JORAH.

J'avance pieds nus contre la roche, je crois que c'est réellement le moyen le plus efficace pour ne pas glisser. Mes pas sont précis et vifs, je ne doute de rien. J'avance et je finis par tomber sur un mec, totalement immobile. Non loin de la limite de la roche et de la flotte. Instinctivement, je pense qu'il veut se suicider en sautant bien que je ne pense pas que ce soit le plus judicieux, mais soit. Je m'approche de lui, doucement, sans mouvement brusque. Le vent fait battre mes cheveux contre mon visage. « Tu abandonnes ? » je demande alors avec un air faussement peiné. En vrai, je me demande quand est-ce que je pourrais annoncer la bonne nouvelle aux autres, un candidat en moins les gars, sabrez le champagne !  « Tu me diras, je te comprends » je lance alors. Oui, moi je fais de la contre aide psychologique, totalement, je pousse le patience à abréger ses jours, mais attention, je ne fais cela que dans son bien, qu'on se le dise ! C'est limite si je lui donne pas la main pour qu'il puise le courage en lui. En même temps, je ne peux qu'abonder dans son sens, vu tous les teubés qu'on risque de se taper cette saison, je peux comprends qu'il en ait déjà marre. C'est tout à fait légitime, qu'il se rassure. M'enfin, concentrons nous sur mon petit patient.  « Tu sais, avant que tu ne te décides, j'suis sûre qu'on aurait pu devenir meilleurs amis ... » je dis d'une voix dénudée d'expressions pendant quelques secondes, oui, je n'ai jamais eu de barrière entre professionnel et privé, je ne suis pas difficile comme fille, au final.  « ... donc sache que lorsque tu mettras -enfin- fin à tes jours, j'hériterais de ta cagnotte, en ta mémoire » je lance avec une lueur prédatrice dans les yeux. Non, franchement, ça me fait plaisir, qu'il ne s'inquiète pas.

Si Jorah s'était dirigé vers la côte rocheuse, qu'on se le dise, c'était plus instinctivement qu'autre chose. Profitant du calme relatif qui régnait dans le nid en ce début de matinée, il avait simplement estimé qu'il pourrait être agréable de se balader un peu, et ses pas avaient fini par le conduire sur ces hautes pierres. N'ayant jamais tellement été un client du vertige, il s'était alors dressé sur celles-ci et avait laissé ses yeux se perdre sur l'horizon. Mais à aucun moment il n'avait envisagé de mettre fin à ses jours, ah ça non. Lui qui relativisait toujours sur tout ferait honte à ses principes s'il décidait de partir de cette manière. Et puis, à bien regarder la vie qu'il menait, il n'estimait pas être à plaindre, que ce soit à l'extérieur ou bien ici, dans ce nid qu'il n'avait intégré que trois jours plus tôt. Alors non, vraiment, il était peu probable qu'il saute de lui-même dans le vide, alors à moins que cette jeune femme qui l'avait accosté l'instant d'avant décide de l'y pousser, supposons qu'il resterait en vie, tout compte fait. En tous les cas, cette rencontre se voulait originale, parce qu'il n'avait pas franchement l'habitude qu'on cherche à savoir s'il prévoyait d'en finir, et encore moins qu'on l'y incite discrètement. Mieux valait qu'elle ne croise jamais la route d'un vrai suicidaire, cette jeune femme, parce qu'elle avait une manière bien à elle de gérer la situation. A la question qu'elle lui posa au départ, ses lèvres dessinèrent simplement l'esquisse d'un sourire, son regard remontant lentement vers le sien. Il aurait pu rentrer dans son jeu et faussement s’apitoyer sur son sort, mais il préféra la laisser poursuivre, son sourire s'étirant à mesure qu'elle semblait véritablement vouloir qu'il passe à l'acte. C'est finalement lorsqu'elle évoqua l'idée d'avoir pu devenir sa meilleure amie, puis celle d'hériter de sa cagnotte en hommage à son tragique destin qu'il lâcha un petit rire et fourra ses mains dans ses poches. « Oui, mais non. Moi, j'ai une autre idée » qu'il formula, plissant les yeux lorsqu'un courant d'air lui arriva en pleine face. « On devient meilleurs amis, ça pas de problème, mais je garde ma vie et ma cagnotte » reprit-il en se tournant davantage vers elle. Il l'examina un court instant, plutôt intrigué par cette apparition. « Dis-moi, juste pour savoir si je dois m'inquiéter pour les autres, ça te prend souvent d'inciter les gens à en finir ? » C'est qu'il n'était peut être pas le premier qu'elle tentait de faire sauter. Ce serait une stratégie de jeu comme une autre, au final.

Son suicide le fait rire ? Je savais bien qu'il n'avait pas l'air net, le bonhomme, mais à ce point là, c'est morbide. Il a une idée. Tiens donc. Le contraire m'aurait étonnée, on contrarie toujours le docteur, donc moi. Je croise mes bras sur ma poitrine et j'attends la suite. Éblouis-moi.  « Désolée, mais je n'ai pas dans mes habitudes de prendre en compte les idées de mes patients mentalement fragiles » je lui réponds avant qu'il ne m'expose son idée à lui. C'est ma seconde règle, n'écouter personne sauf ma brillante personne. Tout simplement. D'ailleurs je pense qu'il faudrait que je répertorie mes règles pour n'en n'oublier aucune, elles sont primordiales pour ma survie ici. On peut devenir meilleurs amis sans qu'il ne se tue. Eh merde. Je crois que la première solution me plaisait plus, je n'avais pas besoin de sociabiliser, au moins. « Tu es vraiment sûr de ton choix ? » j'insiste, je suis prête à lui donner une liste d'argument.   « Je ne veux pas que tu regrettes après » je dis en posant une seconde ma main sur son épaule. Si j'incite souvent les gens à en finir, j'hoche affirmativement la tête. Non, réellement, je dis simplement la vérité, vérité qui blesse, généralement.  « C'est une passion comme une autre » je me justifie avec l'esquisse d'un sourire. Mes prunelles impassibles scrutent son visage et je ne peux m'empêcher d'ajouter un : « Ne juge pas, c'est surement grâce à moi que les morgues ont du taff, tu sais, la crise, tout ça » je laisse planer avec un large mouvement de la main. Enfin c'est bien là que vont les corps non ? Enfin, le temps de constater le décès par suicide quoi.

Si certains auraient pu se laisser déstabiliser par cette rencontre pour le moins atypique, Jorah se contenta d'y voir une originalité loin d'être inintéressante, parce qu'après tout, ça changeait des rencontres banales que l'on faisait souvent. C'était bien la première personne qu'il rencontrait qui tentait de le persuader qu'il gagnerait, en quelques sortes, à se laisser tenter par le suicide. Ses intentions, il ne les jugeait pas malsaines, se doutant qu'elle avait simplement un humour bien à elle, qui ne lui déplaisait pas nécessairement d'ailleurs. Bien sûr, c'était très glauque, mais dans la mesure où Jorah n'avait pas un seul instant envisagé de sauter de la côte, il ne pouvait le prendre qu'au second degré. En tout cas, il se sentit obligé de lui signifier qu'il avait quand même une meilleure idée que son histoire de suicide et de cagnotte léguée en héritage. C'est vrai qu'il serait tout aussi intéressant, en fin de compte, d'être son ami tout en restant vivant. Non ? Mais si, bien sûr, n'importe qui préférerait l'avoir en ami avant qu'il passe l'arme à gauche. Lui, en tout cas, avait quand même bien envie de s'en persuader. Mais voilà qu'elle chipota. « De tes autres patients, je veux bien le croire, mais moi je compte bien devenir ton préféré, alors tu peux d'ors et déjà te préparer à faire des exceptions pour moi. » Tout ça pour dire qu'il ne se gêna donc pas pour lui exposer sa si brillante idée, et qu'il ne mit pas longtemps à constater qu'elle ne lui convenait pas particulièrement. « Sûr de vouloir t'offrir mon amitié de mon vivant ? Oh bah oui, je crois bien. » Ce serait plus simple qu'une fois qu'il serait passé de l'autre coté, ça c'est certain. Et elle avait beau s'inquiéter pour lui, non, il ne regretterait pas, et c'est bien ce qu'il chercha à lui dire à travers un fin sourire reconnaissant. « T'as pas trouvé de passion moins dangereuse pour tes semblables ? C'est pas ce qui manque pourtant ! » Mais semble-t-il qu'elle avait déjà pensé à sa petite excuse : le fait de contribuer à approvisionner les morgues. Vu comme ça, évidemment. « Oh, ainsi donc, tu serais une sorte d'ange de la mort. Mais t'as un prénom, au moins ? » Subtile façon de discuter plus utilement. C'est qu'elle avait décidément aiguisé sa curiosité.

Sa réponse m'arrache un sourire. Oui, il ne faut jamais briser les espoirs d'un homme, c'est ce qu'on me reproche assez souvent. « Mon préféré ? Tentative de corruption sur son psychiatre, j'ajoute cela à ton dossier, dès ce soir » je lance avec un air peiné. Enfin, il est forcément mon préféré puisqu'il est mon unique client, son cas est si lourd que je suis obligée de m'y consacrer corps et âme. « Il est déjà si chargé » je souffle en rajoutant une couche. Oui après névrose, tentative de suicide, voilà que je vais devoir encore y apporter une note supplémentaire. C'est triste, mais c'est lui qui m'y oblige, je n'ai pas le choix, c'est un devoir médical, je dirais.  Il me cause passions. « Si mais elles étaient dénudées d’intérêt » je balance en mettant les mains dans les poches, ouai, faire du tricot, très peu pour moi, un club lecture, apportez-moi la corde, du sport, regardez mon corps parfait, le dessin, non je n'ai pas envie de surpasser Picasso ni de le déloger de son statut d'artiste. J'ai réponse à tout. Parce contre, aider son prochain à avoir une belle mort et l'accompagner dans ce passage entre deux mondes, ça, c'est réellement altruiste. Personne ne pourra dire le contraire, j'ai des arguments en béton armé. Si j'ai un prénom ? Euh, j'en suis pas sûre, attends, je pars et si je m'en souviens, je te fais signe. Il pourra m'appeler don du ciel, lueur d'espoir, déesse, ma mie, mon tout, docteur mais bon ...  « Oui, comme tout le monde. Krisjana. » je lance, badine, en haussant les épaules avant de m'asseoir sur l'une des roches, avec une certaine précaution, je mets ma main de visière et je relève la tête dans sa direction. Si je prends racine ? Bah non, je veux juste être là pour vérifier s'il va sauter ! Je ne voudrais louper ce grand moment d'émotion intense sous aucun prétexte, je m'en voudrais trop, après.

Aux dernières nouvelles, Jorah allait très bien. Enfin, disons qu'il avait son petit grain de folie, et qu'il lui arrivait de se monter la tête sur des trucs assez invraisemblables, mais hormis tout ça, non, il n'avait pas franchement l'impression d'avoir besoin de l'intervention d'un docteur. Mais semble-t-il que ça faisait partie du plan de sa camarade, de lui faire croire qu'il avait à tout prix besoin d'aide. Mais dans ce cas, pas question de n'être qu'un vulgaire patient parmi tant d'autres, il tenait à être un petit privilégié. Oh il ne demandait pas la lune, juste à bénéficier d'un tout petit traitement de faveur, en l'échange de quoi il voudrait bien se faire diagnostiquer tous les maux du monde. Sauf qu'apparemment, il avait ici à faire à quelqu'un d'un peu trop déontologique, vu que la jolie brune parla d'écrire noir sur blanc dans son dossier qu'il avait ni plus ni moins tenter de la corrompre. « Si j'avais vraiment voulu te corrompre, je t'aurais subtilement glissé que je sais faire la meilleure ganache à la pistache que tu puisses goûter de ta vie … Mais tu vois, je ne t'en ai pas touché un seul mot ! » Et c'est tout à fait innocemment, d'ailleurs, qu'il lui avait lancé un regard équivoque. Non vraiment, c'était un type intègre. « Tu as du m'inventer je ne sais combien de troubles, alors forcément, ça remplit bien » insinua-t-il ensuite. Si elle était du genre à inciter ses patients à en finir, qui sait ce qu'elle n'écrivait pas sur leur compte pour empirer leur cas aux yeux des autres, hein. Et justement, elle aurait pu opter pour une passion qui n'impliquait pas de remplir les morgues. Sauf que non, apparemment les autres étaient trop inintéressantes à ses yeux. A sa remarque, il soupira doucement puis finit par lui demander quel prénom elle pouvait bien porter, dans l'hypothèse où elle en portait un. Non parce que lui, il se serait tout aussi bien vu lui trouver un surnom à la hauteur de sa personnalité. Mais non, apparemment, elle se prénommait Krisjana. « Moi c'est Jorah, mais tu le sais forcément, ça doit être marqué dans mon dossier » qu'il glissa à son tour, dans un sourire rieur, en l'observant s’asseoir sur une roche. Oh il avait bien une idée de ce qu'elle espérait voir d'ici, sauf qu'il n'avait pas plus prévu de sauter que l'instant d'avant. Ainsi, il s'approcha et prit place à coté d'elle, croisant son regard en la narguant d'un petit sourire effronté. « Au départ, tu es montée pour t'isoler, non ? Ça expliquerait que tu veuilles à tout prix te débarrasser de moi ... » Oui, autant chercher à connaître ses intentions initiales. Et puis, elle était intéressante dans son genre.

Donc comme je disais, tentative de corruption. « Tu sais cuisiner ? Un vice de plus ! » je m'exclame comme si c'était une mauvaise chose, ouai, ça l'est ! Il râle, plus ou moins. « Je n'invente pas, je me base sur de simples observations, très cher » je le contredis en poussant un léger soupir. Je me demande si je dois rajouter menteur, aussi, à mon dossier, je l'observe un instant. Il fait le malin avec son prénom. « Ne sois pas insolent » je dis, ouai, j'ai tout pouvoir sur lui, un mot, et hop, je l'interne. « Quelle origine ?» je demande. Jorah se pose à côté de moi, ce qu'il veut dire qu'il n'est toujours pas décidé, je pensais avoir été convaincante, pourtant. Je fais mine de ne pas voir sa joyeux bien trop apparente, il est sensé être une loque humaine que je dois ramasser à la petite cuillère, merde ! Il pense que je veux me débarrasser de lui, ce n'est pas faux. J'esquisse un sourire qui ne dit rien de bon mais je tairais mon grand projet sinon je ne pourrais pas traîner assez longtemps avec lui pour lui insuffler à petite dose des envies de suicide. Je fais dans la finesse, moi, voyez vu. Dans la dentelle ! « Je ne veux pas me débarrasser de toi, n'oublie pas que ton désespoir et ta fragilité mentale me font gagner du fric » je lui dis en levant mon index avant de l'agiter sous mes yeux. Etape un, rassurer le patient, montrer-lui qu'il compte pour vous pour le mettre dans un état de confort émotionnel, je crois que c'est bon. A ma façon, mais c'est fait !

Ce qu'il ne fallait pas entendre, quand même. Jorah, qui avait laissé entendre qu'il pourrait devenir le petit protégé de sa camarade, s'était aussitôt vu accuser de tentative de corruption. Et dire qu'il pensait pouvoir créer un lien privilégié avec celle qui essayait tout de même de le faire passer pour un type perturbé. Et bien non, semble-t-il qu'elle y avait simplement vu l'occasion d'insister encore plus lourdement sur les problèmes qui étaient soit-disant les siens. De l'avis de Jorah, il y aurait réellement eu tentative de corruption s'il lui avait proposé quelque chose en l'échange de ce petit privilège, d'où l'histoire de la ganache à la pistache, l'une des seules choses qu'il réussissait vraiment à préparer. Mais là encore, la brune n'y alla pas avec le dos de la cuiller. « Cuisiner c'est peut être beaucoup dire, mais je crois surtout que tu ne sais juste plus quoi ajouter à mon dossier, parce qu'à t'écouter tout présente la preuve que je suis dérangé » qu'il fit, choqué de voir qu'elle était décidément prête à utiliser n'importe quel détail contre lui. Elle prétendit ne rien inventer, et il mouva négativement la tête en signe de contestation. Ils se présentèrent ensuite l'un à l'autre, l'occasion pour Jorah de mettre un nom sur ces méthodes pas très déontologiques et pour Krisjana de n'avoir que confirmation de l'identité du jeune homme, en suivant la logique du dossier. « Le prénom est hébreu à ce qu'on m'a dit, mais l'homme est azerbaïdjanais » qu'il souffla, après un sourire, avant de mettre la main devant sa bouche. « Oula, voilà que je parle de moi à la troisième personne maintenant ... Vite, sors la camisole que t'as dans la poche. » Il lâcha un rire puis se reconcentra. « Et toi, tu es d'où ? » Parce qu'autant le savoir aussi, histoire d'apprendre à se connaitre concrètement. Finalement, et alors qu'il comprit qu'elle aurait aimé le voir se lancer pour un petit saut de l'ange, Jorah préféra s'asseoir près de sa camarade et insinua que la raison pour laquelle elle voulait se débarrasser de lui était en fait qu'elle était initialement venue s'isoler, et qu'il avait fait foirer ses plans. A la réponse de Krisjana, Jorah se mit à rire. « T'es pragmatique, comme fille » qu'il nota, avant de repenser à l'épisode de tout à l'heure. « Donc, si je te suis bien, finalement ça t'arrangerait pas tant que ça que je saute, hm ? Bah c'est con parce que tout compte fait j'en avais bien envie ... » Oh il était très possible qu'il change d'avis uniquement pour l'embêter.

Apparemment je chercherais des excuses pour remplir un peu plus son dossier. Et alors, c'est un crime ? Non, je ne pense pas. De toute façon, qui risquerait de m'attaquer en justice pour cela ? Je balaie son accusation presque infondée d'un vague geste de la main et je lève les yeux au ciel. Ne jamais écouter le patient lorsqu'il parle de vous, règle numéro quarante. C'était donc hébreu, finalement, je n'avais pas tord. Une camisole vite ! J'en étais sûre ! « Mets ta main dans la poche de ton jean opposé, et fais la même avec l'autre » je dis, la camisole de pauvre, on fait avec les moyens du bord, là, c'est improvisation. « De Norvège » je lui réponds.  Il se marre. J'ai réellement une tête à faire rire, sans déconner ? Parce que ça fait deux ou trois fois qu'il ose rire alors je commence réellement à me poser des questions maintenant ... « On me le dit souvent » je réponds avec une fausse modestie, sourire éblouissant tout aussi feint au bout des lèvres. On me reproche souvent de l'être un peu trop, d'ailleurs. Je suis casse-délire comme disent les autres. Il tente de m'analyser je claque ma langue contre mon palais lorsque j'entends qu'il voulait sauter ! Un air de ravissement vient s'installer sur les traits de mon minois, il ne faut donc pas rater une occasion comme celle-ci, cela n'arrive pas tous les jours, voyons ! « Parfait ! » je scande en bondissant de la roche avec grâce. « C'est un beau jour pour mourir » je laisse pour appuyer son choix, en tant que psychiatrie mon avis est très important. « Je vais t'accompagner jusqu'au bout, ne désespère pas » je siffle alors que mes deux mains glacées s'en vont entourer ses poignets l'obligeant ainsi à se lever, je recule de quelques pas vers le bord, tout en calculant la distance pour ne pas qu'elle ne soit fatale, je le fais avancer. Je crois qu'on a vraiment fait des progrès lui et moi sur cette séance, on est en bon chemin là.

Cette jeune faisait décidément une docteure très spéciale, vu la manière dont elle semblait remplir son dossier. Oh oui, Jorah n'était dupe de rien, sa camarade s'était mise en tête de lui trouver tous les troubles possibles, et ne reculerait assurément devant rien pour le faire passer pour un aliéné profond. D'où la référence à la camisole de force lorsqu'il parla de lui à la troisième personne. Il se doutait qu'elle ne manquerait pas de sauter sur l'occasion pour en remettre une couche. Sa réaction le fit alors sourire, parce qu'à défaut d'avoir évidemment une camisole dans la poche, la brune était pleine de ressources. « Pour que tu t'en serves ensuite pour dire que je fais des trucs complètement délirants ? Non merci ! » Parce que s'il mettait chacune de ses mains dans la poche qui ne lui était pas franchement destinée, il aurait comme qui dirait une drôle de dégaine et maintenant qu'il savait à peu près à quoi s'attendre avec elle, il préférait ne prendre aucun risque. Il apprit alors que Krisjana venait quant à elle de Norvège, un pays qu'il pouvait plus ou moins placer sur une carte, mais dont il ne savait quasiment rien. En tous les cas, oui, elle était pragmatique dans son genre. « Si tu réserves le même numéro à tous ceux que tu fais passer pour des déséquilibrés, ça ne m'étonne pas » qu'il souffla, en un petit soupire, avant de la provoquer gentiment en laissant entendre que, précisément au moment où elle disait ne pas vouloir se débarrasser de lui, il avait bien envie de sauter. Non pas qu'il cherche à la faire tourner en bourrique, mais il s'amusait indéniablement de la situation. Et comme il s'y attendit, sa camarade ne manqua pas de se montrer enthousiaste et accueillit la nouvelle comme une bénédiction. « Faudrait savoir ce que tu veux ! » qu'il lança, quand elle le força à se lever et qu'elle le conduisit jusqu'au bord. Heureusement, Jorah avait déjà prévu son coup et c'est bien pour ça qu'il se laissa faire. « Plus question de reculer maintenant ... » qu'il reprit, tout doucement, avant de se baisser légèrement et d'attraper sa camarade, qu'il garda dans les bras en tâchant d'éloigner son visage du moindre coude qui pourrait vouloir lui faire passer l'envie de la porter. « Eh, t'as bien dit que tu m'accompagnerais jusqu'au bout, alors c'est parti, allons-y ensemble ! Prête ? » Il pouffa légèrement puis fit un pas devant lui, bien évidemment prêt à reculer brusquement si Krisjana prévoyait de se jeter hors de son étreinte. Il s'en voudrait quand même un petit peu de la faire chuter, hein, en dépit de tout ce qu'elle lui avait fait subir.