être seul, surtout cela. Mais il était évident que ces personnes qui le côtoyaient depuis deux semaines n’avaient rien à avoir avec les quidams qui meublaient son quotidien. Ici, il n’y avait aucun inconnu qui s’arrêtait au coin de la rue, curieux de voir le jeune garçon dans son exercice de style, et lui jetant une petite pièce à la fin de son spectacle. Ici, il n’y avait pas de filles d’une rencontre éphémère. Ces filles que l’on délaisse et que l’on reverra plus dans sa vie, dans son quotidien. Tout simplement parce qu’il était obligé de supporter ces présences autour de lui. Il n’aimait pas cela, lui. Il n’aimait pas qu’on lui impose quelque-chose à faire, ou à dire. Non. Il n’aimait pas qu’on lui oblige à faire quelque-chose. Il s’en fichait de toute façon, il n’en faisait qu’à sa tête. Ainsi, il s’installa sur un transat, enfilant ses lunettes de soleil pour se protéger du soleil. Il était évident qu’il aurait certainement dû prévoir la crème solaire, pour éviter de ressembler à une écrevisse à la fin de la journée. Allongé sur le transat, observant silencieusement, cette plage abandonné. Il était dans ce trip : sur la plage abandonnée, coquillage et crustacés fredonnait par Bardot. Il entendit quelques pas dans le sable, à ses côtés. Quelques bruits qui le tiraient de ses rêveries. Il tourna la tête en direction de la source de ces bruits perturbateurs. Il vit alors un garçon non loin de lui, sûrement désireux d’aller faire trempette dans l’eau. « Tu ferais mieux de prendre une bouée avec toi, ce serait dommage que tu te noies. » souffla-t-il alors, avant de tourner le regard, comme si de rien n’était. Comme s’il n’avait rien dit. Quoi ? Il avait parlé ? Non, pas du tout.

Il y avait ce garçon dont le prénom lui échappait. Peut-être parce qu’il ne l’avait jamais su. Une chose était certaine, il était l’un des candidats. Avec son air hâtif, il avait avoir espoir de se baigner et de profiter de ce moment solitaire pour profiter de la plage et de cette mer artificielle. Oui, voilà. Ca devait être ça. Il devait certainement être l’un de ces garçons aimant la solitude, et n’appréciant pas la compagnie d’un pair. Il ne savait pas vraiment Valeri, il se contentait d’émettre des hypothèses sur ce garçon. Tiens, d’ailleurs, il s’approcha alors que le biélorusse avait pris la parole, avant de vaguer à son occupation première. Regarder le panorama qu’il s’offrait à lui. Il put entendre ce jeune homme gémir d’un « hein » rempli d’incompréhension. Vous savez, ce petit hein qui voulait dire : mais qui me parle, mais qui bon sang ? Un petit rictus amusé se dessina sur les lèvres de Valeri, alors qu’il le regarda du coin de l’œil, sans quitter ses lunettes de soleil. Finalement, il décida de regarder par-dessus ses verres teintés, laissant paraitre ses pupilles marron. Il se redressa légèrement afin de regarder d’un peu plus près son interlocuteur. Il lui disait savoir nager. Un petit rire s’échappa de la bouche de Valeri. « Oh, ils disent tous ça au début ! Ils font leur malin, mais une fois dans l’eau… hein. » souffla-t-il alors, avant de se rallonger dans le transat. « Tu préfères peut-être les brassards. Il y en a là-bas si tu veux, un peu plus loin. » reprit-il, en désignant du menton un vague endroit. Non, en fait, il ignorait si c’était là-bas que l’on trouvait des brassards ou des bouées.

Il n’y avait pas à dire. Avec une bouée et des brassards autour des bras, ce garçon serait très mignon, n’est-ce pas ? Ou serait objet à moquerie. Oui, c’était peut-être plus cette seconde hypothèse à retenir. Pourtant, Valeri l’imaginait bien avec de tels accoutrements. Ca l’amusait lui. Ca l’amusait de se moquer. Il ne se moquer pas méchamment pour autant. Il n’était pas méchant, Valeri. Il était gentil même, n’est-ce pas ? C’était Lena qui l’avait dit, alors si elle l’avait dit, c’est qu’il y avait une part de vérité là-dedans. Le garçon, dont le prénom ne lui revenait pas du tout à l’esprit, lui demandait alors si ça courait les rues chez-lui les garçons qui ne savaient pas nager. Il cligna des yeux derrière ses verres teintés. Chez-lui ? Chez-lui où ? Chez-lui dans son pays natal, en Biélorussie, dans son petit village ? Ou dans son semblant de chez-lui parisien ? Il n’était pas très précis dans sa question, ce garçon. Il était certain que ce n’était pas dans son village que de nombreux nageurs ayant un excellent niveau courraient à travers les rues. Cependant, il agita la tête de haut en bas. Oui, oui. Ca courrait donc bel et bien les rues des pauvres gars qui ne savaient pas nager. C’est alors qu’il put apercevoir, à travers ses lunettes, ce garçon partir à la recherche d’une bouée ou bien de brassards. Un rictus amusé se fendit entre les lèvres serrées de Valeri. Alors, comme ça il allait vraiment le faire ? Il s’en mordait les lèvres pour ne pas en rire. Et à sa plus grande surprise, ce garçon revint face à lui, déposant la bouée devant lui, à même le sol sablé. Valeri fronça très grossièrement les sourcils, l’une de ces têtes qui voulait dire : Valeri pas content, Valeri fâché. Il prononça quelques mots, où le biélorusse pouvait percevoir quelques amusements dans cette voix. Il évoqua alors l’excuse du « je ne sais pas nager », puis après une baignade. Echapper à la baignade avait-il dit. Où voulait-il en venir. Déjà, il savait nager Valeri. Oui, oui, il savait ! Dans cette réalité imagée par lui-même. « Oh, mais je sais nager, hein ! C’est gentil de t’inquiéter pour moi… mais, je n’ai pas envie de me baigner. » souffla-t-il alors, en retirant ses lunettes. Il n’avait quand même pas cru que Valeri allait nager avec lui.

Si Valeri disait qu’il savait nager, c’est qu’il savait nager. Alors pourquoi ce garçon semblait ne pas croire un seul mot de ces paroles ? Il s’amusait même à reprendre mot pour mot ce que le biélorusse lui avait dit, quelques temps auparavant. Il fronça légèrement les sourcils, avant de lui lancer un regard malveillant. En plus de ne pas être très drôle, il manquait cruellement d’originalité. Il en était presqu’agaçant. Il évoqua une nouvelle fois le fait que Valeri ne savait pas nager, et qu’il comprendrait. Mais il est stupide ou il le fait exprès ? Il lui a clairement dit, je sais nager. Valeri n’avait pas envie d’user de sa voix pour dire quelque-chose qu’il avait déjà prononcé. Il savait nager, point à la ligne. En vérité, Valeri… à vrai dire, voulez-vous vraiment la savoir, cette vérité ? Non ? Tant mieux parce que je n’avais pas l’intention de vous la dire. Le jeune garçon baissa la tête quelques secondes, observant alors avec plus ou moins d’attention la bouée qui se trouvait par terre. Clairement, il n’avait pas envie de se baigner, encore moins de mettre un seul orteil dans l’eau. Hors de question de cela. Alors, il le décréta à vive voix cette non-envie de se baigner. Et le tout en ôtant ses lunettes. Ainsi, il pouvait observer avec plus de précision le visage de ce jeune homme qui se tenait en face de lui, les bras croisés. Il lui disait alors de regarder ça. De regarder l’eau, la plage, la mer, cette étendue d’eau perdu. Il observa un court instant la mer artificielle, avant de reporter son attention sur le jeune homme. A en croire les paroles de cet inconnu (car oui, il était un inconnu, puisqu’il ignorait son prénom), il n’était pas sensible aux douces caresses de vagues. Douces caresses ? En plus de cela, il jouait les poètes. Un léger rictus en coin se dessina sur les lèvres de Valeri. « Je les ai tellement côtoyé, les vagues, que j’en ai eu le mal de mer… » souffla-t-il alors. Et un voile de mystère se déposa sur ces quelques mots prononcés par le biélorusse. Il n’en disait soit pas assez, soit trop. Qu’importe. « Mais va nager ! » et laisse-le tranquille. Il était presque sûr si ce garçon allait tout faire pour le mettre à l’eau, ou tout du moins pour ne pas aller à l’eau tout seul. En réfléchissant, il espérait se tromper à ce sujet… Oui, il l’espérait vraiment.

Il n’en a pas marre de répéter tout ce que Valeri disait ? Non, mais, il devenait vraiment agaçant. Le mal de mer, oui. Le biélorusse lui lança un petit regard peu sympathique, puis l’invita à aller rejoindre la mer, à aller nager. Va nager, comme il lui avait dit. Qu’il aille nager et qu’il lui foute la paix, pardi. Lui, il n’avait pas envie d’aller faire trempette. Oh ça non. Finalement, ce garçon partit enfin. Un léger sourire de satisfaction s’esquissa sur les lèvres de Valeri. Enfin, il l’écoutait. Ce n’est pas trop tôt. Le jeune garçon se rallongea alors sur son transat, vaguant à son occupation primaire : observer le ciel. Il était beau, il était bleu. Il était doux, il était beau. Il pourrait rester à observer la couleur azurée du ciel pendant des heures, ou peut-être moins… parce qu’il risquerait de se faire brûler par le soleil. Oui, il pourrait avoir des coups de soleil, et avec sa peau blanche, il en attrapait facilement. Beaucoup trop facilement. Perdu dans ses pensées, il sursauta lorsque la voix de ce garçon retentit au creux de ses oreilles. Bon sang, mais il n’était pas censé être parti se baigner ? Il se redressa légèrement, et lança un bref regard à son interlocuteur. Etait-il sûr de ne pas vouloir se baigner ? Oui. Evidemment. Il hocha alors la tête, écoutant alors les quelques paroles que ce garçon avait à lui dire. Il paraissait que la natation développait les muscles. Encore un qui lui lance une subtile remarque au sujet de son physique pas très musclé. S’ils s’y mettaient tous, il finirait certainement par le prendre très mal, et peut-être par complexer. Déjà Jaileen, sa partenaire, puis… maintenant ce garçon dont il ne savait même pas le prénom. Ce dernier évoqua la non-présence de requin dans l’eau. Qu’il se rassure, Valeri se doutait bien qu’il n’y en avait pas. Il lâcha un petit soupir agacé. « Tu vas rester là et continuer à me bassiner jusqu’à ce que je finisse par accepter, n’est-ce pas ? ». Après quelques secondes, il se leva et fit quelques pas dans le sable. Se dirigeant plus ou moins vers l’eau, avant finalement se poser à un endroit ombragé. « Oh ! Je me mettais juste à l’ombre, je supporte assez mal le soleil… » souffla-t-il. Que ce garçon ne croit pas un instant qu’il irait mettre un seul orteil dans l’eau. Oh ça non.