HAYDEN.
D'un pas trainant, la tignasse encore légèrement emmêlée, je prends mon temps. J'ai très mal dormi, assez. Je ferme ma gueule et je laisse mon partenaire avec Morphée, je ne compte pas l'attendre, il faut que j'aille explorer de nouveaux horizons ! Je fais irruption dans la cuisine et je croise un candidat déjà debout. Je le salue d'un simple geste de la tête, je ne suis pas très causante, là, maintenant. Je prends appuie sur le plan de travail et je l'observe. Mes prunelles froides fixent le moindre de ses mouvements. Il tente de se préparer du café, franchement l'idée de le voir galérer est très plaisante mais l'envie de boire un peu de caféine l'est tout autant. Alors, je lui laisse le bénéficie du doute, quelques secondes de plus pour voir s'il va y arriver. Bon, ce n'est pas aujourd'hui qu'il va vaincre la machine à café. « Essaie de la brancher » je lui conseille comme cela, l'air de rien. Ouai, je parle bien de la machine à café, hein. Je m'approche de lui en alignant quelques pas dans sa direction, d'un vague geste de la main, je lui demande de dégager. Enfin, de se pousser simplement pour que je puisse atteindre la prise de la machine. Ce que je fais. Oui, il ne faut pas être bac plus dix pour savoir faire cela, c'est à la portée de tous. Je mets donc en route le café et je lui laisse la place. « Ça risque de marcher » je souffle alors d'un air passablement endormi. Je m'appuie sur la table-bar

Venant tout juste de se réveiller, Hayden avait encore la tête dans les choux. En tant qu’ouvrier, il se levait souvent de bonne heure pour être à l’heure sur les chantiers. C’était son habitude. Et là, il ne devait aller nulle part et il ne comprenait même pas un tel réveil naturel aussi tôt. Il sortit de son lit et enfila un tee-shirt, lui qui dormait sans haut, il n’était pas habitué mais il supposait que ce vieux pantalon en coton qui lui servait de pyjama et son tee-shirt était suffisant pour au moins aller préparer le café. Il se rendit dans la cuisine en dix minutes, oui autant de temps, le Nid était incroyablement grand et malgré les trois jours, il n’avait toujours pas repéré toutes les pièces. Bref, il essayait de faire du café mais il ne comprenait rien à cette machine. Ayant un fossile comme machine, toutes ces nouvelles technologies high-tech ne plaisait pas au maçon. Il soupira avant de lâcher la cafetière sur le plan de travail. Une fille débarque et lui conseille de la brancher. Oui bien sûr, il était assez con pour ne pas brancher une machine avant de faire du café. La demoiselle s’approcha et elle brancha la machine. Ok, il était très fatigué. Il grogna légèrement avant de relâcher un « Merci. Je suis un peu dans les vapes avant d’avoir mon café du matin. » comme prétexte. Il met la machine en route et dans un silence, le café se prépare. Il regarde la brunette, n’ayant pas retenu son nom. Il n’a retenu le nom de presque personne pour l’instant. « Et tu es... ? Je détesterai devoir t’appeler madame l'électricienne en chef. » Ajouta-t-il dans un petit sourire plaisantin.

Le spectacle était presque plaisant un moment mais mon grand coeur de pierre a finit par être atteint par ce que l'on appelle, la compassion. Autant vous dire que c'est très rare chez moi. Du coup, je ne sais pas ce qu'il me prend, mais je lui viens en aide, je crois que j'ai été touchée par la grâce divine ce matin pour être aussi serviables. M'enfin, je veux mon café, aussi. Je branche la machine alors qu'il me remercie, ce n'est rien, j'esquisse un léger geste de la main. « Idem » je laisse entendre, j'ai l'impression d'avoir une bulle de brume autour de la tête lorsque je me réveille, une bulle de mauvaise humeur, aussi, en général. Madame l’électricienne, c'est vrai que j'ai connu quand même plus sexy, pour le coup. Je l'avoue. « Appelle-moi: ma sauveuse, cela me convient tout à fait » je réponds simplement. « Communément appelée Krisjana, aussi » par les mortels. J'imagine qu'il va bien falloir que je me présente un jour ou l'autre, j'ai évité cela depuis mon arrivée ici, en espérant qu'ils se fassent passer le mot, je sais qu'ils sont très bavards ici. « Et toi ? » je demande, uniquement par politesse et non par intérêt. Je la mets la machine en route en posant deux tasses en dessous, qui se remplissent assez facilement. J'en pose une devant l'inconnu et je vais m'asseoir sur une chaise, j'ai encore la tête dans les nuages, seigneur. J'avale une gorgée du liquide, me brûle et peste. La routine quoi.

La machine était en route car une fille au prénom incompréhensible était venue à son secours. Sa dignité en avait pris un coup mais il finirait par l’oublier facilement. Ce n’était pas le genre de gars à rester bloqué parce qu’une fille l’avait humilié sur une machine à café. Après l’avoir soigneusement comment brancher un câble –il en était ravi- elle lui donna son nom. Krisjana. Il ne savait même pas comment ça s’écrivait. Il répétait plusieurs fois le nom dans sa tête avant de répondre. « Je crois que l’électricienne ça te va mieux. » Ajoute-t-il avec un petit sourire aux coins des lèvres. Ça lui avait pris deux jours pour se décoincer un peu. Ce n’était pas trop tôt. Il répondit à son tour « Hayden. » Un nom purement américain et que même les filles pouvaient porter. On l’avait beaucoup charié là-dessus lorsqu’il était à l’école mais il n’y prêtait plus attention maintenant. Le café était prêt. Elle lui donna une tasse qu’il s’efforça de boire avec tout le courage qu’il avait. C’était atrocement chaud, il avait oublié la sensation du café. « Donc "Krisjana", tu viens d’où ? » Demanda-t-il bêtement devant son café en tentant de prononcer son nom correctement.

Apparemment mon idée de surnom ne l'avait pas séduite, dommage, j'étais pas mal inspirée pourtant, je vais faire avec. « Mais ce n'est pas trop flatteur » je constate en faisant la moue, les lèvres rosées ne formant qu'une mince ligne sévère sur mon visage pendant une poignée de secondes. l’électricienne, et pourquoi pas la bonne, ou alors la cuisinière, bref, c'est la porte ouverte à tout, dans ce cas. « De Norvège » je réponds alors que je vois qu'il galère pour dire mon prénom. J'esquisse un léger sourire avant de revenir à mon café, je me brûle une nouvelle fois, je jure. Putain, je suis un vrai cas désespéré moi. Je prends ma tête entre mes deux mains et je souffle avec force sur la boisson chaude lorsque j'entends une nouvelle fois sa voix tinter dans l'espace. Je tente l'oreille, apparemment c'est mon prénom aux allures peu conventionnelles qui lui fait penser que je viens de ... n'importe où. « A Sandnessjøen, tu veux essayer de le répéter ? » je lui demande, amusée, non mais c'est vrai, tout ce qui vient de Norvège fait barbare à l'oreille des autres, mon léger accent aussi doit l'être. Juste pour voir si cela risque d'être réellement un massacre ou non !

Il esquissa un petit sourire. Il n’était pas le genre de gars à donner des surnoms affectifs, ce n’était pas son truc les sentiments, même s’il se considérait tout de même comme un grand romantique. Qu’on n’attende pas de lui à ce qu’il donne de jolis surnoms à tout le monde, même si c’était marrant pour les autres. Il ne se considérait pas normal. Krisjana venait de Norvège. C’était intéressant. L’américain n’était jamais allé en Europe et encore moins de la nord, c’est limite s’il connaissait la carte du continent. En voyant qu’il peinait à prononcer son nom, elle ajouta sa ville natale en ajoutant. Il fronça les sourcils, incompris par ce mot inconnu puis il tenta de répéter derrière elle. « Sandenessejo… Quoi ? » Finit-il par dire. Il n’arrivait absolument pas à répéter ce mot, c’était un vocabulaire beaucoup trop pointu pour le maçon. Il éclata de rire en prenant sa tasse de café. « Je n’arrive pas du tout à prononcer ce mot. » Ajouta-t-il en prenant un gorgée de sa boisson.