“ love don't give no justification,
it strikes like cold steel ”

feat. donia

Il arrivait que de toutes les idées farfelues susceptibles de traverser l'esprit de Freddie tout au long d'une journée – autant dire généralement un paquet – certaines soient véritablement des plus saugrenues, et aptes à donner lieu à d'improbables situations. Ce matin, par exemple, l'anglaise s'était levée avec l'idée d'apprendre à cuisiner, étant donné que ses compétences culinaires se limitaient pour le moment à appuyer sur les boutons d'un micro-ondes, ce dont elle ne se satisfaisait manifestement plus. Bon, elle n'avait pas non plus prévu de rivaliser avec Gordon Ramsay à la fin de la journée, mais il est vrai qu'elle aimerait apprendre quelques petits trucs, tout bêtes, histoire de pouvoir au moins se vanter de savoir faire cuire une omelette sans avoir ensuite à attaquer la poêle au vinaigre pour tenter d'y rattraper les dégâts occasionnés. Alors oui, elle avait présentement dans l'idée de faire son possible pour se former, histoire de ne pas rester sur ses échecs passés et de retirer la cuisine de la liste des choses qu'elle était incapable de faire sans mettre les vies de tout son pâté de maisons en danger. Elle était donc entrée dans la vaste pièce, n'avait pas tardé à y ouvrir le frigo et à en sortir divers ingrédients, très aléatoirement il est vrai, vu qu'elle comptait pour commencer procéder à quelques petits mélanges, histoire de voir ce que ça pourrait donner, parce que l'improvisation avait parfois du bon. S'emparant successivement d'un œuf, d'un concombre, d'un morceau de beurre, de jambon et de pâte de foie, elle entreprit de mélanger tout ça dans un récipient puis s'empara d'une casserole où elle fit chauffer le tout, à tout petit feu cela dit, justement parce que ses expériences passées lui avaient servis de leçon. Très vite, une odeur pour le moins singulière se répandit dans la pièce et c'est alors à ce moment là qu'elle fut rejointe par Donia, qui avait bien mal choisi son moment pour entrer. « Si ça sent le rat crevé, c'est normal, je me mets à la cuisine » qu'elle annonça spontanément, tentant de surveiller la cuisson tout en supposant que sa camarade ignorait en fait combien les mots 'cuisine' et 'freddie' étaient généralement incompatibles. Parions que ça ne durerait pas.

Douchée et fraichement vêtue, après un entrainement en piscine plutôt tardif, en cette matinée presque achevée, je revenais doucement vers les aires communes du château lorsque sur mon chemin, je croisais la cuisine, d’où une odeur… particulière se dégageait. Particulièrement infecte, oui. Elle se fraya un chemin jusqu’à mes narines et j’en eus presque un haut-le-cœur, ce qui était plutôt rare dans mon cas, ayant un certain degré de tolérance assez élevé à ce sujet. Je passai la tête dans l’entrebâillement de la porte pour jeter un coup d’œil à ce qui se tramait dans la pièce, et aperçu Freddie au niveau de la cuisinière, visiblement très concentré à concocter… je ne sais quoi. Curiosité piquée malgré le bouquet désagréable qui se dégageait de son plat, je ne pus m’empêcher d’aller zieuter par moi-même la tragédie culinaire qui se déroulait là. Je pénétrais donc dans la pièce, retenant autant qu’il était possible mon souffle pour m’épargner quelques effluves indigestes. La jeune femme me repéra bien vite, et me servit un avertissement qu’elle aurait dû savoir vain. Le mal était déjà fait. « Si ç’a été dit dans le but de me rassurer, je te confirme… que c’est loin d’avoir fonctionné. » Je jetais un coup d’œil aux ingrédients présents sur la table de travail, et arquais un sourcil devant le mélange éclectique qui s’y trouvait. J’en déduisis – ainsi qu’avec l’aide d’un autre de mes sens – que la candidate était loin d’être douée en matière de cuisine. Elle pouvait bien avoir d’autres talents, mais elle devait… non, il fallait qu’elle se tienne loin des fourneaux. Je sentais venir (oh, le jeu de mots) les problèmes. « Que tentes-tu de faire, au juste? » la questionnais-je, incertaine. Une question dont je doutais de connaître la réponse, vu l’inexpérience apparente de ma camarade.

Peut être n'eut-ce pas été une si bonne initiative que ça de s'essayer à la cuisine, ou en tous cas toute seule, sans pouvoir bénéficier des conseils avisés d'une personne plus renseignée sur le sujet. Parce qu'apprendre de son propre chef, il est vrai que ça n'avait pas été une brillante idée, mais Freddie n'avait eu envie de déranger aucun de ses camarades avec son désir d'apprendre à cuisiner. Bon, la vérité, c'est surtout qu'elle avait eu un peu honte, à presque trente piges, d'en être à devoir apprendre les rudiments les plus élémentaires, qu'ainsi donc elle n'assumait pas de s'y prendre un peu sur le tard. Et son erreur se confirma dès qu'elle entreprit de sortir un certain nombre d'aliments et qu'elle commença à procéder à un mélange qu'elle voulut audacieux mais qui ne tarda pas à se vouloir inquiétant, d'abord de part sa texture et sa couleur assez improbables, ensuite lorsqu'elle mit le tout à revenir à la casserole et qu'une odeur pour le moins pestilentielle s' en échappa. Mais loin de se laisser déstabiliser pour autant, la jeune femme redoubla au contraire d'attention, des fois que son mélange puisse être plus raté encore que ce devait déjà être le cas, si l'on partait logiquement du principe qu'à la gueule qu'il avait et à l'odeur qu'il renvoyait, il n'était pas loin d'être immangeable. Pour autant d'une lucidité intacte, elle fut totalement en mesure d'admettre que c'était savamment mal parti lorsque Donia la rejoignit dans la cuisine. D'emblée, elle préféra l'informer que cette odeur assez repoussante s'expliquait de par un fait des plus simples : c'était pour elle une nouveauté de s'essayer à ce genre de préparations, puisqu'elle débutait - et c'était peu dire. Semble-t-il alors que son commentaire n'eut rien de très rassurant, mais la vérité c'est qu'elle ne l'avait pas particulièrement énoncé dans cette optique là. « A vrai dire, c'était surtout censé te dissuader de me juger trop vite en me cataloguant d'office comme la pire cuisinière que l'émission ait vu passer. Il est très probable que je reste nulle toute ma vie, certes, mais là j'aimerais penser que je ne suis pas une cause tout à fait perdue, quand même. » Disons qu'elle s'était dit qu'en sachant qu'elle débutait tout juste, Donia aurait attendu un peu avant de se foutre d'elle, effectivement. « Tout ce que je demande, moi, c'est un peu de compréhension » qu'elle reprit, prenant une mine innocente et en haussant doucement les épaules. La question que sa camarade lui posa la fit néanmoins réfléchir, parce que c'était pour le moins difficile, à cet instant, de déterminer ce qu'elle avait voulu faire. « Quelque chose qui soit a priori à mi-chemin entre tout et rien » confia-t-elle, peu disposée à lui donner de réponse plus précise. « Tout ça résulte d'une certaine improvisation, tu l'auras compris. J'ai voulu me la jouer autodidacte, force est de constater que je n'aurais pas du. » Bonne nouvelle, elle n'était pas dans le dénis, elle admettait aisément qu'il aurait mieux valu apprendre de quelqu'un de plus doué qu'elle, ce qui n'aurait pas été dur à trouver, hm.