Il ne veut rien faire, décidément très étrange, il me demande la camisole, lorsque je lui propose une solution, il refuse. Un peu lunatique non ? Juste un peu, ouais. Je fronce simplement les sourcils avant de braquer mon regard clair sur sa personne comme si j'observais un spécimen dont le fonctionnement m'échappait. J'aime pas ça. Il soulève un nouveau point, mon dieu, qu'il est contrariant, sans déconner. « Ce n'est pas "faire passer" ...» je laisse entendre en haussant les épaules, simple nuance car il est entrain de me faire passer, lui, pour une fille qui veut se débarrasser de tout le monde. Alors que pas du tout ! Il finit par -enfin- se décider, ce n'est pas trop tôt ! Je commençais presque à m'impatienter. « Mais je sais exactement ce que je veux » je lâche d'un voix très décidée avec un léger sourire mauvais. Je n'ai pas le temps de rajouter quoique ce soit que je me sens soulevée dans les airs. Je ne réagis pas tout de suite. Il fout quoi sérieusement ? S'il voulait un câlin, il fallait le demander, je les fais à 1000 euros, je me trouve raisonnable. Donc j'attends une petite explication me doutant qu'il ne risque pas de me balancer dans la flotte ou contre les roches sinon ça s'appelle un meurtre. Peut-être que je devrais lui rappeler cette définition ? Dans le doute quand même ... « Fourbe, en plus » je constate de ma voix glaciale parce que je n'aime pas me faire prendre par surprise. Mais pas destabilisée pour autant j'écoute son idée fumeuse, tant que y a de la vie, il y a de l'espoir apparemment. Il veut qu'on y aille à deux. « Tu as raison, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue sans toi » je lâche platement, immobile dans les bras, sourcil arqué, je n'arrive même pas à me convaincre moi-même. C'est bien triste. Non mais je ne vais pas l'accompagner jusqu'au bout de tunnel, pour voir la lumière blanche ! Au paradis et tout le bordel, d'ailleurs, je ne crois pas à cela.  « Fais pas trop le malin quand même là» je lui demande parce que je n'ai pas envie qu'il me lâche sans faire exprès ou qu'il glisse sur la roche et là, on est mal.

Ah non, Jorah n'improviserait pas une camisole de force, parce qu'il connaissait un peu trop bien sa camarade désormais pour savoir qu'elle pourrait tout à fait saisir l'occasion pour lui inventer d'autant plus de troubles. En tout cas, Krisjana avait décidément réponse à tout, c'était à croire qu'elle prévoyait à l'avance chacune de ses réparties pour pouvoir les sortir au meilleur moment. Parce que bien évidemment, au moment où Jorah laissa entendre qu'il n'était pas étonnant qu'on la trouve souvent pragmatique si elle se comportait avec ses autres "patients" de la même façon qu'avec lui, mademoiselle insinua naturellement qu'elle n'inventait rien, en soi qu'elle ne faisait encore une fois que les confronter à leurs véritables problèmes. Sa réponse eut le mérite d'amuser le jeune homme, qui laissa ensuite entendre qu'il pourrait tout compte fait vouloir sauter. Il ne changeait d'avis que pour l'embêter, vu qu'elle venait de dire que se débarrasser de lui n'arrangerait pas ses affaires. Mais bien sûr, il n'avait pas fallu davantage que cette annonce pour changer complètement la donne et pour que la jeune femme s'enthousiasme de ce revirement de situation. Il avait donc raison, quoi qu'elle en dise, il n'y aurait pas de meilleure issue aux yeux de la brune que la disparition de Jorah. Alors non, elle ne savait pas ce qu'elle voulait. Et puisqu'elle devait être certaine de parfaitement gérer la situation, Jorah décida de la prendre au dépourvu en la soulevant, créant un porté qui, si près du bord, pourrait laisser présager le pire. « Uniquement avec les gens pragmatiques » qu'il nuança lorsqu'elle le traita de 'fourbe', dans un sourire confiant. En réalité, il était plus instinctif qu'autre chose, et ne faisait jamais rien avec de mauvaises intentions. En tous les cas, l'idée était de se lancer à deux, vu qu'après tout c'était elle qui avait proposé de l'accompagner jusqu'au bout. « J'étais sûr que tu t'attacherais ... Et t'as bien raison, au diable la déontologie ! » qu'il reprit, dans un sourire plus accentué, évidemment pas dupe quant à la sincérité des propos de la brune. Ainsi il la tenait toujours dans ses bras, tâchant de ne pas faire le malin, comme elle disait si bien. « Je ne vois vraiment pas de quoi tu ... » Il commença sa phrase mais fit glisser son pied plus près du bord pour amorcer un déséquilibre qu'il contrôla. « ... parles ! » Oh allez, il avait juste eu envie d'être un tout petit peu chiant. Qu'elle se rassure, il ne lui arriverait rien. « T'es mauvaise langue quand même, tu vois bien que je contrôle la situation » qu'il reprit, sur un ton un peu plus provoquant, mais toujours avec le sourire. N'empêche qu'il se voyait bien rester comme ça encore un moment. Elle n'était pas chiante dans le genre prisonnière, c'est ça qui était bien.

Apparemment il n'est pas comme cela avec tout le monde, j'arque un sourcil. Aller, repose-moi, mon petit. Je n'aime pas que les situations soient inversées comme cela, je me sens en position de faiblesse là, cela ne va pas du tout ! Il faut que je trouve un moyen de m'échapper, mes prunelles bleutées balaient l'horizon, ainsi que les appuis que je pourrais avoir sur le sol. « Su-per, je suis heureuse de ce traitement de faveur » je balance avec ironie en levant les yeux au ciel, tiens, il fait beau. Bref, j'aimerais bien que mes pieds touchent le sol, je serais plus rassurée quand même. Parce que de savoir que je dépends d'un suicidaire, cela ne me fait pas plus plaisir que cela, hein. Soit disant je me suis attachée à sa personne, ouai, compte la dessus et bois de l'eau. « C'est juste de la compassion » je le corrige et non de l'attachement, parce que j'ai une telle grandeur d'âme ... Je le sens glisser, par réflexe, la totalité de mes muscles se contractent, et mes mains entourent la nuque du jeune candidat, pour refermer ma prise. Si je tombe, il tombe. C'est comme cela que ça marche. Après tout, j'ai bien dis jusqu'au bout. « Putain Jorah ! » je m'exclame de ma voix rauque, en me tendant, pas vraiment en confiance. Je vous jure que je ne suis pas à l'aise, je crois que mon coeur a loupé un ou deux battements, son rythme cardiaque est anarchique. Je n'ai pas peur, mais comme je l'ai dis, à force de faire son malin, il va se planter. « Ne déconne pas » je lui ordonne, d'un air autoritaire, en levant un index en l'air, devant ses yeux.  « Je te jure que s'il nous arrive, enfin m'arrive parce que toi ... voilà, quelque chose, je te ferais chier toutes les semaines qu'on passera ensemble » je le menace alors, très sérieuse, j'ai la dent dure, et je suis très rancunière mais je n'ai pas envie qu'il m’abîme, c'est aussi simple que cela.

Jorah n'estimait pas être quelqu'un de véritablement fourbe, mais comme tout le monde il savait tourner une situation à son avantage et prendre ses semblables au dépourvu. Ici, il avait simplement voulu montrer à sa camarade qu'elle ne maîtrisait peut être pas autant les choses qu'elle aimait le penser, et qu'en dépit de tous les troubles qu'elle avait cherché à lui inventer, il pouvait encore facilement soulever un petit brin de femme dans son genre, et bousculer les choses. S'amusant de la réaction de Krisjana, il ironisa à son tour sur les propos de la belle, qui précédemment avait laissé entendre que sans lui, la vie ne vaudrait plus d'être vécue. Elle disait alors qu'il ne s'agissait que de compassion, et le brun prit un air faussement convaincu, hochant tout doucement la tête et se pinçant les lèvres. « Oh, bien sûr, si c'est ce que tu te répètes, je veux bien faire comme si je te croyais » qu'il souffla, en un clin d’œil, toujours aussi provocateur, mais jamais avec l'once d'une intention malsaine. Tout ça n'était que taquinerie innocente, et elle n'avait rien à craindre puisqu'il ne profiterait pas de la situation pour se débarrasser elle. Elle avait de la chance, il n'était pas un patient rancunier. Mais il aimait jouir de la situation un maximum, d'où le fait qu'il profite de la mise en garde de sa camarade pour mimer un déséquilibre qui, s'il n'avait pas été contrôlé, aurait pu les placer dans une tragique situation. « Oui, vas-y, j'adore quand tu cries mon nom ! » qu'il s'exclama, après quelques rires, après que Krisjana ait été prise d'un semblant de panique. Il fallait vraiment qu'elle déstresse, il ne jouerait pas avec le feu s'il estimait qu'il y avait un vrai danger. Finalement, la brune se montra plus catégorique, et profana même quelques menaces. Choqué, Jorah écarquilla les yeux. Elle venait quand même de dire qu'elle se fichait bien de ce qui pouvait lui arriver, à lui. « T'as déjà vu une prisonnière obtenir de son bourreau sa libération en lui témoignant tant de dédain ? » la questionna-t-il, soutenant son regard avant d'esquisser un nouveau sourire. « Je veux t'entendre dire que je te manquerais s'il m'arrivait quelque chose. Mieux que ça, je veux que tu ais vraiment l'air de le penser. » C'était la condition qu'il posait. Elle n'aurait qu'à se montrer convaincante. Oui, allez, il voulait juste qu'elle se donne la peine de lui dire quelque chose de gentil, sans avoir l'air d’échafauder par derrière son assassinat. Ce devait être dans ses cordes.