amy

Lorsque j’ai appris l’existence d’un Jack Rabbit Slim’s je doit avouer qu’un sourire m’est venu aux lèvres. Qui ne connait pas ce restaurant tiré d’un des chefs d’oeuvre de Quentin Tarantino. Je ne suis pas le mec qui s’y connait le plus en culture populaire, mais Pulp fiction, je connais très bien. Faut dire que j’étais encore au Québec dans ce temps là. J’allais au cinéma et regardait la télévision. Chose que je ne fais plus maintenant. Bref, je ne sais pas qui a pensé à ajouter cette place dans l’émission, mais je trouve ça particulièrement géniale. Enfin quelqu’un qui a un bon jugement. Je franchis la porte, examinant les lieux tranquillement, heureux de n’y retrouver personne. Pour une fois. Un peu de solitude ne me fera pas de mal. C’est ce que j’aime, être seul, ne pas être embêté aux deux secondes pour des conneries quelconque. Je passe derrière le bar, remarquant que ce n’est pas la variété de bouteilles qui manque ici. On en aurait pour des semaines et encore là, je ne suis pas certain qu’on réussirait à passer au travers. C’est encore mieux que j’aurais pu l’imaginer. Non mais c’est définitif, j’adore cet endroit. Et à cette pensé, Amy franchit la porte. C’est définitif, je n’aime plus cet endroit. Automatiquement, je soupire, alors que ma main se crispe autour de la bouteille de Jack que j’ai saisi à peine quelques secondes plus tôt. Je ne m’habituerai pas à la voir débarquer, comme ça, devant moi. Il n’y a rien de naturel quand au fait de me retrouver dans la même pièce qu’Amy. Même après toutes ces années. Surtout, après toutes ces années, j’aurais envie de dire. Pourtant elle est là, je suis là. Et aussi difficile c’est, l’un comme pour l’autre, on va devoir faire avec, comme je le lui ai dit. « Je t’offre un verre ? » Est la première chose qui sort de ma bouche. Comme si j’avais réellement envie de passer un moment en tête à tête avec elle. Vraiment, n’importe quoi sauf ça.

J’ai faim. Je n’ai pas encore soupé, et mon ventre réclame de la nourriture. Je n’étais pas d’humeur à manger en compagnie de tout le monde. Supporter autant de gens dans une même pièce. Non merci. Sans parler du risque que Ben en fasse partie. Alors j’ai passé mon tour. Mais là je me dis qu’il serait peut être temps que je contente mon estomac. Je décide de me rendre au jack rabbit, y aura moins de monde. Avec un peu de chance, même personne, et je pourrais me préparer un truc tranquillement. J’entre dans le resto, je ne remarque pas tout de suite la présence d’une personne. C’est seulement après quelques pas que je me stoppe net. Il y a un candidat derrière le comptoir. Et pas n’importe qui évidemment. Benjamin. Le seul et l’unique. Forcément, de la trentaine de candidats possibles, il faut que ça soit lui. Cela n’aurait pas été drôle sinon. Ma première pensée est de rebrousser chemin immédiatement. Faire demi tour, et repartir d’où je viens. Parce qu’il est certain que si on reste trop longtemps dans la même pièce, il n’en ressortira rien de bon. Vaut mieux éviter la confrontation. Pourtant voilà qu’il me propose à boire. « Pour m’empoisonner ? » C’est plus fort que moi. En même temps, quelle autre raison ? Vu qu’il ne supporte pas ma présence. Qui est une conséquence du fait que moi je ne le supporte pas. « Je ne bois plus. » Que je réponds finalement. La Amy qu’il connaissait d’avant n’aurait pas dit non à un verre, mais plus maintenant. Et la je me demande quoi faire. Partir ? J’ai déjà passé tous les derniers jours à faire demi tour lorsque je tombais sur lui, et lui pareil. Si ce n’est pas là, ça sera ailleurs. Et j’ai vraiment faim. Alors je me contente de faire le tour, pour passer aux cuisines. J’ouvre le réfrigérateur. Je veux en ressortir de la viande, mais au passage, je fais tomber ce qui ressemble à un pot de cornichon. Il vient se fracasser au sol. « Câlice de pot ! » Je jure entre mes dents. Je repose la viande pour ramasser mes bêtises. Sauf que je suis trop tendue je crois, et je me coupe. « Crisse de marde ! » Nouveau sacre. C’est la faute à Benjamin ça. Sa présence m’affecte, même quand il ne fait rien.

L’opération: évitons Amy le plus possible, n’avait pas fonctionné ce soir. Malheureusement. Je crois que je vais boire encore plus de Jack que prévu. Vous savez, histoire de me sonner bien comme il faut et ne pas avoir de cauchemar avec elle dedans. Parce que oui, voir la tête d’Amy dans mes rêves relève du cauchemar. Ok, je suis méchant. Mais elle le mérite. Dans ma tête, elle le mérite. Et voilà que je lui offre à boire, comme le vrai gentleman que je ne suis pas. Trop gentil, je sais. « Pour m’empoisonner ? » Merde, elle vient de découvrir mon plan machiavélique. « Mais non voyons. Je comptais juste cracher dedans. » Je dis, ajoutant un grand sourire à mes paroles, comme pour appuyer mon amabilité envers elle. « Je ne bois plus. » Plus ? Elle ne boit plus. Tiens, c’est nouveau ça. Enfin, ce n’est peut-être pas récent, vu que je ne connais plus grand choses d’elle, mais reste que la Amy d’avant n’aurait pas refusé un verre. J’ai même de nombreuses soirées qui me remontent en tête où on pouvait boire jusqu’aux petites heures du matin. Ces souvenirs sont à la fois heureux, mais extrêmement douloureux. « Tu ne bois plus ? » Je répète, ne m’attendant pas à une réponse de sa part. Elle ne va surement pas vouloir se confier à moi, je ne suis pas con. Elle passe derrière le comptoir pour avoir accès à la cuisine et je la regarde faire, alors que je prend un gorgée du verre que je viens de me servir. Fort. Tout ce qu’il me faut. Je suis étonné qu’elle reste en ma présence quand même. Et puis voilà qu’elle échappe un pot part terre. Sacre. Puis se coupe. Sacre encore. « Voyons, je viens de t’entendre plus sacrer en deux secondes qu’en 19 ans. » Elle va mettre sa sur ma faute j’imagine. Tout est de la faute de ce cher Ben après tout. Je prend un linge qui traîne et me penche pour venir faire pression sur sa plaie, dans un geste plutôt automatique. Non, je n’allais pas la laisser se vider de son sang. Je tiens sa main fermement, appuyant avec le linge, levant les yeux vers elle pour m’assurer qu’elle ne va pas nous faire un malaise. Je plonge mon regard dans ce bleu... Ce regard bleu qui me rappel... Un frisson me parcours. J’ai envie de partir en courant.

« Mais non voyons. Je comptais juste cracher dedans. » Rien ne m’énerve plus que les sourires hypocrites qu’il me balance à chaque fois. J’ai toujours cette envie de lui en coller une à chaque fois pour le faire disparaître de son visage. Je ne réponds rien, que répondre à ça ? Même si c’est moi qui ait commencé. Et lorsque je déclare ne plus boire, il s’étonne. Il le saurait s’il était resté dans ma vie. Mais hey, cela fait bien longtemps qu’il a cessé de prendre de mes nouvelles. « Depuis un an. » Et il fait ce qu’il veut de cette information. Je me surprends déjà de lui avoir donné une réponse. Je le contourne ensuite en l’ignorant, et dans l’idée de continuer mes activités, en faisant comme s’il n’était pas là. Sauf qu’entre le comme si, et le fait qu’il ne soit réellement pas là, il y a un monde. Si bien que j’en suis distraite, et je finis par me montrer maladroite et faire tomber un pot qui s’éclate en mille morceau. Je sacre. Une nouvelle fois lorsque je me coupe. L’univers est contre moi ce n’est pas possible. « Voyons, je viens de t’entendre plus sacrer en deux secondes qu’en 19 ans. » Il se croit drôle ? Parce qu’il ne sacre jamais lui peut être ? Encore une fois, s’il était là, il saurait que c’est monnaie courante chez moi maintenant. Il y a beaucoup de choses qui ont changées en dix ans. « A qui la faute ? » Ah toi du con. Tout est toujours de sa faute, de toute façon. Même de renverser un foutu pot par terre. Benjamin attrape un linge pour faire venir pression sur la plaie. Nos regards se croisent. Le temps de quelques secondes, je suis comme spectatrice de la scène. Comme si j’avais quitté mon corps, et que j’observais la scène depuis extérieure. Et puis finalement, je tilte, et retire vivement ma main. « Je n’ai pas besoin de ton aide. Je sais me débrouiller toute seule, je l’ai toujours fais. » Un reproche sous jaçant ? Du tout. J’attrape quand même le linge qu’il a toujours, pour me l’enrouler autour de la main. Je ne fais pas attention à la douleur, c’est limite comme si j’étais anesthésiée. Sans rien dire de plus, je contourne les dégâts que j’ai fais, et m’assois un peu plus loin, à même le sol froid. Ma tête contre le mobilier. Trop d'émotions se bousculent en moi à l'heure actuelle. Je ferme les yeux. Je veux juste qu'il disparaisse.

« Depuis un an. » Elle ne boit plus depuis un an. Je suis étonné qu’elle me donne l’information. J’aurais cru qu’elle m’aurait envoyé chier une nouvelle fois. Ce que je retiens c’est qu’elle ne boit plus depuis un an et que ce n’est surement pas un hasard. Est-ce qu’elle a eu des problèmes à se niveau ? J’imagine que oui, ça me semble maintenant évident. Et bien moi, pour le coup, j’ai juste envie de me boire un verre d’alcool. Mais voilà qu’elle casse un pot et se coupe comme une grande maladroite. Et je lui fais une remarque sur le fait qu’elle sacre beaucoup puisque l’ancienne Amy n’aurait pas autant dit de gros mots. « A qui la faute ? » Et qu’est-ce que je disais. Sérieux, je sens que ça va devenir chose courante ici. Tout ce qui se passera sera de ma faute. « Évidemment, tout est de ma faute. » Je murmure, alors que je viens faire pression sur sa plaie à l’aide d’un linge. Et je viens à plonger mon regard dans le siens, à cette proximité, chose que je n’aurais jamais du faire. Ça me frappe. Fort. Ça fait mal aussi. Et je sais qu’Amy comprendra ce qui me traverse en ce moment. Si moi je n’ai pas le courage de détourner le regard, c’est ma soeur qui décide de le faire. « Je n’ai pas besoin de ton aide. Je sais me débrouiller toute seule, je l’ai toujours fais. » Je reste penché, troublé, alors qu’elle s’éloigne de moi. Pendant un instant, je n’arrive pas à bouger. Puis je me relève, et la regarde, elle n’est pas dans un état bien mieux que moi. « Très bien. » Si elle est capable de se débrouiller seule, qu’elle le fasse. Je ne vais pas m’entêter à vouloir renouer un lien qui est brisé depuis bien trop longtemps maintenant. Je ne crois pas qu’on arrivera à réparer ce qui s’est brisé, il y a de cela dix ans. Je viens boire le contenu de mon verre de Jack, me servant un nouveau verre, n’attendant pas une seconde avant de le vider. J’en ai besoin. « Tu sais ce qui est le plus difficile dans toute cette histoire de retrouvailles... » Je suis sur qu’elle se doute de ce que je vais lui dire. Ou si elle ne le sait pas, c’est qu’elle ne veut simplement pas y faire face. « C’est de te regarder. » Tout simplement. Oui, la regarder, c’est ce qui me fait le plus mal. C’est comme si on s’amusait à m’arracher le coeur à tout coup. Et ça sera toujours comme ça. Ma gorge se serre. Je me retiens de toutes mes forces pour ne pas pleurer en ce moment même.

« Évidemment, tout est de ma faute. » Mais c’est qu’il est plus intelligent qu’il ne le laisse croire. « T’as tout compris. » C’est plus facile de tout lui mettre sur le dos, plutôt que d’avoir à endosser mes propres responsabilités. Même si dans le fond elles ne m’ont jamais quitté non plus. Puis il y a ce moment. Je sais ce qu’il pense. Et ça me brise le cœur. Quoi que pour ça, il faudrait qu’il soit entier. Or cela fait bien longtemps qu’il ne reste plus grand-chose. Je détourne le regard et part m’installer plus loin, au sol. Je veux seulement oublier. Oublier sa présence, oublier la souffrance, tout oublier.  Sciemment, j’appuie même sur ma plaie, comme si la douleur physique pouvait m’aider. C’est toujours préférable au reste. J’espère que Benjamin a quitté la pièce. Un instant, j’y ai cru, mais le bruit d’un verre qui se remplit de fait entendre. Y a ça aussi. En dix jours, je n’ai jamais eu autant envie de replonger qu’en toute une année. Peut être que je devrais. Après tout, a quoi bon ? Benjamin brise finalement le silence. « Tu sais ce qui est le plus difficile dans toute cette histoire de retrouvailles... » Je garde les yeux fermés. Je n’ai pas envie qu’il me le dise. Je ne le sais que trop bien. « C’est de te regarder. » Et voila. « Et moi je n’ai nul part où aller pour y échapper. » Parce que c’est en grande partie pour ça qu’il s’est barré, n’est ce pas ? Il ne peut pas supporter de me voir. Alors que moi je dois vivre avec. Tous les jours. Que ça soit au travers du regard des autres, ou d’un simple miroir. Chez moi, je les ai tous virés. Je n’en ai plus qu’un, le minimum vital pour rester présentable. Mais si je le pouvais, je le dégagerais aussi. J’ouvre finalement les yeux pour le regarder. « Mais qu’est ce que tu veux que j’y fasse hein ? Tu veux peut être me payer de la chirurgie esthétique, comme ça, cela serait plus facile pour toi ? » Le pire c'est que dans mes heures les plus sombres, j'y ai déjà réellement pensé. Avant de revenir à la réalité et virer cette idée complètement grotesque de mes pensées.

« T’as tout compris. » Je sais bien que j’ai tout compris. Si elle pouvait me mettre le blâme de la faim dans le monde du sur dos, je suis persuadée qu’elle le ferait. Elle me traite de lâche, mais je considère qu’à certains niveaux, elle n’est pas mieux que moi. Mais je n’ai pas nécessairement envie de partir un débat infini là-dessus. Puisque de toute façon, je vais perdre. Et je suis bien trop troublé par ce qui vient de se passer, préférant boire un, même deux vers de Jack Daniels. Question de me calmer. Ce qui ne fonctionne pas, évidemment. Et dans un sens, je sais que je ne devrais pas me confier auprès d’Amy, qui ne semble pas plus en forme que moi maintenant. Je sais qu’elle ne veut pas entendre ce que j’ai à dire, mais c’est plus fort que moi. Je dois lui faire comprendre à quel point c’est dur pour moi. De l’avoir en face de moi. De la regarder comme ça, tous les jours. Oui, c’est le plus difficile. « Et moi je n’ai nul part où aller pour y échapper. » Ma gorge se serre. Je sais bien que de ce point de vu, elle ne peut pas fuir. Que c’est son visage, que c’est comme ça. Je baisse le regard, soupirant, me sentant sur le bord d’un gouffre. Gouffre où j’aurais simplement envie de m’enfoncer et ne plus jamais faire face à la réalité. Ce sentiment, ce n’est pas la première fois que je le ressens, mais il s’était estompé depuis les années. « Mais qu’est ce que tu veux que j’y fasse hein ? Tu veux peut être me payer de la chirurgie esthétique, comme ça, cela serait plus facile pour toi ? » C’est la chose la plus idiote que je n’ai jamais entendu de toute ma vie. Elle ne peut pas être sérieuse là. Non mais c’est ridicule. Je bois à nouveau le contenu de mon verre, soupirant pour une deuxième fois. « Non, voyons... Non. » Je suis presque découragé qu’elle pense à une telle chose. Je fixe la bouteille d’alcool que j’ai entre les mains, préférant me concentrer sur celle-ci que de regarder ma soeur. « T’es parfaite comme t’es. Je crois que je t’en voudrais encore plus de vouloir changer. » Elle a déjà assez changé, niveau personnalité. Qu’elle ne change pas son visage. Surtout pas son visage.

Le plus difficile pour lui, c’est de me regarder. Je ne le sais que trop bien. Pourquoi fallait il que… ? Il a de la chance. Il lui a suffit de prendre un avion, et voilà, problème réglé.  Alors que moi… C’est tellement injuste. Et injuste qu’il ressente ça. Ma vision lui est insupportable. Mais qu’est ce que je peux y faire ? Rien. Se rend il seulement compte de ce que moi je peux ressentir ? Je parle de chirurgie esthétique. Comme si ça règlerait le problème. Perdre mon identité. Devenir une étrangère pour moi-même. Pourtant je l’ai vraiment envisagé à une époque. Bon j’étais sous l’emprise de narcotiques, mais tout de même. « Non, voyons... Non. Encore heureux. Manquerait plus qu’il me balance que ouais, ça serait la solution. Je l’aurais dégommé. « T’es parfaite comme t’es. Je crois que je t’en voudrais encore plus de vouloir changer. » Parfaite moi ? Il a clairement trop bu. Quant au fait qu’il m’en voudrait encore plus… Je trouve ça un peu ironique. La personne qui doit en vouloir à l’autre, c’est moi. Certainement pas lui.   « Ce qui nous laisse dans une impasse. » C’est trop dur pour lui de me regarder, et comme je ne vais pas changer de tronche de si tôt, et bien, quelle est la solution ? Qu’il continue à m’éviter. Et reprenne la fuite une fois le jeu fini. « Parce que soyons honnête, tu n’arriveras jamais à dépasser ça, pas vrai ? » Que je demande en le regardant. Lui qui est prit en admiration de sa bouteille d’alcool, la contemplant avec insistance. Je ne sais même pas pourquoi je viens de poser cette question. Parce que ça laisserait sous entendre des choses. Or je suis censée le détester, le haïr, le maudire jusqu’à la nuit des temps. Donc que ça doit dur pour monsieur de voir ma tronche, devrait être le cadet de mes soucis. Pourtant je le fixe là, attendant une quelconque réponse de sa part. Peut être préférerait il se noyer dans la bouteille, mais non.

C’est vraiment fuck up comme situation. Pourquoi est-ce qu’on en arrive à se parler de ça. Du fait que je ne supporte pas de poser mes yeux sur elle. De à quel point ça me fait souffrir de voir ses yeux bleus me regarder de la sorte. C’est insupportable. Sauf que lorsqu’elle parle de chirurgie esthétique, je n’arrive pas à croire ce qu’elle dit. C’est ridicule. Puisque je viens à lui dire qu’elle est parfaite comme elle est. Vous savez, le genre de phrase qui sort de sa bouche et une seconde après que l’on regrette. Pourtant, c’est la vérité, je le pense vraiment. Enfin, dans un sens. Mais je le pense. « Ce qui nous laisse dans une impasse. » Le visage neutre, je fais tout pour bloquer les émotions qui bouillonnent en moi, alors que je sens les effets de l’alcool ingérée beaucoup trop rapidement. Pourquoi est-ce qu’elle parle d’impasse ? Je ne sais pas où elle veut en venir. « Parce que soyons honnête, tu n’arriveras jamais à dépasser ça, pas vrai ? » C’est une question ? Non parce que j’ai bien entendu l’interrogation dans sa voix, pourtant, cela sonne comme une simple affirmation pour moi. Et en quoi ça changerait quelque chose. Elle me détestera toute sa vie. Je finis par détacher le regard de la bouteille de whisky pour enfin la regarder. Là, par terre, impuissante. Je reste silencieux un moment. Les secondes s’écroulent, peut-être même les minutes. Puis je soupire. « Je sais pas... » Je lui répond finalement, dans un souffle. Je suis honnête. Je ne sais pas. « Je... De toute façon, même si je te disais que oui, peut-être que j’arriverais à passer par dessus, ça ne changerait absolument rien. » Je ne prend même pas la peine de me verser un nouveau verre, buvant à même la bouteille, décidant qu’il est temps que je sorte d’ici, ayant l’impression d’étouffer. « On ne peut pas revenir en arrière. » Je la fixe une dernière fois, un regard remplie de tristesse, de colère, de révolte. Puis je m’enligne vers la sortie, ne prenant pas la peine de me retourner. Je veux juste m’éloigner d’elle. C’est assez pour ce soir.