+ Dior

Je crois que je n'arrive pas à saisir l'utilité des miroirs présents dans le couloir menant jusqu'à nos chambres. Je n'aime pas du tout voir mon image déformée de la sorte. J'ai un si bel être au naturel. Pourquoi donc nous imposer de telles visions d'horreur ? C'est vraiment d'une inutilité profonde. Mais bon, si ça en amuse certains, c'est déjà ça. Si ça ne tenait qu'à moi j'aurais tout fait enlever et j'aurais accroché quelque portraits de moi aux murs. Non, je ne suis pas aussi narcissique que ça tout de même. J'aurais sans doute simplement enlevé les miroirs et j'aurais fait mettre des baies vitrées pour faire rentrer la lumière ou une connerie de décoration à la mode dans ce genre. Mais je ne sais même pas pourquoi je pense à ça puisque je ne suis pas en charge de l'aménagement des lieux. Je me contente donc de marcher jusqu'à ma chambre, ne prêtant qu'un coup d'oeil rapide à mon reflet déformé. Je m'aperçois plus petit de trente-centimètre. On dirait que je suis redevenu gosse. Je suis encore un peu un gamin dans ma tête, mais physiquement plus du tout, donc ça me perturbe un peu, jusqu'à ce que j'aperçoive la copine de Jasmine. Chanel ? Armani ? Non ! Dior ! Mais oui, c'est vrai, comme le chien de ma voisine. J'ai un sourire mauvais aux lèvres. « C'est stupéfiant la façon dont ces miroirs renvoient ta superbe image. » Que je lui lance sur un ton ironique à souhait. Autrement dit : regarde, dans celui-là t'as l'air d'avoir pris cinquante kilos sur tes jolies fesses refaites. Quoi que, elles sont peut-être vrais, je saurais pas dire en y jetant qu'un petit coup d'oeil, il faudra que je m'y attarde plus tard, si je le fais maintenant je risque de me prendre une baffe et ma joue n'a pas besoin de ça, elle est vraiment très bien comme elle est, comme tout le reste de mon corps, d'ailleurs.

J'étais nostalgique, le samedi était le jour de la semaine où je pouvais me lâcher, où je faisais chauffer ma carte de crédit, enfin, la carte de crédit de mon mari, plutôt, où je finissais en boite de nuit, le soir, bref, une vraie vie de princesse. En ce moment, je me contentais plutôt d'une vie de princesse à Fake Lover, c'était l'ennui, pire que si je me retrouvais en Afrique. Je voulais rejoindre ma chambre afin de faire de passer un petit coucou à mon lit, mais un obstacle se mit entre nous. Il se trouvait dans le couloir et c'était le conchito de Jasmine. C'était quoi son prénom, déjà ? J'avais vraiment du mal avec lui. « C'est stupéfiant la façon dont ces miroirs renvoient ta superbe image. » Je ne faisais que passer, de plus, je ne souhaitais en aucun cas passer un moment en sa compagnie. « Ta gueule, conchito. » Ce surnom lui allait très bien, pensais-je. Désolé, je ne connaissais rien sur le jeune homme, je ne savais pas qu'il était un fils à papa, je l'aurais sûrement traité autrement. Pour moi, il était le pauvre petit espagnol sortit d'un bidonville qui venait tenter sa chance à Fake Lover dans le but de remporter de l'argent et uniquement ça. Attendez, il y avait des bidonvilles en Espagne ? Qu'est-ce que ça pouvait me faire. Je changeais d'avis, j'allais discuter avec le jeune homme un petit moment, seulement dans le but de soutirer quelques informations concernant sa relation avec Jasmine. J'aimais bien les histoires de coeurs, je savais que ça se terminait toujours mal. « Hm, avoue que t'aurais aimé que je me casse afin de former un binôme avec, hm, comment est-ce que tu la surnommes, la princesa ? » tentais-je de dire en ayant l'accent espagnol, enfin le surnom, pas la phrase entière. Ouais, j'avais su cela en les espionnant lorsqu'ils se retrouvaient sur la terrasse.

Je ne vais pas le cacher, je n'apprécie pas l'image que renvoie Dior. A la rigueur, ça pourrait aller si elle n'ouvrait pas la bouche que pour lancer des répliques cinglantes à tout le monde ou si elle ne savait pas parler du tout, mais en l'occurrence, elle semble bien savoir s'exprimer. Enfin, c'est surtout une façon de parler, parce qu'en réalité elle s'adresse à tout le monde comme c'était un être supérieur, ce qu'elle n'est en définitive pas plus que moi. Elle me demande gentiment de me taire, concluant sa demande par un petit surnom qui ne me plait pas des masses. « Pour qui tu m'as pris, exactement ? Je ne fais pas partie de la basse populace. Je suis sans doute même plus riche que toi. » Bon, peut-être pas plus, mais surement autant donc je ne vois pas pourquoi elle me surnomme conchito. Je ne participe généralement pas aux taches ménagères, je laisse ça à ma bonne, elle s'en charge bien mieux que moi et puis c'est son métier. Je pensais qu'elle me fausserait compagnie, ne souhaitant visiblement pas plus me parler que cela, mais finalement elle commença à me parler de Jasmine, la princesa comme j'avais décidé de l'appeler. « Je ne vais pas le nier. » Que je me contentais de lui dire d'un air totalement honnête, haussant légèrement les épaules. C'était la stricte vérité, j'aurais préféré que Dior s'en aille afin de me retrouver avec Jasmine pour partenaire au lieu de la nouvelle venue avec qui j'étais actuellement. « Comment tu sais que je l'appelle comme ça ? Tu n'as rien de mieux à faire que de nous espionner ? » Bah oui, je vois mal comment elle aurait pu le savoir autrement, mais bon, en soit ce n'est pas bien grave, on est un peu surveillé par des milliers de paires d'yeux vingt-quatre heures par jours, donc une de plus, une de moins, honnêtement, ça ne change pas grand chose.