AKELA

Il était probablement super tard, mais je n'étais pas vraiment fatigué. A vrai dire, il y avait bien trop de choses qui me trottaient dans l'esprit, des choses pas forcément très pertinentes d'ailleurs. Mais c'était moi, j'avais toujours été comme ça, oui, j'avais un don certain pour trop réfléchir, si bien que c'en était bien lassant autant pour les autres que pour moi. Mais bon, j'allais pas chercher à répondre à toutes les questions qui me hantaient, non pas ce soir, parce que je me disais qu'il était plus important que je réussisse à trouver le sommeil, plutôt qu'autre chose. Et étrangement, j'avais drôlement chaud, là, dans mon débardeur et mon pantalon en tissu. Il faut dire que la plupart des autres candidats étaient à moitié nus, de ce que j'avais vu, c'est qu'ils devaient avoir leur raison. Ils avaient anticipé, eux. Même Akela qui était allongé à côté de moi n'était vêtu que d'un boxer. Mais moi j'osais pas vraiment, parce que j'avais toujours un peu peur du regard des autres. Pas que mon corps soit réellement affreux, non, à vrai dire, cela faisait maintenant trois semaines que j'avais commencé à fréquenter de temps à autres la salle de sport, et n'étant pas très épais, mon torse s'était même mis à légèrement se dessiner. Pas de quoi affoler les foules cependant hein, il ne fallait pas trop m'en demander. Toujours est-il que me tourner, et me retournant dans mon lit , j'avais intuitivement fini par passer mon bras autour du torse d'Akela, en espérant de ma le réveiller. C'est que je crois que j'avais juste besoin d'un câlin. Et il avait dit que je pouvais, alors bon... D'habitude j'aurais pas trop osé, mais je sais pas, ce soir, j'en avais envie. De toute façon, il devait probablement dormir, alors il s'en rendrait peut-être pas compte. Et si c'était le cas, il devait déjà avoir remarqué que ce soir, j'étais pas trop dans mon assiette.

Il faisait trop chaud putain, j'en pouvais plus là. C'était déjà pas forcément facile de dormir dans ma même pièce que je ne savais pas combien d'autres personnes, si fallait en plus que je commence à mourir étouffé sous la chaleur c'était fini, j'allais jamais pouvoir fermer l’œil. C'était pas la production qui gérait la météo, et donc la température, ici pourtant ? Et donc c'était trop leur en demander que d'au moins nous laisser dormir la nuit ? De toute évidence oui. Et oui, ça me mettait de mauvaise humeur, parce que j'avais besoin de mon sommeil, j'étais plus un cornichon de dix-huit ans qui pouvait enchaîner deux nuits blanches de suite, fallait que je dorme. Mais bon, là c'était mal barré ... Du coup j'essayais la solution de replis, la relaxation. C'était pas vraiment mon truc qu'on se le dise, c'était plutôt une astuce que m'avait donné mon kiné quand j'avais dit adieu au surf, soi-disant que ça me ferait du bien ... Le fait que j'en sois réduit à tenter d'appliquer ses conseils montrait à quel point j'étais désespéré. Et à côté de moi, je crois que Camille ne dormait pas non plus. Pas qu'il ne soit pas discret ou quoi, mais bon ça faisait plus d'un mois que je dormais avec lui, alors je commençais à faire la différence entre les moments où il dormait vraiment, et ceux où il fixait le plafond ou attendait sans succès que le sommeil vienne le cueillir. Je préférais le laisser tranquille de toute façon, il avait l'air un peu patraque en venant se coucher, d'ici qu'il commence doucement à s'endormir c'était pas le moment de gâcher ses efforts avec mes gros sabots. J'avais de nouveau fermé les yeux, du coup, essayant de me laisser gagner par le calme et la sérénité ... la bonne blague, hein. Et puis à un moment j'avais senti une main, puis un bras glisser timidement le long de mon torse, et j'avais compris. Qu'en fait ouais, il était peut-être vraiment pas dans son assiette ce soir, le Camille. Mais bon, moi ça me gênait pas ce soudain élan d'affection, hein ; Je lui avais dit qu'il pouvait s'il avait besoin, c'était pas pour changer d'avis ensuite. D'ailleurs j'avais fini par passer mon bras autour de son épaule, histoire de faire les choses bien, et j'avais fini par demander à voix basse « Hey. Ça va pas ? » Parce que bon, je sais bien que tout le monde était pas aussi démonstratif que moi mais quand même, ça avait pas l'air d'être la grande forme. Et si y'avait bien une personne ici que j'avais pas envie de voir déprimé c'était Camille, y'avait pas moyen, je le laissais pas comme ça.

Je ne savais pas trop pourquoi je n'arrivais pas à dormir. De toute façon, j'étais bien trop souvent tourmenté par des problèmes tous plus stupides les uns que les autres, ça n'avait rien de nouveau, et je savais bien que je vivrai le reste de ma vie ainsi. Du coup, j'avais trouvé bon de trouvé refuge dans les bras de mon partenaire, parce que j'avais besoin d'un minimum d'affection, que je savais qu'il m'aurait donné. Mais je ne voulais pour autant pas prendre le risque qu'il en vienne à me repousser, car même s'il n'y avait aucune réelle ambiguité entre nous, il n'en restait pas moins marié, et peut-être était-il un de ces hommes qui s'interdisait de toucher la moindre personne par respect pour son partenaire. J'avais donc décidé de jouer la carte de l'égoïsme sur ce coup là. Parce que j'avais besoin de réconfort, me disant que c'était probablement l'une des seules personnes à réellement pouvoir m'en donner. Il était mon partenaire, la seule personne en qui j'avais totalement confiance ici. Enfin, Orson non compris, évidemment, puisque cela n'avait rien à voir. Mais je me disais que quoiqu'il arrive, jamais il ne me laisserait tomber, Akela, du coup, j'avais glissé mon bras le long de sa peau, déposant ma tête contre son torse, sans trop oser y mettre tout mon poids pour autant, de façon à ne pas le réveiller. Pourtant, je sentis bien rapidement sa main se glisser le long de mes épaules, ce qui me fit légèrement sourire. Quelque part, ça avait un côté rassurant. « Hey. Ça va pas ? » avait-il dit, alors que j'avais finalement relevé ma tête pour tenter d'apercevoir son visage. Pourtant, seules un léger filet de lumière se reflétait encore dans ses yeux, créant un minuscule point lumineux dans ceux ci. « Je... j'arrivais pas à dormir... » comme quoi, c'était apparemment chacun son tour. Sauf que moi, c'était quand même bien moins grave que lui. « Tu arrives toujours pas à dormir ? » que je dis en ne faisant que constater que de toute évidence, il n'avait toujours pas trouvé le sommeil. « Je... Je peux faire quelque chose pour t'aider ? » sait-on jamais, après tout. J'étais presque certain de pouvoir faire tout ce qu'il me demanderait, juste pour qu'il aille un peu mieux.

Je savais pas vraiment si c'était moi qui me faisais des films ou bien si j'avais raison, en lui trouvant déjà un drôle d'air lorsqu'il était venu se coucher. Il était peut-être simplement fatigué, certes, mais si c'était le cas je doutais qu'il serait encore en train de galérer à s'endormir ... D'ailleurs, maintenant que j'y pensais, c'était rare qu'il vienne se coucher aussi ... Non, je vais pas dire tôt, mais disons qu'il se couchait bien plus tard que ça en temps normal. Et je ne parlais même pas de la petite voix avec laquelle il avait répondu « Je ... j'arrivais pas à dormir ... » Ça je l'avais bien remarqué à vrai dire, la question c'était plutôt de savoir pourquoi. Mais bon, c'était peut-être juste qu'il avait trop chaud pour dormir, vu que c'était aussi mon cas, mais s'il était comme moi alors c'était peut-être juste le sommet de l'iceberg ... Sauf que je savais pas comment l'amener à me parler sans le brusquer. « Tu arrives toujours pas à dormir ? » avait-il fini par me demander, faisant doucement mais sûrement dériver le sujet vers moi ... C'est qu'il était bien plus malin qu'il voulait le faire croire, le Camille. Mais certes, j'arrivais pas non plus à dormir j'allais pas le nier, faut dire que ça serait déjà plus facile si j'avais pas l'impression de fondre, on étouffait dans cette chambre ... J'étais à deux doigts d'aller dormir sur l'herbe dehors là. Enfin, avant que Camille ne m'attrape comme on attraperait un doudou du moins, parce que ça m'aidait pas à avoir moins chaud c'était certain, mais bizarrement je me sentais quand même un peu mieux, hm. « Je ... Je peux faire quelque chose pour t'aider ? » Qu'il avait même fini par me demander presque comme s'il lisait dans mes pensées ... je croyais pas à ces choses-là, mais j'allais quand même me méfier un peu hein, surtout que j'étais du genre superstitieux au cas où certains ne l'auraient pas encore remarqué. « Rien de plus que ce que tu fais déjà. » Et par là j'entendais ce qu'il faisait là, tout de suite, mais plus généralement sa façon d'être de manière générale. J'avais vraiment eu peur de l'énergumène qu'on allait me refiler pour partenaire en arrivant aussi, mais j'avais été plutôt chanceux sur ce coup-là. Et donc que ce soit dit une bonne fois pour toute d'ailleurs, on pourrait bien me proposer n'importe quoi il était hors de question que j'échange Camille contre quoi que ce soit ou qui que ce soit. Voilà. « Y'a quelque chose qui te tracasse ? » Bah oui, si vous pensiez que j'allais le laisser s'en tirer aussi facilement en fin de compte ... Non parce qu'il avait beau me dire qu'il n'arrivait juste pas à dormir, je savais bien ce qu'elle voulait dire cette excuse, étant donné que j'utilisais la même. Et comme j'étais un fervent utilisateur du fais ce que je dis, fais pas ce que je fais, j'allais pas lâcher l'affaire simplement parce que je préférais qu'il le fasse avec moi ... Faut dire que j'avais un peu l'impression de passer pour le roi des crétins, d'avouer que j'avais juste du mal à gérer le fait d'être loin de Benjamin, parce qu'avant de venir ici je n'avais jamais été loin de lui plus d'une semaine et que là ça en faisait cinq. « Parce que si c'est le cas tu peux me le dire, tu le sais ça ? » J'en remettais un peu une couche oui, je sais, mais bon là c'était juste au cas où ça serait simplement une question d'hésitation de sa part. J'avais rarement des solutions concrètes aux problèmes des autres, mais en revanche j'étais une oreille attentive, pour peu qu'on en ait besoin. Lentement j'avais penché ma tête sur le côté, mon menton venant reposer contre le crâne du jeune homme.

Je ne savais pas trop ce qui m'empêchait de dormir à vrai dire, peut-être était-ce parce que j'avais cette affreuse habitude d'être submergé de pensées, de réfléchir beaucoup trop au moindre détail. Franchement, si je pouvais mettre mon cerveau sur pause au moins quelques secondes, cela me ferait un petit peu de repos. Malheureusement le bouton était défectueux depuis bien trop d'années maintenant, et j'avais encore du mal à vivre avec ce surplus de mots qui s'engouffraient dans mon crâne. Alors, oui, c'était peut-être pour cette raison là que je n'arrivais pas à tomber de sommeil. Et puis qu'on se le dise, je n'avais pas non plus respecté mes horaires habituelles, puisque je me couchais rarement avant deux heures du matin. Non pas que cela m'empêchait habituellement de dormir, ceci dit. Il y avait quelque chose d'autre. Quelque chose sur laquelle je n'arrivais même pas à mettre de mot, ce qui était je vous l'accorde tout à fait étrange. Peut-être y'avait-il une lune ? Non... et puis le globe devait probablement contenir pas mal de ce genre de choses, du coup je doutais que ce soit la raison qui m'empêchait de m'endormir. Du coup, je m'étais logé tout contre mon partenaire, en espérant pouvoir trouver un peu de réconfort auprès de lui. Et sans réelle surprise, ça marchait plutôt bien. Enfin, j'avais quand même essayé de dévier le sujet, comme il avait pu le faire avec moi par le passé, mais en même temps, j'avais l'impression qu'il lui arrivait bien trop souvent de ne pas réussir à dormir, et cela commençait quelque peu à m'inquiéter. Moi, je voulais l'aider. « Rien de plus que ce que tu fais déjà. » grimaçant légèrement, je me disais que pourtant, je n'avais pas l'impression de faire grand chose pour lui. Du coup, j'avais un sentiment d'impuissance, ce qui était habituel chez moi. « Y'a quelque chose qui te tracasse ? » finit-il directement par me demander. « Parce que si c'est le cas tu peux me le dire, tu le sais ça ? » continua-t-il en déposant son menton contre mon crâne. N'ayant pas la foi de changer une nouvelle fois de sujet, ou de lui mentir, j'avais fini par murmurer quelques paroles. « Non... enfin c'est juste que... j'ai parfois l'impression d'être un peu inutile ici... » c'était bizarre dit comme ça, surtout lorsque l'on voyait que j'atteignais chaque semaine depuis le début, le top trois des estimations. Ceci dit, je commençais à chuter, et probablement que cela allait continuer ainsi. « Et puis... tu sais... j'ai tendance à un peu trop m'attacher aux gens... et je me dis qu'une fois à l'extérieur, ils voudront plus forcément me revoir. » et par là, j'incluais mon partenaire qui n'habitait même pas dans le même pays que moi. Passer cinq semaines à ses côtés et je me voyais déjà mal me séparer de lui. C'était n'importe quoi, oui, j'étais bien trop sensible.

C'était un peu paradoxal parce que Camille donnait l'impression d'être un livre ouvert dans lequel il n'y avait qu'à lire, et c'était en partie vrai puisqu'il ne m'avait pas fallut longtemps pour conclure qu'il ne s'agissait pas de mon imagination et qu'il semblait vraiment tracassé. Mais il se débrouillait assez pour qu'il soit difficile voir impossible de trouver pourquoi à moins qu'il ne le dise précisément ; Du coup, j'avais essayé de gratter un peu. Parce que fatalement s'il était préoccupé moi aussi. « Non ... enfin c'est juste que ... j'ai parfois l'impression d'être un peu inutile ici ... » Inutile ? Allons bon, en voilà quelque chose de ridicule. Si y'avait bien une personne qui avait sa place ici c'était Camille, et je disais pas ça simplement parce que c'était mon partenaire, et la personne à laquelle je me sois le plus attaché ici. Même si c'est sûr, ça aidait un peu. « C'est quelqu'un qui t'a dit ça ? » avais-je fini par lui demander d'un ton suspicieux ; Y'avait pas intérêt, j'étais pas du genre méchant mais le premier qui cherchait des noises à Camille allait m'entendre, je plaisantais pas. M'appuyant sur un de mes coudes pour me redresser légèrement, j'avais posé les yeux sur le jeune homme, dont je ne distinguais cela dit que vaguement les traits dans la pénombre. « C'est archi-faux en tout cas, qu'est-ce que je ferai sans toi, moi ? » C'était dit avec un léger ton de plaisanterie, mais en réalité j'étais on ne peut plus sérieux. Je ne m'étais mis en mauvaise posture avec personne, je m'entendais bien avec certaines personnes telles que Jenni, Betty ou même à un autre niveau Amery, mais ce n'était pas la même chose ... Camille c'était un repère, rassurant. « Et puis ... tu sais ... j'ai tendance à un peu trop m'attacher aux gens ... et je me dis qu'une fois à l'extérieur, ils voudront plus forcément me revoir. » Y'avait un truc que je pouvais pas nier, c'était qu'effectivement Camille semblait être du genre à s'attacher rapidement aux autres. Je ne saurais pas vraiment dire s'il s'agissait d'une qualité ou non, disons que c'était peut-être l'apanage de ceux qui ne s'étaient pas encore fait arnaquer à ce sujet-là ... J'espérais pour lui qu'il en serait toujours ainsi cela dit. « Mi casa es su casa, c'est ce qui est écrit sur le paillasson devant ma porte. Enfin, le paillasson en lui-même est super moche, je comprends pas pourquoi Ben tient absolument à garder cette horreur ... mais bref, l'important c'est le message, et si y'a bien quelqu'un à qui il s'applique ici c'est toi. » Même si bon, le message en lui-même je suis sûr que j'aurais pu le trouver en mieux aussi, plutôt que ce vieux paillasson, 'o ko'u hale kou hale et dans de plus jolies couleurs ... Mais Ben tenais à garder cette chose immonde qui traînait déjà devant la porte de son appartement avant qu'on emménage ensemble, alors si ça pouvait lui faire plaisir, hm. « Et puis, je sais bien que je dois être un peu usant à toujours parler de mon île et tout, parce que j'en sors jamais et que du coup je le vis pas hyper bien ... alors j'espère bien qu'un jour tu viendras voir tout ça en vrai, histoire que je t'ai pas saoulé pour rien. » J'avais souri faiblement. Finalement il n'avait pas eu besoin de creuser beaucoup pour me faire cracher le morceau ; J'avais le mal du pays, voilà tout. J'arrivais pas à dormir parce que j'étais loin de chez moi, loin de Benjamin, et loin de mes habitudes. J'avais même pas le bruit de la mer pour me bercer, et c'était en temps normal ça qui m'aidait à trouver le sommeil lorsqu'il rechignait à venir.

Je n'avais jamais vraiment eu l'impression d'être indispensable à cette aventure, peut-être tout simplement parce que je n'avais pas la moindre confiance en moi, et que de ce fait, il m'était bien compliqué de croire que je pourrais intéresser un minimum d'autres personnes. Pourtant je me plaisais ici, oui, et je n'avais clairement pas envie de quitter le nid d'aussi tôt. Et puis si je venais à partir, je ne reverrai très certainement plus Akela, Pavel, Tonya, Ivan et bien d'autres. Et cette pensée me semblait juste inadmissible pour le moment. Parce que je me disais que quoi qu'il m'arrive, ce n'était qu'une parenthèse, et que peut-être, les autres ne voudraient pas garder contacts. Du moins c'est ce que j'en étais venu à croire, puisqu'après tout, mon partenaire avait sa vie, il était marié, et vivait à bien des kilomètres de moi. Alors oui, je voyais pas trop pourquoi il continuerait à prendre de mes nouvelles. Enfin, peut-être décidais-je à sa place en pensant à tout cela, et clairement, une fois à l'extérieur, je savais que je n'aurai aucune envie de délaisser tout ce que j'avais pu construire ici. « C'est quelqu'un qui t'a dit ça ? » je laissais le silence se glissait entre nous. Parce que personne ne m'avait réellement dit ça, non, j'en étais venu à cette conclusion de moi même. Personne n'avait eu besoin de me le dire. « C'est archi-faux en tout cas, qu'est-ce que je ferai sans toi, moi ? » un léger sourire effleura mes lèvres, alors que ma main vint caresser son épaule, pour lui signifier que j'appréciais sa tentative de me rassurer. Mais peut-être que si je n'avais pas été là, il serait tombé sur meilleur partenaire que moi. C'était possible. Tout à fait possible même, puisque j'étais clairement loin d'être parfait. Non pas que j'étais totalement nul cependant, je savais que j'avais quelques points positifs quand même, et ce même si j'avais tendance à n'en remarquer que les négatifs. « Mi casa es su casa, c'est ce qui est écrit sur le paillasson devant ma porte. Enfin, le paillasson en lui-même est super moche, je comprends pas pourquoi Ben tient absolument à garder cette horreur ... mais bref, l'important c'est le message, et si y'a bien quelqu'un à qui il s'applique ici c'est toi. » c'était toujours étrange lorsqu'il évoquait son mari. Non pas que cela me dérangeait particulièrement, juste que je ne pouvais pas placer de visage sur cet homme qui semblait rythmer les moindres pensées d'Akela. Peut-être aurais-je l'occasion de le rencontrer un jour ? J'étais certain qui serait adorable. Du moins, c'est ainsi que mon partenaire semblait le décrire. « Et puis, je sais bien que je dois être un peu usant à toujours parler de mon île et tout, parce que j'en sors jamais et que du coup je le vis pas hyper bien ... alors j'espère bien qu'un jour tu viendras voir tout ça en vrai, histoire que je t'ai pas saoulé pour rien. » c'était probablement pour cette raison qu'il n'arrivait pas à dormir. Du coup, j'avais légèrement resserré mon emprise autour de son torse, comme pour lui apporter mon soutien. « Tu sais... pour ce que ça vaut, je sors pas beaucoup de chez moi non plus... » donc quelque part, nous avions cette idée là en commun, même si pour lui il s'agissait de son île, et que pour moi, ce n'était que de ma chambre. « Tu me promets que tu m'abandonneras pas, une fois à l'extérieur ? » j'avais toujours craint cette notion d'abandon, principalement parce que depuis la mort de mes parents, je n'avais pas pu compter sur beaucoup d'autres personnes que moi même. Et alors que cette aventure commençait à me redonner gout aux contacts physiques, aux échanges, je ne le voyais pas tout abandonner du jour au lendemain. Je ne voulais pas voir ça comme un simple passage illusoire, mais plus comme une nouvelle constante. Une nouvelle façon d'envisager la vie. Et il semblait vouloir me dire que nous pourrions nous revoir. De nature tout de même méfiant, j'attendais tout de même que l'on soit à l'extérieur pour voir ce qu'il en serait. Finalement, la musique se mit à raisonner, celle de Cupidon. Et alors que je me disais que c'était tout de même étrange de l'entendre en plein milieu de la chambre, et en pleine nuit, je réalisais peu à peu qu'il faudrait que j'embrasse Akela. C'était la seconde fois que Cupidon nous faisait le coup, et alors que lors de la première fois, je n'avais pas osé, on pouvait clairement dire que cette scène se prêtait parfaitement à la situation. Pourtant, il y avait quelque chose qui me retenait, encore et toujours. « Je... Je ne sais pas si je peux, Akela... » dis-je alors que mes yeux remontaient jusqu'aux siens, nos lèvres à quelques centimètres l'une de l'autre. Je n'avais pas besoin de lui expliquer comme je pouvais attacher de l'importance à ce genre de geste, surtout avec des personnes que je pouvais apprécier. Et qui n'était de toute façon pas disponible. Je ne voulais pas me faire de faux espoirs. Et puis si je venais à un jour rencontrer Benjamin, je me disais qu'il ne valait mieux pas en venir à ce point. « Ce n'est pas que je ne veux pas... en fait, c'est c'est le contraire. Et c'est ça le problème. » que je lui fis comprendre. Pas besoin d'en ajouter une couche. « Ça te dérange si... l'on reste juste... juste comme ça ? » juste l'un contre l'autre, comme nous avions pris l'habitude de le faire, ni plus ni moins. Jamais plus.

Ça me dépassait un peu, ici ou dans la vie de tous les jours, de voir que c'était souvent la gentillesse la plus sincère qui était vue comme la plus agaçante ... voir la plus hypocrite. Comme si de nos jours on ne pouvait passer pour quelqu'un de franc que lorsque l'on ouvrait sa gueule en espérant être celui qui faisait le plus de bruit. Bref, ça m'agaçait comme généralisation, et ça m'agaçait d'autant plus que Camille pense du coup à tort être inutile ici, ou de façon générale ... C'était archi-faux, et y'allait falloir que je lui donne des cours de confiance en lui, à ce rythme-là. Fallait pas croire que la confiance en soi c'était un truc inné de toute façon, qu'on naissait ou ne naissait pas avec ; C'était comme tout, ça se travaillait. Avec plus ou moins de facilité, certes, mais ça se travaillait. Reste que là, je savais bien qu'il allait falloir plus que le fait que je lui dise pour que Camille prenne confiance dans sa place ici, mais c'était pas une raison pour que je ne dise rien du tout ... si bien que presque pour le mettre en confiance j'avais fini par avouer la propre raison de mon insomnie. J'avais le mal du pays, voilà tout. Enfin du pays, c'était pas le paysage qui me manquait le plus on se doutait bien, mais bon. « Tu sais ... pour ce que ça vaut, je sors pas beaucoup de chez moi non plus ... » Je n'allais pas dire que j'étais étonné, parce que y'avait tout un tas d'adjectifs que l'on pouvait associer à Camille, et casanier en faisait définitivement partie ... Et ça, on pouvait le deviner même en étant coincé ici, et en le connaissant depuis quelques semaines seulement. « Tu me promets que tu m'abandonneras pas, une fois à l'extérieur ? » J'avais secoué la tête comme pour donner un crédit supplémentaire à ce que j'allais répondre. Le ton de sa voix me rappelait un peu celui de Leilani quand j'avais du lui expliquer que j'allais déménager pour m'installer en dehors de la base ... Bon, c'était pas à la même échelle, mais à l'âge qu'elle avait à l'époque quitter Pearl Harbor, c'était pratiquement comme si j'allais m'installer à l'autre bout du monde. « Hoʻohiki, c'est promis. » Pour lui ça n'évoquait peut-être rien, mais une promesse dans ma langue natale c'était pas juste une promesse et basta, c'était le niveau encore au dessus. Bref, de toute façon je savais très bien que j'étais ce genre de type qui s'attachait un peu trop vite aux gens et qui avait tendance à aimer tout le monde ... Enfin non, pas tout le monde, mais vous avez compris le principe quoi, je connaissais Camille de puis quoi, cinq semaines, et j'avais déjà l'impression de le connaître depuis des lustres. J'avais cru pouvoir me laisser bercer par la respiration de Camille, je sentais enfin mes paupières papillonner et je m'étais dit qu'enfin le sommeil avait décidé de ramener sa fraise, parce que mieux valait tard que jamais après tout ... Mais au lieu de ça, Cupidon avait décidé de nous rebattre les oreilles avec sa musique à la mord pour le nœud. « Dites-moi que je rêve ... » avais-je soupiré d'un air blasé, parce que franchement c'était trop demandé que de pouvoir dormir ? Dor-mir, pitié, juste quelques heures, avant que le manque de sommeil ne me rende dingo en plus d'être grognon. J'avais pas envie de bouger, je le ferai si Camille le faisait mais sinon j'étais tout aussi disposé à faire comme si cette musique ridicule n'était pas venue nous casser les oreilles, pour rester poli. « Je ... Je ne sais pas si je peux, Akela ... » m'avait alors bafouillé mon partenaire, comme s'il avait soudain peur que me vienne l'idée de l'emplâtrer à cause de son refus. Relax Max, j'étais pas encore le genre prêt à tout pour un peu de thune, surtout pas à mettre mon partenaire mal à l'aise. Même si en l’occurrence mal à l'aise il semblait déjà l'être. « Ce n'est pas que je ne veux pas ... en fait, c'est c'est le contraire. Et c'est ça le problème. » J'étais pas vraiment certain d'avoir compris, ou plutôt de savoir quel sens donner à cette phrase, et du coup je ne savais pas trop quoi répondre non plus. « Non mais, y'a pas de souci. » Oui, j'étais parfois d'une très grande éloquence excusez-moi. Mais bon je ne voulais pas non plus rester sans rien dire et risquer de le laisser croire que je lui en voulais ou je ne sais pas ... ça aurait été totalement stupide ceci-dit, et j'osais au moins espérer qu'il savait depuis le temps que j'étais pas du genre susceptible comme ça, mais bon au cas où. « Ça te dérange si ... l'on reste juste ... juste comme ça ? » Si ça me dérangeait ? C'était plutôt à lui de se poser cette question à vrai dire, moi je connaissais mes limites, je me les étaient fixées moi-même ... Mais lui, j'avais pas envie qu'il se retrouve dans une situation qui lui déplaisait ou qui le gênait. « Si ça te va, alors ça me va. » souriant légèrement malgré l'absence de lumière, j'avais recalé ma tête sur mon oreiller en réprimant un bâillement, sentant le bras de Camille toujours calé contre moi. C'était peut-être un peu égoïste mais ça m'arrangeait qu'il reste là ... J'avais décidément bien trop perdu l'habitude de dormir seul, et ça me rassurait plus que de raison d'avoir quelque chose contre moi pour m'endormir. « Bonne nuit. » avais-je fini par murmurer en sentant à nouveau mes yeux se fermer sans que je n'ai besoin de les y forcer.