J’ai envie d’aller faire un petit tour à la piscine. Et je dois l’avouer, ça me déplairait pas de tomber sur ma partenaire. J’sais qu’elle y passe beaucoup de temps. Tout comme à la salle de sport. Comme moi. Certains entretiennent leur cerveau, les nourissent intellectuellement, à coup de bouquins tout ça, et bien moi il s’agit de mon corps. Mon physique est déjà bien assez critiqué comme ça, pour qu’en plus je me laisse aller. J’essaie de compenser comme je peux, même si bon, ça n’empêchera jamais les gens de critiquer ma tronche, peut importe à quel point je suis musclé. Heureusement que j’ai les épaules plutôt solides et que j’encaisse bien, parce qu’avec tout ce que je me prends dans la gueule, certains à ma place seraient déjà en dépression là non ? Bref, cet aprem, je m’ennuie, et je vais à la piscine, plus dans l’optique d’y trouver de la compagnie, que de réellement faire des efforts physiques, je dois l’avouer. J’ai déjà pas mal donné ce matin, avec un footing et deux heures en salle de muscu. J’esquisse un sourire lorsque j’aperçois la petite tête d’Aliénor dépasser de la piscine. Sauf que dès qu’elle me voit, elle s’immerge automatiquement sous l’eau. Non mais dites donc, elle joue à cache cache ? Elle croit que je ne l’ai pas vu ? Je m’avance jusqu’au rebord. « Tu crois pas que… » Merde je sens un truc sous le pied. « Aaargh c’est quoi ça ? » Je soulève, et je constate que j’ai écrasé une bestiole. Eurk. Je me passe le pied dans l’eau pour nettoyer ça. Et ta ma partenaire qui a refait surface. Elle fait une drôle de tête. « Quoi ? Tu…C’était ta copine ? »

Comme un con, j’ai marché sur un insecte. Je ne l’ai pas vu malheureusement. A priori, je dirais que ça ressemble à un bourdon. Je ne sais pas trop, il fait grise mine là vous voyez. Je suis juste bien content de ne pas m’être fait piqué malencontreusement. Je grimace, parce que c’est dégueu d’avoir ça sur le pied, mais en soit, je m’en fiche pas mal d’avoir tué un truc volant. Sauf que, vu la tronche que tire ma partenaire, j’ai comme l’impression que j’ai fais une boulette. Encore. Pour pas changer. « C'est, je… Non, Jeremy… » Jeremy ? Je ne suis pas fou, elle vient bien de dire Jeremy ? Elle a donné un nom à un bourdon mort ? Enfin mort…je suppose qu’il ne devait pas l’être avant que j’arrive. Ou elle parle de quelqu’un d’autre ? Mais vu qu’on est seul bah… Y a de quoi se poser des questions. « Non mais c'est bon, je m'en fiche, je suis pas débile, je copine pas avec des insectes… » Elle est sure ? Parce que ça contraste un peu avec son expression facile et ses propos d’avant. V’la qu’elle me tourne le dos et s’éloigne. Avant de finalement revenir. « Tu as pas vu où ce qui reste de son corps est tombé ? » De son corps ? « Tu…pourquoi, tu veux en faire quoi ? C’est dégueulasse. » C’est bon là il est mort, c’est fini. « Mais t’as le reste là… » Que je dis en désignant du pied, le rebord. « Tu devrais l’oublier, il est déjà parti dans un monde meilleur. Je suis sur qu’il n’a pas souffert. » Si jamais ça peut la consoler. Sa mort a été rapide. Enfin je suppose. Peut être que je me suis contenté d’écraser un cadavre. Bon et sinon, on ne va pas passer deux heures là-dessus quand même. Je plonge finalement dans l’eau. Cette fois pas en mode gros boulet, a faire une bombe. Non exécution parfaite. Je remonte à la surface, et reviens près de la jeune femme. « Non mais…t’es vraiment peinée ? » J’sais pas, j’ai l’impression qu’elle a dû mal à s’en remettre là.

Le petit bourdon, adieu. Je trouve ça moche perso, et j’aime pas quand ça te tourne autour. Alors certes ils ne sont pas agressifs, pas comme les guêpes, mais je mets un peu ça au même niveau quand même. Avec les frelons, les abeilles…Moins je les vois, mieux je me porte. Seulement Alienor a l’air de s’en préoccuper. Comme si ça la peinait cette mort tragique. Elle me demande où sont les restes. Elle prétexte que c’est pour le mettre à la poubelle. Mouais. Je ne suis pas franchement convaincu. « D’accord. » Je vais lui laisser le bénéfice du doute. Je plonge dans l’eau et revient vers elle. Je vois bien que tout ceci la chamboule. Pour vous dire, j’aurais même envie de la prendre dans mes bras là. « Oui… Un peu. J'avoue à contrecœur. On m'a souvent dit que j'étais trop sensible. » Ah oui mais là…On est carrément à un niveau, pfffiou. Je veux bien qu’elle soit l’amie des bêtes, mais quand même. Qu’on pleure un animal de compagnie, un chat, un chien, ok, mais un bourdon qu’ele vient de rencontrer depuis une minute. Ils n’ont même pas eu le temps de se lier d’affection vous voyez. « Et si tu te moques de moi, j'te frappe. » Houlala j’ai peur. « Voyons…Je suis bien trop adorable pour que t’oses me frapper. » Comme si ça allait arriver. De toute façon, elle ne doit pas faire de mal à une mouche. Littéralement.   « Mais si t’es dans cet état pour un bourdon, qu’est ce que ça doit être pour de vrais trucs… » Pas que je veux minimiser le décès d’un insecte mais bon… C’est vrai quoi, qu’est ce que ça doit être pour la mort d’un chien…La perte d’un boulot, je ne sais pas, tout et n’importe quoi. « M’enfin c’est bon à savoir. J’éviterais à l’avenir de tuer quelconque être vivant en ta présence. » Oui que je me rappelle de ne pas tuer une araignée ou une mouche. Je ne veux pas la peiner. « Tu veux un câlin ? » Quoi ? On ne sait jamais hein. Mais non non je ne me moque pas, c’est une vraie requête.

Je ne la vois pas me frapper, non non. En tout cas pas pour si peu. Parce qu’après, même la femme la plus douce du monde, dans certaines circonstances peut se révéler en vraie harpie. Quand tu touches un point sensible, on peut réveiller le lion qui sommeille en elles. « Tu marques un point. Ma foi, je ne ferais pas de mal à une mouche. » J’hoche la tête. « Je dirais même pas que tu ne ferais pas de mal à un bourdon ! » Oui voilà c’est cette expression qu’elle devrait utiliser à présent. Je souligne son côté sensible. Vous vous imaginez si elle est peiné juste pour cet insecte ? Qu’est ce que ça doit être lorsque de vrais évènements tristes se produisent ? « Je peux être assez paradoxale. Très bien encaisser certaines choses que la plupart des gens ne supportent pas. Les animaux, c'est mon point faible. Parce que, je sais pas, je trouve qu'ils sont purs, dénués de mauvaises intentions. » Je ne partage pas son avis. « Tu diras ça au chien qui m’a bouffé le mollet ! » Les animaux peuvent être violents. Entre eux, avec les êtres humains… Même ceux qui sont censés être l’ami des hommes. Donc moi je ne trouve pas du tout qu’ils sont dénués de mauvaises intentions. J’ai déjà un mauvais souvenir avec un chien. Le con m’a attaqué. J’en garde la cicatrice. Comme tout un tas d’autres cicatrices, en fait. Mais celles là, pas provoquée par des animaux. Bref, vu que c’est son point sensible, je lui confie qu’à l’avenir je ferais attention avec nos amis les bêtes. Je serais un pacifiste, même si j’aurais envie d’écraser les bestioles que je croise. Pour le coup, je lui propose même un câlin. Si je ne suis pas le mec le plus adorable de la terre hein. Et je n’ai pas d’arrières pensées derrière la tête…ou si peu. Elle me jauge un instant, comme pour déceler si je me fou de sa gueule ou pas. Elle en conclut que non. Elle a bien raison, puisque je suis sérieux. « Voui je veux bien… » Regardez là, on aurait du mal à lui refuser quoi que ce soit. Je me rapproche d’elle, et viens donc l’entourer de mes bras. Pas de tentative de tripotage, mes mains restent dans son dos. Je n’oserais pas. Même si ce câlin est pour la réconforter, je ne nie pas que c’est assez plaisant… C’est ce moment là que choisit Cupidon pour lancer sa musique. Je la lâche et la regarde. Un regard interrogateur, qui attend son autorisation pour initier quoi que ce soit.