Même sans y avoir une place majoritaire, la religion avait plus ou moins toujours fait partie de ma vie, de façon plus ou moins variées. Je ne venais pas d'une famille où on allait à l'église toutes les semaines par exemple, mais j'avais un père qui de son vivant disait fièrement ne répondre qu'à Dieu et à sa patrie, et une mère qui nous avait biberonné toute notre enfance mes sœurs et moi aux coutumes et aux traditions de mon peuple. Du coup, j'étais définitivement à mettre dans la catégorie des croyants, ce qui n'empêchait pas l'existence de ce temple de cupidon de m'apparaître comme une profonde hérésie ... Non mais bien sûr, j'allais prier un angelot de pacotille, tout à fait. Du coup, j'avais foutu une seule et unique fois les pieds dans le dit temple depuis que j'étais ici, et je me souvenais surtout que la décoration kitschissime et chargée m'avait affreusement piqué les yeux ... Et pourtant j'étais là, une nouvelle fois. Parce que décoration mise à part, c'était l'endroit le plus calme de la propriété, et pratiquement le seul où on pouvait espérer être un peu seul et tranquille quand on en avait envie. Et j'en avais envie justement, je dirais même plus que ça, j'en avais besoin. Le dernier prime m'avait laissé un affreux goût d'amertume, la faute à mon mariage s'étant retrouvé l'objet d'une des questions de Roselynn ; Je m'étais mis à douter, pour la première fois en plus de cinq semaines, et je n'arrivais tout simplement plus à me débarrasser de ce sentiment de doute. Ce n'était pourtant pas comme si il avait été contre ma venue ici, on en avait discuté forcément, et il connaissait ma motivation pour tenter de gagner, il savait quels étaient mes projets pour cet argent hypothétique ... Et il me faisait confiance, je savais qu'il me faisait confiance. Mais pour qu'on en vienne à me questionner sur ma capacité à rester fidèle, alors qu'à mes yeux cela tombait sous le sens, j'en venais à me demander si la chose semblait si évidente à des yeux extérieurs. Et si c'était pas évident pour une chroniqueuse, est-ce que ça l'était pour Benjamin ? Est-ce qu'il me faisait toujours autant confiance après six semaines qu'au début ? Ça me tuait de ne pas savoir putain, j'aurais donné absolument n'importe quoi là, pour pouvoir lui parler rien que vingt secondes ... Passant fébrilement une main sur mon visage j'avais pris une grande inspiration, fallait que je me secoue, je pouvais pas me laisser abattre comme ça, j'étais pas une pleurnicheuse merde. Gardant les yeux fermés encore quelques secondes, j'étais resté assis dans un coin de la pièce, à même le sol et le dos appuyé contre le mur encore un instant. Et c'est seulement quand j'avais ouvert les yeux en voulant me relever que j'avais remarqué que je n'étais pas tout seul « Je t'avais pas entendu arriver. » que j'avais alors commenté en sursautant légèrement. Me sentant tout à coup un peu stupide, je m'étais relevé et j'avais passé une main sur ma nuque tout en cherchant une excuse valable au fait d'être dans cet endroit que je n'affectionnais pas spécialement, et assis à même le sol alors que y'avait largement de quoi s'asseoir, hm ... Mais j'avais pas d'excuse, alors du coup j'avais simplement demandé « Ça fait longtemps que t'es là ? » en me disant qu'au pire si elle répondait non j'aurais déjà un peu moins l'air d'un imbécile, hm. J'avais jamais vraiment parlé à Danaé en fait, je réalisais ... Le château était tellement grand aussi, c'était pas étonnant, c'était quasiment mission impossible de croiser tout le monde limite, en dehors des primes, surtout une fois qu'on avait chacun pris ses petites habitudes et qu'elles ne correspondaient pas forcément les unes avec les autres. « Tu venais prier Cupidon pour qu'il soit un peu moins vicelard avec nous ? » demandais-je alors sur le ton de la plaisanterie. Franchement je doutais qu'on soit exaucé même en le demandant, à la limite nous risquerions surtout d'aggraver notre cas, et je n'y tenais pas spécialement personnellement.

Plus le temps passe et plus j’apprécie ma vie dans ce château. Ce n’est pas facile tous les jours, mais c’est tout de même bien moins dur que de devoir jongler entre les couches du petit Erick, la pension alimentaire que son père refuse de me donner tous les mois et le travail qui me prends un temps monstre. Ici, je suis au calme. Enfin, pas tout le temps, mais disons que je suis plus tranquille. Lorsque j’ai envie de me retrouver entièrement au calme, un petit peu comme maintenant en fait, je vais me promener dans les jardins du château jusqu’à atteindre le temps de Cupidon et je passe du temps là-bas. Ce n’est pas l’endroit le plus beau de ce domaine, mais c’est le plus reposant. C’est aussi un endroit qui, je trouve, n’a aucune utilité. C’est ici juste pour flatter l’égo du petit angelot aux grosses joues qui est censé nous faire peur tout au long de l’aventure. Je ne le trouve pas effrayant pour ma part. Je trouve qu’il est plus chiant qu’autre chose avec sa petite musique romantique qui surgit de nulle part et jamais au bon moment. Je trouve aussi qu’il est idiot parce qu’il nous pose des questions débiles, comme lors du dernier prime par exemple. C’est en pensant au dernier prime que j’arrive sur place. J’y trouve un homme assis par terre et qui n’a franchement pas l’air dans son assiette. Je reste sur le pas de la porte. Je ne veux pas le dérange. Je l’observe durant un bon moment. Jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux pour se relever. Il semble assez étonné de me voir. Je lui adresse un petit sourire neutre. « Je t'avais pas entendu arriver. » Il n’y a pas de mal à ça. Mon sourire s’intensifie très légèrement pour lui montrer que je ne lui en veux pas de ne pas avoir fait attention à ma petite personne. Après tout ce n’est pas comme s’il s’agissait d’une personne que je connais plutôt bien dans l’aventure et qui serait en train de m’ignorer. « Ça fait longtemps que t'es là ? » Je fais quelques pas pour m’approcher de lui. « Assez longtemps pour voir que tu sembles nostalgique. » que je dis d’une toute petite voix avant de pointer du doigt une place sur le sol juste à côté de lui. « Je peux ? » En fait je n’attends pas vraiment sa réponse puisque je viens m’installer à ses côtés sans en avoir l’autorisation. Au pire s’il me dit non je me lève et je m’en vais. C’est aussi simple que ça. Je pousse un petit soupir et ferme les yeux lorsqu’il prend la parole une nouvelle fois : « Tu venais prier Cupidon pour qu'il soit un peu moins vicelard avec nous ? » Un rictus s’échappe d’entre mes lèvres alors que je viens remuer ma tête de gauche à droite. « J’pense sincèrement que Cupidon est sourd. Que l’on vienne le prier ou qu’on lui hurle dessus, il s’en moque et n’en fait qu’à sa tête. » Et moi je parle du vrai Cupidon, pas de celui en plastique qui nous sert de maître du jeu. Ramenant mes jambes vers moi, je les encercle de mes bras et pose ma tête sur mes genoux. « Comment s’appelle ton époux ? » Je ne lui ai peut-être jamais parlé, mais j’écoute ce qui se dit et surtout j’étais présente lors du prime. En plus je suis curieuse alors je ne peux m’empêcher de lui poser la question. Si je suis trop indiscrète, il suffit qu’il me le dise et puis c’est tout.

« Assez longtemps pour voir que tu sembles nostalgique. » C'était bien ce que je craignais, à vrai dire. Mais bon, du moment qu'elle me faisait grâce de la sempiternelle question de savoir si j'allais bien, cette question que personne n'avait envie de répondre quand la réponse était non, je suppose que je pouvais faire avec. A la place, elle m'avait simplement demandé « Je peux ? » et tout en lui faisant un signe de tête affirmatif j'avais de nouveau laissé reposer l'arrière de ma tête contre le mur « Fais comme chez toi. » Enfin, sauf qu'ici ça n'était pas plus chez elle que chez moi, mais je supposais que cet imposteur de Cupidon ne nous en tiendrait pas rigueur ... Non, il devait surtout se délecter d'avoir pour une fois deux personnes pour le prix d'une supportant la décoration outrancière de cet endroit à sa gloire personnelle, hm. D'ailleurs, je n'avais pu m'empêcher une gentille réflexion sur l'angelot, il ne l'aurait pas vraiment volé je pense que tout le monde était d'accord là-dessus « J’pense sincèrement que Cupidon est sourd. Que l’on vienne le prier ou qu’on lui hurle dessus, il s’en moque et n’en fait qu’à sa tête. » On parlait toujours du même garnement joufflu ou bien ? Bah, ça ne changeait pas grand chose de toute façon, y'avait du vrai dans ce que venait de dire Danaé en tous les cas ; Quoi que prier Cupidon me semble de toute façon par nature des plus inutile, je crois pas qu'on puisse considérer une légende de bonne femme comme une divinité. Enfin non, je savais bien que Cupidon était un dieu romain, mais je pensais pas qu'il soit toujours considéré comme tel ailleurs que dans les livres d'histoires, quoi. « C'est à force de nous côtoyer nous les humains, il a fini par attraper certaines de nos mauvaises habitudes, à commencer par celle d'être trop têtu. » Et là-dessus je ne pouvais que plaider coupable, j'étais pour ma part plus tête qu'une mule. Mais je le revendiquais entièrement, tant qu'à faire. Tandis qu'elle posait sa tête sur ses genoux d'un air pensif, j'avais de nouveau fermé les yeux quelques instants, jusqu'au moment où j'avais entendu Danaé me demander « Comment s’appelle ton époux ? » Rouvrant les yeux, j'avais eu une seconde de battement entre le moment où elle avait posé sa question et le moment où j'avais réalisé que fallait que je formule une réponse, et c'est à voix basse que j'avais répondu « Benjamin. Ben. » me reprenant presque automatiquement, parce que c'était pourtant pas faute de savoir qu'il détestait qu'on l'appelle par son prénom complet ; C'était bon quand il avait douze ans, soi-disant. Et bon sang pourquoi fallait-il que le simple fait de prononcer son prénom à voix haute me serre le cœur de cette façon ? C'était pas non plus comment si j'étais en train de le perdre ... non ? « Comment tu fais ? » avais-je alors demandé de but en blanc, en tournant complètement la tête vers elle pour la regarder dans les yeux. « J'ai cru comprendre que tu avais un bébé, c'est ça ? » Je ne savais plus de qui je tenais cette information à vrai dire, mais il me semblait bien que c'était ce que j'avais compris ... enfin bon, j'avais préféré avoir confirmation avant de continuer, et finalement j'en étais enfin arrivé là où je voulais en venir « Comment tu fais pour gérer l'éloignement, et tout ? Je dis pas ça pour te juger hein, on a tous nos raisons d'être ici, mais ... c'est pas difficile ? » Parce que franchement, quand je voyais déjà comment je gérais de ne pas voir Ben, je n'osais même pas imaginer comment ce serait si j'avais des gosses. Surtout que bon, je me connaissais assez pour savoir que si j'avais des enfants un jour, je serais à coup sûr ce genre de père gaga et étouffant ... un peu comme j'étais avec mes deux petites sœurs, mais en pire. Bref, j'imaginais que ça ne devait pas être facile pour elle non plus ...

Ce n’est pas mon genre de questionner les personnes qui ne semblent pas dans leur assiette. Je pense sincèrement qu’elles sont déjà assez mal comme ça pour que je vienne en rajouter une couche en posant tout un tas de questions. Surtout que je suis certaine que je ne suis pas de bons conseils et, en plus, je ne peux pas avoir réponses sur tout. C’est pour ça que je ne pose pas de questions à Akela lorsque je le vois en train de déprimer tout seul au fond du temple de Cupidon. Je préfère prendre place à ses côtés et discuter de la pluie et du beau temps avec lui. J’ai bien envie d’apprendre à le connaître vu que je n’ai encore jamais eu l’occasion de tenir une conversation avec lui. Tout en m’approchant de sa petite personne je lui demande si je peux prendre place à côté de lui, sur le sol. « Fais comme chez toi. » Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée ça. Si je commence à faire comme chez moi alors je vais commencer par me déshabiller et par porter quelque chose de plus confortable. Ici, je suis toujours obligé de faire attention à comment je m’habille, même pour dormir. Chez moi, je peux uniquement enfiler un bas de survêtement avec un débardeur du matin au soir et dormir avec une vieille culotte de grand-mère que personne ne va m’en tenir rigueur. Je ne rétorque pas et me contente de sourire. Je préfère parler de Cupidon et des gens qui viennent ici pour le prier. Je parle à mon interlocuteur du fait que l’angelot est plutôt du genre têtu. « C'est à force de nous côtoyer nous les humains, il a fini par attraper certaines de nos mauvaises habitudes, à commencer par celle d'être trop têtu. » J’approuve d’un signe de la tête. « Tu as peut-être raison. » Je marque une courte pause. « Mais son côté têtu n’explique pas pour autant son côté diabolique et méchant. » Parce que oui, moi je le trouve méchant parfois à Cupidon. Un petit peu comme au dernier prime avec ses questions. D’ailleurs en parlant du prime, il me semble avoir entendu dire que mon camarade est marié à un jeune homme. Je suis curieuse alors je ne peux pas m’empêcher de lui poser des questions. Notamment le prénom de son époux. « Benjamin. Ben. » Je tourne ma tête vers Akela pour l’observer un court instant. Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas et ça se voit. J’espère que je n’ai pas fait une gaffe avec ma question. De toute façon, je n’ai pas le temps de le savoir puisqu’il prend à nouveau la parole. « Comment tu fais ? » Il tourne sa tête lui aussi pour m’observer. Je fronce les sourcils en me demandant de quoi il peut bien parler. « J'ai cru comprendre que tu avais un bébé, c'est ça ? » Tout s’explique. Il va lui aussi me faire le leçon sur ma participation à cette émission alors que mon fils est encore un bébé et que je le laisse avec son père et ma mère. Je baisse les yeux. Je commence à avoir honte d’être ici à force que tout le monde me traite comme une mauvaise mère. « Comment tu fais pour gérer l'éloignement, et tout ? Je dis pas ça pour te juger hein, on a tous nos raisons d'être ici, mais ... c'est pas difficile ? » Je pousse un soupir et relève la tête. Cependant je n’ose pas le regarder. Je préfère largement la vue de l’autel en marbre blanc qui se trouve en face de moi. « Je ne sais pas. » C’est la vérité. Je ne sais pas. « Je n’ai pas quitté mon fils des yeux du jour de sa naissance à mon entrée dans l’aventure donc je te laisse imaginer à quel point il peut me manquer. » En disant cela je n’ai qu’une envie, courir vers la cabane en bois pour dire que j’ai envie de partir, mais ce serait un comportement lâche alors je me contente de pousser un énième soupir et de farfouiller dans l’une des poches du jeans que je porte pour en sortir un bracelet de naissance bleu, portant le nom de mon fils, Erick. « Je n’ai pas pu le prendre avec moi, ce qui se comprends vu que ce n’est pas du tout un environnement sain pour un bébé, alors j’ai apporté tout un tas de choses lui appartenant et ayant son odeur pour avoir l’impression d’être avec lui. » C’est peut-être stupide comme idée, mais je n’ai pas eu le choix. Je sais très bien que lorsque je vais sortir d’ici mon bébé n’en sera plus un, mais un petit garçon et que j’aurais raté des étapes importantes de sa petite vie, mais je n’ai pas eu le choix. Je ne l’ai pas abandonné de toute façon, il est entre de bonnes mains. Rien qu’en y pensant, j’ai envie de pleurer. D’ailleurs une petite larme vient rouler le long de l’une de mes joues. Une petite larme que je me depêche d’essuyer pour qu’il ne la voit pas.

« Tu as peut-être raison. Mais son côté têtu n’explique pas pour autant son côté diabolique et méchant. » Diabolique et méchant, rien que ça ? C'était ce que l'on appelait être fataliste, et pas qu'un peu à mon avis. Bon ceci dit qu'il s'agisse du vrai où du bébé joufflu qui foutait le boxon ici, j'avais jamais eu à me plaindre de Cupidon jusqu'à présent en tous les cas ... Ici il me foutait la paix pour l'instant, et à l'extérieur la seule vraie peine de cœur que j'ai eu à vivre n'avait rien à voir avec la fatalité, et les raisons je les connaissais très bien. « Il a peut-être eu le cœur brisé avant nous. Ça l'aura rendu aigri. » avais-je donc simplement répondu d'un ton pensif. Bizarrement, voir les choses de cette perspective là rendait presque le chérubin sympathique ... presque, hein. Mais là pour le coup c'était peut-être moi qui virait un peu aigri, parce que Cupidon ou pas j'étais - et ce n'était même pas une exagération - à des milliers de kilomètres de la personne que j'aimais. Je savais pas vraiment d'où venait Danaé et donc si son bébé était aussi loin d'elle que Ben de moi, mais au final la distance c'était pas ce qui comptait ... Son enfant pourrait bien être dans le village voisin qu'elle ne le verrait pas plus que moi je pouvais voir mon mari. Du coup je n'avais pas pu m'empêcher de lui demander comme elle faisait, comment elle parvenait à gérer l'éloignement ... Franchement, j'étais pas contre quelques conseils dans ce domaine, là. « Je ne sais pas. » Ouais bon, c'est sûr que ça m'avançait pas trop ça, comme réponse, mais bon. En tout cas elle n'avait pas tardé à développer, aussi j'avais préféré ne rien répondre pour ne pas la couper « Je n’ai pas quitté mon fils des yeux du jour de sa naissance à mon entrée dans l’aventure donc je te laisse imaginer à quel point il peut me manquer. » J'imaginais bien en effet, et à l'entendre soupirer ainsi j'avais surtout l'impression que j'avais gaffé et que j'aurais mieux fait de continuer à me mêler de mes affaires. Se tortillant un instant en semblant chercher quelque chose dans l'une de ses poches, elle en avait sorti un bracelet de naissance sur lequel j'avais vaguement pu lire un prénom. Je savais que c'était ça parce que ma mère avait gardé le mien et celui de mes deux sœurs dans un coin de sa boite à bijoux. « Je n’ai pas pu le prendre avec moi, ce qui se comprends vu que ce n’est pas du tout un environnement sain pour un bébé, alors j’ai apporté tout un tas de choses lui appartenant et ayant son odeur pour avoir l’impression d’être avec lui. » Je comprenais. Enfin, c'était pas vraiment comparable, mais moi j'avais bien embarqué deux ou trois fringues de Ben dans ma valise pour partir, un maillot des Phillies et un sweat de l'université de Philadelphie entre autres, tout ça pour me rassurer. Le bracelet qu'elle tenait dans les mains en tout cas, n'avait pas l'air de dater d'il y a bien longtemps, tant et si bien que j'avais fini par demander « Il a quel âge ? » Surtout que bon, le terme bébé restait assez vague en définitive,ça pouvait aller de quelques semaines à un an et demi ou deux ans, non ? C'était peut-être la question de trop cela dit, baissant la tête la jeune femme avait passé une main sur son visage pour chasser ce que je devinais être une larme ou deux, même sans les avoir vues. Je m'étais d'un seul coup senti terriblement stupide, surtout que je pouvais parfois parler beaucoup, mais j'étais pas toujours hyper doué quand il s'agissait de trouver la petite phrase réconfortante qui ferait du bien et ne donnerait pas l'impression d'avoir été prononcée par un gosse de cinq ans. « Je ... je suis désolé, j'aurais pas du lancer ce sujet. » Ouais, maintenant elle avait l'air aussi déprimée que moi, peut-être même plus, c'était pas vraiment malin comme initiative ... Mais bon extérieurement elle semblait gérer les choses mieux que moi alors forcément j'étais curieux ; En définitive elle était certainement simplement bonne comédienne. Hésitant quelques secondes, sans trop savoir quoi faire ou quoi dire de plus, j'avais fini par passer un bras hésitant autour de ses épaules comme pour essayer de la consoler. Je pensais pas vraiment que ça changerait quoi que ce soit mais bon, on ne pourrait pas me reprocher de ne pas essayer.

« Il a peut-être eu le cœur brisé avant nous. Ça l'aura rendu aigri. » Cupidon est encore le centre de notre discussion. Tout comme moi Akela ne comprends pas la présence d’un temple à la gloire de l’angelot au sein du nid d’amour. D’accord il s’agit du maître du jeu, de l’élément principal de cette émission, mais ce n’est pas une raison pour forcer la totalité des candidats à admirer ses grosses joues bien roses à longueur de journée. « Peut-être bien. » Je ne sais pas comment Cupidon pourrait avoir le cœur brisé, mais je veux bien faire un petit effort et imaginer que cela est possible. Je n’en dis pas plus, préférant poser des questions à mon interlocuteur sur son époux. Ainsi l’homme partageant la vie d’Akela se nomme Benjamin. Ben pour les intimes. Je ne sais pas ce qu’il se trame dans la tête du candidat, mais il semble vraiment à côté de la plaque. Je trouve cela assez déprimant, mais pas plus que lorsqu’il vient me poser des questions sur Erick. Sur mon fils. Je ne sais pas vraiment quoi répondre sur le moment. Tout le monde passe son temps à me poser cette question-là, mais je ne sais jamais quoi dire. J’ai l’impression que dès que je vais ouvrir la bouche quelqu’un va me rire au nez et me juger. Je ne connais pas vraiment Akela et il a l’air au plus bas, c’est peut-être ça qui fait que je viens me confier à lui sur comment j’arrive à gérer l’absence de mon fils. Glissant ma main dans l’une des poches de mon jeans, j’en sors un petit bracelet de naissance que je viens lui montrer en lui expliquant que j’ai fait le choix d’apporter des affaires de mon petit trésor pour pallier à l’absence de ce dernier. Ce n’est pas simple tous les jours et je suis certaine qu’il le sait. Je n’ai pas besoin de le préciser. « Il a quel âge ? » Un sourire admiratif vient naître sur mes lèvres. « Huit mois et demi maintenant. » Dont un mois et demi que je ne l’ai pas vu. C’est assez dur à cette âge car je suis certaine que je rate des choses supers importantes dans se petite vie de bébé, mais je compte bien rattraper le temps perdu en sortant d’ici. Assez nostalgique en pensant à tout ça, quelques larmes coulent le long de ma joue. Quelques larmes que je me dépêche d’essuyer, mais je crois bien que je ne suis pas assez rapide. « Je ... je suis désolé, j'aurais pas du lancer ce sujet. » Oh, il ne faut pas qu’il s’en fasse. Je suis certaine que verser quelques larmes peut me faire du bien. En plus, de nos jours, ce n’est plus vraiment considéré comment une faiblesse de pleurer. Je lui adresse un sourire timide. « C-ce … n’est rien. » Après tout c’est moi qui n’aurait pas pu lui parler de son époux. Pourtant je ne peux pas m’empêcher de mettre à nouveau mon grain de sel dans la soupe. « Vous vous êtes rencontrés comment Benjamin et toi ?» Je ne sais pas si on est assez intimes – je ne pense pas encore – pour prononcer le prénom de l’homme qui partage sa vie, mais je prends tout de même le risque. S’il ne veut pas que je le fasse il n’aura qu’à me le dire.

« Peut-être bien. » Ouais, peu-être bien, ou peut-être que non. Peut-être que Cupidon - et là je parlais de l'entité et pas du bébé joufflu qui servait de lien avec la production ici - était simplement un sale con qui se délectait des cœurs brisés et des amours contrariés. Faudrait quand même être sacrément frustré pour en être réduit à ça mais bon ... Enfin bref, trêve de bêtises, j'avais fini par aborder un peu maladroitement un autre sujet, celui de l'enfant que Danaé avait laissé au dehors pour entrer ici. Je me doutais bien que le bébé en question ne devait pas non plus être entre de mauvaises mains, d'autant plus quand on voyait la façon dont elle en parlait, mais bon c'était sûr que c'était jamais pareil que d'avoir ses proches à portée de main, si on pouvait dire ça ainsi ... Mais je suppose que je pourrais aussi être mieux à même de comprendre si j'avais moi-même des enfants. Pas que j'en veuille pas, mais bon ce n'était pas le cas, c'était comme ça ... ça changerait peut-être un de ces jours, on savait jamais ce que nous réservait l'avenir. D'ailleurs, j'avais fini par demander à Danaé quel page avait le sien. « Huit mois et demi maintenant. » me répondit-elle assez fièrement. Huit mois et demi, autrement dit dans l'hypothèse où elle reste encore ici en jeu un petit moment, elle pourrait se rendre compte réellement du fait que son fils avait grandi lorsqu'elle le retrouverait. Mais il ne se souviendrait sans doute pas non plus d'avoir été séparé de sa mère, fallait voir le côté positif de la chose, disons. C'était pas hyper malin de ma part d'avoir lancé le sujet ceci dit, c'était pas parce que j'étais là à déprimer dans mon coin que je devais faire en sorte que quelqu'un d'autre ne suive le mouvement ; Du coup je m'étais excusé, un peu maladroitement. « C-ce … n’est rien. » Non, c'était pas vraiment rien si elle pleurait. Mais j'avais préféré ne pas insister, me contenter de lui adresser un sourire compatissant avant de reposer l'arrière de ma tête contre le mur et de fixer je ne savais quoi devant moi, d'un air pensif. « Vous vous êtes rencontrés comment Benjamin et toi ? » avait-elle fini par me demander. La question en elle-même m'avait fait sourire malgré tout, pour les souvenirs qu'elle provoquait principalement, et m'avait laissé pensif un instant. Je cherchais une manière de résumer la chose à vrai dire ; Faut dire que j'avais pas rencontré Ben dans les circonstances les plus romantiques qui soient, en fait. « La vérité ? On s'est rencontrés au milieu d'une bagarre, en quelques sorte. Enfin, il est venu s'interposer avant que ça en devienne une, surtout … » Ouais bon, ça c'était une des raisons pour lesquelles j'avais pas vraiment envie de rentrer dans les détails, je voulais pas passer pour une viande saoule qui tapait sur le premier venu dans les bars ... J'étais pas le dernier pour la castagne plus jeune, mais là j'étais pas le fautif ce soir-là. Enfin bref, je voulais pas non plus avoir à m'expliquer là-dessus, donc. « J'ai fait ma mauvaise tête parce que c'est ce que je fais de mieux, mais il m'avait déjà tapé dans l’œil à ce moment-là … Quelques jours plus tard je lui ai offert un verre pour me faire pardonner. » Bon au moins, il ne pourrait jamais dire que je l'avais trompé sur la marchandise, il avait eu un aperçu de mon caractère de merde dès le premier jour et il ne pouvait plus dire qu'il n'était pas au courant. Et puis, même si ça m'amusait pas forcément de l'avouer, fallait bien dire que je m'étais quelque peu assagi depuis que je l'avais rencontré. Maintenant à savoir si c'était parce que j'avais vieilli ou bien si c'était Ben qui m'avait rendu comme ça, c'était la grande question. « Bon ceci dit, si on a des enfants un jour je pense que faudra enjoliver un peu l'histoire avant de la raconter, hm … » Ouais non, essayez vous, d'aller expliquer d'une part que la violence c'était mal et que ça ne résolvait rien, et après dire que vous aviez rencontré l'homme de votre vie au milieu d'une bagarre ... Y'avait un léger souci de crédibilité, huhu.