Leone avait compris que ce sapin représentait beaucoup aux yeux de son camarade. Il avait donc décidé de s’appliquer pour ne pas le décevoir et lui permettre ainsi de passer un Noël aussi agréable que possible.

« Pas vraiment non. Mais je manie les boules à la perfection. » Répondit-il un large sourire aux lèvres, en désignant les deux boules qu’il tenait dans ses mains. L’innocence de Noël venait d’en prendre un coup.

Leone n’avait jamais adoré Noël en particulier depuis le divorce de ses parents alors qu’il n’était qu’un petit garçon, fils unique. Sa famille était complètement éclatée, il vivait lui-même à une centaine de kilomètres des siens. Lorsqu’il fêtait le réveillon il prenait généralement l’avion, alternant entre sa mère et son père selon les années. Décorer un sapin était donc la dernière de ses préoccupations, la première étant de savoir avec qui et où célébrer la venue du Père Noël. Il refoula cette sombre pensée, faisant bonne figure pour Matthew.

« Si l’occasion se présente je te prouverai que je dis vrai. » Répondit-il un brin provocant, en lui lançant gentiment une boule au niveau de son buste.

Le jeune homme n’avait pas l’intention d’ennuyer son interlocuteur ou de gâcher ce moment avec son ressenti personnel vis-à-vis des fêtes de Noël, de plus il n’aimait toujours pas parler de lui. Il répondit par conséquent légèrement à côté de la question posée tout en finalisant son côté du sapin :

« Je ne fête pas Noël chez moi, ma famille vit au Canada. Et je reconnais ne pas forcément prendre le temps d’acheter et décorer mon propre sapin. Et toi, t’avais l’air un peu préoccupé tout à l’heure. Tu veux toujours pas me dire ? Tes proches te manquent ? »

Leone s’était levé et avait reculé de quelques pas, voulant admirer le sapin. Il pouvait paraître hypocrite en voulant s’introduire dans le jardin secret de Matthew alors que de son côté il refusait encore de se confier complètement à lui. Il n’était pas hypocrite, il se souciait réellement de son camarade qu’il portait toujours un peu plus haut dans son estime.

Le jeune Américain aurait imaginé que ce manque ressenti par Matthew se serait dissipé progressivement au fil de l’aventure, il s’était trompé. Son camarade avait l’air vraiment affecté. Pourtant en acceptant de participer à Fake Lover il savait à quoi s’attendre, peut-être n’avait-il pas réalisé que passer Noël loin des siens serait si éprouvant. Leone se sentait impuissant, dans l’incapacité de lui remonter le moral. Il n’avait jamais été particulièrement doué pour montrer son affection selon les lois définies par la nature humaine. Il se contenta de lui parler avec franchise :

« Tu dois surmonter ce manque Matt. C’est normal que tu penses à ta famille, à ta copine et à tes amis surtout pendant les fêtes de Noël, mais cette aventure c’est la tienne. Et si tu regardes bien tu as aussi des proches prêts à te soutenir dans cette maison. »

Matthew enroula ensuite autour de lui une guirlande bleue qu’il compara volontiers à la couleur de ses yeux. Légèrement confus, il plongea son regard dans le sien sans bouger.

« T’es imprévisible, mystérieux et indéchiffrable. J’ai besoin d’un décodeur… »

« Pas mal hein ? » Déclara-t-il en désignant le sapin du regard. Il était plutôt fier de ce qu’ils avaient réalisé ensemble et espérait de tout cœur qu’il plaisait à son camarade.

« Je vais descendre les cartons à la cave. » Dit-il en se débarrassant de la guirlande bleue. Il emboîta les cartons l’un dans l’autre et s’apprêta à quitter la chambre, suffisamment encombrée par les affaires de chacun. Avant de sortir de la pièce, il reprit un brin provocateur :
« Je ne sais pas ce que je représente à tes yeux mais j’ai l’impression que tu te plais dans cette ambigüité. »

Le jeune agent marketing lui adressa un franc sourire en retour, il avait également apprécié que Matthew lui demande cette faveur. Apparemment celui-ci le considérait comme un ami, pourtant il ne semblait pas très sûr de lui. Leone en revanche ne s’aventurerait pas à nommer leur relation.

« Putain me le faut vraiment ce décodeur. » S’exclama-t-il avec humour dans un éclat de rire.

Il disparut finalement dans le couloir avec les cartons et descendit les escaliers, continuant de se questionner sur le mystère qu’était Matthew.