Je comprenais juste pas comment j'avais pu le perdre sans m'en rendre compte, j'étais trop maladroit merde, et on en était qu'à la troisième semaine. J'étais pourtant pas le genre qui égarait ses affaires, pas du tout, et j'en étais absolument certain j'avais encore mon bracelet autour du poignet lorsque j'étais allé courir tout à l'heure ... Du coup, y'avait pas trente six solutions, il ne pouvait être qu'à un seul endroit : la forêt. C'est vrai que c'était parfait comme endroit pour perdre ses affaires, la forêt, particulièrement lorsqu'elles avaient la même couleur que la terre justement. Oh et puis de toute façon, pratique ou pas j'allais pas terminer la journée sans l'avoir retrouvé, c'était juste pas envisageable, j'y tenais un peu trop à ce petit bout de cuir, pour le laisser passer une nuit ailleurs qu'autour de mon poignet. J'avais donc remis mes baskets et traversé le parc jusqu'à la forêt, essayant de reprendre exactement le même chemin que quand j'étais rentré, et marchant lentement pour avoir bien le temps de regarder de chaque côté. Ça aurait été si bon, de le retrouver sur une allée en gravier, et de ne pas avoir à aller jusqu'à la limite des arbres ... Mais non. Alors j'avais continué, filant de temps en temps un coup de chaussure dans un tas de feuilles mortes des fois que. Ça faisait bien vingt-minutes que je ratissais le sentier lorsque j'avais aperçu un type arriver en sens inverse. Du genre jeune, blond, et pas totalement inconnu d'après mes souvenirs. Logique en même temps me direz-vous, tout le monde avait croisé tout le monde au moins une fois depuis le temps ... Cela dit, c'était pas pour autant que j'étais subitement devenu doué avec les prénoms. Du coup c'est sans trop savoir comment j'allais m'en sortir que j'avais lancé « Hey ! Heu ... toi ! » juste de quoi attirer son attention et le faire relever les yeux dans ma direction. Mais non, bon, c'était juste pas possible, fallait que je fasse un effort. J'avais plissé les yeux un instant, comme si cela allait bêtement m'aider à me souvenir du prénom de ce pauvre bougre, pourtant je l'avais sur le bout de la langue, mais si ... « C'est ... Levis, c'est ça ? » Oui bon, j'étais pas hyper loin non plus, il n'allait pas m'en faire une maladie ... Sinon qu'est-ce que j'aurai du faire moi, lors des castings, quand j'avais dit mon prénom et que la bonne femme avait orthographié ça Aquella. J'aurais pu lui faire bouffer son formulaire, j'aurais peut-être du d'ailleurs. Bref, c'était pas là sujet, c'est que j'avais un truc à lui demander moi au petit gars « T'aurais pas retrouvé un bracelet sur ton chemin, à tout hasard ? Genre petit, marron, en cuir ... » Y'avait genre, une chance sur mille que ça soit arrivé à mon avis, mais j'étais désespéré alors j'étais pas à une question inutile près quoi ... De toute façon je plaisantais pas, j'allais passer toute la fin de la journée si il le fallait, mais je rentrerai pas au château sans mon bracelet. Et j'avais faim, alors pour la survie de mon estomac j'espérais le retrouver vite.

Je me demande quoi faire en cette après midi. Une grande palette d’activités s’offrent à moi. Toutes plus alléchantes les unes que les autres. Faire du canoé sur le lac. Ou du jet ski. Quelques longueurs à la piscine. Chauffer dans le sauna. Jouer de la guitare. Espionner mes petits camarades via la salle de vidéo surveillance. Faire le con avec Antwon. Préparer une ou deux blagues. Embêter une fille. Et ainsi de suite. La liste est longue. Mais finalement, j’opte pour autre chose. Un footing dans la foret. J’ai enfilé mon short, débardeur, et me vela à courir à travers bois, sur les sentiers. Ipod accroché au bras, écouteurs dans les oreilles, sur la musique Eye of the Tiger de Survivor. J’adore cette chanson ça met dans l’ambien. Rien de tel qu’un petit footing en plein air pour vous revigorer. Bref, je cours, lorsqu’un mec m’interpelle. Je m’arrête donc, coupe la mousique et ôte mes écouteurs, par politesse. « Oui ? » C’est pour quoi ? Levis ? « Euh non, je ne sais pas ce que c’est, mais je suis presque sur que ce n’est pas un Levi’s » Que je dis en regardant mon short, tentant d’attraper l’étiquette. Quoi ? Non ce n’était pas ça qu’il disait ? « Ah mon prénom ? Pardon, oui, presque, c’est Lewis » Actor studio s’il vous plait. « Et toi c’est.. ? Attends…Ake…lys ? Ah non, Akenaton ! » Je ne mettrais pas ma main à couper, mais je suis presque sur que c’est ça. Du coup je suis en mode fier de moi. Il me parle d’un bracelet qu’il aurait perdu. Petit, marron, et en cuir. « Ah non mec, désolé, je l’ai pas vu. Tu l’as perdu dans la forêt ? Pffffiou, j’espère que tu n’y tenais pas tant que ça. Parce que bon, c’est un peu comme retrouver une anguille dans une botte de foin. » Il va galérer le pauvre.

J'avais mis du temps avant de voir qu'il avait des écouteurs sur les oreilles, et je m'apprêtais donc carrément à courir dans sa direction pour l'interpeller de nouveau, en étant sûr cette fois-ci de me faire entendre, mais finalement il avait semblé me remarquer et m'avait adressé un « Oui ? » tout en coupant sa musique. J'avais à tout hasard tenté un prénom, en me disant que je ne devais pas être trop loin du but, mais à en juger par le regard limite bovin qu'il m'avait lancé, avant de regarder son jean et de répondre « Euh non, je ne sais pas ce que c’est, mais je suis presque sur que ce n’est pas un Levi’s » il n'avait absolument pas compris de quoi je parlais. Non mais franchement, j'avais une tronche à arrêter un type dans son jogging pour lui demander la marque de son jean ? Il ne portait même pas de jean, en plus. J'allais reformuler ma question lorsqu'enfin il eu l'air d'avoir deux neurones qui se touchaient « Ah mon prénom ? Pardon, oui, presque, c’est Lewis. » Ouais bon, Lewis, Levis, j'étais pas non plus hyper loin. Mais si ça se trouve j'étais tombé sur un susceptible, aussi malgré tout avais-je secoué légèrement la tête et répondu « Lewis, c'est ça, pardon. » Fallait que je trouve un mémo pour m'en souvenir, ça avait marché avec certains candidats, suffisait juste que je trouve un truc ... Mais c'était quand même pas croyable cette difficulté que j'avais avec les prénoms. « Et toi c’est … ? Attends …Ake … lys ? Ah non, Akenaton ! » Bon, de toute évidence je n'étais pas le seul à avoir du mal. Ou alors il me faisait marcher ... ? Non, à en juger par le regard qu'il me lançait il était on ne peut plus sérieux, et venait de me confondre avec un pharaon. Quoi que y'avait pire, certes. « Presque, Akela. Mais y'avait de l'idée, je le reconnais. » avais-je alors répondu en y ajoutant un sourire. Mais bref, c'était pas que son prénom ne soit pas la première de mes préoccupations actuelles, mais c'était quand même pas pour ça que j'étais là, à la base, aussi étais-je sans plus attendre rentré dans le vif du sujet : mon bracelet. « Ah non mec, désolé, je l’ai pas vu. Tu l’as perdu dans la forêt ? Pffffiou, j’espère que tu n’y tenais pas tant que ça. Parce que bon, c’est un peu comme retrouver une anguille dans une botte de foin. » A qui le disait-il. Je lui avais offert une moue déconfite, contrariée même. Pas contre lui, le pauvre bougre il n'y était pour rien, mais contre la situation en elle-même ... avoir perdu un objet auquel je tenais, c'était ça qui me contrariait. « C'est un cadeau d'une de mes soeurs alors ... oui, j'y tiens, beaucoup. C'est censé être un porte-bonheur. » Et donc, était-ce le fait de l'avoir perdu qui m'avait porté la poisse, ou le fait qu'il ne me portait pas tant bonheur que ça et que c'était pour cette raison que je l'avais perdu ... Bweh, j'arrivais à peine à comprendre ce que je venais de penser. « Bon, bah ... tant pis, enfin, merci quand même, quoi. » que je finis donc par marmonner avant de donner un coup de pied machinal dans un marron, avant d'observer un instant autour de moi, comme si j'espérais que le bracelet se mette à flotter dans les airs pour m'indiquer sa présence.

Evidemment que j’ai bien compris qu’il parlait de mon prénom. Je joue juste au con. Je suis doué pour ça n’est ce pas. Bon, maintenant il connait donc comment je m’appelle. Lui ? Quelque chose comme Akelys, Ake…quelque chose. Je me lance, pariant même sur un Akenaton. Ça sonne bien. Je crois que je l’ai déjà entendu quelque part. Cela ne peut être qu’ici non ? « Presque, Akela. Mais y'avait de l'idée, je le reconnais. » Ah bah non, merde. J’avais tort. Moi qui étais déjà prêt à m’autocongratuler pour cette magnifique mémoire. « Pour ma décharge, il est compliqué quand même. » Bah ouais, c’est pas un prénom commun, qu’on entend tous les jours. A vrai dire c’est la première fois que je rencontre un type qui se prénomme comme lui. « Et ça vient d’où ? » Je ne pense pas qu’il soit originaire d’angleterre, ou des Etats Unis. Puis bon…A sa tête non plus. L’est asiatique. En attendant il me confie la raison de son dérangement. Pourquoi il m’a arrêté dans mon footing. Il est à la recherche d’un bracelet, qu’il a vraisemblablement perdu dans la foret. Cela risque d’être compliqué quand même de le retrouver. « C'est un cadeau d'une de mes soeurs alors ... oui, j'y tiens, beaucoup. C'est censé être un porte-bonheur. » Ah oui en effet. « Tu crois à ces trucs de porte bonheur toi ? » Moi pas du tout. Cela n’a jamais marché en tout cas. « Bon, bah ... tant pis, enfin, merci quand même, quoi. » Il me remercie, mais bon, je n’ai strictement rien fait. Il n’y a pas de quoi. « Attends, je peux toujours t’aider à chercher. » Dans ma grandeur d’âme, je me propose. Ce n’est pas comme si j’avais grand-chose à faire. Certes j’étais en plein footing, mais bon ce n’est pas non plus très important. « A deux on aura peut être plus de chance. » Je commence à regarder par terre. « Elles ont quel âge tes sœurs ? » Rien ne nous empêche de faire la conversation en même temps.

Qu'on se le dise, c'était pas la première fois que sortit de mon île j'entendais « Pour ma décharge, il est compliqué quand même. » ou d'autres réflexions du même genre concernant mon prénom. Même de la part d'autres américains. Mais bon, c'était de bonne guerre sans doute, puisque j'étais moi-même le premier à revendiquer le fait de me sentir hawaiien avant de me sentir américain ... et ça ne voulait pas dire que je n'aimais pas mon pays, bien sûr, mais les choses étaient ainsi faites. « Et ça vient d’où ? » avait d'ailleurs fini par me demander Lewis, que je soupçonnais d'ailleurs lui-même d'être américain de par son accent ... Ou canadien, peut-être, en fait. « Hawaii. Je suis aussi américain que JFK, contrairement aux apparences. » que j'avais répondu, un sourire amusé sur les lèvres. « Et toi ? » Parce que bon mes suppositions n'en faisaient pas une certitude, et je pouvais bien lui retourner la question du coup, puisque je venais moi-même d'y répondre. Mais ça ne changeait en tout cas pas le fait que j'avais perdu mon bracelet, et que j'espérais bien le retrouver ... Parce que j'y tenais, et parce que je croyais sincèrement au fait que ne plus l'avoir aller m'attirer la poisse « Tu crois à ces trucs de porte bonheur toi ? » De toute évidence, pas lui. Mais oui, j'y croyais, et j'avais répondu d'un simple signe de tête parce que je ne voyais pas l'intérêt d'essayer de convaincre quelqu'un qui de toute façon penserait que c'était des conneries. « Attends, je peux toujours t’aider à chercher. A deux on aura peut être plus de chance. » Je l'avais fixé un instant d'un air légèrement surpris, avant d'esquisser un sourire et de secouer la tête pour répondre « C'est ... Merci, c'est gentil. Mais t'es pas obligé tu sais ... » Il avait sans doute mieux à faire que d'aider la tête en l'air que j'étais à retrouver les affaires qu'il semait dans la forêt. Mais j'allais pas non plus refuser son aide si il me l'offrait, surtout que comme il l'avait lui-même dit c'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. J'avais donc recommencé à regarder dans les environs sans vraiment trop savoir où chercher, lorsqu'il m'avait demandé « Elles ont quel âge tes sœurs ? » Dégageant du pied un tas de feuilles mortes sous lequel je ne trouvais rien, une fois de plus, et j'avais passé machinalement une main dans mes cheveux avant de relever la tête vers Lewis « Vingt-six et vingt-et un ans. Cela dit dans ma tête elles resteront toujours des enfants. » j'avais esquissé un début de sourire, tout en faisait quelques pas et en reportant mes yeux sur le sentier « Et toi, des frères et soeurs ? »

« Hawaii. Je suis aussi américain de JFK, contrairement aux apparences. » Américain de JFK, ça veut dire quoi ça ? Je n’ose pas relever, de peur de passer pour un teubé. Parce que bon j’sais que ce sont les initiales de notre ancien président, mais je ne vois pas bien le rapport. C’est un aéroport aussi. Peut être qu’il habite là bas. En tout cas cela me surprend, je me serais attendu à ce qu’il me sorte vietnamien, ou chinois, un truc dans le genre. « Et t’habites à Hawaii ? J’adorerais aller là bas un jour, ça doit être trop cool de vivre sur une île paradisiaque ! » Comme il a de la chance, je l’envie trop. « Américain, de Seattle » On est américains tous les deux, héhé. Je lui propose ensuite de l’aider. Le pauvre, il a l’air d’avoir les boules de ne pas retrouver son bracelet. Il y tient tout particulièrement apparemment. Un cadeau de sa sœur. Qui porterait bonheur. « Non t’inquiètes, ça me fait plaisir. Puis je n’ai rien de mieux à faire de toute façon. Et faut savoir s’entraider entre compatriotes ! » C’est l’occasion aussi d’apprendre à faire plus ample connaissance avec le candidat. J’évoque ses sœurs, curieux de savoir combien il en a, et quel âge. « Vingt-six et vingt-et un ans. Cela dit dans ma tête elles resteront toujours des enfants. » Bon je ne connais pas son âge, mais je suppose qu’il est plus vieux que ça. « Oh je vois t’es l’aîné. Des frères ? » Parce qu’il en a peut être aussi. « J’ai deux sœurs moi aussi. Une plus âgée, genre elle a 8 piges de plus que moi, 31 ans, je suis même tonton et tout. Et puis j’ai une demi-sœur de 15 ans. C’est pas un cadeau celle là, faut se la farcir. » Ce qu’elle peut me taper sur le système. Heureusement que je n’habite plus avec elle. « ça y est !  Je crois l’avoir trouvé ! » Que je crie subitement en ramassant quelque chose. Cela ressemble à un bracelet. « C’est ça ? » J’espère. J’ai envie de passer pour le sauveur de situation.