emilien

Depuis le soir où Everleigh m’a surprise à danser, j’ai l’impression d’avoir la piqure à nouveau. Cette passion, que j’avais enterré l’année dernière. Cette passion dont je m’étais promise de ne jamais partager avec la femme qui me servait de mère et qui m’avait abandonné pour cette raison exacte. Et voilà que je suis là, à danser presque tous les jours. À m’exercer encore et encore, comme si j’avais besoin de rattraper le temps perdu. C’est aussi le meilleur moyen de me calmer. Le seul moment où j’ai l’impression d’être en contrôle de mes mouvements, de mon corps. Et je suis donc tellement concentré, tellement dans cette bulle qui ne m’appartient qu’à moi que je ne vois pas la porte s’ouvrir. La musique masque le bruit, je fais dos à la porte, jusqu’à ce que je me tourne dans un mouvement gracieux, sur les pointes, m’arrêtant brusquement, retombant sur la paume de mon pied durement. Emilien, devant moi. Et je me fige complètement, comme si je venais de voir un fantôme ou presque. Je le fixe, longuement, me demandant s’il allait dire quelque chose. Emilien n’est pas le plus bavard, je suis déjà au courant mais tout de même. Et je me demande ce qu’il vient faire ici. Il vient s’entraîner ? Je ne crois pas non. En fait, j’en sais rien. La musique finit par s’arrêter et ça a le don de me ramener à la réalité. « T’as besoin de quelque chose ? » Ma voix est plus froide que je ne l’aurais voulu. Je ne sais plus comment me comporter avec lui. C’était si naturel au début. Et maintenant... Maintenant c’est loin de l’être. Je baisse la tête, me sentant gênée, alors que je ne devrais pas. « Finalement... J’avais peut-être des raisons d’être un peu jalouse d’Ezra... » Je lâche ça comme ça, sans vraiment réfléchir. Je dis jalouse, mais je ne sais pas si le mot s’applique réellement à ce que je ressens. Mais je sais que je n’ai pas apprécié le voir embrasser le jeune homme. Pourtant Emilien ne me doit rien. En fait, c’est même moi qui lui a dit de s’éloigner de moi, très clairement. Mais il ne voulait pas m’écouter. Mais pourquoi s’accrocher à moi s’il se passe clairement quelque chose avec Ezra. Je ne comprend pas.

Emilien n’avait clairement pas sa place ici. Ici. Dans cette pièce. Dans cette salle de sport. Qu’était-il venu faire là ? Il se le demandait bien lui-même. Il n’avait clairement pas sa place, ici. Il n’avait rien d’un grand sportif. Il ne pouvait pas vraiment le cacher cela, sa corpulence un brin frêle lui faisant défaut. Certes, il faisait un peu de ski, de patinage, de marche à pieds et du vtt. De temps en temps. En entrant dans cette salle, il s’imaginait bien qu’un sportif aguerri viendra lui faire comprendre qu’il n’avait pas sa place ici. Une mélodie attira son attention lorsqu’il poussa la porte. Un peu de douceur dans ce monde de brutes (oui parce qu’une salle de sport n’était forcément remplie que de brutes.). Un petit sourire se dessina lorsqu’il entendit la mélodie. Il ne pouvait pas s’empêcher de vouloir qui était venu trouver refuge dans cet endroit. Dans un tel endroit. Et petit à petit, se dévoila sous ses yeux une gracieuse danseuse. Et rien à voir avec la prouesse d’Alecia devant un écran de télévision. Emilien resta sur place, les bras ballants. Il aurait peut-être dû s’asseoir dans un coin, il aurait peut-être eu un air… un peu moins bêta. Et en quelques secondes, il n’eut pas de difficulté pour reconnaitre la danseuse, pour la reconnaitre. Harlow. C’était elle. Ce n’était peut-être pas une si bonne idée qu’il reste là. Comme cela. Il devrait peut-être partir. Ce choix serait en effet le plus judicieux. Mais trop tard. Oui, trop tard. Ca ne servait plus à rien de fuir. Puis pourquoi. Pourquoi ressentait-il cette envie de fuir ? De la fuir ? Son regard venait de croiser celle de la jeune fille. Il ne pouvait plus bouger. Il baissa légèrement la tête. Il ne voulait pas croiser son regard. La dernière fois qu’il l’avait croisé… c’était lors du prime. Et ce n’était pas ce genre de regard qu’il aurait préféré recevoir de la part d’Harlow. C’était l’un de ces regards noirs qui lui faisait froid dans le dos. Il n’aimait pas cela. Ce regard, ce jugement qu’elle avait pu porter sur lui. Aussitôt que la musique venait de s’évanouir dans les nébuleuses, la voix d’Harlow résonna dans la pièce. Il releva la tête, osant alors affronter son regard. Avait-il besoin de quelque chose ? Non. Et dont la façon qu’elle avait employé pour lui demander cela, il n’était pas la bienvenue. Finalement, c’était Harlow qui venait de le remettre à sa place. Il n’avait pas sa place, ici. Il aurait voulu qu’elle lui parle si doucement, un peu comme avant. Comme s’il y avait un avant et un après. Un duo d’antan, et un duo d’aujourd’hui. Il l’aurait tant voulu. « Finalement... J’avais peut-être des raisons d’être un peu jalouse d’Ezra... ». Emilien n’était pas bête. Il se doutait bien de quoi elle voulait parler. Enfin, pourquoi elle disait cela. Elle avait dû voir les images. Comme tout le monde. Comme beaucoup trop de monde. Enfin ça ne devrait rien lui faire à elle, de toute façon. Elle doit ne plus en avoir rien à faire d’Emilien ? Il ne savait même pas pourquoi il pensait cela. « Je… je suis désolé de ce que tu as pu voir… » souffla-t-il. « Vraiment désolé. ». Puis pourquoi. Pourquoi il disait cela ? Pourquoi s’excusait-il ? Il n’avait rien fait de mal. Il avait juste embrassé Ezra. Il avait le droit et il n’avait pas à se justifier, surtout pas auprès d’Harlow.

Ce n’est pas que j’aurais préféré ne pas voir Emilien entrer dans cette pièce. C’est seulement que... Que j’avais l’impression qu’un mur s’était dressé entre lui et moi. Et je sais qu’à la base, je suis la fautive dans toute cette histoire. J’ai voulu le repousser, pour mon bien. Enfin, si on peut dire, parce que finalement, je ne suis pas plus heureuse de le voir s’éloigner de moi. Peut-être étions nous devenu proche trop rapidement. Encore une fois, je pourrais mettre la faute que sur moi et moi seule. Et au fond, je n’ai aucun droit d’être jalouse d’Ezra. Bien que je le suis légèrement. Ça ne fait aucun sens, mon comportement ne fait aucun sens. Je le fixe alors que la pièce est maintenant plongée dans un silence pesant. C’est lourd comme ambiance, et je ne me sens pas très à l’aise. Je suis froide, il a bien du le ressentir, je n’ai pourtant pas envie qu’il parte. Enfin, j’aurais peut-être du réfléchir avant de parler de ma jalousie et de son baiser avec Ezra. Parce que ça, ça risque de le faire fuir, non ? « Je… je suis désolé de ce que tu as pu voir… Vraiment désolé. » Je ne comprend pas pourquoi il s’excuse. Moi je ne me serais pas excusé si j’avais eu un tel comportement. Je dis ça, mais je ne sais pas vraiment. Je décide de m’approcher de lui, on est trop loin l’un de l’autre pour avoir une conversation sérieuse j’ai l’impression. « T’as pas à être désolé Emilien... Et puis, je suis mal placée pour te demander d’approcher personne alors que moi... Alors que je... » Alors que je couche à répétition avec Cameron. Ouais, il aura comprit que c’était ce que j’essayais de lui dire. Je n’ai pas honte de ce que je fais avec Cameron, aucunement même, mais en parler avec Emilien est plutôt étrange. Je ne me sens pas trop à l’aise. Je soupire un peu plus fort que je ne l’aurais voulu, fixant à nouveau le jeune homme devant moi. « Bref, tu fais ce que tu veux... Et c'est encore mieux si ça te rend heureux.» Tout simplement. Je ne vais pas lui dire qui il doit embrasser et ce qu’il doit faire ou non à l’intérieur de ce jeux. C’est un grand garçon, il est conscient de ses agissements, beaucoup plus que moi je suis consciente des miens, ça c’est certain. Je regrette juste le temps où tout était facile et naturelle entre nous. Le temps où je n'avais pas tout gâchée, j'imagine.

En soi, il espérait peut-être retrouver Emmeline dans la salle de sport. Oui, voilà. Quelques heures auparavant, il l’avait surpris entré dans la pièce et l’avait rejoint. Evidemment, ce serait surprenant que sa partenaire soit encore là. Mais qui sait. Il avait donc longuement hésité. Il se doutait bien que cette pièce n’était pas faite pour lui. Et si Emmeline n’était pas là ? La ou les personne(s) déjà présente(s) n’hésiterait certainement pas à lui faire comprendre qu’il n’avait rien à faire là. Oui, il n’était pas sportif, et en plus de cela, il n’était pas en tenue dit de sport. Malgré cela, il trouva le courage pour ouvrir la porte. Lui en fallait pour oser faire un tel geste. Malheureusement, Emmeline n’était pas là. Tant pis. Pas non plus de sportifs aguerris dans le coin. Tant mieux. Mais… Harlow… tant… pis ? mieux ? Il ne savait pas comment réagir face à la jeune fille. Et il saisit rapidement qu’elle n’avait pas envie de le voir, pas envie de lui parler. Pourquoi elle lui parlait comme cela ? Pourquoi ? Elle était jalouse. Jalouse d’Ezra. C’était pour cela qu’elle lui parlait assez froidement ? Parce qu’elle était jalouse d’Ezra ? Emilien baissa doucement la tête, avant de s’excuser. S’excuser de ce qu’elle avait pu voir. Enfin, elle n’avait sûrement pas du s’attarder longuement sur les images. Il n’avait pas à s’excuser. Certes, elle avait raison. Il ne savait même pas pourquoi il lui avait dit cela. Peut-être aurait-il dû réfléchir avant de parler. Ca lui aurait évité de dire cela. En soi, il n’avait rien fait. Ce n’était juste qu’un baiser. Un baiser bien trop passionné. Mais aucun cas, il n’avait des comptes à lui rendre, à Harlow. Il lui lança un regard critique et quelque peu sombre lorsqu’elle tenta de finir sa phrase. Il ne voulait même pas savoir ce qu’elle voulut lui dire. Il avait sa petite idée. C’était certain qu’elle était mal placée pour prôner ce genre de discours. Un petit soupir s’échappa alors de sa bouche. Il fit un léger hochement de tête lorsqu’elle eut fini de prendre la parole. Il faisait ce qu’il voulait, certes. Il fit un pas en arrière, lorsqu’il remarqua qu’Harlow s’était approchée de lui. Bien trop approche, selon lui. « Tu penses que l’on pourrait être heureux ensemble ? lâcha-t-il subitement, avant de se reprendre. Je veux dire… c’est devenu différent entre nous et j’ai l’impression qu’on est en train de s’éloigner… et… » il baissa la tête, lâchant un frêle soupir. Lorsqu’il releva la tête, son regard se déposa sur le visage de la jeune fille. « Enfin, c’était ce que tu voulais. Il faut croire que t’as gagné. ». Il fut quelque peu amer dans ses propos. Ca lui avait fait presque de la peine d’avoir dit cela. Il s’en voulait presque, mais pourtant il ne s’excusa pas de cela. Il venait de fouler deux autres pas en arrière. Près à partir. Oui, il n’avait plus rien à faire ici. Après tout, elle ne voulait plus de lui, n’est-ce pas ? Mais c’était sans compter sur Cupidon. Forcément. Il secoua doucement la tête. Il lança finalement un regard en direction d’Harlow, se pinçant les lèvres. Le temps était compté. Il savait parfaitement qu’à la fin de cette musique, s’il n’y avait pas de baiser, ils perdraient de l’argent. Ca lui importunait peu ce détail. Il n’avait pas envie de passer pour un mauvais joueur. Il s’approcha alors de la jeune fille qui se trouvait en face de lui. Brisant petit à petit ce mur palpable qui se bâtissait peu à peu entre eux, au fil des jours. Il déposa tout doucement ses lèvres sur celles de la jeune fille. S’adonnant alors un baiser.